B. LE DISPOSITIF ANNONCÉ LE 26 OCTOBRE 2011 : UN NOUVEAU PAS QUI EN APPELLERA D'AUTRES
Le tableau ci-après indique les principaux dispositifs théoriquement - sinon politiquement - envisageables pour doter la zone euro d'une « force de frappe » suffisante.
Certains reposent exclusivement sur la BCE. D'autres - dont les deux finalement retenus - ont pour objet de doter le FESF d'un « effet de levier », c'est-à-dire d'augmenter sa capacité de prêt (de 440 milliards d'euros) sans accroître ses ressources (garanties de 780 milliards d'euros des Etats de la zone euro).
La solution retenue le 26 octobre 2011 - garantie partielle des émissions et mise en place d'un dispositif de type « CDO » - n'implique pas la BCE, conformément à la volonté de l'Allemagne. Elle correspond donc aux dispositifs (G et H) dont l'effet de levier est le plus faible (de l'ordre de 4, et non 10), de sorte que la capacité de financement résultant des 250 milliards d'euros encore non utilisés par le FESF serait de l'ordre de seulement 1 000 milliards d'euros (et non 2 500 milliards).
Ce sont aussi ces solutions qui, par leur nature, paraissent les moins susceptibles d'éviter une augmentation autoréalisatrice des taux, comme on le verra ci-après.
1. Les dispositifs les plus efficaces impliqueraient la BCE
Si les contributions des Etats aux dispositifs actuels - que ce soit sous forme de crédits ou de garanties - pourraient être marginalement accrues, un changement d'ordre de grandeur de la capacité de prêt ne pourrait être réalisé de cette manière.
Par exemple, une multiplication par 5 de la garantie de la France au FESF 15 ( * ) porterait celle-ci de 8 points de PIB à 40 points de PIB. Cela affecterait sa notation, et renchérirait sa charge d'intérêts.
En revanche, la BCE, grâce à sa capacité à créer de la monnaie, dispose d'une « force de frappe » potentiellement infinie. Certes, sa fonction première est de lutter contre l'inflation. Cependant il s'agirait ici de la faire participer à un dispositif dissuasif, dont l'objet serait de ramener la confiance en bloquant la contagion à l'Italie et à l'Espagne, afin qu'elles ne connaissent pas à leur tour une augmentation autoréalisatrice de leurs taux.
Par ailleurs, la Réserve fédérale américaine a réalisé en 2011 des achats massifs de bons du Trésor américains, pour un montant qui dépasse désormais 1 500 milliard de dollars. A titre de comparaison, les achats par la BCE d'obligations des Etats « périphériques » de la zone euro dépassent à peine les 150 milliards d'euros.
L'économiste Patrick Artus affirmait, dans un article du 2 septembre 2011 16 ( * ) , que « soit la BCE, soit l'Allemagne va devoir abandonner ses principes » : l'Allemagne si on mutualise la dette, la BCE si elle doit monétiser la dette. On peut en particulier douter que les dispositifs annoncés le 26 octobre correspondent véritablement à une « troisième voie », comme on le verra plus loin.
a) Un effet de levier important et une garantie absolue contre les crises autoréalisatrices
Les dispositifs impliquant la BCE seraient les plus efficaces.
Tout d'abord, ils disposent d'un effet de levier potentiellement important. Le dispositif « TALF » mis en place aux Etats-Unis en 2008 (cf. ci-après) a un effet de levier de 10. Si on considère que le FESF ne dispose plus que d'une capacité résiduelle de prêt hors effet de levier de l'ordre de 250 milliards d'euros, cela correspond à une capacité de financement de l'ordre de 2 500 milliards d'euros avec effet de levier, ce qui est à la hauteur des enjeux.
En l'absence de recours à la BCE, le FESF garantirait les titres vis-à-vis d'investisseurs privés, qui demanderaient une rémunération du risque plus élevée, d'où un effet de levier plus faible, vraisemblablement de l'ordre de 4, ce qui ne correspondrait plus qu'à une capacité de financement de l'ordre de 1 000 milliards d'euros, qui pourrait ne pas être jugée suffisante par les investisseurs.
Ensuite, les dispositifs impliquant la BCE permettent une garantie totale pour les investisseurs, ce qui permet d'éviter le risque d'augmentation autoréalisatrice des taux. Sans recours à la BCE, la garantie ne peut porter que sur les pertes jusqu'à, par exemple, 25 %, ce qui pourrait ne pas suffire à rassurer les investisseurs.
* 15 Actuellement de 158 milliards d'euros
* 16 Patrick Artus, « Soit la BCE, soit l'Allemagne va devoir abandonner ses principes (« manger son chapeau ») », Flash économie n°648, 2 septembre 2011.