B. LES MESURES PRISES CONTRE LA PIRATERIE AU NIVEAU INTERNATIONAL

1. La convention des Nations Unies sur le droit de la mer dite de Montego Bay

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay et entrée en vigueur en 1996, a défini, au travers de ses articles 100 à 107 et 110, un régime juridique de droit international de la piraterie et de sa répression.

L'article 101 de la Convention de Montego Bay précise ce qu'il faut entendre par « piraterie ».

Article 101 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer
dite Convention de Montego Bay

Définition de la piraterie

On entend par piraterie l'un quelconque des actes suivants :

a) tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l'équipage ou des passagers d'un navire ou d'un aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé :

i) contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer;

ii) contre un navire ou aéronef, des personnes ou des biens, dans un lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat;

b) tout acte de participation volontaire à l'utilisation d'un navire ou d'un aéronef, lorsque son auteur a connaissance de faits dont il découle que ce navire ou aéronef est un navire ou aéronef pirate;

c) tout acte ayant pour but d'inciter à commettre les actes définis aux lettres a) ou b), ou commis dans l'intention de les faciliter.

L'article 101 de la Convention de Montego Bay fixe donc quatre conditions cumulatives pour caractériser l'acte de piraterie :

- l'acte doit être commis en haute mer ou dans un espace maritime ne relevant de la juridiction d'aucun Etat ;

- le bâtiment « pirate » doit être un navire ou un aéronef privé ;

- l'acte doit être un acte illicite de violence ou de détention ou de déprédation dirigé contre un navire, des personnes ou des biens ;

- l'attaque doit être effectuée à des fins privées.

Le même article 101 étend l'acte de piraterie à la participation volontaire à l'acte de violence et à l'incitation à le commettre ou le faciliter.

La piraterie se distingue donc clairement des actes de terrorisme, qui visent un but politique.

Par ailleurs, les actes commis dans les eaux territoriales 2 ( * ) d'un Etat ne peuvent être qualifiés de piraterie, dans la mesure où ils se produisent dans une zone placée sous la souveraineté d'un Etat, seul compétent pour les réprimer. Ils sont qualifiés de « brigandage ».

L'article 103 de la Convention de Montego Bay donne une définition du navire ou de l'aéronef pirate : « Sont considérés comme navires ou aéronefs pirates les navires ou aéronefs dont les personnes qui les contrôlent effectivement entendent se servir pour commettre l'un des actes visés à l'article 101. Il en est de même des navires ou aéronefs qui ont servi à commettre de tels actes tant qu'ils demeurent sous le contrôle des personnes qui s'en sont rendues coupables ».

Loin de se limiter à ces définitions, la Convention de Montego Bay pose les principes qui doivent orienter l'action des Etats.

Ainsi, l'article 100 de la convention stipule que « Tous les Etats coopèrent dans la mesure du possible à la répression de la piraterie en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat » .

Par ailleurs, l'article 110 de la convention permet à tout Etat, « s'il a de sérieuses raisons de soupçonner » que ce navire se livre à la piraterie, de l'arraisonner en haute mer sans devoir solliciter l'accord de l'Etat du pavillon.

Le régime juridique international de lutte contre la piraterie est ainsi dérogatoire au droit commun de la compétence de l'Etat du pavillon.

La loi du pavillon

Selon ce principe, posé par l'article 92 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer : « Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul Etat et sont soumis, sauf dans des cas exceptionnellement prévus par les traités internationaux ou par la convention, à sa juridiction exclusive en haute mer ».

Enfin, la Convention de Montego Bay reconnaît une compétence universelle en matière de lutte contre la piraterie.

En effet, d'après l'article 105 de la Convention de Montego Bay : « Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d'un acte de piraterie et aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les tribunaux de l'Etat qui a opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger, ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le navire, l'aéronef ou les biens, réserve faite des tiers de bonne foi ».

2. Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et la situation spécifique de la Somalie

Face à l'ampleur du phénomène de la piraterie au large des côtes somaliennes et aux difficultés rencontrées par la Somalie pour assurer le contrôle de ses eaux territoriales, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté plusieurs résolutions fondées sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

La résolution 1816, adoptée le 2 juin 2008, élargit la possibilité de la répression de la piraterie aux eaux territoriales de la Somalie.

Elle autorise, pour une durée initiale de six mois, « les Etats qui coopèrent avec le Gouvernement de transition somalien à pénétrer dans les eaux territoriales de la Somalie, dans le but de réprimer la piraterie et le vol à main armée en mer ». Les Etats sont habilités à « recourir à tous les moyens nécessaires », tout en respectant « les dispositions du droit international concernant les actions en haute mer ».

Elle préconise aussi que tous les Etats coopèrent « en vue de déterminer lequel aura compétence » et prennent « les mesures voulues d'enquête et de poursuite à l'encontre des auteurs d'actes de piraterie ».

Elle souligne cependant que ces mesures ne peuvent s'appliquer spécifiquement qu'au seul cas de la Somalie et elle subordonne les possibilités d'action de répression dans les eaux territoriales somaliennes, conformément aux règles de droit international applicables en haute mer, à la conclusion d'un accord entre le Gouvernement fédéral transitoire somalien et le Gouvernement de l'Etat intervenant.

La résolution 1838 du 7 octobre 2008, puis la résolution 1846 du 2 décembre 2008 ont prolongé cette autorisation pour douze mois supplémentaires tout en insistant sur la nécessité pour les Etats intéressés de participer activement à la lutte contre la piraterie.

Enfin, la résolution 1851 , adoptée le 16 décembre 2008, encourage les Etats et les organisations régionales qui luttent contre la piraterie dans la zone à mettre en place « un mécanisme de coopération internationale pour servir de point de contact commun » et à « créer dans la région un centre chargé de coordonner les informations ayant trait à la piraterie et aux vols à main armée au large des côtes somaliennes ».

