c) Le dispositif envisagé par le Sénat, puis défendu par le Gouvernement : un Fonds monétaire européen « branché » sur la BCE
(1) Une proposition lancée dans le débat politique par le Sénat au début du mois de septembre 2011
Au début du mois de septembre 2011 18 ( * ) , la commission des finances considérait que la sortie de crise impliquait la mise en place d'un fonds de grande taille « branché » sur la BCE, ayant le statut de banque, et qu'elle proposait d'appeler « Fonds monétaire européen ».
Une solution proche consisterait en ce que la BCE acquière des titres du FESF.
Ainsi, serait mis en place un dispositif fonctionnant de la manière suivante :
- le Fonds monétaire européen (FME), qui hériterait de la capacité de prêt résiduelle, de l'ordre de 250 milliards d'euros, de l'actuel FESF, prenant ses décisions à la majorité qualifiée (pour pouvoir effectivement rassurer les marchés), se financerait comme une banque auprès de la BCE, tout en se conformant à l'obligation de respecter un ratio de fonds propres de, par exemple, 10 % - ce taux de 10 %, fixé par référence au dispositif TALF, permettant de disposer d'un effet de levier de 10 ;
- les financements obtenus auprès de la BCE lui permettraient de financer les Etats connaissant des crises de liquidité, pour un montant pouvant aller jusqu'à 250 x 10 = 2 500 milliards d'euros.
Comment le FESF pourrait être transformé en banque :
le projet de Fonds monétaire européen
Source : commission des finances
(2) Une idée initialement proposée par des économistes
La commission des finances n'est pas à l'origine de cette idée, qui a semble-t-il été exprimée pour la première fois par Willem Buiter, économiste en chef de la banque Citigroup, dans un article de janvier 2011 19 ( * ) .
Cette idée a été reprise en août 2011 par Daniel Gros et Thomas Mayer dans un article 20 ( * ) du Center for European Policy Studies , dans lequel ils proposent de donner au FESF - renommé « Fonds monétaire européen » (FME) - le statut de banque. Les Etats continueraient de se financer en émettant leurs propres titres de dette publique. En cas de crise de liquidité, le FME leur achèterait ces titres, grâce aux financements qu'il obtiendrait en tant que banque auprès de la BCE, en utilisant ces titres comme collatéral.
(3) Une proposition reprise par le Gouvernement
La proposition de transformer le FESF en banque a ensuite été reprise par le Gouvernement, qui l'a défendue lors des récentes négociations avec nos partenaires.
Elle s'est toutefois heurtée à l'opposition de l'Allemagne et de la BCE.
Par ailleurs, il n'y a pas de consensus sur la possibilité de transformer le FESF en banque sans modifier le TFUE 21 ( * ) .
En outre, la solution du Fonds monétaire européen « branché » sur la BCE ne pourrait vraisemblablement pas être décidée par l'ensemble des Etats de la zone euro avant le premier semestre 2012, et, compte tenu de la lenteur de mise en oeuvre des décisions déjà prises, pourrait par conséquent n'être effective qu'à la fin de l'année 2012, soit bien trop tard.
On pourrait toutefois parvenir à un résultat analogue sans formellement transformer le FESF en banque. Ainsi, lors de son audition par la commission des finances le 18 octobre 2011 22 ( * ) , Jean Pisani-Ferry a proposé un dispositif consistant à « utiliser une ligne de crédit de la BCE, qui prêterait au FESF pour lui permettre d'acheter des obligations ; celles-ci seraient mises en dépôt auprès de la BCE, qui imposerait une décote pour tenir compte du risque, et qui prêterait de nouveau le montant correspondant. Si la décote était de 20 %, on obtiendrait un coefficient multiplicateur de 5 : au lieu de 250 milliards d'euros, on aurait 1 250 milliards ».
On pourrait également éviter de « brancher » directement le FESF sur la BCE. La BEI ou les banques privées pourraient ainsi servir d'intermédiaire. Dans le premier cas, si certains auteurs 23 ( * ) considèrent que cela serait juridiquement compatible avec le statut de la BEI, cela reste à confirmer. Dans le second, il serait probablement nécessaire de mettre en place pour les banques un dispositif présentant un degré certain de contrainte.
* 18 Rapport n° 787 (2010-2011), 8 septembre 2011 ( http://www.senat.fr/rap/l10-787/l10-787.html ).
* 19 Willem Buiter, Ebrahim Rahbari, Jürgen Michels, Giada Giani, « The Debt of Nations », Citigroup, 7 janvier 2011.
* 20 Daniel Gros et Thomas Mayer, « August 2011 : What to do when the euro crisis reaches the core », CEPS Commentary, 18 août 2011.
* 21 Daniel Gros et Philippe Mayer, dans leur étude précitée, estiment qu'une telle modification serait possible. Ils soulignent en particulier que son article 123, qui interdit à la BCE de financer les administrations et organismes publics, prévoit une exception dans le cas des banques publiques. Cependant, Klaus Regling, directeur général du FESF, a estimé le 25 septembre 2011 qu'un dispositif impliquant la BCE pourrait ne pas être juridiquement possible.
* 22 Dont le compte-rendu est reproduit en annexe au présent rapport.
* 23 Willem Buiter et Ebrahim Rahbari, « The future of the euro area : fiscal union, break-up or blundering towards a `you break it you own it Europe' », Citigroup, 9 septembre 2011.