II. AUDITION DE M. ÉRIC BESSON, MINISTRE CHARGÉ DE L'INDUSTRIE, DE L'ÉNERGIE ET DE L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi du mercredi 25 janvier 2012, la commission procède à l'audition de M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur la proposition de loi n° 118 (2011-2012), visant à assurer l'aménagement numérique du territoire.

M. Daniel Raoul, président . - Nous accueillons M. Éric Besson dans le cadre de la proposition de loi de MM. Philippe Leroy et Hervé Maurey. Ce dernier, nommé rapporteur de ce texte, avait rédigé préalablement un rapport sur l'aménagement numérique du territoire qui a été adopté par notre commission à l'unanimité le 6 juillet 2011. Ce rapport indiquait que la situation en matière de déploiement des réseaux numériques était loin d'être satisfaisante, notamment en raison de zones non desservies. Il se montrait très critique à l'égard du programme national de très haut débit, le fameux PNTHD. Ce rapport a entraîné le dépôt, à la mi-novembre 2011, d'une proposition de loi cosignée par MM. Leroy et Maurey visant à assurer l'aménagement numérique du territoire.

Notre commission a déjà auditionné M. Jean-Ludovic Silicani, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), le 30 novembre 2011. Nous avons également reçu M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence, le 18 janvier 2012.

Monsieur le ministre, vous allez maintenant nous dire votre sentiment sur cette proposition de loi. Vous étiez d'ailleurs déjà intervenu le 12 octobre 2011 en séance publique lors du débat sur le rapport d'information.

M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - Le déploiement des réseaux numériques constitue un enjeu majeur pour la compétitivité de notre économie et l'attractivité de nos territoires. L'accès à internet haut-débit fixe et mobile est devenu une condition d'intégration dans notre société, notre démocratie, notre économie et notre culture. Comme l'eau ou l'électricité, il est devenu ce que les économistes appellent une commodité essentielle.

MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy ont déposé une proposition de loi, le 17 novembre 2011, visant à assurer l'aménagement numérique du territoire. Ce texte participe à un objectif de première importance, celui d'un déploiement équilibré des réseaux dans nos territoires. Avant d'aborder cette proposition de loi, je veux tout d'abord rappeler le contexte dans lequel elle s'inscrit.

La France est très bien placée en matière de numérique : ce secteur a créé 700 000 emplois nets en 15 ans. D'ici à 2015, 450 000 emplois supplémentaires seront créés. Très peu de pays dans le monde, à part les États-Unis, ont réussi à développer des entreprises comme Dailymotion, PriceMinister ou Deezer, qui sont devenues des géants mondiaux de l'internet. La France compte aussi des géants des services informatiques, avec Capgemini et Atos Origin, qui remportent des marchés partout dans le monde. Notre industrie du logiciel compte des références mondiales comme le Cegid, Dassault Systèmes ou Ingenico. Enfin, notre industrie du jeu vidéo est la plus performante au monde, avec le numéro un mondial, Vivendi Games, le numéro quatre mondial Ubisoft, et le numéro un mondial des accessoires pour jeux, Bigben.

Depuis cinq ans, le Gouvernement a accompli des efforts sans précédent pour développer ce secteur. Jamais sans doute, une politique aussi ambitieuse n'avait été engagée en faveur du numérique. Elle se traduit tout d'abord par un soutien aux usages : rien ne sert d'installer des tuyaux s'il n'y a pas de contenus et de services pour nos concitoyens et nos entreprises. Le Gouvernement consacre 2,5 milliards d'euros des investissements d'avenir au développement des nouveaux usages. Numérisation des contenus culturels, services mobiles sans contact et e-éducation sont des exemples d'innovations, développées en partenariat entre l'État et les collectivités territoriales.

Cette politique se traduit ensuite par un soutien puissant au déploiement des réseaux. Grâce au plan France numérique 2012, nous nous sommes dotés d'un des réseaux numériques les plus performants et les plus étendus en Europe.

S'agissant de la télévision numérique terrestre (TNT), nous avons réussi, en moins de quatre ans, une des principales révolutions audiovisuelles depuis le passage à la télévision couleur, puisque 100 % de la population la reçoit désormais. Tous les Français reçoivent ainsi 19 chaines gratuites en qualité numérique pour l'image et pour le son. Six nouvelles chaînes en haute définition complèteront prochainement cette offre. C'est un succès majeur pour l'aménagement numérique du territoire.

S'agissant des réseaux mobiles, 99,8 % des Français bénéficient d'une couverture en téléphonie mobile. Le taux de pénétration a dépassé les 100 %. Pour autant, il reste, comme dans tous les pays du monde, des zones blanches. Même dans les grandes villes, même à Paris, la couverture de certaines zones n'est pas satisfaisante. C'est pourquoi, nous poursuivons nos efforts pour parachever cette couverture.

D'abord, nous avons mis en oeuvre depuis 2003 le programme « zones blanches ». Avec la coopération des opérateurs et des collectivités, il a permis l'installation d'environ 2 000 antennes relais couvrant plus de 3 000 centre-bourgs. L'investissement engagé par les opérateurs, par l'État et par les collectivités territoriales dépasse déjà 600 millions.

