TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. RÉUNION DU 15 JUIN 2011

Réunie le mercredi 15 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini , rapporteur , sur les recommandations de la Commission européenne au Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 .

M. Jean Arthuis , président . - Pour la première fois, le 27 avril dernier, le Sénat s'est prononcé par un vote sur la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité, en application de l'article 50-1 de la Constitution. La recommandation de la Commission européenne au Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014, adoptée le 7 juin 2011, exprime des analyses très proches de celles de la commission.

M. Philippe Marini , rapporteur . - La recommandation de la Commission européenne rejoint en effet pleinement les analyses de la commission des finances, telles qu'elles ont été en particulier exprimées dans mon récent rapport d'information (n° 456, 2010-2011) sur le projet de programme de stabilité.

Ainsi, selon la Commission européenne :

- « sur la base de l'évaluation du programme de stabilité effectuée conformément au règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, [il apparaît] que le scénario macroéconomique sur lequel se fondent les projections budgétaires est trop optimiste. Les taux de croissance prévus sont légèrement supérieurs aux projections les plus récentes des services de la Commission pour 2011 et 2012 et restent nettement supérieurs à la croissance potentielle dans les dernières années » ;

- « la trajectoire d'ajustement du déficit et de la dette est entourée de plusieurs risques liés notamment à la possibilité que le scénario macroéconomique soit moins favorable qu'escompté, au manque de précision de certaines mesures et au fait que les objectifs n'ont souvent pas été atteints par le passé. Par conséquent, en l'absence de mesures supplémentaires, il ne peut pas être garanti que le déficit excessif sera corrigé en 2013 au plus tard » ;

- « l'effort budgétaire annuel moyen sur la période 2010-2013, fondé sur la tendance du solde structurel (recalculé), est légèrement inférieur à l'effort (supérieur à 1 % du PIB) préconisé par le Conseil » ;

- « pour rétablir une position budgétaire viable, il est indispensable d'éviter le dérapage des dépenses en étayant le renforcement de l'effort budgétaire par des mesures clairement définies, notamment parce que l'objectif 2013 ne laisse aucune marge de sécurité par rapport au seuil de 3 % du PIB » ;

- enfin, « la Commission considère que la France doit préciser davantage sa stratégie d'assainissement budgétaire, notamment pour 2012 et les années suivantes, afin de corriger son déficit excessif en 2013 au plus tard et de ramener sa dette sur une trajectoire descendante. Toute recette exceptionnelle devrait être utilisée pour accélérer la réduction du déficit et de la dette ».

Lors de l'examen de ce qui est devenu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le Sénat a souhaité que le Gouvernement s'engage sur un certain effort structurel si, comme le juge probable la présente recommandation, la croissance était inférieure aux hypothèses retenues. Il est résulté de cette demande l'insertion dans le rapport annexé à cette loi de deux paragraphes, selon lesquels « dans un scénario alternatif où la croissance de l'activité n'atteindrait que 2 % par an sur 2012-2014 », il faudrait réaliser un effort supplémentaire « compris entre 4 milliards d'euros et 6 milliards d'euros chaque année », ce à quoi le Gouvernement « ferait face par des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour assurer le respect de la trajectoire de déficit fixée dans la présente loi de programmation. »

La recommandation de la Commission européenne rejoint également les analyses de la commission des finances en matière fiscale. Elle souligne en particulier la nécessité du basculement du système fiscal vers ce qu'il est convenu d'appeler la « TVA sociale » : « La France - souligne-t-elle - est l'un des pays de l'Union européenne où les impôts et les charges sociales sur le travail sont les plus élevés, tandis que la consommation y est relativement peu taxée. De plus, la part des recettes des taxes environnementales dans le PIB est elle aussi nettement inférieure à la moyenne de l'Union européenne. Un rééquilibrage du système fiscal par le déplacement de la charge fiscale du travail vers la consommation et l'environnement aurait probablement des effets bénéfiques sur l'emploi et sur la réalisation des objectifs environnementaux ».

La Commission européenne souligne en outre la nécessité de réduire les allégements de prélèvements obligatoires. Selon elle, « les exonérations fiscales et sociales (notamment les « niches fiscales ») (...) font peser un risque sur l'assainissement des finances publiques. (...) Les dépenses fiscales sont utilisées pour mettre en oeuvre une politique économique précise, mais aucune évaluation systématique n'est réalisée pour déterminer si les objectifs visés ont été atteints. Enfin, la possibilité de les substituer aux dépenses publiques a permis aux autorités françaises de respecter officiellement les règles existantes en matière de dépenses ». Tout cela est dit assez élégamment.

Ainsi, la Commission européenne propose que le Conseil recommande que la France s'attache, au cours de la période 2011-2012, à « (...) accroître l'efficacité du système fiscal, notamment (...) en mettant en oeuvre la réduction prévue du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales (y compris les « niches fiscales ») ».

Nous devons nous féliciter des convergences des analyses de la commission et de celles de la Commission européenne. Cela peut tout à fait motiver le texte de la résolution que je vais vous soumettre.

L'alinéa 7 se réfère à une « recommandation de recommandation », ce qui est du « langage européen ». C'est pour le plaisir de parler une langue incompréhensible !

