EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 16 novembre 2011, sous la présidence de Mme Fabienne Keller, vice-présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et les articles 64 quater et 64 quinquies du projet de loi de finances pour 2012.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » constitue la principale mission du pôle économique et financier de l'État. Relevant du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, elle comprend six programmes d'inégale importance. Technique, elle retrace des fonctions régaliennes liées à l'impôt, ainsi que des activités d'état-major, d'expertise, de contrôle et de soutien ; elle comprend aussi la formation des fonctionnaires et l'action sociale interministérielle. Toutefois, les enjeux rattachés à cette mission sont loin d'être négligeables. D'une part, la masse salariale - à laquelle 75 % des charges de la mission sont consacrées - représente plus de 7 % des dépenses totales de personnel du budget général de l'État. En 2012, elle devrait compter 116 251 équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour un coût de 8,7 milliards d'euros. La maîtrise des dépenses de personnel de cette mission constitue donc un enjeu budgétaire essentiel. Une augmentation d'un point de la masse salariale de cette mission représente, par exemple, un coût supplémentaire de 86 millions d'euros en 2011. D'autre part, son principal programme regroupe les moyens de la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui absorbent plus de 70 % de ses crédits.
Les dotations connaissent une légère baisse. Les crédits de paiement de la mission diminuent de près de 0,6 % par rapport à 2011 pour s'établir à 11,68 milliards d'euros. Les dépenses de personnel augmentant de 1,21 %, la réduction des crédits n'est obtenue que grâce à la réalisation d'économies substantielles. Elles s'élèvent à 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 173 millions d'euros en crédits de paiement et portent principalement sur les dépenses de fonctionnement. La forte diminution des dépenses liées à la fin du déploiement du système d'information Chorus représente près de 46 % des économies réalisées en autorisations d'engagement et plus de 20 % de celles réalisées en crédits de paiement. Ce système, déployé début 2011, ne devrait plus occasionner que des dépenses de maintenance. Cette diminution apparaît donc réaliste.
Hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », la masse salariale devrait se réduire de 0,14 % en 2012. En effet, la hausse des dépenses de personnel résulte principalement du dynamisme de la contribution d'équilibre versée au compte d'affectation spéciale qui augmente de 4,6 % en 2012. Cette évolution est principalement permise par l'effort de maîtrise des dépenses de personnel réalisé par la DGFiP.
L'on peut, en s'appuyant sur les constatations réalisées par la Cour des comptes à notre demande, dresser un premier bilan de la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Si la réunion institutionnelle de ces directions apparaît à ce jour comme une réussite, l'amélioration du service rendu aux usagers est plus difficile à mesurer. En outre, la principale source d'économies revendiquée résidait dans la réduction du nombre d'emplois. Néanmoins, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite était déjà bien engagé avant la fusion des ex-DGI et ex-DGCP. En outre, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence du versement de mesures indemnitaires liées à la fusion à l'ensemble des agents de la DGFiP. Ces mesures ont ensuite été pérennisées pour certaines d'entre-elles. Enfin, nous serons particulièrement attentifs à ce que soient mesurés avec précision les gains de productivité permis par la fusion et à ce que la DGFiP s'engage désormais dans une démarche prospective comprenant la définition d'objectifs forts pour l'avenir. Lors de l'audition pour suite à donner organisée par la commission des finances le 25 octobre dernier, l'on nous a assuré que la DGFiP allait rectifier le tir et s'engager dans une démarche prospective.
Nous avons pu mettre en évidence que la réduction des effectifs, qu'elle soit liée ou non à la fusion, s'était accompagnée d'une contraction du nombre des contrôles fiscaux, ainsi que du montant des droits rappelés et des pénalités appliquées. Entre 2006 et 2010, les contrôles fiscaux concernant les particuliers ont ainsi diminué de 15 % et les droits rappelés de 3 %. Pire encore, le montant des pénalités appliquées a, quant à lui, connu une chute de 44 %. Il serait paradoxal que les économies réalisées nuisent à l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale.
Enfin, à titre personnel, je me suis interrogé sur ce que recouvrait la dotation de 10 millions d'euros réintroduite dans le programme n° 148 « Fonction publique » destinée au financement d'une nouvelle aide au maintien à domicile des fonctionnaires retraités. Cette aide est destinée aux fonctionnaires de plus de soixante-cinq ans ne bénéficiant pas de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Elle vient remplacer l'aide ménagère à domicile qui avait été supprimée en 2009, ayant perdu sa raison d'être. Or cette année, on nous propose de la rétablir, sans qu'il soit possible de savoir ce qu'elle recouvre exactement. C'est pourquoi, je déposerai un amendement d'appel visant à supprimer les crédits prévus. Je le ferai à titre personnel si la commission ne me suivait pas.