Ensuite, nous veillons à faire appliquer les obligations de couverture du territoire en technologie 3G, c'est-à-dire en haut débit mobile. Depuis la fin de l'année 2011, les opérateurs doivent avoir couvert 98 % de la population. C'est largement supérieur à la moyenne européenne, qui est de 90 %.

Troisièmement, le Gouvernement a attribué les meilleures fréquences jamais affectées aux télécommunications dans l'histoire de notre pays, celles du dividende numérique. Conformément à la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, nous avons retenu les critères les plus favorables à l'aménagement du territoire. En effet, 99,6 % de la population devra être couvert par l'ensemble des opérateurs d'ici à 15 ans. Pour la première fois, une obligation de couverture départementale a été fixée, à 90 % de la population, dans le même délai. Les opérateurs, dans le cadre de l'appel à candidature, sont allés encore plus loin en s'engageant à couvrir 95 % de la population de chaque département. Pour la première fois également, une zone de couverture prioritaire a été définie, représentant 18 % de la population, mais 60 % des territoires les plus ruraux de notre pays. La 4G sera le premier réseau à être déployé simultanément dans les villes et dans les campagnes. Avec l'attribution des licences 4G, la France sera l'une des premières nations au monde, avec la Suède, l'Allemagne et les États-Unis, à lancer le très haut débit mobile.

De plus, comme le prévoit l'article 5 de la proposition de loi, et ainsi que je m'y étais engagé, nous avons créé un groupe de travail sur la couverture mobile : il réunira État, collectivités locales, opérateurs, associations de consommateurs et parlementaires. Il a pour objectif de préparer un nouveau programme « zones blanches » et de clarifier les critères appliqués pour évaluer la couverture du territoire. Nous devons sortir du débat récurrent sur les méthodes d'évaluation de ces zones. Les travaux techniques ont déjà démarré et la réunion de lancement officiel aura lieu le 8 février.

A cet égard, l'article 6 de cette proposition de loi est problématique : il crée en effet de nouvelles obligations de couverture du territoire pour les opérateurs titulaires des licences. Je souhaite vous alerter sur ce point : modifier les obligations des licences engage la responsabilité de l'État, qui a vendu des licences assorties d'obligations précises en matière de couverture du territoire, et change leur valeur. Les prix auxquels elles ont été vendues seront donc contestés par les opérateurs. Si l'État doit rembourser une partie des licences de la téléphonie mobile, où trouver les crédits correspondants ?

S'agissant des réseaux fixes, le Gouvernement a mis en place un programme national très haut débit (PNTHD) très ambitieux qui repose sur quatre piliers. Le premier a trait aux investissements privés et à la mutualisation. Le Gouvernement a défini le cadre règlementaire de la mutualisation des réseaux, avec la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 et ses décrets d'application du 15 janvier 2009, mais aussi les arrêtés du 15 janvier 2010 et du 10 janvier 2011 homologuant les décisions de l'ARCEP. Grâce à ce cadre, les opérateurs se sont engagés à couvrir 57 % de la population en fibre optique dans les dix prochaines années.

Je connais vos interrogations sur ce point. Le Gouvernement veillera tous les ans à ce que ces engagements soient respectés. Ainsi, nous allons interroger à la fin du mois, avec René Ricol, le commissaire général à l'investissement, l'ensemble des opérateurs sur l'avancement de leurs déploiements. Le Gouvernement veillera au respect des engagements de déploiement dès la première année. Si leur engagement d'investissement n'était pas respecté, la zone d'investissement privé serait réduite pour laisser place aux projets des collectivités territoriales. Cette menace n'est pas prise à la légère : être propriétaire d'un réseau constitue le coeur du modèle économique des opérateurs.

Le deuxième pilier traite des initiatives publiques qui seront soutenues partout où l'initiative privée sera absente. Nous avons ouvert le 27 juillet 2011 un guichet de 900 millions d'euros pour aider les projets des collectivités territoriales. Le PNTHD a été validé par l'ARCEP le 18 février 2010, par l'Autorité de la concurrence le 17 mars 2010 et par la Commission européenne le 19 octobre 2011. Il s'agit du premier programme public de soutien au très haut débit en Europe. Il constitue désormais une référence pour les autres États membres. La Commission européenne a apporté son soutien à la démarche française reposant sur la complémentarité entre investissements privés et publics.

Le dispositif mis en place par le Gouvernement donne aujourd'hui ses premiers résultats. Les aides à cinq premiers projets départementaux -la Manche, l'Allier, le Cantal, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme- viennent d'être engagées pour un montant de 53 millions. Le comité des réseaux d'initiative publique, qui se réunira le 2 février, examinera les demandes d'aide de trois nouveaux départements. L'objectif de vingt départements soutenus d'ici la fin de l'année 2012 semble raisonnable.

