Section 2 De nouveaux droits collectifs en faveur de la participation des salariés

Article 4 (art. L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 à L. 2323-7-3 [nouveaux], L. 2325-35, L. 2325-42-1 [nouveau], L. 2323-26-1 à L. 2323-26-3 [nouveaux], L. 2313-7-1 [nouveau] et L. 4616-1 à L. 4616-5 [nouveaux] du code du travail) Information et consultation des institutions représentatives du personnel

Objet : Cet article réforme sur plusieurs points les modalités d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel (IRP) : fixation de délais pour la consultation du comité d'entreprise, création d'une consultation de celui-ci sur les orientations stratégiques de l'entreprise, création d'une base de données économiques et sociales de l'entreprise, fixation d'un délai pour la remise des expertises diligentées par le comité d'entreprise, instauration d'une consultation sur l'usage fait des sommes versées à l'entreprise au titre du crédit impôt compétitivité emploi et possibilité de mettre en place une instance provisoire de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) d'une entreprise.

I - Le dispositif proposé

Cet article assure la transposition de l'article 12 de l'Ani du 11 janvier 2013 et vise à assurer que les institutions représentatives du personnel (IRP), en particulier le comité d'entreprise (CE), disposent des moyens nécessaires pour accomplir leurs missions tout en donnant à l'employeur une plus grande prévisibilité sur leurs travaux afin de garantir le bon fonctionnement de l'entreprise.

Il élargit également le champ des consultations de celui-ci à deux domaines qui relevaient jusqu'à présent uniquement de la direction de l'entreprise : la définition des orientations stratégiques de l'entreprise ainsi que l'utilisation du crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Enfin, il vise à simplifier le recours à l'expertise en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail en ouvrant la possibilité de mettre en place une instance de coordination des CHSCT lorsqu'une entreprise a un projet modifiant l'organisation du travail ou les méthodes de production dans plusieurs de ses établissements.

1) L'encadrement des délais de consultation du comité d'entreprise et le renforcement des voies de recours en cas de carence de l'employeur

En application de l'article L. 2322-1 du code du travail, les entreprises employant au moins cinquante salariés doivent constituer un comité d'entreprise. Il a pour objet d'assurer « une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production » (article L. 2323-1 du même code). Il est informé et consulté sur la marche de l'entreprise, émettant des avis et des voeux sur la base des projets de l'employeur.

Dans ce cadre, le paragraphe I de cet article complète l'article L. 2323-3 du code du travail dans le but de fixer des délais précis dont disposerait le CE pour répondre à une demande de consultation formulée par l'employeur. Rappelant que ce délai d'examen doit être « suffisant », le projet de loi favorise la négociation au sein de l'entreprise pour y parvenir en prévoyant que c'est par accord entre l'employeur et la majorité des membres élus titulaires au CE que ces délais peuvent être déterminés. Ils pourront donc varier entre les entreprises, sans toutefois être inférieurs à quinze jours. A défaut d'accord, le texte renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir ces délais, qui ne seront pas les mêmes selon le motif de la consultation.

Cette négociation devra toutefois respecter plusieurs principes : les délais retenus devront permettre au CE d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions soumises. Ce seront des délais préfix, c'est-à-dire qu'ils ne pourront être ni interrompus, ni suspendus par l'une des parties. A l'expiration de ceux-ci, le CE sera réputé avoir été consulté.

Le paragraphe II procède ensuite à des modifications à l'article L. 2323-4 afin de tenir compte des ajouts du paragraphe précédent mais également pour prévoir une voie de recours pour les membres élus du CE s'ils estiment ne pas disposer des informations nécessaires pour rendre leur avis dans le délai imparti. Le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, pourra ordonner à l'employeur de communiquer les éléments manquants. Le juge devra se prononcer sous huit jours.

Cette saisine n'interrompra pas, en elle-même, le délai de consultation du CE. Néanmoins, le juge pourra décider de le prolonger, au vu des circonstances de l'espèce, et notamment des difficultés rencontrées pour accéder aux informations.

2) La consultation du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise

Cet article crée ensuite une nouvelle consultation du comité d'entreprise, qui portera sur les orientations stratégiques de l'entreprise. Le paragraphe III l'insère à l'article L. 2323-7-1 nouveau du code du travail, en tête de la liste des consultations du CE, parmi celles sur la marche générales de l'entreprise et avant celle sur l'examen annuel des comptes.

Sur la base de ces orientations stratégiques, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, le CE émettra un avis et se prononcera sur leurs conséquences en matière d'activité et d'emploi (évolution des métiers, recours à la sous-traitance, à l'intérim, aux contrats temporaires). Il pourra proposer des orientations alternatives. Cet avis sera transmis au conseil d'administration ou de surveillance, qui décidera de la suite à y donner en délibérant définitivement sur les orientations stratégiques.

Dans le cadre de cette procédure, le CE pourra se faire assister d'un expert-comptable. Il financera 20 % du coût de cette expertise, sur son budget de fonctionnement, sauf accord avec l'employeur sur une autre répartition.

3) La création d'une base de données économiques et sociales pour améliorer l'information des IRP

Cette nouvelle consultation du CE s'accompagne de la création d'une base de données économiques et sociales contenant toutes les informations nécessaires à la bonne exécution de sa mission.

Mise à jour régulièrement et accessible en permanence aux membres du CE et du comité central d'entreprise ainsi qu'aux délégués syndicaux, elle porte sur huit thèmes qui recouvrent les principaux aspects de la vie économique et sociale d'une entreprise. Ses données concernent l'année en cours, les deux années précédentes ainsi que des perspectives pour les trois années à venir.

