III. LA TRANSPOSITION

A. L'ORDONNANCEMENT JURIDIQUE ACTUEL

1. La situation en matière de contrôle des importations et des exportations

Le régime actuel de contrôle a priori des importations et exportations repose sur la délivrance d'autorisations individuelles, suivant un système à double niveau :

- l'agrément préalable (AP), accordé par le Premier ministre et notifié à l'industriel par le ministre de la défense ;

- l'autorisation d'exportation de matériels de guerre (AEMG), accordée et notifiée par le ministre chargé des douanes.

L'agrément préalable (AP) permet à une entreprise de négocier un contrat, puis le cas échéant de le signer. Il a une durée de validité maximale de 3 ans. L'autorisation d'exportation de matériels de guerre (AEMG) permet à la même entreprise de procéder à l'opération d'exportation proprement dite, car l'obtention de l'AEMG est obligatoire pour permettre le dédouanement des matériels et leur acheminement à l'étranger après le franchissement des frontières. D'une durée de validité de deux ans maximum, l'AEMG est en général précédée de la signature du contrat.

Ces deux autorisations relèvent du Premier ministre, assisté d'une commission (la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre - CIEEMG) dont la présidence est assurée par le Secrétaire général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN). Trois ministères, les affaires étrangères et européennes, la défense et les finances, en sont membres permanents et disposent d'une voix délibérative. La commission est chargée de l'examen des dossiers au cas par cas. Elle exprime sur chacun un avis qui sert de base à la décision.

D'après l'exposé des motifs du projet de loi, en 2009, la France a délivré 6 826 agréments préalables individuels et 7 080 autorisations d'exportation de matériel de guerre.

Ce système, robuste et éprouvé, reposant sur des fondements posés par le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, a été perfectionné depuis lors, mais n'a jamais vu son architecture globale refondue.

Ses lourdeurs pour nos industriels ont été très bien décrites dans le rapport de notre collègue député Yves Fromion 8 ( * ) , parlementaire en mission, remis au Premier ministre en juin dernier.

Ce rapport estime à 66 jours le délai moyen de traitement pour un agrément préalable et à 52 jours celui de l'autorisation d'exportation. Ces chiffres sont peu compatibles avec l'exigence de réactivité pour nos entreprises dans des compétitions où la concurrence est souvent très rude.

Enfin, le nombre d'actes traités paraît disproportionné par rapport aux enjeux, comme le relève le rapport précité : « environ 6 000 à 7 000 demandes restent annuellement inscrites à l'ordre du jour des 11 CIEEMG annuelles, alors qu'apparemment la moitié seulement -au mieux- fait l'objet d'un examen réel dans cette instance. (...) En réalité, seulement 10% des dossiers présenteraient un caractère jugé sensible. Enfin, seules une centaine de fiches font l'objet chaque année d'un refus. (...) Il n'est pas nécessaire de retenir au niveau de la CIEEMG la très grande majorité des demandes d'agrément. »

De plus, le morcellement des régimes juridiques d'autorisation entre les différents États membres constitue un désavantage pour nombre d'entreprises à l'assise désormais largement transnationale.

2. Les marchés publics de défense

Le régime juridique français des marchés publics de défense peut être subdivisé en trois catégories, que l'on classifiera en fonction de l'application des règles du marché et de la concurrence :

a) Le régime de droit commun : l'application des principes de la concurrence

En application des directives européennes, le principe en droit français est que tous les « marchés de défense » c'est-à-dire ceux portant sur des armes, munitions et matériels de guerre et tous les « marchés de sécurité », c'est-à-dire ceux portant sur des équipements de sécurité impliquant des informations ou supports classifiés ou protégés, sont en principe soumis aux règles du marché unique destinés à assurer une concurrence loyale.

Cette soumission résulte :

- soit du code des marchés publics (article 2), pour l'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ;

- soit de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;

Entrent dans la première catégorie, les acheteurs publics habituels en matière d'équipements de défense, tels que la délégation générale à l'armement qui est un démembrement de l'Etat et qui n'est pas dotée de la personnalité morale, ou encore les douanes, les différents services de renseignement, la police et la gendarmerie.

Entrent dans la seconde catégorie, pour ce qui nous intéresse ici, des personnes publiques telles que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, le Centre national d'études spatiales (CNES), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et en particulier sa direction des applications militaires. D'autres personnes publiques soumises à cette même ordonnance, telles que la Banque de France, l'Autorité des marchés financiers, Aéroport de Paris, la SNCF, RFF, la RATP etc... peuvent fort bien passer des marchés dans le domaine de la défense.

Il convient également de souligner que l'ordonnance de 2005 contient également toutes les dispositions spécifiques aux marchés de défense, qui sont de nature législative.

b) Le régime spécifique du « décret défense » du 7 janvier 2004

En 2004, le pouvoir exécutif a ressenti la nécessité de mettre en place un régime spécifique, pas aussi contraignant que le code des marchés publics en termes de mise en concurrence, mais de nature à fournir un minimum de principes et d'orientations aux acheteurs publics pour les marchés d'armes, de munitions de matériels de guerre, lorsque ces marchés :

- sont passés pour les besoins exclusifs de la défense ;

et - mettent en cause les intérêts essentiels de sécurité de l'Etat au sens de l'article 346 TFUE.

Ce régime est posé par le décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004, dit « décret défense », pris en application de l'article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense.

Par construction, ce décret ne concerne que les personnes relevant du code des marchés publics.

La principale disposition de ce décret est d'autoriser les acheteurs publics d'équipement de défense à utiliser la procédure négociée, après publicité préalable et mise en concurrence, comme procédure de droit commun.

C'est en quelque sorte la même idée d'un régime particulier conciliant mise en concurrence et spécificités des marchés de défense, qui a inspiré la rédaction de la directive MPDS.

Par ailleurs, l'article 3 - 7° du code des marchés publics prévoit, sur le fondement des directives de 2004, que ses dispositions ne s'appliquent pas aux marchés et accords-cadres passés en application du « décret défense » et qui :

- exigent le secret ;

- ou dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité (...) ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de sécurité de l'Etat l'exige.

c) Le régime spécial découlant des textes européens

En application directe, soit de l'article 346 du TFUE, lorsqu'il s'agit de marchés susceptibles de porter atteinte aux intérêts essentiels de sécurité de l'Etat, soit des articles 14 de la directive 2004/18/CE et 21 de la directive 2004/17/CE, lorsqu'il s'agit de marchés déclarés secrets par l'Etat ou dont l'exécution exige des mesures particulières de sécurité, l'Etat et ses démembrements peuvent acheter sans publicité et sans mise en concurrence.

Ce régime est fondé directement sur le droit européen et ne s'appuie sur aucun texte écrit de droit national français.


* 8 Transposition de la directive européenne simplifiant les transferts intracommunautaires d'équipements de défense. Conclusions finales de la mission confiée par monsieur le Premier ministre, juin 2010.

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