Afin de suivre la mise en oeuvre de ces projets, le Gouvernement a mis en place les commissions régionales pour l'aménagement numérique du territoire, qui réunissent collectivités locales et opérateurs privés sous l'égide des préfets. Les services de l'État, centraux et déconcentrés, sont mobilisés pour accompagner les collectivités dans la mise en place de leurs schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN) : 79 départements ou régions les ont d'ores et déjà adoptés. Afin de faciliter la mise en place des projets des collectivités locales, le Gouvernement a préparé par ailleurs une nouvelle version du décret sur la connaissance des réseaux. Ce texte est très important pour les collectivités car il leur permet de recueillir les informations sur les réseaux déployés par les opérateurs. Le nouveau décret est encore plus ambitieux que ne l'était le précédent. Dès le 1 er janvier 2014, toutes les données devront être fournies aux collectivités sur simple demande, gratuitement et sous format vectoriel, c'est-à-dire le meilleur format possible pour planifier le déploiement d'un réseau. Nous n'attendons plus que l'avis de la commission consultative à l'élaboration des normes pour adopter ce nouveau décret.

Le troisième pilier a pour objectif de mobiliser les promoteurs et les constructeurs de logements neufs. Les immeubles collectifs neufs devront être équipés en fibre optique. Le décret d'application et l'arrêté ont été publiés les 14 et 16 décembre 2011. À partir du 1 er avril 2012, 200 000 logements neufs seront ainsi équipés chaque année par les promoteurs.

Le quatrième pilier concerne l'offre spécifique de très haut débit pour les zones les plus reculées de notre territoire, difficilement accessibles par la fibre optique : 40 millions permettront de développer une nouvelle offre de très haut débit par satellite. Cet engagement permettra de dépasser les performances du satellite Ka-Sat, qui offre d'ores et déjà 10 Mbit par seconde sur l'ensemble de notre territoire.

J'en viens à la proposition de loi. Le deuxième alinéa de l'article 2 rend obligatoire pour les collectivités territoriales l'élaboration de schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN). Cette disposition est intéressante et pourrait même accélérer l'élaboration des schémas. Vous êtes mieux à même de juger de son acceptabilité politique par les collectivités.

De même, l'article 9 inclut la montée en débit dans les dépenses éligibles au fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT). Cet article pose d'autant moins de difficultés que la montée en débit est déjà éligible aux aides du PNTHD.

En revanche, l'article 10 est plus problématique : il crée un droit pour les collectivités territoriales à intervenir dans les zones rentables. Personne ne conteste cette possibilité juridique. L'Autorité de la concurrence, dans son avis du 19 janvier, a confirmé qu'une collectivité territoriale pouvait intervenir dans les zones rentables. Toutefois, dans ce cas, il ne peut y avoir d'aide du Gouvernement sur ces zones. En outre, déployer un réseau d'initiative publique dans les zones rentables est économiquement risqué. Cela revient à dupliquer inutilement des réseaux publics et privés et à mettre en péril l'équilibre économique du réseau d'initiative publique car, lorsque les opérateurs privés ont le choix, ils préfèrent systématiquement se raccorder au réseau privé plutôt qu'au réseau public.

Bref, une telle disposition est juridiquement possible mais économiquement peu judicieuse.

L'articulation entre investissements publics et privés, prévue dans le PNTHD, vise à protéger les réseaux d'initiative publique en leur évitant de faire de mauvais choix économiques. Le Gouvernement demande aux collectivités territoriales de se concentrer sur les zones où les besoins se font sentir : les zones les plus isolées, où l'appétence des Français pour le très haut débit est la plus forte. C'est la meilleure solution pour couvrir les citoyens situés en zones rurales tout en économisant l'argent public.

Contrairement à ce qu'on a pu entendre sur la péréquation, le fait que les opérateurs couvrent la majorité de la population diminue le besoin d'argent public. En Auvergne, les déploiements des opérateurs ont permis de réduire de 20 % l'investissement public.

Le PNTHD fonctionne et nous bénéficions déjà des premières retombées : 4,7 millions de foyers sont couverts en très haut débit par câble, soit 20 % de la population, et 1,35 million de foyers sont raccordés à la fibre optique, ce qui représente 4 % de la population. J'ai rencontré les dirigeants de France Télécom le 10 janvier, qui se sont engagés à doubler le rythme de déploiement en 2012 : 800 000 logements seront ainsi équipés cette année. Il faut y ajouter 200 000 logements neufs qui seront équipés par les promoteurs. Il s'agit d'une réelle accélération du rythme de déploiement.

S'agissant du haut débit, 100 % des Français y ont accès par l'ADSL ou par le satellite. La France est le troisième pays européen en termes de pénétration de l'internet haut débit, devant l'Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni : c'est le résultat d'une régulation avisée qui a incité les opérateurs à investir dans leurs propres réseaux, plutôt que de louer le réseau de France Télécom.

J'en viens aux articles 11 et 12, qui créent un régime de sanctions pour les opérateurs en retard sur leurs déploiements. Il s'agit d'une proposition dangereuse. Rien n'oblige aujourd'hui les opérateurs à déployer des réseaux de fibre optique. Instaurer de nouvelles pénalités à l'encontre de ces opérateurs va avoir l'effet inverse de celui que vous recherchez : au lieu de les inciter à déployer leurs réseaux, ces pénalités risquent de les en dissuader. Aujourd'hui 95% des lignes installées en fibre optique dans notre pays ont été déployées par les opérateurs privés. Vouloir dissuader les investissements privés qui ont déployé la quasi-totalité des lignes de très haut débit serait une erreur.