Les thèmes des informations
contenues dans la base de données économiques et sociales

- Investissements : investissement social (emploi, formation professionnelle, conditions de travail), investissement matériel et immatériel ;

- Fonds propres et endettement ;

- Rétributions des salariés et dirigeants ;

- Activités sociales et culturelles ;

- Rémunération des financeurs ;

- Flux financiers à destination de l'entreprise, notamment aides publiques et impôts ;

- Sous-traitance ;

- Le cas échéant, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

La définition plus précise du contenu de ces thèmes est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, tout en précisant qu'il peut varier selon que l'entreprise a plus ou moins de trois cents salariés. Un accord de branche ou d'entreprise peut également l'adapter en fonction de l'organisation et du domaine d'activité de l'entreprise.

L'article L. 2323-7-2 nouveau du code du travail rappelle également l'obligation de discrétion à laquelle sont soumis les représentants du personnel à l'égard des informations présentes dans la base de données, dès lors que l'employeur présente leur caractère confidentiel.

Enfin, l'article L. 2323-7-3 nouveau prévoit que la base de données deviendra le moyen de communication des rapports et informations transmis de manière récurrente au CE, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le paragraphe IV fixe la date d'entrée en vigueur de ces dispositions : les entreprises d'au moins trois cents salariés disposeront d'un an à compter de la publication de la loi pour se doter d'une base de données, tandis que celles en dessous de ce seuil disposeront d'un an supplémentaire. C'est à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le 31 décembre 2016, que les rapports et informations récurrentes devront être transmises au CE à travers la base de données.

4) L'encadrement du délai de travail des experts sollicités par le comité d'entreprise

Le paragraphe V complète tout d'abord, en son , l'article L. 2325-35 du code du travail concernant les cas de recours à un expert-comptable rémunéré par l'employeur pour tenir compte de la nouvelle consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

Il ajoute ensuite, en son , un article L. 2325-42-1 nouveau relatif au délai de l'expertise. Celui-ci prévoit que les experts-comptables ou experts techniques, ces derniers pouvant intervenir dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, devront remettre leur rapport dans un délai fixé par accord entre l'employeur et la majorité des membres élus du CE. En l'absence d'accord, ils seront soumis à un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Il s'agira également d'un délai préfix, puisqu'il ne pourra être prorogé que d'un commun accord entre les parties.

Un décret en Conseil d'Etat déterminera également le délai auquel est soumis l'expert, durant la période de réalisation de son rapport, pour demander des informations à l'employeur et le temps dont celui-ci disposera pour lui répondre.

Le paragraphe VI concerne l'information du comité de groupe, lorsqu'il existe, sur la consultation des CE des entreprises qui composent le groupe sur les orientations stratégiques de chacune d'elles. L'article L. 2332-1 est donc modifié pour prévoir la transmission au comité de groupe des avis rendus par chaque CE sur ce sujet.

5) La consultation des IRP sur l'utilisation du crédit impôt compétitivité emploi

L'article 66 de la loi 21 ( * ) du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a créé pour les entreprises un crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE). Celui a pour objet, selon l'article 244 quater C du code général des impôts, « le financement et l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ». Son taux est fixé, à partir de 2014, à 6 % de la masse salariale, avec un plafond des rémunérations prises en compte fixé à 2,5 Smic.

Le paragraphe VII de l'article 4 du projet de loi vise à associer le CE ou, à défaut, les délégués du personnel, à l'utilisation faite de ce crédit d'impôt en instaurant leur consultation annuelle sur le sujet. L'article L. 2323-26-1 nouveau du code du travail en pose le principe et prévoit que cette information devra figurer dans la base de données économiques et sociales. Cette consultation annuelle, qui devra avoir lieu avant le 1 er juillet, pourra être intégrée à celle concernant les orientations stratégiques de l'entreprise.

Les articles L. 2323-26-2 et L. 2323-26-3 nouveaux traitent des moyens à la disposition du CE ou des délégués du personnel s'ils constatent que le produit du crédit d'impôt n'a pas été utilisé conformément aux dispositions du code général des impôts. Après en avoir informé l'employeur et en avoir débattu à sa prochaine réunion, le CE peut établir un rapport s'il n'a pas obtenu de réponse satisfaisante ou si les faits sont avérés. Ce rapport est adressé à l'employeur et au comité de suivi régional du CICE, créé par le IV de l'article 66 de la loi du 29 décembre 2012. Celui-ci réalise chaque année une synthèse des rapports reçus, qu'il doit adresser au comité national de suivi.

Enfin, le CE peut transmettre ses conclusions à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise ou bien, lorsqu'il n'en existe pas, aux associés. Il doit le décider à la majorité des membres présents à sa réunion. Ce point est inscrit à la prochaine réunion du conseil d'administration ou de surveillance si celui-ci a pu être saisi quinze jours à l'avance. Les associés doivent recevoir, par le gérant de l'entreprise, communication du rapport du CE.

Le paragraphe VIII crée un article L. 2313-7-1 nouveau afin que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, où il n'y a pas de CE, les délégués du personnel bénéficient de la même information sur l'utilisation du CICE par l'entreprise.

Enfin, le paragraphe IX prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement avant le 31 décembre 2016 un rapport sur la mise en oeuvre de ce contrôle par les IRP des conditions d'utilisation du CICE.

6) La création d'une instance de coordination provisoire des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'une même entreprise

L'article L. 4611-1 du code du travail rend obligatoire la constitution d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans tout établissement d'au moins cinquante salariés. En conséquence, une entreprise compte, en théorie, autant de CHSCT que d'établissements employant plus de cinquante salariés.