M. Jean Arthuis , président . - C'est la Commission européenne qui recommande au Conseil d'adopter une recommandation.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Selon le texte que je vous propose, le Sénat :

« - souligne que les programmes de stabilité doivent reposer sur des hypothèses de croissance correspondant à la croissance potentielle de l'économie, pour ne pas surestimer l'amélioration du solde public ; que le programme de stabilité 2011-2014, qui retient des hypothèses de 2,25 % en 2012 et 2,5 % en 2013 et en 2014, ne satisfait pas à cette exigence ;

« - observe que l'autre raison principale du non respect de la trajectoire de solde de la quasi-totalité des programmes de stabilité passés réside dans une hypothèse de croissance des dépenses publiques de l'ordre de 1 % en volume, contre une exécution en moyenne supérieure à 2 % ; qu'en conséquence, l'objectif de 0,6 % du programme de stabilité 2011-2014 devrait être mieux documenté ;

« - se félicite de ce que la recommandation au Conseil souligne la nécessité de déplacer la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation, et de réduire les allégements de prélèvements obligatoires ;

« - constatant que la plupart des programmes de stabilité présentés en avril 2011 par les autres Etats membres de la zone euro comportent plusieurs scénarios de croissance, incite le Gouvernement à inclure dans ses prochains programmes de stabilité un scénario alternatif reposant sur une hypothèse de croissance de 2 % par an ;

« - demande au Gouvernement de confirmer au Conseil son engagement, résultant du rapport annexé à la loi n° 2010-1645 précitée, de prévoir dès l'automne 2011 des mesures supplémentaires pour respecter sa trajectoire de solde, s'il apparaissait que la croissance ou les dépenses publiques devaient être respectivement inférieure ou supérieures aux hypothèses retenues. »

M. Jean Arthuis , président . - On a l'impression que ce sont les travaux de la commission qui viennent de recevoir le « visa » de la Commission européenne !

M. Denis Badré . - Ne faudrait-il pas évoquer la « TVA sociale » et les allégements de prélèvements obligatoires dans deux alinéas distincts ?

Mme Nicole Bricq . - Le texte du rapporteur montre bien toute la vanité de la révision constitutionnelle en cours. Si le Gouvernement voulait réellement réduire le déficit, il ne s'exposerait pas à de telles appréciations de la part de la Commission européenne.

M. Jean Arthuis , président . - Il n'est pas le seul à retenir une hypothèse de croissance de 2,5 % !

Mme Nicole Bricq . - Je ne vois pas l'intérêt d'une résolution. Le Sénat a voté favorablement, le 27 avril dernier, sur la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité. S'il désapprouvait ce projet, pourquoi avoir voté favorablement ? C'est une « procédure de complaisance ». Par ailleurs, je suis contre la TVA sociale. Je ne puis voter en faveur de ce texte.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Peut-être faudrait-il mentionner explicitement la dette publique ?

M. Yann Gaillard . - Je suis un peu triste, et gêné que la commission se réjouisse de ce que la Commission européenne donne à la France une « mauvaise note » !

M. Jean Arthuis , président . - Nous ne nous réjouissons pas. Nous remarquons la proximité de nos analyses et de celles de la Commission européenne.

M. François Marc . - J'approuve ce qu'a dit Nicole Bricq. La volonté d'alourdir la TVA procède d'une tendance libérale, conservatrice, qui a pour objet d'alléger l'imposition du patrimoine.

M. François Fortassin . - Nous pouvons certes nous congratuler de la convergence de nos analyses avec celles de la Commission européenne. Mais nous sommes dans la position des sociétés savantes ! Nous ne sommes pas écoutés par le Gouvernement. Le « rabot » a en réalité été une « lime à ongles ». La commission des finances devrait exprimer son point de vue avec plus de force.

M. Jean Arthuis , président . - Ce qui confirme la nécessité du texte qui vous est proposé !

M. Joël Bourdin . - Je pense, comme Jean-Pierre Fourcade, qu'il faudrait évoquer la dette publique. Par ailleurs, les économistes ne sont pas d'accord sur l'estimation de la croissance potentielle.

M. Philippe Dominati . - Dans l'optique libérale qui est la mienne, je ne vois pas l'intérêt de la TVA sociale, ni, d'une façon générale, d'une augmentation des impôts.

M. Jean Arthuis , président . - Il ne s'agit pas d'augmenter les impôts, mais de les déplacer !

M. Roland du Luart . - Je suis d'accord sur le fait que la commission devrait exprimer son point de vue avec davantage de fermeté. Elle doit demander la suppression de tous les « comités Théodule » !

M. Jean Arthuis , président . - Ce sera possible dans le projet de loi de finances rectificative.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Je me félicite de l'ensemble des interventions. Je réponds à notre collègue Nicole Bricq qu'une fois que le Parlement a voté sur le projet de programme de stabilité, il ne lui reste d'autre moyen de s'exprimer que l'adoption d'une résolution. C'est une façon de dire : « Ecoutez-nous davantage ». Le passage du texte que je vous propose relatif à la TVA sociale est conforme aux positions précédemment exprimées par la commission des finances.

En réponse aux suggestions de nos collègues Jean-Pierre Fourcade et Joël Bourdin, je vous propose d'insérer un alinéa selon lequel le Sénat « rappelle que le respect de la trajectoire de solde conditionne la réduction du ratio d'endettement public à compter de 2013 ».

A l'issue de ce débat, la commission a conclu au dépôt de la proposition de résolution présentée par M. Philippe Marini, rapporteur, ainsi modifiée, et a décidé de fixer au lundi 20 juin à midi le délai-limite de dépôt, par tout sénateur, d'amendements éventuels à ce texte.

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