Rappelez-vous l'échec du plan câble ou du minitel, qui n'étaient ni ouverts à la concurrence, ni à l'innovation. Or, c'est précisément l'ouverture à la concurrence et une régulation avisée qui ont permis l'essor de l'internet haut débit, en France comme dans le monde.

En outre, en dissuadant l'investissement privé, l'État et les collectivités se trouveraient confrontés à un mur : comment financer 24 milliards d'investissement public ? C'est incompatible avec l'état actuel de nos finances publiques.

L'ensemble du cadre, politique, financier et règlementaire est aujourd'hui en place pour le déploiement du très haut débit en France. Sa mise en place a certes été longue : elle a fallu presque quatre ans entre l'adoption de la loi de modernisation de l'économie (LME) et le lancement effectif du PNTHD. Si cela a pris du temps, c'est qu'il s'agit d'un chantier sans précédent. Le téléphone a été déployé en France en un siècle par un opérateur public en situation de monopole. Nous sommes en train de remplacer l'intégralité de cette boucle locale par de la fibre optique, en à peine 15 ans et avec la participation de quatre opérateurs nationaux et de dizaines d'opérateurs locaux.

Cette proposition de loi modifierait le cadre financier et réglementaire mis en place par le Gouvernement et par l'ARCEP, ce qui reviendrait à réengager un nouveau processus de discussion de plusieurs années. Les investissements seraient à nouveau gelés, comme ils l'avaient été entre 2008 et 2010, en attendant que les règles soient clairement fixées. Ce n'est l'intérêt ni de notre économie ni de nos territoires.

Il y a aujourd'hui deux types de collectivités : celles qui ont décidé d'avancer et dont les habitants bénéficieront les premiers du très haut débit, et une minorité de collectivités qui semble contester encore les règles dont notre pays s'est doté. Ce sont malheureusement les citoyens de ces territoires qui en subiront les conséquences.

J'en appelle donc au sens de l'intérêt général en redisant que l'ensemble du cadre politique, financier et règlementaire est aujourd'hui en place. Les collectivités et les opérateurs avancent et fournissent le très haut débit aux Français. Les premiers chiffres sont encourageants et nous devons poursuivre nos efforts afin que la France entre de plein pied dans l'ère du très haut débit.

Cette proposition de loi nous confronte à un choix : soit nous bloquons à nouveau le déploiement du très haut débit pour plusieurs années, soit nous continuons d'avancer afin de fournir le très haut débit à tous les Français.

M. Hervé Maurey , rapporteur de la proposition de loi. - Cette proposition de loi fait suite au rapport qui a été adopté à l'unanimité par la commission en juillet 2011.

Je ne partage hélas pas l'optimisme du ministre : non, 100 % de nos concitoyens n'ont pas accès au haut débit. Nombre d'élus aimerait avoir sur leur territoire du 512 kbit/s, et seule 77 % de la population a accès à du 2 Mbit/s secondes.

Selon un récent rapport publié par les députés, nous nous situons dans la moyenne basse de l'OCDE en termes de débits, puisque les connexions se situent en moyenne à 3 Mbit/s en France, alors que la moyenne de l'OCDE oscille entre 3 et 6 Mbit/s.

Concernant la téléphonie mobile, je me réjouis que vous soyez prêt à revenir sur la façon dont la couverture du territoire national est mesurée. Si les chiffres semblent satisfaisants, c'est parce que le thermomètre n'est pas fiable et que seule est prise en compte la réception de la téléphonie mobile en zone habitée, et en position immobile à l'extérieur.

Sur le très haut débit, sans reprendre les propos de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui estimait qu'au rythme actuel, il faudrait 100 ans pour couvrir le territoire, je ne partage pas votre optimisme. Vous laissez entendre que nous sommes hostiles au déploiement par les opérateurs privés. Tel n'est pas le cas, mais nous réprouvons la relation totalement déséquilibrée qui perdure entre les opérateurs privés et les collectivités territoriales. Le président de l'Autorité de la concurrence faisait remarquer il y a quelques jours que le système actuel était même contraire à la concurrence puisqu'un opérateur peut geler le déploiement d'un réseau par une collectivité. Aujourd'hui, les opérateurs font ce qu'ils veulent, quand ils veulent, où ils veulent. Ils laissent aux collectivités les zones non rentables. Ce déséquilibre est préoccupant car les collectivités ne peuvent même pas équiper la totalité de leur territoire pour parvenir à une péréquation économique.

A partir de ce constat, sans pour autant revenir sur le modèle choisi par le Gouvernement, nous avons décidé d'améliorer le dispositif actuel en rééquilibrant les relations entre opérateurs et collectivités. Quand un opérateur s'engagera, il devra tenir parole. C'est pourquoi nous voulons renforcer le rôle des SDTAN et que nous souhaitons les élargir à l'ensemble de la problématique numérique. Sur certains territoires, en effet, l'urgence est non pas d'instaurer le très haut débit, mais un véritable haut débit. Sur d'autres territoires, il faudra sans doute mettre l'accent sur une meilleure couverture en téléphonie. Vous dites que la 4G va couvrir la France, mais dans quinze ans ! On ne peut dire aux élus et à nos concitoyens de patienter aussi longtemps. Ces schémas devront avoir une valeur contractuelle et les engagements non tenus devront être sanctionnés.