Chargé de contribuer à la protection de la santé des travailleurs et de la sécurité de ceux-ci dans leur activité professionnelle ainsi que de l'amélioration des conditions de travail, le CHSCT doit être obligatoirement consulté par l'employeur avant « toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » ainsi que lorsqu'il envisage de modifier les cadences, les normes de productivité ou encore d'introduire de nouvelles technologies de production. Le CHSCT doit également rendre un avis sur le plan d'adaptation que l'employeur doit établir en cas de mutations technologiques importantes et rapides ainsi que sur toute autre question dont l'employeur, le CE ou les délégués du personnel peuvent le saisir. Il peut faire appel à un expert.

Dans ce contexte, le paragraphe X ouvre la possibilité de créer une instance de coordination des CHSCT lorsqu'un projet de l'employeur concerne plusieurs établissements. L'article L. 4616-1 nouveau du code du travail la définit comme un organisme temporaire, mis en place à l'initiative de l'employeur et dont la principale mission est d'organiser le recours à une expertise unique et donc de mettre un terme à la pratique actuelle qui est la réalisation d'une expertise par CHSCT. Elle peut également rendre un avis au titre de la saisine par l'employeur.

L'article L. 4612-2 nouveau détaille sa composition. Au côté de l'employeur ou de son représentant y siègent un membre issu de la délégation du personnel de chaque CHSCT ainsi que les représentants des différents services compétents en matière de santé et sécurité au travail et de prévention des risques professionnels : médecin du travail, inspecteur du travail, agent des services de prévention de la sécurité sociale et, éventuellement, d'autres professionnels de la sécurité et des conditions de travail. Ce sont les personnes territorialement compétentes pour l'établissement où se réunit l'instance de coordination qui y participent.

L'article L. 4616-3 nouveau présente ensuite les modalités de recours à l'expertise par l'instance de coordination. Celle-ci désigne l'expert lors de sa première réunion ; il doit remettre son rapport et l'instance doit se prononcer dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. S'ils sont dépassés, l'instance est réputée avoir été consultée. Le rapport de l'expert ainsi que l'avis de l'instance, lorsqu'il existe, sont transmis à chaque CHSCT concerné.

L'article L. 4616-4 nouveau rend applicable à l'instance de coordination les dispositions concernant les modalités de fonctionnement du CHSCT : présidence par l'employeur, décisions prises à la majorité des membres présents, établissement de l'ordre du jour, transmission des informations nécessaires par l'employeur et respect d'une obligation de discrétion et du secret professionnel pour ses membres.

L'article L. 4616-5 nouveau laisse à un accord d'entreprise la possibilité de modifier la composition ou les règles de fonctionnement de l'instance, en fonction de la situation propre de l'entreprise et du nombre de CHSCT concernés. Il autorise également cet accord à prévoir que la consultation de l'instance se substituera à celle de chacun des CHSCT concernés par le projet de l'employeur.

Enfin, le paragraphe XI concerne les heures de délégation accordées aux représentants du personnel, membres du CHSCT de leur établissement et siégeant à l'instance de coordination. Il leur permet, en modifiant l'article L. 4614-3 du code du travail, de dépasser le nombre d'heures fixé par la loi et qui est proportionnel à la taille de l'entreprise. La participation à une instance de coordination est assimilée à une circonstance exceptionnelle.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a apporté des modifications importantes à chacune des mesures de l'article 4, dans un souci de renforcement de la portée de la consultation des institutions représentatives du personnel, d'amélioration de leur information et de préservation de leur capacité à faire appel à une expertise extérieure.

Ainsi, elle a modifié la procédure de négociation de l'accord définissant les délais de consultation du CE en prévoyant qu'il sera conclu entre l'employeur et le CE en tant que tel. Ces délais devront permettre l'information et la consultation du CHSCT. A l'expiration du délai, le CE sera réputé avoir rendu un avis négatif. Dans la même logique, le délai de l'expertise sera fixé par accord entre l'employeur et le CE plutôt qu'avec la majorité de ses membres.

Dans le même esprit, la consultation du CE sur les orientations stratégiques de l'entreprise portera également sur le recours aux stages. La participation financière du CE pour l'expertise mobilisée dans ce cas précis sera plafonnée au tiers de son budget annuel.

En ce qui concerne la base de données économiques et sociales, son accès a été étendu aux délégués du personnel. Elle devra contenir des informations non plus sur les rétributions mais sur l'ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants. Enfin, son contenu ne pourra plus qu'être enrichi, et non adapté, par un accord de branche ou d'entreprise.

Concernant le contrôle de l'utilisation du CICE, la commission, sur proposition de son rapporteur, a avancé au 30 juin 2015 la date à laquelle le Gouvernement doit remettre un rapport au Parlement sur ce dispositif et prévu son actualisation annuelle.

Enfin, plusieurs précisions ont été apportées sur le fonctionnement et la composition de l'instance de coordination des CHSCT. Elle comptera trois représentants de chaque CHSCT si le projet touche au plus sept d'entre eux, deux représentants si le projet en concerne huit à quinze, et un représentant au-delà. Les professionnels de la santé et de la sécurité au travail invités à y participer seront ceux territorialement compétent pour l'établissement où se réunit l'instance si celui-ci est concerné par le projet, sinon ce seront ceux compétent pour l'établissement concerné le plus proche. Ils n'auront pas voix délibérative. A l'initiative de son rapporteur, elle a rappelé que les CHSCT de chaque établissement rendent bien un avis sur la base de l'expertise unique commandée par l'instance et, le cas échéant, de son avis, sauf accord d'entreprise en décidant autrement.


