E. LE SERVICE MINIMUM EN CAS DE GRÈVE
1. La proposition de directive
L'annexe VII, qui pose les principes de base et les paramètres des contrats entre autorités compétentes et gestionnaires de l'infrastructure, prévoit en son point 9 que le gestionnaire de réseau doit établir des règles applicables en cas de perturbations importantes des activités ou dans les situations d'urgence, y compris un niveau de service minimal en cas de grève, le cas échéant, et de résiliation anticipée du contrat, ainsi que les règles en matière d'information des utilisateurs.
2. La proposition de résolution initiale
L'alinéa 20 de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes « reconnaît la nécessité de prévoir la fourniture, par le gestionnaire d'infrastructures, d'un service minimal aux entreprises ferroviaires en cas de grève ».
3. La position de votre commission
Votre rapporteur soutient sur le fond cette proposition d'un service minimal en cas de grève, qui constitue d'ailleurs une revendication de l'Association française du rail (AFRA).
La loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ne concernait, comme son nom l'indique, que le transport de voyageurs et pas le fret ferroviaire. Elle a mis en place les conditions pour réduire les perturbations dans les transports publics, quelles qu'en soient les causes, en améliorant leur prévisibilité et en permettant de mettre en oeuvre des mesures pour en maîtriser les conséquences.
Suite aux conflits sociaux de la rentrée 2010, les entreprises ferroviaires privées ont souhaité que la libre circulation du fret ferroviaire en situation perturbée soit assurée pour :
- des raisons juridiques : la liberté du commerce et de l'industrie est consacrée aux articles 26.2 et 28 à 37 du Traite sur le fonctionnement de l'Union européenne ; en outre, cette liberté, ainsi que la liberté du travail, sont de niveau constitutionnel, comme le droit de grève ;
- des raisons économiques : un retard trop important de certains trains, transportant par exemple des matières premières, peut déboucher sur l'arrêt d'un site industriel ;
- pour des raisons environnementales : pour renforcer la compétitivité du train et éviter un éventuel report modal du trafic sur la route, il est nécessaire de fiabiliser le fret ferroviaire.
Toutefois, votre commission a adopté un amendement de suppression, présenté conjointement par votre rapporteur, d'une part, et MM. Roland Ries et Michel Teston, et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'autre part, compte tenu de l'incertitude juridique liée à l'annexe VI du projet de directive. En effet, l'Union ne peut pas intervenir dans le domaine du droit de grève, conformément à l'article 153.5 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La Commission explique pour sa part que ce n'est pas ce qu'elle a entendu faire dans l'annexe VII, point 9 de sa proposition, précisant qu'elle propose seulement que les règles éventuellement existantes dans les États-membres, relatives au service minimum, soient inscrites et déclinées dans le contrat pluriannuel signé avec le gestionnaire de réseau. Eu égard à l'incertitude juridique sur cette question et à l'hostilité des syndicats, il est préférable de se concentrer sur une réflexion sur le service minimal aux entreprises ferroviaires en cas de perturbation du trafic uniquement dans le cadre français. Selon les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur, une mission a été confiée en mars dernier au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) pour étudier les moyens d'assurer la continuité du fret ferroviaire en situation perturbée. L'axe central de la réflexion du CGEDD devrait être la gestion des priorités entre le trafic de passagers et le trafic de fret. Ce rapport pourrait déboucher sur la proposition d'étendre au transport de marchandises les dispositions de la loi du 21 août 2007 précitée. Si tel était le cas, le législateur devrait à nouveau veiller, sous le contrôle éventuel du Conseil constitutionnel, à concilier l'encadrement de l'exercice du droit de grève avec d'autres principes de valeur constitutionnel.