Article 146 bis (art. L. 133-6 du code de justice administrative) - Recrutement des auditeurs du Conseil d'Etat parmi les anciens élèves de l'ENA
Cet article, issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, modifie les conditions de recrutement des auditeurs du Conseil d'Etat, afin de prendre en compte la suppression du classement à la sortie de l'Ecole nationale d'administration (ENA).
La suppression du classement de sortie s'inscrit dans une réforme plus large de l'ENA, lancée en mars 2009 (réduction de la durée de formation de 27 à 24 mois, renforcement du caractère professionnel des enseignements ...).
Le Gouvernement, considérant que le classement de sortie constituait un facteur d'opacité et de rigidité dans la carrière des hauts fonctionnaires issus de l'ENA, a élaboré un projet de décret modifiant le décret n° 2002-50 du 10 janvier 2002 relatif aux conditions d'accès et aux régimes de formation à l'ENA.
En effet, aux termes de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires, « les conditions d'entrée à l'école, l'organisation de la scolarité et des stages, les règles d'affectation des élèves à la sortie de l'école seront déterminées par décret en Conseil d'Etat ».
Le Gouvernement entend ainsi substituer au classement de sortie une procédure d'affectation permettant à chaque administration de choisir les élèves qui correspondent le mieux à ses besoins.
Cette procédure s'appuierait sur la constitution, par chaque élève, d'un dossier d'aptitude comportant des éléments d'appréciation sur les enseignements suivis, ainsi que sur les travaux et stages effectués.
Les administrations devraient en outre élaborer des fiches d'emploi, mentionnant les compétences recherchées et les critères de sélection. Il reviendrait à l'ENA de transmettre aux employeurs, en fonction des souhaits émis par les élèves, le dossier d'aptitude des candidats, de façon anonyme, afin d'éviter tout favoritisme. Les administrations recevraient le dossier complet des élèves candidats après avoir sélectionné ceux qu'elles souhaitent entendre et pourraient alors procéder à des entretiens. Le recrutement des candidats serait pré-validé à l'issue de ces entretiens.
Par ailleurs, une commission de professionnalisation serait chargée d'assurer la régularité et le bon déroulement de la procédure et de proposer les affectations au ministre. L'article 34 du projet de décret prévoit ainsi que « une commission de professionnalisation assure la régularité et le bon déroulement de cette procédure. Elle adresse des recommandations aux employeurs. Elle est composée du directeur général de l'administration et de la fonction publique et du directeur de l'Ecole nationale d'administration qui en assurent la vice-présidence ainsi que de cinq personnalités qualifiées nommées, de même que son président qui a voix prépondérante, pour trois ans par arrêté du Premier ministre. L'école assure le secrétariat de la commission . » 126 ( * )
La nouvelle procédure de recrutement à la sortie de l'ENA Le projet de décret transmis à votre rapporteur définit une procédure de recrutement comportant les étapes suivantes : - Evaluation des stages, des enseignements et des formations par des jurys (note, appréciation littérale, grille d'aptitudes) ; - Elaboration du projet professionnel des élèves à partir de bilans personnalisés en cours de scolarité ; - Trois mois avant la fin de la scolarité, les ministres transmettent à la commission de professionnalisation un dossier de présentation générale de l'organisation dans laquelle les emplois sont proposés, la description et les spécifications des emplois proposés, les critères de sélection destinés à assurer l'adéquation entre les emplois proposés, ainsi que les carrières correspondantes, et le profil des élèves, les modalités retenues pour les entretiens ; - Au vu des emplois proposés et de leur projet professionnel, les élèves présentent leur candidature dans la limite de 20 % des postes proposés. La commission peut intervenir si le nombre de candidatures présentées par un élève lui paraît insuffisant ; - Transmission par l'école, sous le contrôle de la commission, des dossiers d'aptitude anonymes des candidats aux employeurs (évaluations et projet professionnel) - Sélection sur dossier anonyme par les employeurs de la liste des candidats qu'ils souhaitent rencontrer dans la limite de 3 à 5 par emploi. La commission adresse aux employeurs le CV et la lettre de motivation des élèves retenus. Afin de prévenir tout risque de cooptation, la commission peut, si le nombre total des élèves choisis est trop faible, demander aux employeurs de recevoir davantage d'élèves ; - Chaque employeur rencontre les élèves retenus selon des modalités identiques ; - A l'issue des entretiens, chaque employeur procède de façon collégiale au classement par ordre préférentiel des candidats retenus pour chaque emploi. La commission peut demander aux employeurs de revoir leurs listes si elles ne lui semblent pas être conformes aux critères de sélection ; - A l'issue des entretiens, chaque élève établit la liste des emplois auxquels il est définitivement candidat par ordre préférentiel ; - La commission rapproche les choix respectifs des administrations et des élèves, à partir de ces listes de préférences ; - Un nouveau tour peut être organisé, le cas échéant, selon les mêmes principes pour les élèves non affectés ; - Si un élève reste sans affectation, la commission procède à sa pré-affectation sur un emploi restant vacant, aucun élève ne pouvant rester sans emploi ; - Les élèves sont affectés dans les corps par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, pris sur proposition de la commission de professionnalisation. Tout au long de la procédure, la commission peut adresser des recommandations aux employeurs. Elle peut être saisie par les élèves. |
Cependant, les règles de recrutement des auditeurs de 2 ème classe au Conseil d'Etat sont inscrites dans la partie législative du code justice administrative.
Ainsi, l'article L. 133-6 de ce code dispose que « les auditeurs de 2 ème classe ont nommés parmi les anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration selon les règles propres au classement des élèves de cette école ».
Par conséquent, la suppression du classement de sortie de l'ENA et la publication du décret instituant une nouvelle procédure de recrutement supposent au préalable une modification de cette disposition législative.
Aussi l'article 146 bis réécrit-il l'article 133-6 du code de justice administrative afin de prévoir que les auditeurs de 2 ème classe du Conseil d'Etat sont nommés parmi les anciens élèves de l'ENA, selon des règles applicables à la procédure d'affectation de l'école.
Toutefois, le recrutement des auditeurs ne serait pas pleinement soumis à la nouvelle procédure définie par décret en Conseil d'État, puisque la sélection des candidats serait effectuée par une commission, dont la composition serait fixée par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat. Cette commission proposerait les candidats retenus, en appréciant leur valeur professionnelle et leur aptitude à exercer les missions dévolues aux membres du Conseil d'Etat.
Votre commission a jugé que cette procédure spécifique n'était pas justifiée et contredisait l'objectif d'une égalité de traitement de l'ensemble des candidats et de toutes les administrations recrutant parmi les anciens élèves de l'ENA.
Elle a par conséquent adopté un amendement de notre collègue Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, supprimant la commission de sélection spécifique au Conseil d'État et renvoyant le recrutement des auditeurs aux dispositions du décret relatif aux conditions d'accès et au régime de formation de l'ENA.
Les auditeurs du Conseil d'État seront donc recrutés dans les mêmes conditions que l'ensemble des fonctionnaires recrutés à la sortie de l'ENA.
Votre commission a adopté l'article 146 bis ainsi modifié .
* 126 Voir l'extrait du projet de décret en annexe 2 au présent rapport.