Rapport n° 589 (2010-2011) de M. Jean-Louis LORRAIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 juin 2011

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N° 589

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE en deuxième lecture, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ,

Par M. Jean-Louis LORRAIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Milon , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Anne-Marie Payet , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 2494 , 3116 , 3189 et T.A. 623

Deuxième lecture : 3440 , 3445 et T.A. 670

Première lecture : 361 , 477 , 487 , 488 rect. et T.A. 118 (2010-2011)

Deuxième lecture : 566 et 590 (2010-2011)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est invité à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale en mai 2010, ce texte a été complété en janvier dernier par voie de lettre rectificative pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010, exigeant que les mesures d'hospitalisation sous contrainte fassent l'objet d'un examen systématique par un juge dans un délai de quinze jours.

Après deux lectures à l'Assemblée nationale et une lecture au Sénat, le projet de loi a été utilement précisé et complété.

I. RAPPEL DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI INITIAL

Le premier objectif du projet de loi est de diversifier les formes de prise en charge des malades faisant l'objet de soins psychiatriques sans leur consentement en dissociant l'obligation de soin et les modalités du soin pour prévoir la possibilité pour des patients de faire l'objet de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète .

Les soins sous une autre forme que l'hospitalisation complète incluront des soins ambulatoires et pourront comporter des soins à domicile et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement habilité à recevoir des personnes hospitalisées sans leur consentement.

L'admission en soins sans consentement débutera systématiquement par une période d'observation et de soins d'une durée maximale de soixante-douze heures à l'issue de laquelle le directeur de l'établissement ou le préfet décideront de la forme de la prise en charge sur la base d'un avis motivé établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil.

Pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le projet de loi modifie par ailleurs les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention (JLD) contrôle les mesures de soins sans consentement. Comme actuellement, le juge pourra intervenir à l'initiative de la personne faisant l'objet d'une mesure de soins sans consentement, ou d'autres personnes intéressées, aux fins d'ordonner la levée de cette mesure.

Il sera en outre obligatoirement saisi par le directeur de l'établissement ou le préfet aux fins de contrôler la nécessité du maintien en hospitalisation complète, avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de l'admission, puis tous les six mois .

Les ordonnances du juge pourront faire l'objet d'un appel devant le Premier président de la cour d'appel ou son délégué et cet appel pourra revêtir un caractère suspensif si le juge ordonne la mainlevée de l'hospitalisation.

Le projet de loi met en place des procédures particulières pour la sortie des soins sans consentement des personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables ou ayant fait un séjour en unité pour malades difficiles (UMD) . Un collège de soignants composé de trois membres appartenant au personnel de l'établissement - un psychiatre participant à la prise en charge du patient, un psychiatre n'y participant pas, un membre de l'équipe pluridisciplinaire - se prononcera avant la levée des soins. En outre, deux expertises devront être réalisées par des psychiatres extérieurs à l'établissement.

Pour prendre en compte la situation des personnes isolées ou les cas dans lesquels la famille peine à formuler une demande d'hospitalisation, le texte crée une nouvelle procédure d'admission en soins sans consentement en cas de péril imminent sans demande d'un tiers.

II. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LES ASSEMBLÉES

1. La première lecture à l'Assemblée nationale

En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications et compléments au projet de loi :

- elle a prévu un « droit à l'oubli » pour les patients ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale, afin que la procédure renforcée ne leur soit plus applicable après une certaine durée ;

- elle a souhaité que la décision de mainlevée d'hospitalisation complète prononcée par le juge des libertés et de la détention ne prenne effet qu'après un délai de quarante-huit heures, afin qu'un protocole de soins puisse éventuellement être élaboré s'il apparaît que le patient doit faire l'objet de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète ;

- elle a prévu une saisine du JLD en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur la levée d'une mesure d'hospitalisation complète.

L'Assemblée nationale a également confié à l'agence régionale de santé (ARS) la responsabilité d'organiser la gestion des urgences psychiatriques en partenariat avec le Samu, les services départementaux d'incendie et de secours, les forces de police et de gendarmerie, ainsi que les transporteurs sanitaires agréés. Elle a prévu des conventions établies à l'initiative des directeurs d'établissements psychiatriques avec les préfets, les collectivités territoriales et les ARS sur le suivi et l'accompagnement des patients en soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète.

2. La première lecture au Sénat

Lors de l'examen en première lecture, le Sénat a souhaité apporter des précisions à la notion de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète. Il a en particulier prévu de faire référence à des lieux de soins plutôt qu'à des formes de soins .

Il a également remplacé la notion de « protocole » de soins par celle de « programme » de soins et a complété les dispositions relatives à l'élaboration de ce programme pour indiquer que sa définition est précédée par un entretien au cours duquel le psychiatre informe notamment le patient sur les modifications du lieu de la prise en charge qui peuvent s'avérer nécessaires en cas d'inobservance du programme de soins ou de dégradation de l'état de santé.

Le Sénat a par ailleurs fortement amélioré les règles relatives à l'audience du juge des libertés et de la détention, en prévoyant la possibilité que celui-ci tienne l'audience au sein de l'établissement d'accueil , en encadrant le recours à la vidéoconférence , qui ne pourra être utilisée que si un médecin atteste que l'état mental de la personne ne fait pas obstacle à ce procédé, enfin en permettant la tenue d'une audience non publique pour protéger le malade.

En ce qui concerne le « droit à l'oubli » des personnes ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale ou ayant séjourné en UMD, le Sénat a fixé à dix ans la durée de la période à l'issue de laquelle il s'appliquera.

Il a prévu la possibilité pour le juge, en cas de levée d'une mesure d'hospitalisation complète, d'ordonner que cette mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pour permettre, éventuellement, l'élaboration d'un programme de soins.

A l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois, le Sénat a décidé d' unifier au profit du juge judiciaire le contentieux des soins sans consentement , aujourd'hui réparti entre les deux ordres de juridiction.

3. La deuxième lecture à l'Assemblée nationale

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur certaines modifications apportées par le Sénat sur les soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète tout en conservant les précisions qu'il avait apportées sur le programme de soins et son élaboration.

Elle a aussi prévu que les personnes susceptibles d'être admises en soins psychiatriques sans consentement et prises en charge en urgence doivent être transférées vers un établissement habilité à accueillir des patients hospitalisés sans leur consentement dans un délai maximal de quarante-huit heures, tout en précisant que la période initiale d'observation et de soins commence dès le début de la prise en charge.

Elle a enfin élaboré une nouvelle rédaction de l'article du code de la santé publique sur l'organisation territoriale de la mission de service public de prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement.

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Les travaux des assemblées ont donc permis d'apporter de nombreuses précisions aux dispositions du projet de loi, notamment en ce qui concerne l'intervention du juge des libertés et de la détention.

La commission des affaires sociales estime qu'il conviendra d'être particulièrement vigilant sur les conditions de mise en oeuvre de la loi. Elle souhaite être associée à l'élaboration du plan de santé mentale que le Gouvernement présentera à l'automne, considérant que la loi ne pourra être réellement applicable que si elle est accompagnée des moyens nécessaires au fonctionnement des nouveaux dispositifs qu'elle crée.

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Réunie le mercredi 8 juin 2011 sous la présidence de Muguette Dini, la commission des affaires sociales a adopté sans modification le projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - DROITS DES PERSONNES FAISANT L'OBJET DE SOINS PSYCHIATRIQUES

Article 1er (art. L. 3211-1 à L. 3211-12-6 du code de la santé publique, et art. L. 111-12 du code de l'organisation judiciaire) - Modalités de prise en charge des personnes faisant l'objet de mesures de soins sans leur consentement et contrôle de ces mesures par le juge des libertés et de la détention

Objet : Cet article tend à permettre la dispensation de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète et à prévoir un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention sur les mesures d'hospitalisation.

I. - Le texte initial du projet de loi

1. La création d'un régime de soins sans consentement hors de l'hôpital

L'article 1 er tend à modifier le code de la santé publique pour permettre la prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans leur consentement sous une autre forme que l'alternative à l'hospitalisation complète.

Il tend en particulier à insérer dans le code de la santé publique un nouvel article L. 3211-2-1 définissant les conditions de prise en charge des personnes recevant des soins sans consentement. Après l'adoption du projet de loi, ces personnes pourront être prises en charge :

- sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement habilité ;

- sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement habilité et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type.

Le projet de loi initial prévoyait qu'un protocole de soins était établi lorsque les soins prenaient une autre forme que l'hospitalisation complète. Le protocole devait définir les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, le texte tend à insérer dans le code de la santé publique un nouvel article L. 321-2-2 prévoyant la création d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète pour toute personne admise en soins psychiatriques sans son consentement.

