C. LA PROHIBITION PRÉVUE PAR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Les auteurs de la proposition de loi organique entendent répondre au procès engagé depuis longtemps à la démocratie parlementaire, « défiance alimentée par une certaine démagogie » selon eux.

Il est vrai que les critiques envers les élus sont constantes, entretenues par des épisodes aussi malheureux qu'inévitables qui, au-delà de fautes personnelles, atteignent tout le corps politique. Si les turpitudes d'un boulanger aigrefin n'altèrent pas la bonne image que le public a de cette profession, il n'en va pas de même s'agissant des élus. L'actualité récente en a encore apporté la démonstration.

Mais, si comme le souligne notre collègue Jacques Mézard, « les parlementaires ne méritent pas cette caricature (...) ce constat ne signifie néanmoins pas que notre démocratie ne doit pas être rénovée. La modernisation des institutions est une nécessitée sans cesse renouvelée, qui implique notamment de renforcer l'exemplarité de l'exercice des mandats ».

Selon lui, cependant, la solution, aujourd'hui présentée comme le seul remède -le non-cumul des mandats -, ne saurait répondre à cet enjeu. Tout au contraire, selon la forme qu'elle prendra elle risque « de renforcer la professionnalisation de la politique et ne réserver les mandats nationaux qu'aux membres des appareils des partis dominants » 14 ( * ) .

C'est pourquoi la proposition de loi par l'interdiction, pour les parlementaires, de cumuler les indemnités qu'ils perçoivent pour l'exercice des différentes mandats et fonctions qu'ils assument au titre de leurs responsabilités locales, entend clarifier un débat plus complexe qu'il n'y paraît.

A cette fin, son article unique supprime la possibilité ouverte par l'ordonnance du 13 décembre 1958, de percevoir ces rémunérations dans la limite de la moitié du montant de l'indemnité parlementaire.

Désormais, quels que soient leurs autres mandats et fonctions, les députés et les sénateurs ne percevraient que leur seule indemnité parlementaire à l'exclusion de toute autre rémunération attachée à ces activités d'élu local.

D. UN PRINCIPE ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION SUR UN PÉRIMÈTRE ÉLARGI

Votre rapporteur approuve la démarche empruntée par la proposition de loi qui s'appuie sur deux piliers indispensables à un fonctionnement harmonieux de la démocratie parlementaire. A son initiative, votre commission des lois a adopté la proposition qui lui était soumise en la prolongeant et en précisant la date de son entrée en vigueur.

1. Le non-cumul d'indemnités pour conforter la nécessaire transparence de la vie publique

Pour ouvrir l'hémicycle de l'Assemblée nationale et du Sénat à tout éligible sans discrimination de revenus, les parlementaires doivent bénéficier des garanties leur permettant d'assumer financièrement leur mandat et l'exercer dans des conditions équivalentes pour tous les élus, quelles que soient par ailleurs leurs ressources personnelles.

Convenons qu'aujourd'hui, le statut matériel des parlementaires répond à ces exigences.

En revanche, votre rapporteur estime nécessaire, à titre personnel, de maintenir un lien entre le législateur et les acteurs de la démocratie locale afin de préserver la diversité de la représentation nationale indispensable au débat parlementaire, à l'écoute de la société, et donc à l'écriture de la loi.

L'interdiction de tout cumul du mandat parlementaire avec une autre fonction élective, en isolant ses titulaires du « pays réel » renforcerait la tendance actuelle à l'élection de « professionnels du Parlement » dont la réélection dépend plus de l'investiture de leur parti que de leur bilan. Si, comme dit la constitution « les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage » (Article 4 alinéa 1), ils ne sauraient le remplacer.

Votre rapporteur a souhaité recueillir les observations des différents groupes politiques du Sénat sur le principe porté par la proposition de loi organique. Dans l'ensemble, elles ont été formulées lors de son examen par votre commission des lois ( cf infra annexe). Pour sa part, s'il est favorable au plafonnement indemnitaire, notre collègue Philippe Adnot, délégué de la Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, se déclare défavorable en l'état à la proposition car, selon lui, « son dispositif revient à nier l'investissement personnel et la responsabilité pécuniaire du Président d'exécutif ».

Ceci posé, Cette proposition de loi n'est pas une mortification s'ajoutant à toutes celles inventées pour conjurer les maux qui affligent le pays mais une opération de clarification permettant de bien poser le seul problème qui importe : comment rendre visible pour nos concitoyen ce qu'est vraiment le Parlement.

C'est pourquoi votre commission des lois a retenu la prohibition, prônée par la proposition de loi, de tout cumul d'indemnités entre le mandat parlementaire et un mandat ou une fonction locale.

2. La nécessité d'actualiser le périmètre

Votre commission s'est interrogée sur la pertinence du périmètre défini, en 1992, pour déterminer les rémunérations englobées aujourd'hui dans le plafonnement et demain, comme le prévoit la proposition de loi organique, le non-cumul.

La rédaction alors retenue semblait suffisamment générale pour viser toutes les hypothèses de cumul. Cependant, le législateur a institué dans le même temps d'autres outils pour permettre aux collectivités de mettre en oeuvre leurs compétences dans les meilleures conditions.

Tel est l'objectif assigné aux sociétés publiques locales (SPL) créées par la loi du 28 mai 2010.

Ces entités -et leur déclinaison adaptée aux opérations d'aménagement, les sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA)- sont constituées sous la forme de sociétés anonymes régies par le code de commerce, sous la réserve des dispositions spécifiques aux sociétés d'économie mixte locales. Regroupant des collectivités territoriales et leurs groupements qui détiennent la totalité du capital social, les sociétés publiques locales leur permettent d'intervenir dans le domaine concurrentiel, dans le respect des règles qui le régissent, pour mettre en oeuvre leurs compétences.

Ce nouvel outil de gestion locale a rencontré rapidement un grand succès : en 2012, 47 SPL et 38 SPLA avaient déjà été créées.

Aujourd'hui, cependant, elles ne sont pas incluses dans le régime de l'écrêtement. Ce sont des sociétés anonymes et dans cette catégorie, seules y figurent les sociétés d'économie mixte locales.

En conséquence, votre commission, suivant son rapporteur, a adopté un amendement pour compléter en ce sens l'article unique de la proposition de loi organique par l'adoption d'un article additionnel avant l'article unique.

3. Une entrée en vigueur adaptée

Puis, par un second amendement présenté par son rapporteur, la commission des lois a créé un deuxième article additionnel après cet article unique pour fixer l'entrée en vigueur de la proposition de loi organique au prochain renouvellement de l'Assemblée nationale et du Sénat, respectivement prévus en 2017 et en 2014.

Il convient de préciser qu'elle s'appliquerait dans les collectivités situées outre-mer régies par le principe de spécialité législative (Polynésie française, îles Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie) sans nécessiter de mention expresse à cette fin. Dans la mesure où les dispositions que la proposition de loi organique contient, relatives au statut des membres du Parlement, ont trait aux pouvoirs publics constitutionnels de la République, elles s'appliquent de plein droit, étant « en raison de leur objet, [...] nécessairement destinés à régir l'ensemble du territoire de la République » 15 ( * ) .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.


* 14 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n° 381 (2012-2013) précité.

* 15 Cf. décisions du Conseil constitutionnel du 12 février 2004, n° 2004-490 DC, et du 15 février 2007, n° 2007-547 DC.

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