2. Une perception différenciée de la légitimité du monopole
Le secteur des jeux d'argent et de hasard se présente comme le creuset de deux légitimités concurrentes , selon une logique déjà abordée avec les services publics marchands : celle des Etats qui entendent garantir l'ordre public et social, et celle des traités européens et des grandes libertés communautaires fondée sur une liberté économique de droit commun.
Ainsi que le précise votre rapporteur dans le commentaire de l'article premier A du présent projet de loi, la jurisprudence de la CJCE a pu à cet égard sembler fluctuante , passant d'une approche ouverte à la libéralisation avec les arrêts Gambelli et Placanica à une approche plus restrictive et favorable au monopole public dans l'arrêt Santa Casa . Il importe cependant en la matière de se départir d'une analyse trop sommaire des subtilités de la jurisprudence de la CJCE et de ne pas occulter les circonstances d'espèce propre à chaque décision, liée notamment au contexte culturel du pays, en particulier dans l'arrêt Santa Casa .
Votre rapporteur estime ainsi que cette récente décision manifeste plutôt un retour à la jurisprudence des arrêts Schindler de 1994 ou Läära de 1999 qu'un revirement substantiel. Elle n'apporte pas d'innovations majeures et n'est pas nécessairement transposable au cas de la France pour justifier le maintien du duopole actuel.
Toujours est-il que votre rapporteur regrette que le cadre juridique des jeux d'argent et de hasard en Europe soit trop tributaire des réactions parfois « épidermiques » de la Commission européenne et d'une jurisprudence logiquement soumise à des interprétations . Une législation communautaire, sans aller jusqu'au niveau de précision de celle applicable aux services financiers ni même envisager un « passeport » pour les prestations de jeux, eut permis de rechercher le même équilibre pour tous les Etats membres et de limiter la situation actuelle de concurrence juridique et de « law shopping » (implantation dans l'Etat le moins-disant).