IV. MIEUX LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS : UN OBJECTIF QUE N'ATTEINT PAS LE PRÉSENT PROJET DE LOI
Le présent projet de loi contient deux articles, pour le moins laconiques, regroupés au sein du chapitre I er intitulé « dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et à la lutte contre les discriminations ».
Ces articles visent à compléter la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en prévoyant la communication au futur Conseil commun de la fonction publique respectivement d'un rapport sur les mesures mises en oeuvre pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que du rapport annuel établi par le comité national du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). 18 ( * )
S'il est fort louable de pourvoir à l'information du Conseil commun de la fonction publique, nul doute que, concrètement, les deux articles du projet de loi ne permettent pas, en l'état, d'envisager une amélioration de la situation des femmes et des personnes handicapées. Le caractère anecdotique des dispositions proposées n'a sans doute pour seul mérite que d'attirer l'attention sur la situation, d'une part des femmes, d'autre part des personnes handicapées, dans la fonction publique qui est particulièrement en retard en la matière.
V. L'ADHÉSION À UN TEXTE TECHNIQUE QU'IL IMPORTE DE COMPLÉTER
Votre rapporteur a abordé avec pragmatisme le présent projet de loi qui se présente comme un texte essentiellement technique.
Sa genèse résulte de la volonté de mettre en oeuvre l'accord négocié entre le Gouvernement et les organisations syndicales pour tenter, une fois de plus d'améliorer la situation des contractuels de la fonction publique.
Par un mouvement « naturel », s'y est greffé un ensemble de dispositions répondant à des difficultés d'importance inégale.
Ce projet de loi est le « dernier train » de la présente législature ; il constitue l'ultime opportunité de modifier ou de compléter les statuts pour en conforter la cohérence et la bonne marche des institutions publiques.
C'est à cette aune que, suivant son rapporteur, la commission des lois a examiné le projet soumis à son examen.
Par réalisme, elle a retenu les divers volets qu'il contient. Elle regrette, cependant, leur hétérogénéité qui n'est pas de bonne pratique législative ; cet objet diversifié et dilué altère la lisibilité de la loi. C'est pourquoi elle a décidé de s'en tenir au périmètre ainsi fixé afin de maintenir à l'ensemble une certaine cohérence et de ne pas anticiper des réformes qui méritent d'être débattues dans le cadre d'un débat spécifique.
A. DONNER FORCE LÉGISLATIVE AU FRUIT DE LA NÉGOCIATION SOCIALE EN LUI CONFÉRANT SON PLEIN EFFET
Le coeur du texte est constitué par ce nouveau plan de résorption de la précarité qui fragilise de nombreux agents non-titulaires.
Malgré les efforts passés et la titularisation de dizaines de milliers d'entre eux qui ne furent que des améliorations fugitives, la situation antérieure est réapparue.
Cette fois, cependant, votre rapporteur note que le quinzième plan de titularisation proposé s'accompagne d'une sécurisation minimum pour les « recalés » par la voie de la CDisation et de plusieurs mesures qui devraient principalement donner plus de force au mécanisme d'accès au CDI adopté en 2005 par le législateur.
Approuvant dans son ensemble l'esprit du double-volet consacré aux contractuels, la commission des lois tout en y apportant des corrections techniques, en a renforcé les garanties sur plusieurs points.
• Le titre premier consacré à la
lutte contre la précarité
transpose dans la loi
le dispositif spécifique de titularisation arrêté au terme
de la
concertation
conduite par le Gouvernement.
Il repose sur un équilibre accepté par les partenaires sociaux dans leur plus grande majorité et votre rapporteur n'entend pas l'altérer. Le législateur qui, en 2010, a rénové le cadre légal du dialogue social notamment en élargissant son champ et en fixant les critères de validité des accords à celui de l'accord majoritaire en voix, est aujourd'hui appelé, pour la première fois depuis cette réforme, à donner force de loi aux conclusions fructueuses d'un accord.
Les organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur lui ont manifesté leur souci de voir le projet de loi ne pas bouleverser les éléments d'un protocole très largement signé.