Le président de l'Autorité de la concurrence nous a présenté la semaine dernière un très intéressant avis sur cette question : on y retrouve nombre de remarques que nous avons formulées dans le rapport et dans cette proposition de loi. Il y est dit que l'opérateur historique n'a aucun intérêt à déployer la fibre optique compte tenu de la rente sur le cuivre dont il bénéficie, et que les pouvoirs publics devraient exiger des opérateurs « la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement et veiller de manière régulière à leur strict respect ». Il y est également indiqué que le gouvernement devra revoir en profondeur la logique de son plan et qu'il a fait un choix d'opportunité, ce qui démontre, a contrario , que d'autres options étaient possibles. Enfin, l'autorité de la concurrence reconnaît aux collectivités la possibilité de couvrir l'ensemble de leur territoire dans le cadre d'un service d'intérêt économique général (SIEG).

Nous reparlerons de tout cela le 14 février mais cette proposition de loi répond aux réalités du terrain. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le rapport a été adopté à l'unanimité et si les associations d'élus que j'ai rencontrées se retrouvent dans ce texte.

M. Daniel Raoul , président. - Avec le président Lasserre, nous avons beaucoup parlé des manifestations d'intérêt, qui ne sont que des déclarations d'intention. Il serait préférable de disposer d'un périmètre précis, d'un échéancier et de sanctions en cas de non-respect des engagements. Le flou actuel bloque les initiatives de projets intégrés.

M. Michel Teston . - Je ne parlerai que du très haut débit. Le PNTHD a été arrêté par le Gouvernement il y a quelques mois : ce plan fait la part très belle aux opérateurs privés qui ont le champ libre dans les zones 1 et 2. En revanche, la zone 3, la moins dense, est réservée aux collectivités. Ces dernières ne peuvent assurer de péréquation sur leurs investissements car le Gouvernement a décidé que, si elles intervenaient en zone moyennement dense, elles ne seraient pas aidées en zone 3. C'est totalement anormal. Il doit en effet accepter d'accompagner les collectivités territoriales qui veulent faire de la péréquation.

Par le passé, l'État n'a investi que 44 millions d'euros pour la téléphonie mobile. Sur le haut débit, il en a été de même. Si le « grand emprunt » en prévoit 4,5 milliards pour les investissements et les services, nous sommes loin des montants nécessaires pour développer le très haut débit. Le gouvernement devrait abonder le FANT lorsque les projets des collectivités commenceront à être présentés.

J'en viens à l'offre satellitaire : nous avons reçu récemment le représentant d'Eutelsat qui nous a dit que le satellite Ka-Sat ne pouvait desservir que 300 000 ménages. Or, selon l'ARCEP, 600 000 ménages n'ont pas accès au 512 kbit/s. En outre, le tarif à 29 euros propose 6 Mo en réception, mais un seul en liaison montante. Pour disposer respectivement de 10 et 4 Mo, le tarif passe à 99 euros ! Il est donc temps de définir un partenariat plus équilibré entre les opérateurs privés et la puissance publique afin de développer le très haut débit. Hélas, le gouvernement n'en semble guère convaincu.

M. Bruno Retailleau . - Cette proposition de loi part d'une bonne intention, mais je ne suis pas d'accord avec certaines dispositions. En tant qu'élu local, j'ai la charge d'un SDTAN et il m'est arrivé de dire au ministre ce que je pensais. Je revendique donc ma liberté vis-à-vis des uns et des autres.

Le levier numérique est essentiel pour développer un territoire. La carte de la prospérité en France est d'ailleurs en train de se redessiner et tous les élus en sont conscients.

La proposition de loi traite à juste titre de la tarification pour les entreprises : effectivement, il faut que les petites entreprises aient accès aux offres de fibre.

Je me félicite que le texte prévoit de rendre les SDTAN plus contraignants envers les collectivités : cela les incitera à aller de l'avant.

Le Fonds national pour la société numérique (FSN) étant accessible pour la montée en débit, il serait normal de transposer cette disposition au FANT.

En revanche, le numérique exigeant des investissements très lourds et les opérateurs privés disposant désormais d'accords d'investissement, il ne faudrait pas que cette proposition de loi remette en cause le cadre qui a été défini. Les actionnaires des grands opérateurs n'aiment pas la fibre optique, car il s'agit d'un investissement de long terme. Or, les actionnaires sont myopes, nous le savons tous. Si nous remettons en cause le cadre qu'il a fallu quatre ans à élaborer, on risque de déstabiliser tout le secteur. Nous n'avons pas encore consommé les 900 millions du FSN : nous disposons donc de temps pour cibler l'assiette et le taux des taxes qui alimenteront le FANT. Désormais, il faut que l'investissement prenne son envol. Or, tout serait remis en cause si le cadre règlementaire évoluait.

Le cadre qui a été défini créé un modèle plutôt coopératif entre les collectivités territoriales et les opérateurs. Si nous organisons des conflits et si nous prévoyons des sanctions, nous risquons de bloquer les choses. En revanche, il est possible de renforcer la coopération en encadrant plus précisément les manifestations d'intention. Enfin, la remise dans le périmètre public est une sanction suffisamment dissuasive.

Pour la téléphonie mobile, il serait bon de régler un certain nombre de problèmes et d'établir un calendrier précis.