En conclusion, je recommande l'adoption des crédits de la mission.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - La mission « Provisions » est originale en ce que ses deux dotations-programmes regroupent des crédits destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Ils sont répartis en tant que de besoin, en cours d'exercice, entre les autres missions, par voie réglementaire. Conformément à la LOLF, cette mission présente la spécificité d'être dénuée de stratégie de performance, partant d'objectifs, d'indicateurs et de projet annuel de performances.
D'un montant global de 178 millions d'euros en crédits de paiement, cette mission est la moins dotée du budget général. La dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » correspond aux mesures générales intéressant les agents du secteur public ; elle a vocation à financer les mesures générales, en matière de rémunérations publiques, dont la répartition, par programme, ne pourrait être déterminée a priori avec précision au moment du vote de la loi de finances. Pour 2012, ce programme n'est pas budgété, ce qui est le signe d'une bonne répartition a priori des dépenses de personnels entre missions.
La dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » regroupe, comme son nom l'indique, les crédits nécessaires à des dépenses accidentelles, imprévisibles et urgentes (catastrophes naturelles, événements extérieurs nécessitant le rapatriement de Français) ; 478 millions en autorisations d'engagement et 178 millions en crédits de paiement sont demandés. La différence de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement correspond à la constitution d'une provision spécifique pour d'éventuelles prises de bail privé des administrations centrales et déconcentrées.
Les recettes du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sont estimées à 400 millions d'euros en 2012. Notre rapporteure générale s'est inquiétée à plusieurs reprises de la façon dont il contribue au désendettement de l'État. Pour la première fois depuis qu'il existe, il connaîtra un déficit modeste, de 52 millions d'euros, mais un déficit tout de même. Lorsqu'un ministère cède un bien immobilier, il perçoit les recettes correspondantes, après un prélèvement qui s'établit à 20 % pour 2012 et devrait être portée à 25 % en 2013 et 30 % en 2014. Ce prélèvement est affecté au programme « Contribution au désendettement de l'État ». Or la prévision de dépenses immobilières est exactement égale aux recettes ; il faut en savoir gré au Gouvernement, mais cela explique le déficit.
Des indicateurs de performances sont enfin associés au programme « Contribution au désendettement de l'État ». L'an dernier, Nicole Bricq avait préconisé de retenir pour objectif d'« intensifier la contribution des recettes de cessions immobilières au désendettement de l'État ». Les indicateurs proposés par le Gouvernement n'ont rien à voir. Il s'agit de vérifier que le service France Domaine a su déterminer une valeur vénale proche de celle du marché grâce aux deux indicateurs que sont, d'une part, l'écart global entre les prix réalisés à la vente et les évaluations domaniales et, d'autre part, la mesure de l'écart-type des prix réalisés à la vente et les évaluations domaniales. Au total, ces indicateurs me semblent pertinents, quoique moins ambitieux que celui proposé par Nicole Bricq.
Je vous propose d'adopter ces crédits avec enthousiasme.
Premier article rattaché, le 64 quater crée un document, tout à fait bienvenu, de politique transversale intitulé « Politique immobilière de l'État». L'article 64 quinquies , ensuite, autorise la cession par l'État des bois et forêts composant le domaine de Souzy-la-Briche. Cette propriété, autrefois affectée à la Présidence de la République, n'est plus utilisée aujourd'hui. L'entretien de cette propriété étant coûteux pour l'État, sa revente ne peut qu'être accueillie favorablement. Mais dans la mesure où il s'agit d'un legs, il convient de s'assurer que les ayants droit ne s'y opposent pas. Nous vous invitons à adopter ces articles sans modification.
Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Le compte rendu de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique par la Cour des comptes a souligné le paradoxe d'une réforme ayant abouti à augmenter la masse salariale mais dont l'objectif n'était pas de faire des économies. Il s'agissait de faciliter la vie du contribuable, ce qui est sans doute davantage vrai aujourd'hui pour les contribuables entreprises que pour les particuliers. Cette fusion est plutôt réussie et le service coûte plus cher. Il en est souvent ainsi des bonnes réformes, qui peuvent ne dégager des économies qu'avec le temps.
Le dispositif de chasse à la fraude et à l'évasion vers les paradis fiscaux avait été adopté avec le soutien de l'opposition sénatoriale d'alors. Il nous permet de disposer aujourd'hui d'une cellule capable de mener des recherches longues et compliquées, notamment sur les prix de transfert pratiqués au sein des groupes. Il a fallu plus d'an pour que cette cellule devienne opérationnelle mais c'est désormais le cas. Il est d'autant plus souhaitable que nous suivions de près ses activités que nos compatriotes sont désespérés d'entendre que plus rien n'est fait depuis la crise pour la lutte contre les paradis fiscaux. Le premier indicateur d'activité dont nous disposons, le pourcentage des contrôles réprimant les fraudes les plus caractérisées - lesquelles ? -, n'est pas nécessairement représentatif de la performance des services. Le second indicateur, à savoir le taux de recouvrement des droits et pénalités, appelle quant à lui une observation attentive de notre part car il pose directement la question du rendement pour le budget de l'État. Au-delà de la communication sur la cellule de dégrisement, il est important que nous puissions suivre au plus près l'évolution de ces contrôles. Cela encouragera les contrôleurs, qui disposent désormais de pouvoirs de police judiciaire, à exercer leurs talents.