Elle insiste également sur les difficultés juridiques et judiciaires, notamment en ce qui concerne le traitement à apporter aux pirates interpellés par les navires de guerre.

Elle recommande ainsi la conclusion « d'accords ou d'arrangements spéciaux avec les Etats disposés à prendre livraison des pirates pour embarquer des agents des services de lutte contre la criminalité de ces pays (...) en vue de faciliter la conduite des enquêtes et des poursuites » .

3. L'opération « Atalanta » de l'Union européenne de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes

En novembre 2008, le Conseil de l'Union européenne a décidé de lancer une opération militaire afin de contribuer à la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes.

Cette opération, dénommée Atalanta », est la première opération navale de l'Union européenne.

L'OPERATION « ATALANTA » DE L'UNION EUROPÉENNE DE LUTTE CONTRE LA PIRATERIE
DANS LE GOLFE D'ADEN ET DANS L'OCÉAN INDIEN

Le Conseil de l'Union européenne a décidé, à l'initiative de la présidence française de l'Union européenne, le 10 novembre 2008, de lancer une opération militaire afin de contribuer à la lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes.

Cette opération, dénommée « EUNAVFOR Somalie - Opération Atalanta », est la première opération navale de l'Union européenne. Elle s'inscrit dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Elle s'appuie sur les résolutions 1814, 1816, 1838 et 1846 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

L'opération « Atalanta » a pour mission de :

- fournir une protection aux navires affrétés par le Programme Alimentaire mondial (PAM) ;

- protéger les navires marchands naviguant dans le Golfe d'Aden et au large des côtes de Somalie ;

- surveiller les zones au large des côtes de la Somalie, y compris ses eaux territoriales, présentant des risques pour les activités maritimes ;

- recourir aux moyens nécessaires, y compris l'usage de la force, pour dissuader, prévenir et intervenir afin de mettre fin aux actes de piraterie ou aux vols à main armée qui pourraient être commis dans les zones où celles-ci s'exercent.

Le commandement de l'opération est assuré par un contre-amiral britannique au quartier général de Northwood (Royaume-Uni).

Le Comité politique et de sécurité (COPS) exerce le contrôle politique et la direction stratégique de l'opération, sous la responsabilité du Conseil.

L'opération, prévue pour une durée initiale de douze mois, a été prolongée d'une année en décembre 2009.

Par ailleurs, compte tenu du déplacement des attaques, sa zone géographique a été étendue à une partie de l'Océan Indien au large des Seychelles.

Actuellement, plus d'une vingtaine de bâtiments et d'aéronefs de sept Etats membres (Pays-Bas, Espagne, Allemagne, France, Grèce, Italie, Suède, Belgique et Luxembourg) participent à cette opération.

Dans le cadre d'une mission de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, votre Rapporteur a effectué, en juin 2009, avec notre collègue Michel Boutant, un séjour de deux jours à bord de la frégate française « Aconit » participant à l'opération « Atalanta » et patrouillant dans le Golfe d'Aden. Cette mission a fait l'objet d'une communication devant votre commission le 15 juillet 2009 3 ( * ) .

L'Union européenne n'est pas la seule organisation présente dans cette zone. En effet, on y trouve aussi la « combined Task Force 150 » , dans le cadre de l'opération « Enduring Freedom » de lutte contre le terrorisme, coordonnée par les Etats-Unis, une autre coalition, la « combined Task Force 151 » , également coordonnée par les Etats-Unis et dédiée à la lutte contre la piraterie, mais aussi l'OTAN, avec l'opération « Ocean Shield ».

Par ailleurs, depuis le début de l'année 2009, plusieurs États ont décidé de déployer des bâtiments dans le Golfe d'Aden et au large de la Somalie afin d'assurer la protection des navires de leur pavillon ou représentant un intérêt économique national transitant dans la zone. Ainsi, la Russie, la Chine, l'Inde, le Japon, l'Arabie Saoudite, l'Indonésie et la Malaisie, et même l'Iran, ont ou ont eu des bâtiments présents dans la zone.

Au total, entre vingt et quarante bâtiments de guerre sont présents en permanence dans le Golfe d'Aden et au large de la Somalie.

L'Union européenne dispose toutefois d'un réel avantage par rapport aux autres forces, puisqu'elle est la seule à avoir conclu des accords avec des pays de la région permettant la remise des pirates capturés à ces pays.

En effet, l'Union européenne a signé, le 6 mars 2009, un accord avec le Kenya permettant de déferrer et de juger dans ce pays les individus soupçonnés d'actes de piraterie et appréhendés par les bâtiments de guerre européens dans le cadre de l'opération « Atalanta ». Un autre accord, signé avec les Seychelles, le 30 octobre 2009, permet également la remise des pirates présumés aux autorités de ce pays.

Des négociations sont en cours en vue de la signature d'accords similaires avec d'autres pays de la région.

L'Union européenne a également mis en place un centre de sécurité maritime pour la Corne de l'Afrique, qui permet, grâce à un site Internet sécurisé, d'informer les navires marchands transitant dans la région des attaques récentes et de la position des navires et de leur donner des conseils en cas d'attaques de pirates. De même, deux corridors sécurisés, l'un descendant, l'autre montant, ont été mis en place dans le Golfe d'Aden, avec un système de surveillance, ce qui a permis de limiter considérablement le nombre d'attaques.

* 2 Les eaux territoriales désignent l'espace maritime situé entre la côte ou les eaux intérieures et la haute mer, en règle générale d'une largeur de 12 milles nautiques, soit environ 22 km, dans laquelle s'exerce la pleine souveraineté de l'Etat côtier

* 3 Le compte rendu figure en annexe au présent rapport

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