II. L'ACCORD SUR LES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS
L'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer a été adopté le 23 mai 1997. Il s'inspire très largement des précédents accords conclus en matière de privilèges et immunités d'autres organisations internationales. La France devrait toutefois faire une réserve concernant l'exonération fiscale dont pourraient bénéficier les membres et fonctionnaires du tribunal qui résideraient sur notre territoire.
A. LES PRÉCÉDENTS ACCORDS
Cet accord s'inspire largement des précédents accords internationaux en matière de privilèges et d'immunités.
On peut notamment citer la convention sur les privilèges et immunités de l'Organisation des Nations unies, la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations unies ou encore l'accord de siège avec l'UNESCO.
Concernant les juridictions internationales, on peut également mentionner l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale, adopté le 9 septembre 2002.
Cet accord a été signé par la France le 10 septembre 2002 et est entré en vigueur en France le 22 juillet 2004, son approbation ayant été autorisée par la loi du 31 décembre 2003.
B. UN CONTENU CLASSIQUE
L'article 10 de l'annexe VI de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer portant statut du Tribunal international du droit de la mer précise que « dans l'exercice de leurs fonctions les membres du tribunal jouissent des privilèges et immunités diplomatiques » .
L'accord de 1997 vise à préciser les privilèges et immunités dont doivent jouir non seulement les membres du tribunal pour qu'ils puissent exercer en toute indépendance leurs fonctions, mais aussi ceux dont bénéficient les fonctionnaires du tribunal et les avocats, conseils et experts appelés à exercer leurs fonctions lors d'une procédure particulière.
L'accord comprend un préambule et 35 articles.
Après avoir défini ses principaux termes à l' article premier , il reconnaît, à l' article 2 , la personnalité juridique du tribunal.
L' article 4 prévoit le droit pour le tribunal d'arborer son drapeau et son emblème.
Il affirme également l'inviolabilité des locaux du tribunal ( article 3 ), l'immunité du tribunal lui-même et de ses biens, avoirs et fonds ( article 5 ), l'inviolabilité de ses archives ( article 6 ), ainsi que les privilèges, immunités et facilités dont bénéficie sa correspondance officielle (article 8).
L' article 5 précise, en particulier, l'immunité contre toute forme de poursuites dont jouit le tribunal, à moins d'y renoncer expressément, ainsi que la protection dont bénéficient ses biens, avoirs et fonds, qui ne peuvent pas faire l'objet de perquisitions et de saisies, d'expropriation ou de confiscation ou tout autre forme de contrainte.
Les articles 9 à 12 sont consacrés aux facilités d'ordre fiscal, douanier et financier qui sont accordées au tribunal et à ses membres ou fonctionnaires.
L' article 9 pose le principe de l'exonération d'impôts directs, de droits de douane et d'impôts sur le chiffre d'affaires, ainsi que l'exemption de toute restriction à l'importation ou à l'exportation pour les objets à usage officiel.
L' article 10 prévoit la possibilité de remboursement des droits ou taxes entrant dans le prix des biens mobiliers ou immobiliers qui font l'objet d'achats importants de la part du tribunal pour son usage officiel.
L' article 11 pose le principe d'une exonération d'impôts à l'égard des traitements, émoluments et indemnités versés aux membres et aux fonctionnaires du tribunal.
Les articles 13 à 17 définissent le régime applicable en matière d'immunités, de privilèges et de facilités des membres du tribunal, des fonctionnaires ou d'autres agents.
D'après l' article 13 , les membres du tribunal jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, des immunités et privilèges accordés aux chefs de mission diplomatique en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, adoptée le 18 avril 1961 et entrée en vigueur le 24 avril 1964.