La durée de la période d'observation ne pourra dépasser soixante-douze heures. Dans les vingt-quatre heures de l'admission, un psychiatre de l'établissement devra établir un certificat constatant l'état mental de la personne et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques. Un nouveau certificat devra être établi dans les soixante-douze heures.

A l'issue de la période d'observation, le texte prévoit que lorsque les deux certificats ont conclu à la nécessité de maintenir les soins, un psychiatre de l'établissement propose dans un avis motivé la forme de prise en charge du patient et, le cas échéant, le protocole de soins.

Par ailleurs, le projet de loi renforce les droits des patients faisant l'objet de soins sans leur consentement , en modifiant les dispositions de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique.

En particulier toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement devra être informée :

- le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions de maintien des soins, ainsi que des raisons qui les motivent ;

- dès l'admission ou aussitôt que son état le permet, et par la suite à sa demande et après chacune des décisions de maintien des soins, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et de la procédure permettant un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention sur les mesures d'hospitalisation complète.

Le texte précise que l'avis de la personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

2. Les dispositions applicables à certaines catégories de patients

Le projet de loi prévoit des procédures renforcées pour l'examen par le préfet et le juge des libertés et de la détention de la situation de deux catégories de personnes :

- celles qui font l'objet de soins sans consentement et ont déjà été hospitalisées à la suite d'une déclaration d'irresponsabilité pénale ;

- celles qui font l'objet de soins sans consentement et ont déjà séjourné dans une unité pour malades difficiles (UMD) , pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat.

La mainlevée des mesures de soins sans consentement concernant ces personnes ne pourra intervenir qu'après avis d'un collège de soignants et le recueil de deux expertises psychiatriques.

Le texte proposé pour l' article L. 3211-9 du code de la santé publique prévoit précisément la convocation d'un collège composé de membres du personnel de l'établissement .

Ce collège sera chargé d'émettre un avis dans les situations suivantes :

- lorsque le juge des libertés et de la détention statuera sur les demandes de mainlevée des mesures de soins dont font l'objet, sans leur consentement, les personnes appartenant à l'une des catégories précitées ;

- lorsque le juge des libertés et de la détention exercera un contrôle de plein droit sur les mesures d'hospitalisation complète des mêmes personnes dans les quinze jours suivant leur admission puis tous les six mois ;

- pour tous les patients, lorsque le directeur d'établissement devra se prononcer sur le maintien d'une mesure de soins sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, dont la durée excède une période continue d'un an ;

- lorsque le préfet envisagera de décider une forme de prise en charge autre que l'hospitalisation complète pour les mesures de soins dont font l'objet les personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables ou ayant séjourné en LMD ;

- lorsque le préfet envisagera de lever les mesures de soins dont les mêmes personnes font l'objet sur sa décision.

Le projet de loi initial prévoyait que le collège serait composé d'un psychiatre participant à la prise en charge du patient, d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge et d'un cadre de santé.

Enfin, le projet de loi modifie l' article L.3211-11-1 , relatif aux autorisations d'absence de courte durée, notamment pour remplacer cette terminologie par celle d'autorisations de sortie accompagnée.

Dans le cas des personnes hospitalisées d'office, ces sorties doivent aujourd'hui être autorisées par le préfet, mais l'absence de réponse de celui-ci vaut autorisation implicite. Le projet de loi initial rendait nécessaire une autorisation explicite du préfet pour les autorisations de sortie concernant des patients ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale.

3. Le contrôle des mesures de soins sans consentement par le juge des libertés et de la détention

Pour tenir compte de la décision du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel, par laquelle celui-ci a exigé que les mesures d'hospitalisation sous contrainte donnent lieu à un contrôle systématique du juge dans un délai de quinze jours, l'article premier du projet de loi modifie les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention (JLD) contrôle les mesures de soins sans consentement. La saisine du juge est prévue dans deux cas :

- comme actuellement, à l'initiative de la personne faisant l'objet d'une mesure de soins sans consentement, ou d'autres personnes intéressées, aux fins d'ordonner la levée de cette mesure ;

- de façon obligatoire, à l'initiative du directeur de l'établissement ou du préfet, aux fins de contrôler de plein droit la nécessité du maintien de toute mesure de soins sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète.

Le juge devra obligatoirement statuer sur l'hospitalisation sans consentement d'une personne :

- avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de son admission en soins sans consentement ;

- avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement ou le préfet modifient la forme de la prise en charge d'une personne en procédant à son hospitalisation complète ;

- avant l'expiration d'un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation d'office d'une personne pénalement irresponsable, soit toute décision par laquelle le juge des libertés et de la détention, saisi dans le cadre d'un recours facultatif ou d'un recours obligatoire, a statué sur la nécessité de la mesure de soins sous contrainte, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision .

Si le juge ne statue pas dans les délais requis, la mainlevée sera acquise. Lorsqu'il est saisi de manière tardive (moins de trois jours avant l'expiration du délai), le juge constate que la mainlevée est acquise sauf circonstances exceptionnelles.

Les ordonnances du JLD pourront faire l'objet d'un appel devant le Premier président de la Cour d'appel ou son délégué.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

1. La création d'un régime de soins sans consentement hors de l'hôpital

En première lecture, l'Assemblée nationale n'a que peu modifié ces dispositions qui constituent le coeur du projet de loi. Elle a cependant prévu que la personne admise en soins psychiatriques sans consentement devait faire l'objet d'un « examen somatique complet » dans les vingt-quatre heures suivant le début de la période d'observation.

Lors de la première lecture au Sénat , les dispositions relatives aux soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète ont suscité un débat intense.

La présidente de la commission, Muguette Dini, initialement rapporteure du projet de loi, a proposé de les supprimer, considérant que la réflexion et la concertation sur ce concept profondément novateur n'avaient pas été suffisamment approfondies. Elle proposait de renvoyer cette question à la loi de santé mentale appelée de ses voeux par la commission.

Après le rejet par la commission des affaires sociales du texte qu'elle avait élaboré, votre rapporteur, désigné en remplacement de Muguette Dini, a recherché les moyens de clarifier les dispositions du projet de loi et d'éviter toute interprétation erronée.

A l'initiative d'Alain Milon et de votre rapporteur, le Sénat a apporté plusieurs modifications importantes au régime des soins sans consentement :

- il a prévu de remplacer l'expression « soins psychiatriques sans consentement » par une référence aux « soins auxquels une personne n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux » ;

- il a remplacé les références à des « formes » de soins par des références à des « lieux » de soins en distinguant la prise en charge dans :

o des unités d'hospitalisation temps plein ;

o des unités alternatives à l'hospitalisation temps plein, des lieux de consultations, des lieux d'activités thérapeutiques, et dans le lieu de vie habituel du patient ;

- il a remplacé le « protocole de soins » par un « programme de soins » ;

- il a apporté plusieurs précisions aux modalités d'établissement du programme de soins en prévoyant que :

o le programme ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient et pour tenir compte de l'évolution de son état de santé ;

o la définition du programme de soins et ses modifications sont précédées par un entretien au cours duquel le psychiatre délivre au patient l'information sur le projet de décision et recueille son avis. L'information porte notamment sur les modifications du lieu de la prise en charge qui peuvent s'avérer nécessaires en cas d'inobservation du programme de soins ou de dégradation de l'état de santé ;

o lorsque les soins psychiatriques comportent un traitement médicamenteux, le programme de soins peut en faire état. Le détail du traitement, notamment la spécialité, le dosage, la forme galénique, la posologie, la modalité d'administration et la durée, est prescrit sur une ordonnance distincte du programme de soins.

Par ailleurs, à l'initiative de Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois, le Sénat a précisé que le patient était informé de son droit de refuser les soins et des dispositions qui imposent au psychiatre de proposer une hospitalisation à temps plein lorsqu'il constate que la prise en charge du patient décidée sous une autre forme ne permet plus de dispenser les soins nécessaires à son état.

En deuxième lecture , l'Assemblée nationale s'est opposée à la plupart des modifications apportées par le Sénat sans cependant toujours revenir au texte initial du projet de loi.

Refusant la référence aux soins psychiatriques auxquels une personne n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux, l'Assemblée nationale a fait le choix de supprimer dans cet article toute référence aux soins psychiatriques sans consentement et de renvoyer aux chapitres II et III du titre I er du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, respectivement consacrés aux soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent et aux soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli la référence aux formes de soins de préférence à la référence aux lieux de soins proposée par le Sénat. Elle s'est opposée à la mention de la possibilité pour le patient de refuser les soins tout en précisant que son avis est recueilli préalablement à la définition du programme de soins.

L'Assemblée a enfin complété les dispositions relatives aux soins sans consentement en insérant dans le code de la santé publique un article L. 3211-2-3 pour prévoir que lorsqu'une personne remplissant les conditions pour être admise en soins sans consentement est prise en charge en urgence par un établissement qui n'est pas habilité à recevoir des patients hospitalisés sans consentement, son transfert vers un établissement habilité est organisé dans des délais adaptés à son état de santé et au plus tard sous quarante-huit heures. La période d'observation et de soins prendrait alors effet dès le début de la prise en charge.