Le gouvernement a attribué les licences 4G il y a un mois. Si demain, on modifie les obligations des opérateurs, les contentieux seront nombreux. Nous devons sortir par le haut, sans casser des équilibres que nous avons mis des années à trouver. Je vous ferai des propositions pour associer le public au privé et non pour l'opposer. Je connais un département qui a financé des dizaines de milliers de prises dont moins de 4 000 sont activées et où aucun grand opérateur n'a souhaité s'installer.

M. Daniel Raoul , président. - Je connais le travail de Bruno Retailleau sur le dividende numérique, mais la sanction qu'il évoque me paraît un peu légère. Un opérateur pourrait bloquer pendant quatre ou cinq ans un projet intégré sans encourir de sanction financière ?

M. Éric Besson, ministre . - J'avais répondu par avance à certaines des remarques d'Hervé Maurey. L'optimisme n'est pas un défaut, mais je crois surtout faire preuve de lucidité et de volontarisme. Vous estimez que tous nos concitoyens n'ont pas accès au haut débit. Pourtant, trois offres satellitaires existent pour un tarif que nous avons limité à 35 euros par mois, équipement de réception compris. Ces offres sont accessibles depuis n'importe quel point du territoire. Donc, 100% de nos concitoyens ont potentiellement accès au haut débit.

La FNCCR estime que le très haut débit ne couvrira notre territoire que dans cent ans. Non, ce sera chose faite d'ici 2025. Le PNTHD commence à être mis en oeuvre. De 2009 à 2011, nous avons surtout procédé à des montages administratifs et les opérateurs ont gelé les déploiements. Si nous modifions à nouveau le cadre juridique, les déploiements seront à nouveau arrêtés.

Vous vous interrogez sur les engagements des opérateurs. Ils risquent désormais une sanction : le basculement de la zone dans le réseau d'initiative publique en cas de non respect de l'engagement. Ces engagements ne sont pas vérifiés au bout de quatre ans, mais annuellement, monsieur le président de la commission. Vous ne pouvez prétendre, monsieur le rapporteur, que les opérateurs déploient leur réseau où et quand ils veulent. Ils ont détaillé par écrit leurs intentions année par année et commune par commune. Des conventions ont été signées avec les collectivités territoriales. Il y a donc bien un périmètre, un échéancier et des sanctions.

L'avis de l'Autorité de la concurrence fixe les conditions dans lesquelles les collectivités devront lancer et mettre en oeuvre les initiatives publiques. Cet avis ne remplace pas, mais s'ajoute à celui du 17 mars 2010 par lequel l'Autorité a approuvé le PNTHD, ainsi qu'à l'avis du 19 octobre 2011 de la Commission européenne qui l'a validé.

Michel Teston m'a interrogé sur le FANT. Le Gouvernement a mobilisé 900 millions d'euros au titre des investissements d'avenir pour aider les collectivités : il y en a pour des années. Par la suite, l'État abondera le FANT, mais les besoins de financement public restent à préciser. Une évaluation est en cours, sur la base du coût des premiers déploiements. Attendons ses résultats avant de décider de la source de financement du Fonds.

Le PNTHD incite les réseaux d'initiative publique à se concentrer sur les zones de carence de l'initiative privée. Il s'agit d'une part de sécuriser les investissements consentis - la Commission européenne et l'Autorité de la concurrence appellent à réserver les aides d'État aux zones non rentables -, et d'autre part d'éviter la superposition de deux réseaux sur le même territoire, au risque que l'un d'entre eux reste inutilisé, ce qui mettrait en péril l'équilibre des réseaux d'initiative publique. Cette concentration présente deux avantages. Tout d'abord, les projets bénéficieront de la péréquation : l'aide variera entre 33 et 45 % en fonction du degré de ruralité des territoires. Ensuite, des lignes de fibre optique pourront être déployées dans les campagnes, où elles coûtent le plus cher mais où le besoin s'en fait le plus sentir, car l'ADSL y est moins efficace. L'appétence des foyers compensera le coût.

Je suis d'accord avec la plupart des remarques de Bruno Retailleau, y compris son rappel historique sur nos points de désaccord. La proposition de loi prévoit un rapport sur la tarification de l'accès au très haut débit pour les entreprises : je partage son point de vue sur son utilité et ses objectifs. Le Gouvernement n'est pas opposé à ce que les schémas directeurs deviennent obligatoires, mais j'ai dit les réserves des collectivités.

S'agissant des sanctions, il serait paradoxal de punir les opérateurs qui investissent, car nous aurons besoin de leur concours. La complémentarité entre le public et le privé est la clé de la réussite du déploiement de la fibre optique : qui peut croire qu'un monopole public disposerait des 25 milliards nécessaires ? En cas de carence des investisseurs privés, il reviendra aux collectivités publiques d'intervenir.

M. Thani Mohamed Soilihi . - C'est à Mayotte, dans le cent-unième département français, qui compte 200 000 habitants, que l'on enregistre le triste record du débit le plus faible au monde : 54 kbit/s ! Le développement économique de l'île en est ralenti. En janvier 2010, le Président de la République avait pourtant promis le très haut débit avant la fin 2011 : nous n'avons rien vu venir... J'ai adressé une question écrite à Mme le ministre de l'outre-mer, mais je n'ai pas eu de réponse. L'Afrique continentale voisine est pourtant équipée du très haut débit. Le Gouvernement a fait le choix du haut débit par l'ADSL, est-ce pertinent ?