• Des précisions importantes ont encore été apportées par les députés lors de l'examen de l'article 4 en séance publique :

- l'avis du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise ainsi que ses éventuelles propositions alternatives devront faire l'objet d'une réponse argumentée de la part du conseil d'administration ou de surveillance, à laquelle le comité d'entreprise pourra répondre ;

- le recours à un expert-comptable dans ce cas ne se substituera pas aux autres expertises ;

- la consultation du comité d'entreprise sur l'utilisation des sommes perçues au titre du CICE ne pourra pas être intégrée à celle sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

Le contenu de la base de données économiques et sociales a fait l'objet d'un élargissement, en particulier en matière d'informations sociales (recours aux formes d'emploi précaires) et environnementales. Toutes les personnes y ayant accès seront soumises à une obligation de discrétion.

Concernant le délai laissé à l'expert-comptable ou à l'expert-technique sollicité par le CHSCT pour remettre leur rapport, son caractère « raisonnable » est désormais explicitement mentionné.

Les contours de l'instance de coordination des CHSCT ont été redessinés. Son caractère temporaire est réaffirmé et sa composition modifiée afin de trouver un équilibre garantissant la représentation de tous les CHSCT concernés mais assurant, d'un point de vue concret, le fonctionnement de l'instance.

Elle comptera pour chaque CHSCT :

- trois représentants si moins de sept d'entre eux sont concernés ;

- deux représentants lorsque le projet que traite l'instance concerne entre sept à quinze CHSCT ;

- un représentant au-delà de ce seuil.

Une fois l'expertise unique remise à l'instance de coordination, chaque CHSCT rendra son avis. Sur proposition conjointe du rapporteur et des membres du groupe SRC, l'Assemblée nationale a refusé que l'avis éventuel de l'instance puisse venir s'y substituer.

III - Le texte adopté par la commission

L'article 12 de l'Ani met en avant le lien direct entre l'information des salariés sur la stratégie de l'entreprise, les contraintes qui pèsent sur elle et leur performance. Les signataires soulignent que « savoir que les conséquences de cette stratégie pour leur emploi, leur carrière, leurs conditions de travail sont anticipées et que leur avenir est sécurisé est une condition de leur adhésion ».

Dans ces conditions, l'article 4 du projet de loi constitue une nouvelle étape du développement du dialogue social dans l'entreprise et de l'association des IRP aux choix économiques réalisés. Votre rapporteur salue des mesures complémentaires dont la philosophie commune est de donner aux partenaires sociaux dans l'entreprise l'opportunité, dans un cadre législatif protecteur, d'adapter à la situation particulière de celle-ci les modalités de mise en oeuvre de ces nouveaux sujets de négociation.

Si certaines des personnes auditionnées par votre rapporteur ont présenté cet article comme un recul pour les droits des IRP ou d'autres, au contraire, comme un pas dangereux vers la cogestion de l'entreprise, la réalité est tout autre. Les progrès réalisés sont en effet considérables : il appartient désormais aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et à l'employeur de se saisir loyalement des nouvelles possibilités qui leur sont offertes.

En ce qui concerne les délais préfix en matière de consultation du comité d'entreprise, il n'est pas dans l'intérêt de l'employeur de les fixer au minimum légal ni au comité d'entreprise de signer un accord ne lui donnant pas le temps de remplir pleinement sa mission. Sur ce point, le souhait du patronat n'est d'ailleurs pas de les réduire le plus possible mais de gagner en prévisibilité dans le temps en prévoyant qu'ils ne puissent être prolongés unilatéralement par une des parties ou utilisés comme un moyen d'obstruction à la bonne marche de l'entreprise. De plus, l'ouverture d'une voie de recours auprès du président du tribunal de grande instance pour permettre aux CE d'obtenir les informations que les employeurs refuseraient volontairement de leur communiquer devrait dissuader ceux-ci de perturber ainsi son fonctionnement.

La consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l'entreprise doit aboutir à une plus grande implication du CE dans l'analyse des perspectives économiques de l'entreprise, au-delà de la consultation sur les comptes de celle-ci et de l'étude du bilan social. L'engagement d'un dialogue sur ces orientations avec le conseil d'administration ou de surveillance, qui est destinataire de l'avis du CE et des éventuelles orientations alternatives qui l'accompagnent, doit permettre de mieux prendre en compte le point de vue et l'intérêt des salariés, sans bien sûr restreindre les prérogatives de ces organes de direction de l'entreprise.

La création de la base de données économiques et sociales est indissociable du poids accru que cet article du projet de loi donne aux IRP dans l'entreprise. Elle est plus qu'un simple outil de rationalisation des multiples documents qui doivent aujourd'hui être transmis au CE par l'employeur, et dont il serait le seul bénéficiaire. Accessible aux élus membres du CE mais également aux délégués syndicaux et, en l'absence de CE, aux délégués du personnel, elle leur permettra d'avoir toutes les informations dont ils pourraient avoir besoin pour exercer leurs fonctions, centralisées en un seul endroit. Elle alimentera leur réflexion sur les choix économiques et sociaux de l'entreprise ainsi que les travaux des experts auxquels ils peuvent faire appel.

Il en va de même avec l'implication du CE dans l'évaluation de l'utilisation des sommes perçues par l'entreprise au titre du CICE. Ici encore, cette IRP devient l'interlocuteur direct de l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise. Cette consultation, bien qu'absente de l'Ani, se justifie d'autant plus que le CICE constitue un effort important de la part de l'Etat en direction des entreprises et que son objet est clairement défini par le code général des impôts. L'amélioration de la compétitivité est un but partagé par tous dans l'entreprise, le CICE constitue un outil nouveau et précisément ciblé, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Le Gouvernement ayant fait le choix de ne pas mettre de conditions à l'attribution de ce crédit d'impôt, il est légitime que son utilisation soit l'objet d'une attention particulière de la part du CE.