Ces dispositions nouvelles peuvent susciter des interrogations. Dès lors que les personnes concernées ne sont pas encore admises en soins sans consentement, bénéficieront-elles des droits des patients admis en soins sans consentement ? Si tel n'est pas le cas, la durée de quarante-huit heures n'est-elle pas excessive ? Si la période d'observation commence à courir dès le début de la prise en charge, en va-t-il de même pour le délai donné au juge des libertés et de la détention pour examiner la situation des personnes faisant l'objet de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète ?

D'après les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, tant que la personne n'est pas admise en soins sans consentement, elle est prise en charge en urgence comme n'importe quel autre patient et peut donc quitter l'hôpital à tout moment. En outre, la durée de la prise en charge en urgence serait prise en compte dans le délai donné au juge des libertés pour statuer.

2. Les dispositions applicables à certaines catégories de patients

En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté une importante modification à ces dispositions en prévoyant un « droit à l'oubli » pour les personnes ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale. Elle a prévu que le recours au collège et l'exigence de deux expertises ne s'appliqueraient plus après une durée fixée par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, elle a modifié la composition du collège de soignants pour remplacer le cadre de santé par un membre de l'équipe pluridisciplinaire .

Le Sénat a, à son tour modifié ces dispositions. Il a en particulier fixé à dix ans à compter de la fin du séjour en UMD ou de l'hospitalisation d'office judiciaire le délai permettant la mise en oeuvre du « droit à l'oubli ».

Il a en outre prévu que ne seraient concernées par la procédure particulière que les patients hospitalisés sur décision du représentant de l'Etat.

Il s'est également opposé à l'exigence d'une autorisation explicite pour les autorisations de sortie accompagnées, observant qu'une personne pourrait ne jamais bénéficier d'autorisation de sortie si le préfet gardait systématiquement le silence. Il a en conséquence rétabli le régime de l'autorisation implicite pour l'ensemble des patients.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, tout en apportant des modifications rédactionnelles à ces dispositions, a approuvé les amendements apportés au texte par le Sénat, rejetant en particulier un amendement du Gouvernement qui visait à exiger de nouveau une réponse explicite du représentant de l'Etat pour les autorisations de sortie accompagnée.

3. Le contrôle des mesures de soins sans consentement par le juge des libertés et de la détention

En première lecture, l'Assemblée nationale a complété le dispositif pour prévoir qu'en cas de mainlevée d'une décision d'hospitalisation complète par le JLD, le patient peut être maintenu en hospitalisation pendant une durée de quarante-huit heures pendant laquelle un protocole de soins pourra être établi afin de placer éventuellement le malade en soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation.

Le Sénat, lors de l'examen en première lecture, a apporté, notamment à l'initiative de Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis du projet de loi, d'importantes modifications à ces dispositions :

- il a précisé les conditions dans lesquelles se déroulerait l'audience du juge des libertés et de la détention pour :

o prévoir la possibilité que l'audience puisse se dérouler dans les locaux de l'établissement d'accueil si celui-ci dispose d'une salle spécialement aménagée à cet effet ;

o encadrer le recours à la visioconférence en ne l'autorisant que si un avis médical a attesté que l'état mental de la personne ne fait pas obstacle à ce procédé et si le directeur de l'établissement d'accueil s'est assuré de l'absence d'opposition du patient ;

o permettre au juge de statuer en chambre du conseil et non en audience publique ;

- il a modifié les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale permettant le maintien d'une hospitalisation pendant quarante-huit heures après la mainlevée d'hospitalisation afin de permettre l'élaboration d'un programme de soins.

Estimant que cette mesure risquait de porter une atteinte excessive aux droits de la personne hospitalisée, le Sénat a prévu la possibilité pour le juge lui-même, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, de décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi ;

- il a précisé la procédure applicable en cas d'appel des décisions du juge des libertés.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles et de coordination à ces dispositions. Elle a en outre inséré dans le code de la santé publique un article L. 3211-12-6 pour prévoir qu'en cas de levée d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, un psychiatre de l'établissement d'accueil informe le patient, en tant que de besoin, de la nécessité de poursuivre son traitement en soins libres et lui indique les modalités de soins qu'il estime les plus appropriées à son état.

III. - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

TITRE II - SUIVI DES PATIENTS

Article 2 (art. L. 3212-1 à L. 3212-11 du code de la santé publique) - Admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent

Objet : Cet article a pour objet de substituer à la procédure d'amission en hospitalisation sur demande d'un tiers celle d'admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent.

I. - Le texte initial du projet de loi

Compte tenu de l'introduction, à l'article 1 er du projet de loi, de la notion de soins sans consentement, le présent article substitue à la procédure d'admission en hospitalisation sur demande d'un tiers celle d'admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent.

La procédure d'admission à la demande d'un tiers, définie à l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, fait l'objet d'une réécriture globale afin de prendre en compte la diversification des modalités de prise en charge des personnes admises en soins sans consentement. En particulier, la notion de « tiers » est précisée pour respecter la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui impose de justifier de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins pour donner, à la personne qui demande les soins (en dehors des membres de la famille), qualité à agir dans l'intérêt de celui-ci.

Surtout, cet article introduit une nouvelle voie d'admission en soins psychiatriques sans consentement reposant sur l'existence d'un péril imminent pour la santé de la personne. Cette procédure a vocation à s'appliquer au seul cas où aucun tiers n'est susceptible de formuler une demande de soins, par exemple lorsqu'il s'agit de personnes très isolées socialement ou confrontées à des conditions de vie très difficiles (sans domicile fixe en particulier). La situation de péril imminent devra être constatée par un certificat médical circonstancié constatant l'état mental de la personne à soigner, indiquant les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins sans consentement. Le certificat ne pourra émaner d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil du malade. Le directeur de l'établissement devra mettre en oeuvre les diligences nécessaires pour rechercher et informer la famille du malade, la personne chargée de sa protection juridique ou, à défaut, toute personne justifiant de relations antérieures, à l'exception des personnels soignants exerçant dans l'établissement.

La création de cette nouvelle procédure n'entraîne pas pour autant la disparition de la procédure d'admission sur demande d'un tiers en cas de péril imminent pour la santé de la personne, sur la base d'un seul certificat médical pouvant émaner d'un médecin de l'établissement d'accueil.

Afin de tenir compte de la saisine automatique du juge des libertés et de la détention (JLD) (cf. article 1 er ) dans le rythme de production des certificats médicaux et des décisions de maintien des mesures de soins, le présent article prévoit qu'un nouveau certificat médical devra être produit entre le sixième et le huitième jour d'admission en soins. Ce certificat a vocation à remplacer celui actuellement établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours d'hospitalisation, et sur la base duquel l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois.

Enfin, alors qu'actuellement l'hospitalisation à la demande d'un tiers est automatiquement levée lorsque la commission départementale des hospitalisations psychiatriques (CDHP) ou le tiers qui l'a sollicitée le demandent, à l'avenir, le directeur de l'établissement d'accueil ne sera tenu de faire droit à la demande de levée de la mesure de soins que si celle-ci émane de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) . Si la demande n'émane pas de la CDSP, il pourra s'y opposer si un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement atteste que l'arrêt des soins entraînerait un péril imminent pour la santé du patient.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications à cet article visant à préciser les conditions d'accès aux soins :

- elle a prévu la possibilité pour le tuteur ou le curateur d'un majeur de demander, à titre personnel, l'admission en soins psychiatriques sans consentement de son protégé ;

- elle a affirmé le caractère exceptionnel de la procédure d'admission en cas de péril imminent et en l'absence de tiers demandeur ;

- elle a tenu à bien distinguer la procédure d'admission en soins en l'absence de tiers de la procédure d'admission en soins d'urgence, en remplaçant - pour cette dernière - la notion de « péril imminent » par celle de « risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade » .

Par ailleurs, elle a souhaité la transmission au juge des libertés et de la détention (JLD) du certificat médical établi entre le sixième et le huitième jour de la mesure de soins sous contrainte.

En première lecture, le Sénat a assez peu amendé le présent article, si ce n'est d'un point de vue rédactionnel, afin de tenir compte de la nouvelle définition des soins sans consentement introduite à l'article 1 er .