M. Pierre Hérisson . - La commission a unanimement approuvé le rapport qui constate que la demande actuelle n'est pas satisfaite, et appelle à un effort d'aménagement du territoire. L'impatience gagne les esprits : les échéances fixées sont lointaines. Lorsque j'ai commencé à travailler en 1996 sur les textes relatifs aux télécommunications, avec Bruno Sido et quelques autres, votre prédécesseur, monsieur le ministre, annonçait que l'on assisterait dans les quinze ans à venir à une révolution aussi considérable que celle qui s'était produite depuis Gutenberg. Depuis, les choses traînent en longueur...

On s'accorde aujourd'hui à dire : « hors la fibre optique, point de salut » ! Mais il faudra mobiliser 24 milliards d'euros. Nous recevons toutes sortes d'avis d'experts, de l'Arcep, de l'Autorité de la concurrence. Les décideurs publics sont soumis à une forte pression, et font en sorte que leurs administrés soient desservis le plus vite possible. La complémentarité entre public et privé est sans doute le moyen le plus efficace d'y parvenir, mais encore faut-il en fixer le cadre. Certaines collectivités ne veulent pas payer, ou disent n'en avoir par le droit, ou s'exposer à un risque considérable. Le Président Bruno Lasserre nous a prévenus il y a six mois, et M. Jean-Ludovic Silicani l'a répété depuis, que nous pouvions construire tous les réseaux que nous voulions, mais que les seuls habilités à les utiliser étaient les opérateurs. Or ceux-ci regimbent quelquefois. La fibre optique installée devient parfois de la fibre noire, que personne ne veut activer. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a des ententes...

Voilà pourquoi il faut fixer des règles, par le biais d'une convention, d'un partenariat public-privé, d'une délégation de service public ou de tout autre instrument juridique. L'objectif doit être d'assurer au plus vite une couverture intégrale du territoire, en s'appuyant sur la complémentarité technique du cuivre, de la fibre optique et du satellite, indispensable dans certaines zones de montagne. Les opérateurs, de leur côté, doivent s'engager à utiliser tous les réseaux prévus dans le schéma. Peut-être faudra-t-il en passer par la loi.

Quant à la téléphonie mobile, on se fixe depuis le début un objectif de couverture en pourcentage de la population, alors que la population est sédentaire et cette technique, par définition, mobile ! C'est absurde. Ce qui importe est le territoire couvert. Les pays qui n'étaient pas dotés d'un réseau fixe fiable, comme la Roumanie ou la Pologne, enregistrent aujourd'hui un taux de couverture territoriale de 100 % : ils n'avaient pas le choix ! De la même manière, les Américains s'étonnent que ni le Wi-fi, ni le Wi-max n'aient parfaitement réussi en France : aux Etats-Unis, il y avait le choix entre le Wi-max... et le Wi-max !

M. Martial Bourquin . - La commission toute entière a pris position et notre proposition de loi est raisonnable. Son objectif est la couverture numérique du territoire. Un territoire s'apprécie à la qualité de ses infrastructures ! Or les infrastructures numériques sont aussi importantes de nos jours que la route ou le fer.

Vous avez parlé d'une couverture de 100 % : cela n'existe pas ! Les élus reçoivent souvent l'appel d'entreprises, d'exploitations agricoles situées en zone grise, voire blanche. J'ai eu affaire à un grand opérateur de la téléphonie mobile et du haut débit. Ses dirigeants disaient : « Ce qui nous intéresse, ce sont les zones denses. Le reste, c'est votre problème » ! C'est un peu facile... Si les bénéfices tirés des zones denses ne sont pas réinjectés en partie pour équiper les zones moins denses, c'est le service public qui paiera le reste.

J'appelle de mes voeux un plan numérique audacieux, où les opérateurs auraient toute leur place aux côtés des collectivités et de l'État, fixant un calendrier resserré et attentif à la qualité. Pensons à nos concitoyens et aux entreprises : une bonne couverture numérique peut éviter des délocalisations !

M. Alain Fouché . - J'approuve ce qu'a dit Pierre Hérisson du très haut débit. Des problèmes se posent encore dans le domaine de la téléphonie mobile, malgré l'arrivée de Free. Le Gouvernement évoquait des sanctions contre les opérateurs refusant l'itinérance. Qu'en pense monsieur le ministre, et qu'en sera-t-il à l'avenir ?

M. Gérard Bailly . - Nous rencontrons tous ces problèmes sur le terrain. A quand une vraie péréquation, comme pour l'électrification depuis la création du fonds d'amortissement des charges d'électrification, le Facé ? Dans les futurs contrats de projet, État-Région, les territoires qui ont le plus de difficultés devraient recevoir plus d'argent. Lorsque des collectivités veulent lancer des projets d'équipement, il arrive que des opérateurs les en dissuadent en leur promettant de s'en charger eux-mêmes avant quelques années, mais on ne voit rien venir.