Enfin, la création de l'instance de coordination des CHSCT permet de répondre à la complexité que peut prendre la procédure de consultation des CHSCT dans les entreprises comprenant plusieurs dizaines d'établissements, voire parfois plus d'une centaine. Le coût que représente le recours à l'expertise par chacun d'entre eux est très important pour des conclusions qui sont souvent identiques. Il n'est donc pas illogique de vouloir unifier ce processus. Il faut en revanche garantir que le droit commun maintienne la compétence des CHSCT locaux pour rendre un avis et mesurer l'impact du projet de l'employeur sur la situation spécifique de l'établissement dont chacun relève.

Cet article complexe juridiquement aura des répercussions profondes dans le fonctionnement du dialogue social dans l'entreprise. Il faut saluer le souhait des organisations signataires de l'Ani d'avoir voulu faire progresser ce dossier immédiatement, sans attendre la conclusion des discussions paritaires engagées sur la modernisation du dialogue social. Il marque une prise de conscience, pour l'entreprise, de l'importance de fournir une information détaillée et actualisée aux IRP et de cesser de distinguer les données économiques des considérations sociales. Votre rapporteur s'en félicite.

Lors de l'examen du projet de loi par la commission des affaires sociales, le champ de la consultation du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise a été élargi, sur proposition de votre rapporteur, à l'organisation et aux conditions de travail.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 5 (art. L. 225-22, L. 225-25, L. 225-27-1 [nouveau], L. 225-28-1 [nouveau], L. 225-29, L. 225-30, L. 225-30-1 et L. 225-30-2 [nouveaux], L. 225-31, L. 225-32, L. 225-33, L. 225-34, L. 225-34-1 [nouveau], L. 225-44, L. 225-72, L. 225-79-2 [nouveau], L. 225-80, L. 226-4-2 [nouveau], L. 226-4-3 [nouveau], et L. 226-4-4 [nouveau] du code de commerce ; art. L. 2323-65, L. 2411-1, L. 2411-17 et L. 2421-5 du code du travail) Représentation des salariés au conseil d'administration ou de surveillance de l'entreprise

Objet : Cet article rend obligatoire l'élection ou la désignation de représentants des salariés au sein du conseil d'administration ou de surveillance des entreprises comptant au moins cinq mille salariés en France ou dix mille dans le monde.

I - Le dispositif proposé

1) Les organes chargés de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise selon sa forme juridique

Le code de commerce pose, à son article L. 225-17, le principe général de l'administration d'une société anonyme (SA) par un conseil d'administration, qui « détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en oeuvre » (article L. 225-35 du même code). Le président du conseil d'administration peut également exercer la direction générale de la société, ou bien ces deux fonctions peuvent être distinctes, selon le choix fait par le conseil d'administration (article L. 225-51-1).

Toutefois, les statuts de la société peuvent stipuler que la société est dirigée par un directoire, qui compte cinq ou, si elle cotée sur un marché réglementé, sept membres. Dans les sociétés organisées selon ces règles, c'est un conseil de surveillance qui « exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire » (article L. 225-68).

A côté de ces deux formes de sociétés anonymes, la société en commandite par actions (SCA) est une structure juridique constituée entre deux types d'associés, les commandités et les commanditaires, dans laquelle les premiers ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales tandis que les seconds ont la qualité d'actionnaire et ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. Un conseil de surveillance est chargé du contrôle permanent de la gestion de la société par le gérant désigné par l'assemblée générale.

2) La situation actuelle en matière de représentation des salariés au sein du conseil d'administration ou de surveillance de l'entreprise

Le droit en vigueur ne prévoit l'élection ou la désignation d'administrateurs salariés que dans certains cas précis. Il ne s'agit pas d'une règle générale mais plutôt d'une exception qui est soit laissée à la libre appréciation de l'entreprise et de son assemblée générale, soit une obligation qui résulte de facteurs spécifiques liés notamment à la nature de la société.

L'article L. 225-27 du code de commerce dispose que les statuts d'une SA peuvent stipuler que des administrateurs élus par les salariés siègent à son conseil d'administration, dans la limite de quatre ou cinq pour les sociétés cotées, sans dépasser le tiers du nombre des autres administrateurs. L'article L. 225-79 fait de même pour les SA disposant d'un conseil de surveillance, avec un plafond de quatre représentants des salariés ou du tiers du nombre des autres membres. Une telle mesure est facultative.

Les articles L. 225-23 et L. 225-71 prévoient que lorsque les salariés détiennent plus de 3 % du capital de l'entreprise, un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance sont élus parmi les salariés actionnaires. C'est, dans ce cas, une obligation et les représentants des salariés actionnaires sont des membres du conseil d'administration ou de conseil de surveillance à part entière, avec les mêmes pouvoirs, droits et obligations que ceux nommés par l'assemblée générale.

Par ailleurs, la loi 22 ( * ) du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public a rendu obligatoire l'élection de six représentants des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) de l'Etat ainsi que dans les entreprises nationalisées à hauteur d'au moins 90 % du capital. Elle dispose également que, dans les entreprises de plus de deux cents salariés dans lesquelles l'Etat détient au moins 50 % du capital, un tiers des membres du conseil d'administration ou de surveillance doivent être élus par le personnel.

La loi 23 ( * ) du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations a préservé ces acquis dans les entreprises privatisées à partir de 1986 puis après 1993. S'agissant des entreprises privatisées au titre de la loi du 2 juillet 1986, leur conseil d'administration ou de surveillance doit compter au moins un représentant des salariés ou des salariés actionnaires s'il se compose de moins de quinze membres, et deux s'il dépasse ce seuil. Dans le cas des entreprises privatisées au titre de la loi du 19 juillet 1993, le conseil comporte deux représentants des salariés et un représentant des salariés actionnaires s'il compte moins de quinze membres et un représentant des salariés supplémentaire au-dessus de ce seuil.