Deux modifications de fond ont toutefois été apportées au texte de l'Assemblée nationale :

- le Sénat a souhaité que les tuteurs et les curateurs puissent intervenir non pas à titre personnel, mais es qualité . En effet, l'introduction du principe selon lequel un tuteur ou un curateur pourrait agir à titre personnel, c'est-à-dire indépendamment de sa mission de protection juridique, constituerait une novation juridique et risquerait de conduire à de nombreux contentieux ;

- il a complété les dispositions de l'article L. 3212-3 relatives à la procédure d'admission en soins d'urgence , sur demande d'un tiers (cf. 4° du présent article). Sur le modèle de ce qui existe pour la procédure d'admission de droit commun, un nouvel alinéa a été introduit afin de préciser les obligations qui incombent au directeur de l'établissement en matière, d'une part, de vérification de l'identité de la personne malade et du demandeur de l'hospitalisation, d'autre part, de transmission de l'extrait de jugement de mise sous tutelle ou sous curatelle lorsque la demande est formulée par le tuteur ou le curateur de l'intéressé.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur la rédaction adoptée par le Sénat au sujet de l'intervention des tuteurs et des curateurs. Elle a également considéré que les précisions apportées par lui en matière de procédure d'urgence étaient pertinentes.

Seules des modifications rédactionnelles et de coordination ont été introduites. En particulier, la référence au non-consentement aux soins a été supprimée.

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (art. L. 3213-1 à L. 3213-5, L. 3213-5-1 (nouveau), L. 3213-6 à L. 3213-11 du code de la santé publique) - Admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat

Objet : Cet article a pour objet de substituer à la procédure d'hospitalisation d'office celle d'admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat.

I. - Le texte initial du projet de loi

Le présent article substitue à la procédure d'hospitalisation d'office celle d'admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat et tient compte des nouvelles modalités de prise en charge des personnes malades dans le cadre des soins sans consentement.

Comme actuellement, le préfet pourra prononcer l'admission en soins sans consentement sur la base d'un certificat n'émanant pas d'un médecin de l'établissement. Dans les trois jours de la réception du certificat médical établi à l'issue de la période d'observation, le préfet décidera de la forme de la prise en charge du patient en tenant compte de la proposition établie par le psychiatre et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public.

La procédure d'urgence qui permet au maire ou, à Paris, aux commissaires de police de prendre toutes les mesures provisoires nécessaires à condition d'en référer au préfet n'est pas modifiée.

Sur le modèle de la procédure d'admission en soins sans consentement à la demande d'un tiers, le présent article prévoit l'établissement d'un certificat médical entre le sixième et le huitième jour d'admission en soins . Par la suite, un nouveau certificat sera établi dans le mois suivant l'admission, puis tous les mois.

Il appartiendra ensuite au préfet de décider ou non de modifier la forme de prise en charge du patient sur la base des avis médicaux et des certificats médicaux, tout en tenant compte des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public. Le préfet pourra s'appuyer sur une expertise supplémentaire.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications de fond à cet article :

- elle y a introduit les dispositions relatives au « droit à l'oubli » des antécédents psychiatriques des patients ayant déjà fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation d'office judiciaire ou ayant déjà séjourné en unité pour malades difficiles (UMD), par coordination avec celles prévues à l'article 1 er ;

- elle a souhaité que l'information du juge des libertés et de la détention (JLD) soit renforcée en prévoyant la transmission à celui-ci d'une copie du certificat médical établi entre le sixième et le huitième jour de l'admission en soins sous contrainte ;

- elle a prévu la possibilité pour le préfet de fixer des délais pour la remise des résultats des expertises psychiatriques et des avis (du collège de soignants) qui lui sont nécessaires, dans une limite maximale fixée par décret en conseil d'Etat ;

- elle a institué une saisine automatique du JLD lorsque le préfet n'ordonne pas la levée d'une mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, alors qu'un psychiatre participant à la prise en charge du patient atteste par un certificat médical circonstancié que les conditions ayant justifié l'admission ne sont plus réunies. Cette disposition paraissait en effet nécessaire afin de garantir le droit à un recours effectif et la sauvegarde du principe de liberté individuelle ;

- enfin, elle a tenu à préciser les conditions dans lesquelles des soins sans consentement à la demande du préfet pourront succéder à des soins sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent .

En première lecture, le Sénat a confirmé l'instauration d'un recours automatique au JLD en cas de divergence entre le psychiatre et le préfet sur l'opportunité de lever la mesure de soins.

Par coordination avec les modifications introduites à l'article 1 er , il a précisé les dispositions relatives au « droit à l'oubli » afin de fixer à dix ans le délai à partir duquel celui-ci s'exerce.

Surtout, le Sénat a souhaité préciser les circonstances dans lesquelles le préfet est amené à avoir connaissance des antécédents psychiatriques d'une personne admise en soins sans consentement sur sa décision . En effet, l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du 2° du présent article, prévoit que lorsque le dossier médical du patient fait apparaître que celui-ci a déjà fait l'objet d'une hospitalisation sous contrainte à la suite d'une décision d'irresponsabilité pénale ou qu'il a séjourné pendant un laps de temps donné (fixé par décret en Conseil d'Etat) en UMD, ces informations doivent être transmises au préfet. Ces antécédents déterminent, en effet, la mise en oeuvre des dispositions spécifiques encadrant les décisions prises par le préfet en matière de levée de la mesure de soins ou de modification de la forme de prise en charge (avis du collège et expertise psychiatrique préalables à toute modification et à toute levée de la mesure de soins).

Face aux critiques suscitées par ce dispositif qualifié, par certains opposants au texte, de « casier psychiatrique », le Sénat a limité l'information du préfet aux cas où une autre forme de prise en charge que l'hospitalisation complète est envisagée .

Enfin, il a proposé une nouvelle rédaction de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique relatif aux hospitalisations d'office prononcées par le préfet à la suite de sa saisine par des autorités judiciaires.

Cet article, récemment modifié par la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, prévoit la possibilité pour le préfet de prendre « toute mesure utile » après avoir été avisé par les autorités judiciaires, lorsque celles-ci estiment que l'état mental d'une personne - qui a bénéficié soit d'un classement sans suite car elle était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, soit d'une décision, d'un jugement ou d'un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (article L. 121-2 du code pénal) - nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

Le Sénat a tenu à clarifier ce dispositif afin de faire apparaître sans ambiguïté que le préfet, saisi par l'autorité judiciaire, n'est pas tenu de prononcer une mesure de soins sans consentement . En revanche, il doit ordonner sans délai la production d'un certificat médical circonstancié portant sur l'état actuel du malade, au vu duquel il peut prononcer l'admission en soins selon les conditions du droit commun. La nouvelle rédaction de l'article L. 3213-7 prévoit en outre l'information, par les autorités judiciaires, de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP).

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a tout d'abord procédé à des modifications rédactionnelles et de coordination. En particulier, la référence au non-consentement aux soins a été supprimée.

Elle a ensuite étendu l'information du préfet sur les antécédents psychiatriques des personnes admises en soins sans consentement dans deux cas :

- lorsque la levée de la mesure de soins est envisagée ;

- lorsqu' une autorisation de sortie de courte durée est demandée .

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III - DISPOSITIONS DIVERSES

Article 4 (art. L. 3214-1 à L. 3214-4 du code de la santé publique) - Admission en soins sans consentement des personnes détenues

Objet : Cet article modifie les dispositions du code de la santé publique relatives à l'hospitalisation sans consentement des personnes détenues.

I. - Le texte initial du projet de loi

Les règles relatives à l'hospitalisation sans consentement des personnes détenues sont définies par les articles L. 3214-1 à L. 3214-5 du code de la santé publique.

L'article L. 3214-1 pose le principe selon lequel les détenus atteints de troubles mentaux sont hospitalisés, avec ou sans leur consentement, au sein d' unités spécialement aménagées .

L'article L. 3214-2 dresse la liste des droits garantis aux personnes détenues hospitalisées et prévoit les modalités de retour en détention en cas de mainlevée de la mesure d'hospitalisation ordonnée par le juge.

L'article L. 3214-3 du code de la santé publique définit les conditions dans lesquelles une personne détenue souffrant de troubles mentaux peut être hospitalisée en soins psychiatriques sans son consentement . L'hospitalisation est possible en cas de troubles mentaux rendant impossible le consentement du détenu et lorsque des soins immédiats sont nécessaires, assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.

L'hospitalisation est prononcée par le préfet du département dans lequel se situe l'établissement pénitentiaire au vu d'un certificat médical circonstancié.

L'article L. 3214-4 précise les modalités selon lesquelles les soins psychiatriques sans consentement dont font l'objet les personnes détenues peuvent être maintenus.

L'article L. 3214-5 prévoit que les modalités de garde, d'escorte et de transport des détenus hospitalisés en raison de leurs troubles mentaux sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le présent article apporte plusieurs modifications à ces dispositions :

- il prévoit que les personnes détenues admises en soins sans consentement ne peuvent être prises en charge que sous la forme d'une hospitalisation complète ;

- il dispose que l'hospitalisation d'une personne détenue atteinte de troubles mentaux est réalisée au sein d'une unité hospitalière spécialement aménagée ou au sein d'une unité pour malades difficiles, une exception étant cependant prévue pour les détenus mineurs lorsque leur intérêt le justifie ;

- il prévoit l'application de la saisine automatique du juge des libertés et de la détention aux détenus hospitalisés sans consentement.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

En première lecture, l'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications rédactionnelles ou de coordination à cet article.