M. Jean-Claude Lenoir . - Gérard Bailly a soulevé un problème très important. On n'a réussi à électrifier les campagnes après la guerre que grâce à la participation des collectivités par le biais de syndicats intercommunaux, et grâce au soutien du Facé, alimenté par un prélèvement sur les recettes d'EDF. Il faut trouver le moyen de faire contribuer les opérateurs à la couverture numérique. Est-il juste que les collectivités rurales doivent payer, alors que d'autres sont déjà servies ? Un outil de mutualisation est nécessaire, qui pourrait ressembler au Facé.

M. Pierre Camani . - Le numérique est un accélérateur de croissance. Or le modèle économique proposé ne permet pas un aménagement équilibré du territoire, les élus ruraux le savent bien. Le conseil général du Lot-et-Garonne vient d'adopter un schéma : pour construire un réseau FTTH, il faudra 400 millions d'euros, l'équivalent du budget départemental ! Sur 330 000 habitants, seuls 50 000 vivent dans des zones couvertes par l'initiative privée. Il faudrait donc un schéma plus contraignant, qui associe investisseurs publics et privés.

M. Daniel Dubois . - Vous avez évoqué cinq dossiers de financement de SDTAN approuvés. Toutes les collectivités de quelque envergure - régions, départements, communautés de communes importantes - participent-elles ?

M. Eric Besson, ministre. - A Mayotte, Thani Mohamed Soilihi, le haut débit par satellite est déjà disponible. En revanche, pour déployer la fibre optique ou de l'ADSL, il faut établir une liaison sous-marine. Nous y travaillons : la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) permet d'accorder un avantage fiscal aux opérateurs qui investissent dans les câbles sous-marins, et nos discussions avec France Télécom sont sur le point d'aboutir.

Merci à Pierre Hérisson de son soutien au PNTHD et au principe de la complémentarité entre public et privé, d'autant plus importante qu'au bout du compte, ce seront les opérateurs privés qui utiliseront les réseaux et commercialiseront les services. Les SDTAN délimitent les zones relevant de l'initiative publique ou privée. Les engagements des opérateurs privés comme des collectivités territoriales doivent être respectés, et des sanctions prévues : un opérateur qui ne tiendrait pas ses engagements s'expose à voir basculer sa zone dans le périmètre réservé à l'initiative publique. C'est une sanction lourde. S'agissant de la téléphonie mobile, un groupe de travail sera installé dès le 8 février.

Martial Bourquin, un plan national d'aménagement numérique est en cours d'élaboration : il prendra en compte les SDTAN déjà établis par 75 régions et départements. Je reviens sur la complémentarité du public et du privé. Ce que nous avons fait lors de la cession des « fréquences en or », à la suite de l'extinction de la télévision analogique, est exceptionnel : jamais auparavant des opérateurs ne s'étaient vu assigner des obligations d'aménagement du territoire, et cela ne s'est fait nulle part à l'étranger ! Trois critères avaient été fixés pour l'attribution des fréquences 4G : l'aménagement du territoire, la concurrence et la valorisation du patrimoine immatériel de l'État. Aucun n'a été sacrifié, et l'État a même engrangé 1 milliard d'euros de plus que prévu. La France a fait le choix d'étendre l'accès au très haut débit internet et mobile à la fois aux villes et aux campagnes.

Alain Fouché, le Gouvernement a doté l'ARCEP du pouvoir de sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas leurs obligations de couverture du territoire.

Gérard Bailly, le PNTHD constitue un outil de péréquation efficace, puisque le taux de subvention variera entre 33 et 45 % en fonction du degré de « ruralité » des territoires.

Comment garantir que les opérateurs tiendront leurs engagements ? Il faut d'abord les inciter à investir, en se gardant d'instaurer de nouvelles taxes ou pénalités, mais en préservant la stabilité du cadre réglementaire et fiscal. Les opérateurs sont prêts à couvrir 57 % de la population à travers un réseau fibres jusqu'à l'abonne (FTTH) sans aucun financement public. Ensuite, il faut les contraindre à mettre leurs engagements par écrit, et les menacer de sanctions adaptées en cas de retard. Au niveau national, nous avons recueilli le 31 janvier 2011 les intentions de déploiement des opérateurs, dont la réalisation doit être vérifiée chaque année : elle le sera le 1 er février prochain. S'il y a des retards, nous en tirerons toutes les conséquences.

Daniel Dubois, toutes les collectivités auvergnates sont associées au SDTAN. Dans la Manche, le conseil général porte le projet tout en bénéficiant des fonds européens.

La comparaison que fait Jean-Claude Lenoir entre l'électrification et le déploiement de la fibre optique est séduisante, mais masque des différences importantes. Les réseaux électriques sont centralisés, puisqu'il s'agit de distribuer l'électricité produite dans les centrales ; au contraire, les réseaux numériques sont par nature décentralisés. Les premiers appartiennent aux collectivités : c'est un monopole légal. Les seconds appartiennent soit à des entités publiques, soit à des entreprises privées. L'idée de taxer chaque mètre déployé est inopérante : le Facé n'est pas duplicable.

Pour finir, je veux saluer l'initiative de Public Sénat et Sénat direct, qui ont organisé un live tweet sur cette audition. J'ai cru comprendre que de nombreux commentaires ont été recueillis.

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