Il convient également de mentionner le cas des mutuelles. En application de l'article L. 114-16 du code de la mutualité, deux représentants élus par les salariés assistent aux séances du conseil d'administration des mutuelles, unions et fédérations employant au moins cinquante salariés. Toutefois, ils n'ont que voix consultative.

C'est également le cas, dans chaque entreprise, pour les représentants du comité d'entreprise. Deux de ses membres, l'un élus parmi les cadres et les agents de maîtrise et l'autre parmi les employés et les ouvriers, assistent aux séances du conseil d'administration ou de surveillance, mais ils n'ont pas voix délibérative 24 ( * ) .

3) Les dispositions du projet de loi communes aux différentes formes de sociétés

L'article 5 du projet de loi rend obligatoire la présence d'administrateurs ou de membres du conseil de surveillance représentant les salariés dans les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire français et qui répondent, à la clôture de chacun des deux derniers exercices, à l'un de ces deux critères alternatifs :

- employer au moins cinq mille salariés permanents, en incluant ceux des filiales, sur le territoire français ;

- employer au moins dix mille salariés, en comptant ceux des filiales, en France ou à l'étranger.

Un représentant des salariés devra siéger dans les conseils d'administration ou de surveillance comptant moins de douze membres ; les salariés auront un représentant supplémentaire lorsque l'organe de direction ou de surveillance de l'entreprise compte plus de douze membres.

Trois principales modalités de désignation sont proposées ; il appartient aux statuts de la société de choisir entre :

- l'élection par les salariés ;

- la désignation par le comité de groupe, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise ;

- la désignation par l'organisation syndicale ayant obtenu le plus de voix au premier tour des élections au comité d'entreprise ou, si deux administrateurs doivent être désignés, par les deux organisations ayant obtenu le plus de voix lors du premier tour de ces élections.

De plus, si la société compte deux administrateurs salariés, l'un peut être désigné selon l'une de ces trois voies et le second par le comité d'entreprise européen s'il existe ou, pour les sociétés européennes, par l'organe de représentation des salariés ou, à défaut, par le comité de la société européenne.

4) La déclinaison selon le type de société

Le paragraphe I traite des sociétés anonymes ayant un conseil d'administration. Son crée un article L. 225-27-1 nouveau du code de commerce pour traduire l'obligation de désigner des administrateurs salariés. Celui-ci reprend le nombre de ces administrateurs, leurs modalités de désignation ainsi que le délai d'application de cette mesure en cas de carence de l'assemblée générale extraordinaire. Si celle-ci refuse les modifications statutaires nécessaires, une élection est organisée dans un délai de six mois après sa décision ou la dernière assemblée générale statuant sur les comptes si aucune modification des statuts n'a été proposée.

Les administrateurs salariés devront avoir une ancienneté de deux ans dans l'entreprise, correspondant à un emploi effectif. Les entreprises comptant déjà de tels administrateurs, sur la base volontaire de l'article L. 225-27 du code de commerce ou en application des lois du 26 juillet 1983 et du 6 août 1986 précitées seront exemptées de cette nouvelle obligation si elles comptent déjà, en fonction de l'effectif de leur conseil d'administration, un ou deux administrateurs salariés. Si ce n'est pas le cas, ils devront être désignés selon l'une des procédures mises en place par le présent article.

Son insère ensuite dans le code de commerce un article L. 225-28-1 nouveau qui concerne les règles applicables en cas d'élection des administrateurs salariés par le personnel de l'entreprise. Tout salarié employé depuis plus de trois mois sera électeur ; son vote sera secret.

Chaque organisation syndicale représentative présentera deux candidats si un seul siège est à pourvoir ou une liste de quatre candidats s'il faut élire deux personnes, afin que chacun des élus ait un remplaçant.

Dans le premier cas, les règles du scrutin majoritaire s'appliquent : élection à la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour et à la majorité relative au second.

Le second cas répond aux règles du scrutin proportionnel au plus fort reste et sans panachage. En cas d'égalité, c'est à l'ancienneté du contrat de travail que seront déclarés les élus.

Enfin, reprenant la règle applicable en matière de contentieux de l'élection des délégués syndicaux, le juge d'instance sera compétent pour connaitre, en dernier ressort, des litiges concernant l'électorat, l'éligibilité et la régularité de l'élection.

Son procède à différentes mesures de coordination aux articles L. 225-29, L. 225-30, L. 225-31, L. 225-32, L. 225-33 et L. 225-34 du code de commerce pour tenir compte de la désignation d'administrateurs salariés et prévoir :

- que la durée de leur mandat, fixée par les statuts, ne peut dépasser six ans ;

- que cette fonction est incompatible avec celle de représentant du personnel ;

- que le contrat de travail et la rémunération de ces personnes sont préservées ;

- les conséquences de la rupture de leur contrat de travail sur leur mandat et la possibilité de les révoquer, pour faute, par décision du président du TGI statuant en la forme des référés ;

- que leur contrat de travail ne peut être rompu, à l'initiative de l'employeur, que par le bureau de jugement du conseil des prud'hommes statuant en la forme des référés ;

- la façon dont est pourvu un siège vacant d'administrateur élu en application du droit actuel.

Enfin, un article L. 225-34-1 nouveau vient compléter ces mesures et traite de la vacance d'un siège d'administrateur élu ou désigné selon les procédures instaurées par ce projet de loi. Si l'administrateur a été élu, son remplaçant ou la personne venant ensuite sur la même liste prend sa place. S'il a été désigné, une nouvelle procédure de désignation est engagée. Le mandat de cet administrateur s'achève en même temps que celui des autres administrateurs salariés.