En conséquence, en dehors de diverses rectifications destinées à préciser le texte, assurer sa cohérence dans l'ordonnancement juridique et sa lisibilité, la commission, sur la proposition de son rapporteur, a essentiellement adopté quatre modifications :
- les deux premières participent de l' équité .
Par cohérence, la commission a tout d'abord intégré dans le calcul de l'ancienneté les services accomplis pour assurer le remplacement de fonctionnaires momentanément absents ou autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ainsi que pour pourvoir à une vacance temporaire d'emploi.
Le projet de loi détermine ensuite curieusement les corps et cadres d'emplois accessibles aux candidats à la titularisation lorsqu'ils ont exercé des fonctions relevant de catégories hiérarchiques différentes : ceux de la catégorie hiérarchique inférieure dans laquelle l'agent a été le plus longtemps en poste.
Pour sa part, la commission des lois a choisi le classement sur la réalité des services effectués par le candidat : elle a tout d'abord distingué le CDI pour lequel la titularisation s'effectuera dans un corps ou cadre dont les fonctions sont de même niveau que celles occupées au 31 mars 2011 ; l'agent en CDD, pour sa part, accèderait à la catégorie dans laquelle il a exercé le plus longtemps s'il a quatre ans d'ancienneté ; en revanche, au-delà de quatre ans d'ancienneté, il accèderait à la catégorie la plus élevée, quel que soit le temps qu'il y a passé.
Cette rectification a été portée dans les trois versants (articles 5, 14 et 23) ;
- la troisième modification substantielle consiste à tenir compte de la diversité des employeurs territoriaux : elle ouvre la faculté de confier l'examen de la correspondance entre le dossier du candidat et le cadre d'emplois ouvert par le recrutement auquel il se présente, à la commission d'évaluation professionnelle mise en place pour conduire les sélections professionnelles.
Le choix ainsi offert à l'autorité territoriale devrait faciliter la mise en oeuvre du dispositif de titularisation dans les petites collectivités notamment ;
- enfin, la commission a ouvert le dispositif de titularisation, d'une part, aux personnels des établissements exclus du bénéfice des dérogations à l'emploi titulaire (prévu par l'article 2-2° de la loi du 11 janvier 1984) et, d'autre part, aux contractuels des administrations parisiennes.
• Les
clarifications
apportées, dans le titre II, au régime des contrats pour
prévenir les effets pervers de l'encadrement actuel du renouvellement
des contrats et de leur transformation en CDI méritent d'être
approuvées dans le principe.
Les rapprochements opérés entre les trois versants de la fonction publique ainsi que la réaffirmation du principe essentiel de l'emploi titulaire permettront de conforter le statut alors que la place du CDI y est élargie dans le même temps. La CDisation est, en effet, le moyen de lutter contre la précarité ; elle ne doit cependant pas devenir une voie parallèle de recrutement dans les services publics.
Votre rapporteur demeure, cependant, prudente sur les résultats escomptés. Seule la pratique permettra d'en mesurer les effets. Il n'en reste pas moins que les modifications proposées devraient limiter les abus actuels et davantage sécuriser la situation des personnels concernés.
C'est pourquoi, à son initiative, la commission des lois n'a apporté à ce second volet, traduction fidèle de l'axe 2 du protocole du 31 mars 2011, que des amendements destinés à préciser, assouplir, clarifier et compléter les mesures proposées. Elle a notamment porté de trois à quatre mois la durée des interruptions entre deux contrats, qui autorise la prise en compte des services discontinus dans le calcul de la durée de la condition de six ans pour l'accès au CDI. Cet élargissement devrait notamment sécuriser la situation de certains contractuels de l'éducation nationale.
Par ailleurs, elle a pris en compte la situation des contractuels des établissements et institutions qui, par l'effet de l'article 3, 2 ° et 3 °, de la loi du 11 janvier 1984, ne sont pas soumis à la règle de l'emploi titulaire pour l'ensemble ou une partie de leurs emplois : au cas où ces organismes « réintègreraient » le droit commun, leurs personnels conserveraient les stipulations de leur contrat jusqu'à leur terme et pourraient bénéficier de la transformation, sous condition, de leur CDD en CDI.
* 18 Cet organisme consultatif a été créé par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social qui connaîtra de toute question d'ordre général commune aux trois fonctions publiques