Le Sénat l'a pour sa part modifié sur deux points importants :

- il a précisé que l'avis conjoint qui accompagne la saisine du juge des libertés et de la détention doit être rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil participant à la prise en charge du patient et un psychiatre intervenant dans l'établissement pénitentiaire où se trouvait le détenu avant son hospitalisation ;

- il a clarifié le fait que le certificat médical produit à l'appui de la décision d'admission en soins ne peut émaner d'un psychiatre de l'établissement d'accueil, conformément au droit commun.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement de coordination à cet article.

III. - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (art. L. 3215-1 à L. 3215-4 du code de la santé publique) - Dispositions pénales

Objet : Cet article tend à adapter et compléter les dispositions pénales applicables en matière de soins sans consentement.

I. - Le texte initial du projet de loi

Le code de la santé publique, dans sa rédaction actuelle, prévoit l'application de sanctions pénales en cas de manquement à certaines obligations relatives aux hospitalisations sous contrainte. Le présent article tend à adapter ces dispositions pour tenir compte du remplacement des hospitalisations sans consentement par les soins sans consentement et à leur apporter des modifications rédactionnelles ou modifier le quantum de la peine.

Seront ainsi punis d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende :

- le fait pour le directeur de l'établissement d'accueil de maintenir une mesure de soins psychiatriques dont une personne fait l'objet lorsque la levée de la mesure est ordonnée ou qu'elle doit être levée ;

- le fait pour le directeur ou tout médecin de l'établissement d'accueil de supprimer ou de retenir une requête ou une réclamation adressée à l'autorité judiciaire ou administrative par une personne faisant l'objet de soins psychiatriques.

Seront punis de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende lorsqu'ils sont commis par le directeur d'un établissement accueillant des patients en soins sans consentement :

- le fait d'admettre une personne en soins psychiatriques à la demande d'un tiers sans avoir obtenu la demande d'admission et les certificats médicaux nécessaires ;

- le fait d'admettre une personne en soins psychiatriques en cas de péril imminent sans disposer du certificat médical prévu ;

- le fait d'omettre d'adresser au préfet ou, à Paris, au préfet de police dans les délais prescrits par la décision d'admission, les certificats médicaux et le bulletin d'entrée ;

- le fait d'omettre de se conformer dans les délais prévus aux prescriptions relatives à la tenue et à la présentation des registres ;

- le fait d'omettre d'aviser dans le délai prescrit le préfet ou, à Paris, le préfet de police, de l'établissement d'un certificat attestant que l'hospitalisation n'est plus justifiée.

Sera également puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait pour un médecin d'un établissement d'accueil de refuser ou d'omettre d'établir dans les délais prescrits les certificats médicaux relevant de sa responsabilité.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

En première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat n'ont apporté que des modifications rédactionnelles et de coordination à cet article.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté des amendements de coordination avec sa décision de refuser la référence aux personnes faisant l'objet de soins psychiatriques auxquels elles ne sont pas à même de consentir du fait de leurs troubles mentaux.

III. - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 bis (art. L. 3216-1 (nouveau) du code de la santé publique) - Compétence exclusive du juge judiciaire pour le contentieux des soins psychiatriques sans consentement

Objet : Cet article, inséré par le Sénat en première lecture, tend à unifier au profit du juge judiciaire le contentieux des soins psychiatriques sans consentement.

I. - Le texte adopté par le Sénat en première lecture

Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, le Sénat, à l'initiative de Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois, a adopté un amendement visant à unifier le contentieux des soins psychiatriques sans consentement.

Actuellement, le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier si les mesures d'hospitalisation sous contrainte n'ont pas porté une atteinte injustifiée à la liberté des patients. En revanche, le juge administratif peut seul statuer sur la régularité de la procédure d'admission en soins. Une telle dichotomie rend particulièrement difficiles à comprendre les voies de recours s'offrant aux personnes hospitalisées ou à leurs proches.

Dans sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel avait observé qu'il était loisible au législateur d'unifier le contentieux de l'hospitalisation sous contrainte dans le souci d'une bonne administration de la justice.

Afin de prendre en compte la charge considérable que représente déjà pour le juge des libertés et de la détention la mise en place d'une saisine obligatoire pour vérifier le bien-fondé des mesures d'hospitalisation complète, le Sénat a prévu, à l'article 14 du projet de loi, une entrée en vigueur différée du présent article au 1 er janvier 2013.

II. - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a approuvé le dispositif proposé tout en le précisant. Elle a ainsi prévu que le juge des libertés connaît des contestations relatives à la régularité des décisions administratives dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 (saisine du juge par un patient aux fins d'obtenir la mainlevée d'une mesure de soins sans consentement) ou L. 3211-12-1 (saisine obligatoire du juge par le préfet ou le directeur de l'établissement d'accueil dans les quinze jours d'une mesure d'hospitalisation complète puis tous les six mois).

L'Assemblée a en outre complété le texte pour préciser que l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s' il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

Enfin, le texte adopté en deuxième lecture dispose que le tribunal de grande instance peut connaître des irrégularités dont les décisions administratives relatives aux soins sans consentement sont entachées lorsqu'il statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé de ces décisions.

III. - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 (art. L. 3221-4-1 (nouveau), L. 3222-1, L. 3222-1-1 A (nouveau), L. 3222-1-1, L. 3222-1-2 (nouveau), L. 3222-2, L. 3222-3, L. 3222-4, L. 3222-5, L. 3223-1 et L. 3223-2 du code de la santé publique) - Organisation de la prise en charge psychiatrique

Objet : Cet article a pour objet de tenir compte, dans l'organisation de la prise en charge psychiatrique, des nouvelles dispositions introduites par le projet de loi et d'adapter en conséquence les missions des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques.

I. - Le texte initial du projet de loi

Cet article a tout d'abord pour objet de fixer dans la loi les conditions dans lesquelles une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement sous la forme d'une hospitalisation complète peut être hospitalisée dans une unité pour malades difficiles (UMD). Celle-ci doit présenter « pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mises en oeuvre que dans une unité spécifique » .

Il vise ensuite à rénover les dispositions relatives aux commissions départementales des hospitalisations psychiatriques (CDHP), lesquelles deviennent les commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP) afin de tenir compte du passage de l'hospitalisation sous contrainte à l'admission en soins psychiatriques sans consentement. Leurs missions sont recentrées sur le cas des personnes admises en soins psychiatriques sans leur consentement alors qu'actuellement, ces commissions s'intéressent à la situation de toute personne hospitalisée en raison de troubles mentaux.

Les CDSP sont désormais compétentes pour examiner, « en tant que de besoin » , la situation des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans leur consentement et, obligatoirement, la situation de toutes les personnes admises en soins en l'absence de tiers et en cas de péril imminent, ainsi que de toutes les personnes dont les soins se prolongent au-delà d'un an.

En outre, les CDSP pourront proposer au juge des libertés et de la détention (JLD) la levée d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement .

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

La version initiale du texte présenté par le Gouvernement ne contenait rien sur l'organisation territoriale de la psychiatrie et ce, alors que l'instauration de soins sans consentement en ambulatoire appelle nécessairement un maillage solide et homogène sur le territoire pour permettre le suivi des malades.

Pour pallier ce « manque », l'Assemblée nationale a introduit, en première lecture , deux dispositions au présent article portant sur l'organisation des urgences psychiatriques et la réinsertion des malades :

- la première confie à l'agence régionale de santé (ARS) la responsabilité d'organiser la gestion des urgences psychiatriques en partenariat avec le Samu (service d'aide médicale urgente), les Sdis (services départementaux d'incendie et de secours), les forces de police et de gendarmerie, ainsi que les transporteurs sanitaires agréés ;

- la seconde prévoit l'établissement de conventions , à l'initiative des directeurs d'établissements psychiatriques, avec les préfets, les collectivités territoriales et les ARS afin d'assurer le suivi et l'accompagnement des personnes faisant l'objet de soins sans consentement sous forme ambulatoire.

En outre, l'Assemblée nationale a souhaité, d'une part, que soit reconnu dans la loi le travail des associations de familles et d'aidants familiaux des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, d'autre part, que les actions qu'elles mènent en partenariat avec les établissements de santé puissent être désormais soutenues et accompagnées par les ARS .

Par ailleurs, elle a tenu à clarifier et à simplifier le dispositif de visites obligatoires par certaines autorités publiques des établissements accueillant des personnes en soins psychiatriques sans consentement défini à l'article L. 3222-4 du code de la santé publique. Force est en effet de constater que, sur le terrain, les différentes autorités visées (au nombre de six) n'arrivent pas toujours à s'acquitter de cette obligation ou ne le font que partiellement, en raison des nombreuses autres missions qu'elles exercent par ailleurs.