Le paragraphe II concerne les sociétés anonymes dotées d'un directoire et d'un conseil de surveillance. Il est, sur le fond, identique au précédent. Son crée un article L. 225-79-2 nouveau qui fixe le principe de la présence de représentants des salariés au sein du conseil de surveillance, leur nombre et la façon dont ils doivent être élus ou désignés. Son modifie également l'article L. 225-80 pour renvoyer, concernant le remplacement d'un membre salarié du conseil de surveillance en cours de mandat, aux dispositions applicables aux sociétés anonymes disposant d'un conseil d'administration.

Le paragraphe III adapte ce dispositif aux sociétés en commandite par actions, sans qu'il n'y ait de modifications autres que celles liées à l'organisation spécifique de ces sociétés, comme le remplacement de la référence à l'assemblée générale par une référence à l'assemblée des commanditaires ou des commandités. L'article L. 226-4-2 nouveau établit donc le cadre de la participation de salariés au conseil de surveillance de ces sociétés, puis l'article L. 226-4-3 nouveau détaille les règles à suivre si les statuts font le choix de l'élection. Enfin, l'article L. 226-4-4 nouveau prévoit l'application des dispositions concernant les sociétés anonymes disposant d'un conseil d'administration pour les conditions d'exercice du mandat, sa durée, la protection de son titulaire et son remplacement en cas de vacance.

Le paragraphe IV procède à la modification de l'article L. 2323-65 du code du travail. Celui-ci prévoit que c'est un membre titulaire du comité d'entreprise qui siège au conseil d'administration ou de surveillance de la société lorsque ce dernier comprend des administrateurs salariés. Ce paragraphe y ajoute les références aux articles du code de commerce créés par le présent projet de loi qui instituent l'obligation nouvelle en la matière pour les sociétés comptant plus de cinq mille salariés en France ou dix mille dans le monde.

Enfin, le paragraphe V concerne l'entrée en vigueur de l'article. Conformément à l'Ani, la désignation des administrateurs salariés devra intervenir au plus tard le premier jour du vingt-sixième mois suivant la publication de la loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales a adopté plusieurs amendements complétant cet article, afin notamment de renforcer les droits et les moyens d'action des salariés élus ou désignés pour siéger au sein de l'organe d'administration ou de surveillance de l'entreprise. Elle a :

- précisé le régime des incompatibilités applicable à l'exercice du mandat d'administrateur élu ou désigné par les salariés ;

- fait obligation à l'employeur de laisser aux administrateurs salariés le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, afin qu'ils exercent utilement leur compétence, chargeant le pouvoir réglementaire de fixer la durée appropriée ;

- étendu aux administrateurs salariés élus ou désignés en application du présent article le régime de protection contre le licenciement des représentants des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises du secteur public, qui est soumis à l'autorisation de l'inspecteur du travail 25 ( * ) .


• Lors de l'examen du projet de loi en séance publique, plusieurs modifications supplémentaires ont été apportées.

Ainsi, le nombre de représentants des salariés, tel que fixé dans la loi (un dans les organes comptant au plus douze membres, deux au-delà), sera un seuil plancher et non une prescription impérative. Le comité d'entreprise devra rendre un avis sur la modification des statuts de l'entreprise prévoyant leurs modalités de désignation ou d'élection. Ensuite, c'est dans un délai maximal de six mois que la désignation ou l'élection devra intervenir.

L'employeur devra donner aux représentants des salariés le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions et financer, à leur intention, une formation à la gestion des entreprises. Les personnes élues ou désignées pour représenter les salariés bénéficieront de la même protection contre le licenciement que les représentants du personnel dans les IRP ou les élus syndicaux. En cas d'élection, le candidat titulaire et son suppléant ou suivant de liste devront être de sexe différent.

L'entrée en fonction de ces représentants a été avancée par rapport au délai de vingt-six mois fixé par le projet de loi initial, puisqu'elle devra avoir lieu six mois après l'assemblée générale modifiant les statuts de la société, celle-ci devant avoir obligatoirement lieu en 2014. Enfin, le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement avant le 30 juin 2015 faisant un premier bilan de cette mesure et formulant des propositions en vue de son extension.

III - Le texte adopté par la commission

Pour favoriser la prise en compte du point de vue des salariés dans la définition de la stratégie de l'entreprise, l'article 13 de l'Ani du 11 janvier 2013 propose d'intégrer, avec voie délibérative, leurs représentants au conseil d'administration ou de surveillance de celle-ci. L'article 5 du projet de loi en est la transposition directe et respecte pleinement le cadre établi par les partenaires sociaux signataires de l'accord.

Cette mesure s'inscrit dans une réflexion plus large sur l'amélioration de la gouvernance des entreprises et fait l'objet d'un large consensus.

Dans son rapport sur le pacte de compétitivité de l'industrie française, remis au Premier ministre le 5 novembre 2012, Louis Gallois soulignait la nécessité d'un choc de confiance et estimait, pour cela, qu'il était nécessaire d'atteindre un équilibre des points de vue plus favorable au long terme dans les conseils d'administration ou de surveillance des grandes entreprises. C'est la raison pour laquelle il recommandait 26 ( * ) , pour les entreprises de plus de cinq mille salariés, de faire entrer dans ces organes au moins quatre représentants des salariés, sans dépasser le tiers de leurs membres, comme l'ont déjà fait douze autres pays européens.

Plus récemment, le rapport 27 ( * ) de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises faisait la même proposition 28 ( * ) . Partageant les conclusions du rapport Gallois, il s'en distinguait néanmoins en fixant à deux le nombre de représentants des salariés non actionnaires.

