2. La programmation annexée au présent projet de loi de finances recourt à des « astuces » analogues
Le Gouvernement recourt à des procédés analogues dans le cas de la programmation annexée au présent projet de loi de finances, ce qui lui permettait, malgré la révision à la baisse du taux de croissance pour les années 2011 (passé de 2 % à 1,75 %), 2012 (passé de 2,25 % à 1,75 %), 2013 et 2014 (passé de 2,5 % à 2 %), de présenter une programmation inchangée et censée pouvoir être respectée sans effort supplémentaire autre que celui, de l'ordre de 10 milliards d'euros (soit 0,5 point de PIB), annoncé à la fin du mois d'août !
Des comparaisons rendues difficiles par le changement de base effectué par l'Insee La comparaison des trois dernières programmations est rendue délicate par le changement de base 58 ( * ) effectué par l'Insee en mai 2011. L'Insee est en effet alors passé des comptes nationaux en « base 2000 » aux comptes nationaux en « base 2005 ». La loi de programmation des finances publiques 2011-2014 et du programme de stabilité 2011-2014, d'une part, et la programmation annexée au présent projet de loi de finances, d'autre part, ne peuvent pas donc être directement comparées. En effet, elles sont exprimées par référence à un PIB calculé, respectivement, selon la « base 2000 » et la « base 2005 », cette dernière conduisant à un PIB légèrement plus faible. Il en résulte que le déficit public de 2010 a été revu en légère hausse (passant de 7 à 7,1 points de PIB), et surtout que les dépenses et les recettes ont été augmentées d'environ 0,4 point de PIB. Afin de rendre une comparaison possible, la commission des finances s'est efforcée de corriger du changement de base l'écart entre le programme de stabilité 2011-2014 et la programmation annexée au présent projet de loi de finances. Les chiffres figurant dans les trois dernières lignes du tableau ci-avant sont donc présentés à titre indicatif. |
Tout d'abord, le Gouvernement retenait, on l'a vu, une hypothèse de croissance trop optimiste, de 1,75 % en 2011 et en 2012, alors que le consensus des conjoncturistes est actuellement de respectivement 1,6 % et 0,9 % 59 ( * ) .
Ensuite, le Gouvernement recourt, comme en avril dernier, à des ajustements « à la marge » des montants des dépenses et des recettes en points de PIB tels qu'ils devraient normalement résulter de ses nouvelles hypothèses de croissance :
- l'hypothèse de croissance des dépenses, qui n'est pas clairement explicitée 60 ( * ) , semble avoir été légèrement revue à la baisse. En effet, la révision à la baisse des hypothèses de croissance pour les années 2011 à 2014 - de 0,25 point en 2011 et 0,5 point chacune des trois années suivantes - devrait, toutes choses égales par ailleurs, accroître le ratio dépenses/PIB de près d'1 point de PIB en 2014. Or, l'augmentation prévue par rapport au programme de stabilité ne semble que de 0,8 point de PIB.
Si tel était le cas, la sincérité de la programmation serait considérablement fragilisée, puisque l'hypothèse initiale d'évolution des dépenses sur laquelle repose la trajectoire était déjà particulièrement optimiste ;
- surtout, dans le cas des recettes, le ratio recettes/PIB devrait avoir tendance à légèrement baisser en 2011 et en 2012, la croissance étant alors inférieure à son potentiel, et à demeurer ensuite constant, ce qui le situerait en 2014 en dessous de son niveau de 2010, de 49,5 points de PIB. Après prise en compte des mesures nouvelles prévues de 2011 à 2014 (de l'ordre de 40 milliards d'euros 61 ( * ) , soit 2 points de PIB), le ratio recettes/PIB devrait être inférieur à 51,5 points de PIB en 2014. Or, il serait de 52 points de PIB. On calcule même qu'avec une élasticité des recettes publiques au PIB de 0,9 en 2011 et en 2012, comme le suggéreraient les hypothèses de croissance retenues, et de 1 ensuite, les recettes publiques seraient inférieures de 1,2 point en 2015 à ce que prévoit le Gouvernement.
Ces discrets ajustements « à la marge », jamais explicités, expliquent que le Gouvernement parvenait à maintenir inchangée sa trajectoire de solde à l'horizon 2014, sans prévoir d'effort supplémentaire au-delà de 2012, alors même que son hypothèse de croissance avait été déjà en partie revue à la baisse.
* 58 La base est un ensemble fixé de concepts, nomenclatures, et méthodes. L'année utilisée pour désigner la base est non celle du changement de base, mais celle de l'année de référence des séries à prix constants. La comptabilité nationale a ainsi connu des bases 1956, 1959, 1962, 1971, 1980, 1995 et 2000, et maintenant 2005.
* 59 Consensus Forecasts, octobre 2011.
* 60 Le Gouvernement indique que sa prévision d'évolution des dépenses publiques est de 0,6 % par an en volume sur la période 2010-2015. La croissance des dépenses publiques année par année n'est en revanche pas davantage disponible que dans le cas du programme de stabilité 2011-2014, et, compte tenu de montants exprimés en points de PIB, ne peut être calculée avec précision.
* 61 19,2 et 15,1 milliards d'euros en 2011 et en 2012, selon le rapport relatif aux prélèvements obligatoires annexé au présent projet de loi de finances. La loi de programmation des finances publiques 2011-2014 prévoit ensuite des mesures nouvelles d'au moins 3 milliards d'euros en 2013 puis en 2014.