En conséquence, l'Assemblée nationale a estimé préférable :

- de réduire à quatre le nombre d'autorités concernées par ce dispositif (président du tribunal de grande instance, préfet, procureur et maire) ;

- de ramener à une périodicité annuelle la fréquence des visites (contre tous les six mois actuellement, voire, pour le procureur de la République, tous les trimestres).

En première lecture, le Sénat a approuvé ces apports, mais les a néanmoins complétés ou légèrement modifiés :

- il a étendu la liste des personnes susceptibles de participer à la gestion des urgences psychiatriques aux groupements de psychiatriques libéraux , l'objectif étant d'encourager des interactions entre psychiatrie publique et psychiatrie privée ;

- il a laissé un peu plus de latitude aux autorités publiques concernées par les visites d'établissements psychiatriques en introduisant la précision selon laquelle ces visites auraient lieu « au moins » tous les ans ;

- il a prévu que le contrôleur général des lieux de privation de liberté soit destinataire des rapports d'activité des CDSP .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié les modalités d'intervention des établissements de santé exerçant la mission de service public d'accueil des malades en soins psychiatriques sans consentement .

Dans sa version en vigueur, l'article L. 3222-1 du code de la santé publique dispose que dans chaque département, le directeur général de l'ARS désigne, après avis du représentant de l'Etat dans le département, un ou plusieurs établissements autorisés en psychiatrie, chargés d'assurer la mission de service public d'accueil des malades en soins psychiatriques sans consentement.

Cet article est entièrement réécrit et se compose désormais de trois alinéas :

- le premier reprend les dispositions actuelles, tout en précisant que désormais, le directeur général de l'ARS désigne les établissements chargés de cette mission de service public non plus pour chaque département, mais pour chaque territoire de santé 1 ( * ) ;

- le deuxième prévoit que les établissements ainsi désignés assurent, par leurs propres moyens ou par voie de conventions, la prise en charge des patients atteints de troubles mentaux à temps complet, à temps partiel et sous forme de consultations ;

- le troisième dispose que la zone géographique d'action de ces établissements est précisée dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens qu'ils signent avec l'ARS .

L'objectif affiché de ce nouveau dispositif est d' instaurer une coordination entre territoires de santé et secteurs de la psychiatrie en créant des zones spécifiques , soit à l'intérieur d'un territoire de santé, soit à cheval sur plusieurs, en fonction des établissements et des conventions qu'ils ont passées.

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission dresse le constat que ce projet de loi n'est pas la loi de santé mentale qui avait été préconisée par la commission Couty et qu'elle avait appelée de ses voeux, notamment à travers le rapport de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps).

L'absence de mesures sur l'organisation territoriale de la psychiatrie dans le texte initial a été à peine comblée par les apports de l'Assemblée nationale sans répondre pour autant aux interrogations que les acteurs de terrain se posent sur la mise en oeuvre de soins sans consentement en dehors de l'hôpital. Le dispositif consistant à instaurer une coordination entre territoires de santé et secteurs de la psychiatrie part d'une bonne intention mais on voit mal, concrètement, en quoi il peut améliorer l'organisation actuelle de la prise en charge psychiatrique.

Votre commission persiste à penser qu'une véritable loi de santé mentale aurait permis d'avoir un débat approfondi sur l'organisation et l'avenir de la psychiatrie dans notre pays .

Malgré ses réserves, elle a adopté cet article sans modification.

Article 7 (art. L. 1111-7, L. 1112-3, L. 1121-6, L. 1121-8-1, L.  1511-6, L. 1521-2, L. 1527-1, L. 1531-3, L. 1522-6, L. 6112-1 du code de la santé publique) - Coordinations dans le code de la santé publique

Objet : Cet article a pour objet, d'une part, de permettre à la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge de confier l'instruction d'une demande émanant d'une personne faisant l'objet de soins sans consentement à la commission départementale des soins psychiatriques, d'autre part, de procéder à des coordinations rédactionnelles au sein du code de la santé publique.

I. - Le texte initial du projet de loi

Compte tenu des spécificités de la maladie mentale et - par voie de conséquence - des demandes pouvant émaner des personnes atteintes de troubles mentaux ou de leur entourage, le présent article prévoit la possibilité, pour la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge 2 ( * ) , lorsqu'elle est saisie par une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement, de confier l'instruction de la demande à la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP).

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

En première lecture dans les deux assemblées, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, cet article n'a fait l'objet que de modifications d'ordre rédactionnel (coordination avec les changements de termes prévus à l'article 1 er pour désigner les soins sans consentement).

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 (art. L. 706-135 du code de procédure pénale) - Coordinations dans le code de procédure pénale

Objet : Cet article a pour objet de procéder à des coordinations rédactionnelles au sein du code de procédure pénale.

I. - Le texte initial du projet de loi

Le présent article introduit, dans les articles du code de procédure pénale relatifs à la procédure et aux décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, les dispositions de coordination rendues nécessaires par les modifications prévues dans le code de la santé publique.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

Cet article n'a été amendé, en première lecture dans les deux assemblées puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, que sur le plan rédactionnel.

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 ter - Rapport sur l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris

Objet : Cet article, inséré par le Sénat en première lecture, prévoit la remise d'un rapport sur le statut et le fonctionnement de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris.

I. - Le texte proposé par le Sénat

La préfecture de police de Paris a été créée le 17 février 1800. Parmi ses attributions, le préfet de police est chargé d'empêcher « qu'on laisse vaguer des furieux, des insensés, des animaux malfaisants ou dangereux. Au dépôt, un médecin est présent pour constater la présence d'une maladie mentale chez les personnes délinquantes, les insensés et les vagabonds acheminés par les forces de police. » En 1872, l'infirmerie prend le nom d'infirmerie spéciale près la préfecture de police (« infirmerie spéciale du dépôt »). Elle est dénommée infirmerie psychiatrique en 1950 par le préfet Léonard.

Les missions de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (IPPP) sont les suivantes :

- accueillir, procéder à l'évaluation et à l'orientation des personnes qui y sont conduites ;

- prendre en charge les personnes se trouvant au dépôt et présentant des troubles mentaux au sens de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique ;

- prendre en charge des personnes pénalement irresponsables, bénéficiant d'un non-lieu en application de l'alinéa 1 de l'article 122-1 du code pénal ;

- contribuer à l'enseignement et à la recherche.

Dans des recommandations rendues publiques le 15 février 2011, le contrôleur général de lieux de privation de liberté a estimé que l'IPPP, en tant que lieu de privation de liberté, ne présentait pas des garanties suffisantes pour les droits de la personne et ce, pour deux raisons essentielles :

- d'une part, elle ne dispose d'aucune autonomie puisqu'elle n'est qu'un service d'une des directions de la préfecture de police de Paris. L'établissement n'a donc rien à voir avec un centre hospitalier habilité à accueillir des malades mentaux. Par conséquent, les dispositions propres aux droits des personnes accueillies en hôpital ne s'y appliquent pas et aucune autorité de santé n'est compétente pour y vérifier les contenues et les modalités de soins ;

- d'autre part, les contrôles de l'établissement n'offrent pas les garanties d'indépendance de ceux qui ont lieu dans les autres départements puisque les membres de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques (CDHP) de Paris sont nommés par le préfet de police.

En conséquence, le contrôleur général recommande au Gouvernement de « mettre dès qu'il sera possible le transfert des moyens de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police au dispositif hospitalier de droit commun , sans modifier naturellement les compétences en matière de police sanitaire attribuées au préfet de police et aux commissaires de police » .

C'est dans ce contexte qu'après de longs débats sur l'opportunité de prévoir directement dans la loi la fermeture ou le changement de statut de l'IPPP, le Sénat a demandé la remise, dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'un rapport au Parlement sur « l'évolution du statut et des modalités de fonctionnement de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police » .

II. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur cette disposition et a simplement procédé à des modifications d'ordre rédactionnel.

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE IV - DISPOSITIONS OUTRE-MER

Article 9 (art. L. 3844-1 du code de la santé publique) - Dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française

Objet : Cet article a pour objet d'adapter certaines dispositions du projet de loi afin de les rendre applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

I. - Le texte initial et ses évolutions

Cet article, qui adapte certaines dispositions du projet de loi afin de les rendre applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, n'a été amendé que sur un plan rédactionnel au cours des deux premières lectures, pour tenir compte des changements de termes prévus à l'article 1 er .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a procédé à plusieurs coordinations relatives à la fixation dans la loi du délai de dix ans à partir duquel s'exerce le « droit à l'oubli ».

II. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 11 bis - Dispositions applicables à Saint-Barthélemy

Objet : Cet article, inséré par le Sénat en première lecture, a pour objet d'adapter certaines dispositions du projet de loi afin de les rendre applicables à Saint-Barthélémy.

I. - Le texte proposé par le Sénat

Afin de réparer un oubli au sein du projet de loi initial, le Sénat a introduit le présent article, dont l'objet est de prévoir les adaptations nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions du texte à Saint-Barthélemy.

Il s'agit principalement de procéder à des coordinations d'ordre rédactionnel, l'admission en soins psychiatriques sans consentement relevant, sur cette île, d'une procédure tout à fait particulière. En effet, les personnes qui doivent être admises en soins psychiatriques sans leur consentement ne peuvent être prises en charge à Saint-Barthélemy et doivent être transférées vers un établissement habilité à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux à Saint-Martin, en Guadeloupe ou en Martinique. Le représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy est ainsi conduit à prendre un arrêté de transfert sanitaire vers l'une de ces collectivités, à charge pour le représentant de l'Etat dans la collectivité d'accueil de prononcer l'admission en soins.

II. - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a procédé à des modifications rédactionnelles et de coordination.

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 (art. L. 3824-1, L. 3824-5 et L. 3824-6 du code de la santé publique) - Dispositions applicables aux îles Wallis-et-Futuna

Objet : Cet article a pour objet d'adapter certaines dispositions du projet de loi afin de les rendre applicables aux îles Wallis-et-Futuna.

I. - Le texte et ses évolutions

Cet article, qui prévoit l'adaptation de certaines dispositions du projet de loi à Wallis-et-Futuna, n'a été amendé, au fil des lectures successives, qu'à des fins de coordination rédactionnelle.

II. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 bis (art. L. 322-3 du code de la sécurité sociale) - Financement des frais de transport des mineurs handicapés

Objet : Cet article, inséré par le Sénat en première lecture, propose d'inclure les frais de transport des mineurs handicapés, accueillis en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) et en centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP), dans le budget de ces établissements.

I. - Le texte proposé par le Sénat

Cet article concerne la prise en charge des frais de transport des mineurs handicapés vers les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) où ils sont accueillis. Le dispositif proposé consiste à inclure ces frais de transport dans les dépenses d'exploitation des structures concernées.

II. - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a supprimé cet article , au motif qu'il constitue un cavalier législatif. Elle a en outre indiqué qu'un amendement poursuivant le même objectif figure, à son initiative, à l'article 16 bis A de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi HPST, dans une rédaction plus adaptée que celle proposée ici.

III. - Le texte adopté par la commission

Votre commission a maintenu la suppression de cet article.

TITRE V - DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 14 - Dispositions transitoires

Objet : Cet article tend à fixer la date d'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi et à fixer les règles applicables aux personnes hospitalisées sans leur consentement avant cette date.

I. - Le texte initial du projet de loi

Cet article prévoit l'entrée en vigueur de la loi le 1 er août 2011. Cette date correspond à celle à laquelle le Conseil constitutionnel a prévu que prenne effet la déclaration d'inconstitutionnalité qu'il a prononcée par sa décision du 26 novembre 2010.

Le juge des libertés et de la détention exercera son contrôle de plein droit sur les mesures d'hospitalisation complète pour toutes les personnes hospitalisées à compter du 1 er août 2011. En ce qui concerne les personnes hospitalisées avant le 1 er août, le juge interviendra :

- dans les quinze jours de l'hospitalisation si la décision d'admission a été prise entre le 23 juillet et le 1 er août ;

- avant la prochaine échéance du délai de six mois pour les personnes hospitalisées avant le 23 juillet.

Les personnes en sortie d'essai à la date d'entrée en vigueur du projet de loi seront réputées faire l'objet de soins sans consentement. Au terme de la durée fixée pour la sortie d'essai, la forme de la prise en charge sera décidée selon la procédure suivante :

- un psychiatre de l'établissement devra établir dans les soixante-douze heures suivant ce terme un certificat médical ou, à défaut, un avis médical dans le cas où il ne pourrait pas rencontrer le patient ;

- le préfet ou le directeur d'établissement décidera de la forme de la prise en charge du patient au vu de ce certificat ou, à défaut, de l'avis établi par le psychiatre.

Enfin, cet article vise également à rendre les dispositions transitoires applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Le Sénat a complété les dispositions proposées pour prévoir l'entrée en vigueur le 1 er janvier 2013 de l'unification du contentieux des soins sans consentement prévue à l'article 5 bis .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a opéré que des coordinations au sein de cet article.

III. - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 15 - Evaluation des dispositions de la loi

Objet : Cet article, inséré par le Sénat en première lecture, prévoit une évaluation des dispositions de la loi.

I. - Le texte adopté par le Sénat en première lecture

Lors de l'examen en première lecture du projet de loi, le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur, a souhaité que les dispositions de la loi en cours d'élaboration fassent l'objet d'une évaluation permettant d'apprécier les conditions d'application des mesures les plus importantes, qu'il s'agisse de la création des soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète ou de la saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention. Le Sénat a prévu que l'évaluation serait réalisée dans les trois années suivant la promulgation de la loi et soumise au Parlement.

II. - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a adopté une nouvelle rédaction de cet article sans en modifier le contenu.

III. - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

*

* *

Réunie le mercredi 8 juin 2011 sous la présidence de Muguette Dini, la commission des affaires sociales a adopté le projet de loi sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 8 juin 2011 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission procède à l'examen du rapport de Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi n° 566 (2010-2011), relatif à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge , adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Jean-Louis Lorrain, rapporteur . - Ce texte depuis longtemps attendu, qui nous revient en deuxième lecture, apporte des modifications essentielles aux règles actuelles de l'hospitalisation sous contrainte.

Il tend à dissocier l'obligation de soin et les modalités des soins en prévoyant la possibilité pour des patients de faire l'objet de soins sans leur consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète. Après une période d'observation d'une durée maximale de soixante-douze heures, le directeur de l'établissement ou le préfet, selon le régime sous lequel la personne a été admise en soins sans consentement, décidera de la forme de la prise en charge.

Les soins revêtant une autre forme que l'hospitalisation complète incluront des soins ambulatoires et pourront comporter des soins à domicile et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement habilité à recevoir des personnes hospitalisées sans leur consentement.

Pour répondre aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010, le projet de loi introduit une saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention sur toutes les mesures d'hospitalisation sans consentement. Le juge devra se prononcer dans les quinze jours de l'admission puis tous les six mois.

Le texte prévoit en outre une procédure renforcée pour la levée des soins sans consentement lorsqu'elle concerne des personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles (UMD) ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale. Le préfet et le juge, lorsqu'ils statueront sur le sort de ces personnes, devront recueillir l'avis d'un collège composé de deux psychiatres et d'un membre de l'équipe pluridisciplinaire, ainsi que deux expertises psychiatriques.

Pour prendre en compte la situation des personnes isolées, le projet de loi crée une nouvelle procédure d'admission en soins sans consentement en cas de péril imminent. Cette procédure permettra une hospitalisation en l'absence de tiers demandeur sur la base d'un seul certificat médical.

Les travaux parlementaires ont permis de préciser de nombreux points et d'apporter des compléments utiles au projet de loi. Ainsi, en première lecture, l'Assemblée nationale a prévu un « droit à l'oubli » pour les personnes ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale, afin que la procédure renforcée ne leur soit plus applicable après une certaine durée. Elle a aussi prévu une saisine du juge des libertés et de la détention en cas de désaccord entre le médecin et le préfet sur la levée d'une mesure d'hospitalisation complète.

De son côté, le Sénat a souhaité apporter des précisions à la notion de soins hors de l'hôpital sans le consentement du patient. Il a notamment remplacé la notion de « protocole » de soins par celle de « programme » de soins. Il a en outre prévu de faire référence à des lieux de soins plutôt qu'à des formes de soins. Il a précisé les conditions d'élaboration et de modification du programme de soins en prévoyant un entretien entre le psychiatre et le patient.

Notre assemblée a par ailleurs substantiellement amélioré les règles relatives à l'audience du juge des libertés et de la détention, en prévoyant la faculté de tenir l'audience au sein de l'établissement d'accueil, en encadrant le recours à la visioconférence et en permettant la tenue d'une audience non publique pour protéger le malade. Elle a également donné faculté au juge, en cas de levée d'une mesure d'hospitalisation complète, d'ordonner que cette mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pour permettre, éventuellement, l'élaboration d'un programme de soins.

Enfin, le Sénat a fixé à dix ans la durée de la période à l'issue de laquelle s'appliquera le « doit à l'oubli ».

