EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 10 novembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurité ».
M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur spécial . - La mission « Sécurité » est dotée de 16,818 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 16,819 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), soit une augmentation de 2,7 % par rapport à l'exercice précédent. Avec 14,621 milliards d'euros, les dépenses en personnel constituent 86,9 % des crédits de la mission. La mission « Sécurité» est donc avant tout une mission de personnel, et cette caractéristique forte induit d'ailleurs une vraie rigidité dans son pilotage.
Depuis 2009, la mission est marquée par une évolution presque historique : le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales. Ce rattachement ne remet toutefois pas en cause le statut militaire de la gendarmerie nationale, ni le dualisme « policier-gendarme ». Il consiste en un rattachement organique et opérationnel en vue d'améliorer l'efficacité de la politique de sécurité. En tant que rapporteur spécial de cette mission, je peux d'ailleurs témoigner des efforts considérables et des progrès remarquables, accomplis par les deux forces, en vue d'un travail chaque jour plus coopératif. Les policiers et les gendarmes ne disent plus « ils », mais « nous ».
La baisse de la délinquance sous toutes ses formes est le premier objectif de la mission. De ce point de vue, si la délinquance constatée en matière d'atteintes aux biens a reculé de 15 849 faits entre 2008 et 2009, celle concernant les atteintes à l'intégrité physique des personnes a augmenté de 12 240 faits.
La coopération internationale s'appuie sur un réseau implanté dans 93 pays, couvrant 156 États et animé par 251 attachés de sécurité intérieure, aussi bien policiers que gendarmes. C'est un élément à part entière de notre diplomatie, qui peut aussi déboucher sur la vente de matériel français à l'étranger. La création, le 1 er septembre 2010, de la direction de la coopération internationale (DCI) doit permettre d'amplifier encore ces retombées positives.
Comme en 2009 et 2010, le budget pour 2011 de la mission « Sécurité » est adossé à la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2). Toutefois des écarts significatifs existent entre la programmation triennale, prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques en cours d'examen, et la LOPPSI 2. Hors charges de pension, la programmation triennale serait plus généreuse de 88 millions d'euros que la LOPPSI 2 en 2011, puis plus restrictive de 74 millions d'euros en 2012 et de 316 millions d'euros en 2013. Le Gouvernement doit rétablir la cohérence de l'ensemble, afin de sortir de l'incertitude actuelle.
Grâce aux moyens consentis en loi de finances, la police et la gendarmerie devront continuer de s'adapter à une délinquance en perpétuelle évolution. A cet égard, il convient de relever quelques décisions marquantes pour 2011. Entrée en application depuis septembre 2009 à Paris et dans trois départements limitrophes, la police d'agglomération s'étendra l'année prochaine aux ensembles urbains de Lille, Lyon et Marseille. La suppression des frontières administratives est un gage d'efficacité. En outre, les brigades spécialisées de terrain (BST) prendront le relais des unités territoriales de quartier (UTeQ). La doctrine d'emploi de ces brigades, déployées dans les zones sensibles, passe par l'occupation du terrain afin de lutter contre la délinquance, les violences et les trafics. Ces BST, comme avant elles les UTeQ, constituent une sorte de police de proximité envisagée sous l'angle pragmatique de l'efficacité opérationnelle.
On peut également se réjouir que le Gouvernement ait enfin écouté les parlementaires : à compter du 1 er janvier 2011, la responsabilité du transfèrement des détenus entre leur cellule et les palais de justice, ainsi que les missions d'escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), sera transférée au ministère de la justice et des libertés. En contrepartie, celui-ci se verra accorder 800 emplois supplémentaires entre 2011 et 2013. Afin de limiter les transfèrements, un recours accru à la vidéoconférence serait d'ailleurs souhaitable. Je me félicite également du progrès en cours dans le domaine des gardes statiques : le ministre de l'intérieur a tout récemment annoncé un effort de rationalisation en la matière, s'appuyant notamment sur la vidéosurveillance.
Je veux enfin souligner la suppression de certains doublons entre police et gendarmerie. Cet effort doit être poursuivi sans relâche. A titre d'exemple, un nombre croissant d'actions de formation sont désormais menées en commun. La réorganisation des services informatiques de la police et de la gendarmerie a également débouché sur la création d'un service commun. Espérons que cela permettra d'éviter les errements du passé, tels que la non compatibilité des systèmes de communication « Acropol » (pour la police) et « Rubis » (pour la gendarmerie).