Alors que le greffier du tribunal bénéficie également des immunités et privilèges diplomatiques, les autres fonctionnaires du tribunal bénéficient des privilèges, immunités et facilités « qu'exige l'exercice indépendant de leurs fonctions » , en particulier :
- l'immunité d'arrestation ou de détention et de saisie de leurs effets personnels ;
- le droit d'importer en franchise leur mobilier et leurs effets à l'occasion de leur première prise de fonctions dans le pays concerné, et de les réexporter en franchise dans le pays de leur domicile ;
- l'exemption de toute inspection de leurs effets personnels, à moins qu'il n'existe de sérieuses raisons de croire que les effets contiennent des articles qui ne sont pas destinés à leur usage personnel ou des articles dont l'importation ou l'exportation est prohibée par la loi ou relève de la réglementation de l'Etat partie concerné en matière de quarantaine ;
- l'immunité de toute forme de poursuites à raison de leurs paroles, de leurs écrits et de tous les actes accomplis par eux dans l'exercice de leurs fonctions. Cette immunité continue à leur être accordée même après qu'ils ont cessé d'exercer leurs fonctions ;
- l'exemption de toute obligation relative au service national ;
- l'exemption des mesures restrictives relatives à l'immigration et des formalités relatives à l'enregistrement des étrangers ;
- des privilèges et facilités de change ;
- des mêmes facilités de rapatriement que celles qui sont accordées en période de crise internationale aux agents diplomatiques.
Des privilèges et immunités similaires sont également accordés aux experts désignés par le tribunal ( article 15 ), aux agents, avocats et conseils auprès du tribunal ( article 16 ), ainsi qu'aux témoins, experts et personnes qui accomplissent des missions sur l'ordre du tribunal ( article 17 ).
Sur le territoire de l'Etat dont ils ont la nationalité ou dans lequel ils ont le statut de résident permanent, l' article 18 ne garantit aux personnes visées précédemment que l'immunité contre toute forme de poursuite et que l'inviolabilité pour leurs paroles, écrits et actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions.
L' article 19 rappelle que les privilèges, immunités, facilités et prérogatives accordées à ces personnes ne le sont pas pour leur avantage personnel, mais afin de garantir leur indépendance dans l'exercice de leurs fonctions.
En conséquence, l' article 20 prévoit la possibilité de lever l'immunité dont bénéficient ces personnes si celle-ci empêche que justice soit faite et sous réserve que cette levée d'immunité ne porte pas préjudice à la bonne administration de la justice.
L' article 21 prévoit l'obligation pour les Etats parties d'accepter les laissez-passer des Nations unies délivrés aux membres et aux fonctionnaires du tribunal ou aux experts désignés par lui et d'examiner les demandes de visas dans les plus brefs délais.
L' article 22 garantit le libre déplacement des personnes participant au fonctionnement du tribunal.
L' article 23 concerne la collaboration du tribunal avec un Etat partie en matière de maintien de la sécurité et de l'ordre public, afin, d'une part, d'assurer la protection du tribunal, et, d'autre part, d'éviter que les activités du tribunal ne portent préjudice à la sécurité ou à l'ordre public de cet Etat. Le tribunal coopère également avec les Etats parties afin de faciliter l'application de leurs législations et d'éviter les abus de privilèges ( article 24 ).
Les articles 25 à 35 portent sur les modalités de mise en oeuvre de l'accord : relations avec les accords bilatéraux ( article 25 ), règlement des différends ( article 26 ), signature ( article 27 ), ratification ( article 28 ), adhésion ( article 29 ), entrée en vigueur ( article 30 ), application à titre provisoire ( article 31 ), application spéciale ( article 32 ), dénonciation (art icle 33 ), dépositaire ( article 34 ) et langues faisant foi ( article 35 ).
L'accord a été adopté le 23 mai 1997 et ouvert à la signature au siège de l'Organisation des Nations unies pendant vingt-quatre mois à compter du 1 er juillet 1997. Il est entré en vigueur le 30 décembre 2001, soit trente jours après la date de dépôt du dixième instrument de ratification ou d'adhésion.
A la date de clôture de la signature, vingt et un États l'avaient signé. A ce jour, 38 États l'ont ratifié ou y ont adhéré.
Bien que cet accord date de 1997, le projet de loi autorisant l'adhésion de la France à cet accord n'a été déposé devant l'Assemblée nationale par le Gouvernement que le 28 juillet 2010, soit plus de 13 ans après.
Alors que le droit international de la mer présente une importance particulière pour notre pays et que la France dispose d'un juge au sein de ce tribunal, votre rapporteur regrette le manque d'empressement des autorités françaises à adhérer à cet accord.