B. L'INSCRIPTION D'UNE RÈGLE D'ÉQUILIBRE DANS LA CONSTITUTION : UN FAUX PROBLÈME

Avant le changement de majorité au Sénat, le Gouvernement instrumentalisait le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, adopté dans des termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale le 11 juillet 2011, pour marquer sa crédibilité face à une opposition qui le serait moins.

Ce discours est d'autant plus paradoxal que le projet de texte constitutionnel n'apporte en pratique rien de significatif par rapport aux actuelles lois de programmation des finances publiques.

Dans leur déclaration du 26 octobre 2011, les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro ont rappelé l'attachement des Etats à des règles inscrites au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, mais pas nécessairement dans la Constitution. Ainsi, il s'engagent à l'« adoption, par chaque État membre de la zone euro, de règles relatives à l'équilibre structurel des finances publiques traduisant dans la législation nationale, de préférence au niveau constitutionnel ou à un niveau équivalent, les règles du pacte de stabilité et de croissance, et ce avant la fin de 2012 ».

1. Un débat confus

Le débat est d'autant plus confus que personne ou presque n'a pris la peine de prendre connaissance ni du projet de loi, ni du texte adopté par les deux chambres - ni, a fortiori , des rapports parlementaires -, de sorte que le débat porte sur une sorte de règle fantomatique. Dans le meilleur des cas, on se réfère au rapport 77 ( * ) que le groupe de travail présidé par Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, a adopté le 21 juin 2010, et que le projet de loi est censé mettre en oeuvre.

Par exemple, des économistes réputés - dont la compétence en tant qu'économistes n'est pas en cause - peuvent affirmer en octobre 2011 que la règle ne peut pas fonctionner parce qu'on ne peut pas calculer avec précision le solde structurel. Il est vrai que des économistes ne sont pas nécessairement des juristes. Pourtant, justement pour éviter cette difficulté, le projet de loi constitutionnelle propose une règle définie en termes non de solde structurel, mais d'effort structurel (c'est-à-dire d'effort discrétionnaire du Gouvernement sur les dépenses et les recettes).

Confus parmi les économistes, le débat l'est encore plus parmi les citoyens. Le règle d'équilibre est appelée « règle d'or », alors même qu'il ne s'agit pas d'une règle d'or. En matière de finances publiques, la règle d'or désigne en effet une règle selon laquelle le solde courant doit être équilibré sur la durée du cycle économique. Cela n'a rien à voir avec le texte proposé.

On débat même parfois du projet de loi constitutionnelle comme s'il s'agissait d'inscrire dans la Constitution que le solde public doit nécessairement être équilibré - ce qui n'est pas le cas. En effet, l'intitulé du projet de loi - « projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques » - ne doit pas induire en erreur sur le fait que rien, dans le dispositif, n'oblige à ce que le solde public soit équilibré à une date quelconque, ni, a fortiori , qu'il le soit ensuite en permanence 78 ( * ) .


* 77 Groupe de travail présidé par Michel Camdessus, « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », 21 juin 2010.

* 78 Certes, selon l'article premier, « les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d'évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques ». Toutefois ce dernier objectif n'est pas précisé.

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