Cette réforme fait partie intégrante du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, présenté par le Premier ministre à la suite des travaux de Louis Gallois. Développer l'association des salariés à la prise de décision, en élisant ou en désignant parmi eux des personnes qui siégeront dans l'organisme chargé de superviser l'activité de l'entreprise et d'en définir les orientations, est un facteur de compétitivité. Votre rapporteur s'en félicite, mais ne suggère pas pour autant de mettre en place un système de cogestion à l'allemande, qui est le reflet de l'histoire de ce pays et de sa culture spécifique du dialogue social. Il n'est pas transposable au modèle français. Néanmoins, cela n'interdit pas de s'inspirer des pratiques qui ont cours, outre-Rhin, dans les relations entre partenaires sociaux.

Cet article représente donc une avancée majeure de nature à atténuer la conflictualité que peuvent susciter les choix stratégiques de l'entreprise. La présence de salariés lors de leur élaboration permettra de faire partager leur expérience et, pour les autres administrateurs ou membres du conseil de surveillance, de mieux mesurer les conséquences concrètes de leurs décisions.

De plus, les modalités actuelles de participation des salariés au conseil d'administration ou de surveillance ne sont pas satisfaisantes. La faculté qui est aujourd'hui laissée aux entreprises de prévoir l'élection de représentants des salariés n'est, dans les faits, que très peu mise en oeuvre. Ainsi, selon une étude réalisée par le cabinet Ernst & Young en 2012 29 ( * ) , sur un nombre moyen de 14 membres, les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises du Cac 40 ne comptent en moyenne que 0,9 représentant des salariés, soit 6,4 %, alors que la moyenne du panel étudié, comprenant donc des entreprises cotées de plus petite taille est de 0,4, soit 3,7 %. Par ailleurs, comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi, la représentation des salariés actionnaires au sein des instances dirigeantes relève d'une logique distincte, puisque les salariés élus dans ce cadre représentent également les intérêts des actionnaires.

D'après les chiffres communiqués par le Gouvernement, environ deux cents entreprises emploient plus de cinq mille personnes en France. Cela représente près de quatre millions de salariés, soit un salarié du secteur privé sur quatre. Le nombre d'entreprises ayant moins de cinq mille salariés en France mais plus de dix mille dans le monde est quant à lui estimé à vingt. Devant ces données, il n'y pas lieu d'être réticent à la mise en oeuvre, dans les délais dont sont convenus les partenaires sociaux, de cette nouvelle gouvernance de l'entreprise.

Les craintes soulevées par certains quant aux possibles risques d'atteinte à la confidentialité des informations de l'entreprise sont évidemment infondées : les représentants des salariés seront soumis aux mêmes exigences sur ce point que les autres personnes appartenant à un conseil d'administration ou de surveillance. Membres à part entière de ces instances, il sera dans leur intérêt, pour exercer utilement leur compétence, de s'attacher à garantir leur bon fonctionnement.

C'est plutôt aux tentatives de contournement qui pourraient être mise en oeuvre par certaines entreprises qu'il faudra être attentif. Les méthodes de dilution de la gouvernance employées par certaines sociétés pour faire obstacle à la mise en place ou au bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel sont nombreuses. La transformation des sociétés mères de grands groupes, ou de leurs filiales, en sociétés par actions simplifiées (SAS), qui permet aux statuts de définir dans un cadre très souple les modalités de direction et de surveillance de l'entreprise en s'exonérant des dispositions applicables aux sociétés anonymes, en est un exemple. Dès lors, bien que le présent article s'applique explicitement aux filiales de sociétés qui ne répondent pas elles-mêmes aux critères qu'il fixe, votre rapporteur souhaite que le Gouvernement se montre vigilant face à de tels comportements.

Comme cet article porte avant tout sur le droit des sociétés, matière éminemment technique qui n'entre pas dans le champ habituel de compétences de notre commission des affaires sociales, votre rapporteur n'a pas présenté d'amendement.

La commission des lois, saisie pour avis, a adopté à l'unanimité quarante-six amendements présentés par son rapporteur, votre collègue Gaëtan Gorce. Ces amendements procèdent à la réécriture de l'article et à la simplification de sa structure, modifiant peu le fond du projet de loi initial afin de rester fidèle à l'Ani.

Notre commission les a ensuite approuvés. Ils visent à mieux articuler des dispositions relatives aux trois types de sociétés concernées par l'article, qui sont insérées de manière plus judicieuse au sein du code de commerce. Sur le fond, plusieurs lacunes sont comblées , notamment la procédure à suivre lorsqu'une entreprise refuse de modifier ses statuts pour se soumettre à l'obligation créée au présent article. Enfin, le texte adopté par la commission revient au nombre de représentants des salariés fixé par l'Ani, la souplesse optiquement apportée par l'Assemblée nationale, en précisant qu'il s'agissait d'un seuil plancher, étant très largement dépourvue de portée réelle, les entreprises étant par ailleurs toujours libres de recourir à la procédure prévue aux articles L. 225-27 et L. 225-79 du code de commerce.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.


* 21 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 22 Loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, articles 5 et 6.

* 23 Loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, article 8-1.

* 24 Article L. 2323-62 du code du travail.

* 25 Article L. 2411-17 du code du travail.

* 26 Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, rapport au Premier ministre, 5 novembre 2012, 2 ème proposition, p. 21.

* 27 Jean-Michel Clément, Philippe Houillon, rapport de la mission d'information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises, n° 737, quatorzième législature, 20 février 2013.

* 28 Proposition n° 10 du rapport, p. 59.

* 29 Ernst & Young, Panorama des pratiques de gouvernance des sociétés cotées françaises, édition 2012.

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