En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », je souhaiterais préciser que l'affectation, après 2014, du produit de l'ensemble des ventes immobilières au désendettement de l'État ne résulte pas d'une proposition du Gouvernement mais d'un amendement du Sénat. Le Gouvernement n'y était pas très favorable, notamment à cause du ministère de la défense qui dispose d'un droit de retour dont il faudra débattre un jour.
L'article 64 quinquies attire l'attention, Monsieur le rapporteur spécial, sur le syndrome de l'hippodrome de Compiègne. Lorsque l'on cède un domaine public avec des bois et forêts, il faut passer par la loi. Le cas de Compiègne nous l'enseigne il faut aussi connaître les conditions de la cession. Or nous ne les connaissons pas pour Souzy-la Briche. Par exemple, l'évaluation du prix peut être un point susceptible de poser des difficultés. Pour cette raison, je ne voterai pas cet article tel qu'il est présenté. Je ne suis pas surprise que l'Assemblée nationale l'ait voté en l'état, mais faites attention, demandez bien à avoir regard sur la totalité de l'opération. Je vous incite à la méfiance et à la prudence.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial .- Sur le coût de la création de la DGFiP, je pense aussi qu'une réforme peut d'abord coûter avant de produire des effets. Mais dans le cas présent, sans doute traumatisés par l'échec de la réforme de 2000, on a été trop généreux en matière de primes. En outre, des avantages accordés en particulier aux agents de catégorie A de la DGFIP risquent d'avoir des répercussions dans d'autres secteurs de la fonction publique. Je ne suis pas persuadé qu'on ait bien mesuré le coût global des décisions qui ont été prises.
Nous regarderons la fraude fiscale et la lutte contre les paradis fiscaux de près, de même, je l'espère, que l'évasion de TVA liée aux achats effectués de manière électronique, un autre sujet souvent évoqué au sein de notre commission.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Je ne connais pas dans le détail le dossier de la cession de Souzy-la-Briche. Il s'agit d'un legs effectué à la Présidence de la République qui n'a jamais été utilisé, sauf pour accueillir à une époque le cheval turkmène offert à François Mitterrand. Les services des présidents successifs ont essayé de trouver en vain une affectation à ce domaine qui constitue une charge puis l'Élysée en a transféré la gestion au ministère de la culture. Le bien ne présentant pas d'intérêt historique ou culturel...
M. Michel Berson . - Ce n'est pas un château !
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - ... le ministère n'est pas parvenu à lui trouver une utilisation. Une cession s'imposait donc. S'agissant de bois et forêts, la prudence est de mise et, au-delà de la question de l'habilitation législative, se pose celle du recueil de l'avis favorable des ayants droit, ce qui n'est pas évident, les éventuels héritiers du couple qui avaient fait ce legs pouvant demander sa révocation si le cahier des charges n'est pas respecté. Nous allons prendre attache avec France Domaine afin de connaître les conditions précises de cette cession.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - J'avais évoqué un amendement n° 1 qui supprime 10 millions d'euros correspondant aux crédits prévus pour le financement de l'aide au maintien à domicile dans le cadre du programme « Fonction publique ».
Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Ce serait un amendement d'appel. Déposez-le pour que la commission l'examine.
M. Jean-Paul Emorine . - Ce ne serait pas forcément un amendement d'appel !
L'amendement n° 1, présenté par le rapporteur spécial, Philippe Dallier, à l'article 32 (État B annexé) du projet de loi de finances pour 2012, est adopté.
En conséquence, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi modifiés, puis l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Provisions » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 64 quater
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 64 quater du projet de loi de finances pour 2012.
Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - L'Assemblée nationale a accepté à la va-vite la vente du domaine de la Souzy-la-Briche. Je mets en garde la commission des finances : on ne sait rien des conditions de la cession, de la position des légataires...
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - C'est une charge de 200 000 euros par an, depuis des dizaines d'années !
Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Pourquoi se précipiter aujourd'hui ?
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Nous avons besoin de sous !
Mme Fabienne Keller , présidente . - J'ai entendu les réserves de Madame la rapporteure générale. Reste qu'il est indispensable d'inscrire dans la loi le principe de la cession pour pouvoir y procéder le cas échéant : il serait dommage de rater cette occasion.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Nous serons attentifs aux conditions de la cession, qui se fera bien entendu sous réserve de la position des légataires.
Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Je propose de rejeter l'article : le Gouvernement s'expliquera en séance publique.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet de l'article 64 quinquies du projet de loi de finances pour 2012.
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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2011, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a décidé de confirmer sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », tels qu'amendés lors de sa réunion du 16 novembre, puis l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Provisions » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ainsi que l'adoption, sans modification, de l'article 64 quater et le rejet de l'article 64 quinquies .