B. QUELLE EST L'EFFICACITÉ DES EXONÉRATIONS GÉNÉRALES ET CIBLÉES DE COTISATIONS SOCIALES ?

1. Un dispositif budgétairement insoutenable

En quinze années de mise en oeuvre, les exonérations générales de cotisation sociales auront représenté plus de 200 milliards d'euros au total 10 ( * ) . Or, l'évaluation de ce dispositif ne fait pas l'objet de mesure de sa performance au regard de la politique de l'emploi, ni dans les projets de loi de finances successifs, ni véritablement dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale. De plus, l'effet sur l'emploi de la politique d'exonération de charges sur les bas salaires relève d'un débat qui n'est pas tranché. Les études disponibles du Conseil d'orientation pour l'emploi, du Centre d'analyse stratégique, de la révision générale des politiques publiques, de la Cour des comptes ainsi que, plus récemment, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires ne font pas consensus sur l'intérêt économique des allègements généraux.

Le Conseil d'orientation pour l'emploi indique, dans un rapport de février 2006 11 ( * ) , que « l'extrapolation des ordres de grandeur qui précèdent conduit la DGTPE et la DARES à estimer que, quelles que soient les circonstances ayant présidé aux montées en charge successives des allègements de cotisations sociales sur les bas salaires, leur suppression totale aujourd'hui conduirait à détruire environ 800.000 emplois en l'espace de quelques années ».

En revanche, les études menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ont constaté qu'il ne s'agissait pas de l'instrument le plus efficace pour améliorer la compétitivité de la France car 72 % des allègements sont concentrés dans le secteur tertiaire, moins exposé à la concurrence internationale et aux délocalisations que le secteur industriel.

En ce sens, le Conseil des prélèvements obligatoires a préconisé une réduction, voire une suppression, des allègements généraux sur les bas salaires car ceux-ci ne favorisent que les emplois peu qualifiés. Il conviendrait au contraire de réduire les charges sur les emplois à forte valeur ajoutée pour renforcer la compétitivité de la France 12 ( * ) .

Or, votre rapporteur spécial rappelle que les allègements généraux de cotisations patronales s'élèveront en 2010 à 25,02 milliards d'euros , dont 22,1 milliards d'euros d'allègements généraux de charges « Fillon » et 2,9 milliards d'euros d'exonérations relatives aux heures supplémentaires de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

Coût des allègements généraux :

(en millions d'euros)

Dispositifs

Besoin des régimes 2007

Besoin des régimes 2008

Besoin prévisionnel des régimes 2009

Besoin prévisionnel des régimes 2010

Réduction Fillon

21.433

22.608

22.357

22.099

Exonération d'allocations familiales ("exo AF")

26

26

26

26

ARTT Robien

1

-

-

-

RTT Aubry I

3

-

-

-

TOTAL

21.473

22.634

22.383

22.125

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Le tableau ci-dessous retrace les prévisions de coût et le financement des exonérations des heures supplémentaires et complémentaires.

Coût des exonérations des heures supplémentaires et complémentaires

(en millions d'euros)

Dispositifs

Besoin des régimes 2007

Besoin des régimes 2008

Besoin prévisionnel des régimes 2009

Besoin prévisionnel des régimes 2010

Heures supplémentaires et complémentaires

263

2.954

2.953

2.898

Rachat des jours de congés acquis jusqu'au 31 décembre 2007

(art. 1 er de la loi du 8 février 2008)

73

TOTAL coût des exonérations heures supplémentaires et complémentaires

263

3.026

2.953

2.898

Source : réponses au questionnaire budgétaire

En outre, près de 55 dispositifs d'exonérations « ciblés » visent des publics particuliers, des secteurs économiques ou des zones géographiques spécifiques. De 2009 à 2011, la dépense fiscale afférente représentera 18 % de l'ensemble du coût des exonérations générales et ciblées, soit 6,45 milliards d'euros pour 2010. Au total, 31,47 milliards d'euros devront être, pour partie, compensés par l'Etat à la sécurité sociale l'année prochaine .

Montant des exonérations générales et ciblées entre 2008 et 2010

Source : projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010 - annexe 5 « Présentation des mesures d'exonérations de cotisations et contributions et de leur compensation »

Parmi les exonérations ciblées, les mesures non compensées atteindront plus de 2,9 milliards d'euros en 2010 (soit environ les deux cinquièmes de ce sous-ensemble) en raison notamment de la montée en charge des nouveaux contrats uniques d'insertion.

* 10 Instaurées en 1993, les allègements concernent les salaires compris entre le SMIC et 1,6 fois le SMIC, soit près de 10 millions de salariés. Au niveau du SMIC, la réduction s'élève à 28,1 points de cotisations patronales dans les entreprises de moins de 20 salariés et 26 points dans les autres.

* 11 « Rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques », février 2006, consultable à l'adresse http://www.coe.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Aides_publiques.pdf.

* 12 Conseil des prélèvements obligatoires « Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée » (octobre 2009). Ce rapport a été réalisé à la demande du Président de la commission des finances du Sénat, notre collègue Jean Arthuis, en application de l'article L. 351-3 du code des juridictions financières. M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, président du conseil des prélèvements obligatoires, a remis cette étude à la commission des finances lors de l'audition du 7 octobre 2009 (compte rendu disponible sur le site internet du Sénat : http://www.senat.fr/bulletin/20091005/fin.html#toc10).

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