Le programme « Police nationale » comporte 9,088 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,9 %. Il connait une augmentation de son plafond d'emploi qui passe à 145 504 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), mais une baisse de 712 ETPT de ses effectifs à périmètre constant. Sur quatre ans, 4 373 ETPT auront ainsi été supprimés dans le cadre de la RGPP, l'effet de ces suppressions étant toutefois amorti par des recrutements importants d'adjoints de sécurité (ADS). Les dépenses de fonctionnement enregistrent une baisse de 0,6 % et se montent à 762,7 millions d'euros. Toutefois, après prise en compte des arbitrages réalisés en gestion au cours de l'exercice 2010, cette diminution est plus marquée : 5,5 %. Un seuil a ainsi été atteint concernant les moyens de fonctionnement de la police. Aller au-delà ferait désormais peser un risque sur le potentiel opérationnel de cette force.
Les dépenses d'investissement connaissent un recul conséquent : les crédits de paiement chutent de 28,3 % et les autorisations d'engagement de 77,5 %. On peut s'en inquiéter : si l'on ne peut qu'être favorable au « rabotage » des dépenses, il ne faut pas atteindre l'os... Or, au sein du programme, les marges de manoeuvre sont d'autant plus limitées que la LOPPSI 2 impose l'utilisation de certains crédits pour des dépenses liées aux nouvelles technologies.
Le programme « Gendarmerie nationale » s'appuie sur 7,755 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 12,7 %. La RGPP fixe pour objectif la suppression de 3 509 ETPT sur la période 2009-2011. En application de cette politique, 1 246 ETPT ont été supprimés en 2009, 1 303 ETPT l'ont été en 2010. Pour 2011, le plafond d'emploi de la gendarmerie s'établit à 97 198 ETPT. Je rappelle toutefois que la densité des forces de sécurité est plus forte en France que chez tous nos voisins européens. Les dépenses de fonctionnement diminuent de 2 % et se montent à 1,057 milliard d'euros en 2011. Dans un contexte de réduction des crédits et afin de préserver la continuité du service et la performance des unités, le choix a été fait de sanctuariser les dépenses de fonctionnement courant au détriment des investissements. Ainsi, la dotation en crédits de paiement consacrée à l'ensemble de l'effort d'investissement s'élève-t-elle à 262,2 millions d'euros, en baisse de 13 % par rapport à 2010.
Enfin, l'opération en Afghanistan explique pour une très large part les surcoûts prévisionnels des opérations extérieures (OPEX) pour la gendarmerie nationale en 2010. Alors que l'autorisation initiale de dépense était fixée à 15 millions d'euros, un surcoût de 27,9 millions d'euros est à déplorer. A elle seule, notre intervention en Afghanistan coûte 20 millions d'euros.
Les crédits consentis aux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » contribueront d'autant plus à l'efficacité de nos forces de sécurité que celles-ci continueront d'avancer sur la voie de la rationalisation de leurs moyens. Je veux ici insister sur la nécessité d'aller vers un principe de spécialisation, seul garant de la pérennité de nos deux forces. La police et la gendarmerie n'en ont pas fini de leur processus de mutation et de modernisation. En conclusion, je vous propose l'adoption des crédits proposés pour la mission « Sécurité» et pour chacun de ses programmes.
M. François Trucy . - Quels sont les pays européens qui disposent à la fois d'une double force de sécurité, militaire et civile ? Y a-t-on favorisé les coopérations ?
M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur spécial . - Ces trois pays sont l'Italie, l'Espagne et la Belgique, peut-être en raison de l'héritage napoléonien. Les Belges ont envisagé un temps de supprimer leur gendarmerie et l'ont finalement rapprochée de la police. Encore une fois, la spécialisation et la suppression des doublons sont indispensables. Mais il sera par exemple difficile de faire accepter la disparition, soit du Raid, soit du groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).
M. Yann Gaillard , vice-président . - Je ne comprends pas bien les raisons qui ont poussé à rattacher la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur spécial . - C'était la nécessité de mutualiser les moyens et de supprimer les doublons, qui coûtent cher.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011.
*
* *
Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2010 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.