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur certaines modifications apportées par le Sénat sur les soins hors de l'hôpital mais a conservé les précisions sur le programme de soins et son élaboration. Elle a aussi prévu que les personnes susceptibles d'être admises en soins psychiatriques sans consentement et prises en charge en urgence devront être transférées vers un établissement psychiatrique dans un délai maximal de quarante-huit heures, mais que la période initiale d'observation et de soins commence dès le début de la prise en charge. Elle a enfin adopté un amendement réécrivant l'article du code de la santé publique sur l'organisation territoriale de la mission de service public de prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement.

Compte tenu des clarifications et des améliorations qu'a apportées la navette sur ce texte, qui doit impérativement entrer en vigueur dès le 1 er août prochain, et dont certaines dispositions, comme le contrôle du juge des libertés sur les mesures d'hospitalisation, sont particulièrement attendues, je vous propose de l'adopter dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Au cours des prochains mois, nous devrons être très vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de la loi, afin de vérifier qu'elle s'applique dans de bonnes conditions.

J'estime également que notre commission devra examiner avec grande attention le contenu du plan de santé mentale que présentera le Gouvernement à l'automne prochain, lequel devra être véritablement ambitieux pour que les nouvelles procédures prévues par la loi soient réellement applicables. Peut-être sera-t-il bon, dans ce cadre, d'entendre la ministre, dès la rentrée.

Guy Fischer . - Inutile de rappeler notre opposition de principe à un texte d'affichage qui, du reste, sera inapplicable au 1 er août. Sur le fond, il ignore totalement ce qu'est le fonctionnement de la psychiatrie. J'ai reçu le président d'un des syndicats représentatifs de la profession les plus importants : il partage totalement notre analyse. Quant à sa mise en pratique, n'en parlons pas. Pour respecter les délais et les conditions, le juge, dans le Rhône, où la seule agglomération lyonnaise compte trois grands hôpitaux psychiatriques, aura à se déplacer dans chaque hôpital.

Nous avons affaire à un texte aberrant, sur lequel nous maintenons notre opposition.

Jean Desessard . - Le désaccord des écologistes sur ce texte demeure. Mais les positions du rapporteur n'ont-elles pas évolué, sachant qu'une grande association semble avoir changé les siennes, que le Gouvernement, et lui-même, présentaient comme un argument fort, sur les soins sans consentement hors établissement ?

André Lardeux . - Ce texte me laisse perplexe. Sans être spécialiste de la question, on peut, à constater que l'article premier ne comporte pas moins de 116 paragraphes, et le reste, à l'avenant, s'interroger sur la clarté de ses dispositions.

Je doute, moi aussi, qu'il soit applicable au 1 er août, si j'en crois les échos qui me viennent de mon département, où le préfet est dans le brouillard, de même que les juges et le procureur, tandis que les administrations de santé se demandent avec angoisse qui payera la facture.

Je reste dubitatif sur les soins sous contrainte hors hôpital. Je vois mal comment cela peut fonctionner. Sera-ce à la famille de vérifier que les soins sont bien suivis ? Ce serait proprement invivable. « C'est une disposition moderne », nous a-t-on doctement expliqué. Et bien précisément, au vu des âneries qui se sont faites, ces dernières années, au nom de la modernité, je m'inquiète.

Jacky Le Menn . - Je partage largement l'analyse d'André Lardeux. Si un texte est bien attendu, monsieur le rapporteur, ce n'est nullement celui-là, mais une grande loi de santé publique. Le travail parlementaire, mené tambour battant, n'a pas levé les inquiétudes : ni les nôtres, ni celles de tous ceux qui auront à appliquer - et au 1 er août de surcroît ! - un texte dont nous ne pouvons, au-delà, partager l'économie d'ensemble. Sur les soins sans consentement, nous attendons toujours que l'on nous explique comment soigner les gens malgré eux.

C'est là un texte de circonstance, qui répond à l'événement médiatique sans prendre en considération les problèmes que pose la prise en charge de la maladie mentale. De la grande loi que nous appelions de nos voeux, la ministre Nora Berra se demandait, devant l'Assemblée nationale, ce que l'on pourrait bien mettre dedans. Qu'il suffise de lui suggérer de lire les conclusions du récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), dont beaucoup mériteraient d'être reprises. Pour l'heure, à ce texte de circonstance, nous répondrons de manière circonstancielle.

Christiane Demontès . - En entendant le rapporteur, j'ai eu le sentiment que l'on souhaiterait en finir au plus vite avec ce texte, qui nous revient pourtant de l'Assemblée nationale en recul sur les dispositions que le Sénat y avait introduites.

Pour nous, nous continuerons à nous y opposer fermement en séance, et à relayer la contestation des psychiatres et des personnels de santé mais aussi des représentants des patients. Nous défendrons donc nos amendements en séance. Il n'est pas acceptable que vous nous dirigiez ainsi tout droit vers un vote conforme, d'ailleurs déjà annoncé par le Gouvernement !

Muguette Dini, présidente . - La commission se réunira la semaine prochaine pour l'examen des amendements extérieurs.

Jean-Louis Lorrain, rapporteur . - Je comprends, monsieur Fischer, votre volonté de stimuler le débat, mais vous avez eu des mots bien forts. Pour moi, les dispositions qui concernent le domaine clinique sont parfaitement acceptables.

Je n'ai pas récemment rencontré, monsieur Desessard, les représentants de l'Unafam. Mais j'ai vécu d'autres épisodes législatifs en ce domaine douloureux de la psychiatrie, et je sais combien les acteurs y sont sensibles, combien aussi le pouvoir médical est jaloux de ses prérogatives, combien enfin les établissements diffèrent selon les régions et n'offrent pas partout la même qualité de service.

Jean Desessard . - La position de l'association a pourtant changé au niveau national.

Jean-Louis Lorrain, rapporteur . - Je n'ai pas eu de contact.

La polyvalence du lieu, monsieur Lardeux, est utile pour les cas de grande exclusion, pour les personnes isolées. J'y tiens. Les soins à domicile ont connu de profondes évolutions, pour les personnes âgées, pour les handicapés, pourquoi n'évolueraient-ils pas dans le domaine du handicap psychiatrique ?

Je n'en reste pas moins très vigilant. Et c'est pourquoi j'ai demandé que le Sénat puisse examiner de près le plan santé mentale à venir. Les inquiétudes persistent, m'objectez-vous ? C'est que nous avons affaire, je l'ai dit, à un univers douloureux.

J'admets, madame Demontès, que l'on peut ressentir quelque précipitation dans la volonté d'aboutir, mais c'est que nous avons l'impératif de répondre à l'exigence posée par le Conseil constitutionnel. Je regrette que l'Assemblée nationale ait touché aux dispositions relatives au programme de soin mais la notion de programme demeure : aux professionnels associés de travailler à établir les procédures.

Jean Desessard . - Le rapporteur nous dit tout à la fois qu'il n'est pas totalement satisfait, mais qu'il faut adopter le texte conforme, en ajoutant qu'il sera vigilant à la rentrée : c'est admettre qu'il ne l'est pas aujourd'hui. Je comprends mal ce qui l'empêche d'adopter dès à présent des amendements qui le rendraient mieux satisfait.

Jean-Louis Lorrain, rapporteur . - Je puis comprendre votre approche perfectionniste : il faut toujours aller vers le mieux. Mais l'immensité de la tâche ne saurait s'embrasser par les quelques amendements cosmétiques du rapporteur que je suis. C'est pourquoi j'ai demandé au ministre de mettre en oeuvre, dans le cadre du plan national, un groupe de liaison par lequel nous pourrons exprimer toutes nos réflexions. J'en ai fait l'expérience avec le plan Alzheimer, elle fut très fructueuse. Il peut en être de même pour la psychiatrie.

Muguette Dini, présidente . - En l'absence d'amendements du rapporteur ou d'autres sénateurs, je mets aux voix le texte du projet de loi tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale.

La commission adopte le projet de loi sans modification.


* 1 L'article L. 1343-16 du code de la santé publique dispose que l'agence régionale de santé définit les territoires de santé pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d'équipement des établissements de santé, de prise en charge et d'accompagnement médico-social ainsi que pour l'accès aux soins de premier recours. Les territoires de santé peuvent être infrarégionaux, régionaux ou interrégionaux. Ils sont définis après avis du représentant de l'Etat dans la région, d'une part, de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, d'autre part, et, en ce qui concerne les activités relevant de leurs compétences, des présidents des conseils généraux de la région.

* 2 Le deuxième alinéa de l'article L. 1112-3 du code de la santé publique, issu de l'article 16 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, prévoit la création, dans chaque établissement de santé, d'une commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge. Celle-ci a pour « mission de veiller au respect des droits des usagers et de contribuer à l'amélioration de la qualité de l'accueil des personnes malades et de leurs proches et de la prise en charge. [Elle] facilite les démarches de ces personnes et veille à ce qu'elles puissent, le cas échéant, exprimer leurs griefs auprès des responsables de l'établissement, entendre les explications de ceux-ci et être informées des suites de leurs demandes ».

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