EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er (article 41-1 A [nouveau] de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) - Régulation de la concentration dans le secteur de la communication audiovisuelle
Le présent article tend à introduire dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 de nouvelles conditions applicables à la délivrance d'autorisations relatives aux services de radio et de télévision.
I. Le droit existant : des règles anti-concentration multiples
A. Les dispositions relatives à la diffusion en mode analogique
1. Les limitations à la participation au capital des sociétés de l'audiovisuel
Le I de l'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication limite à 49 % la part qu'une même personne peut détenir dans le capital d'un service national de télévision dont l'audience moyenne annuelle dépasse 8 % de l'audience totale des services de télévision. Ainsi, à titre d'exemple, la société Bouygues contrôle moins de 43 % du capital de TF1 et RTL Group un peu plus de 48 % de M6 (voir tableau en annexe).
En outre, quand une personne détient plus de 15 % du capital d'un service de télévision, elle ne peut détenir plus de 15 % du capital de services de télévision nationale, ou plus de trois participations à hauteur de 5 %.
Le III de l'article 39 prévoit en outre qu'une société propriétaire d'une chaîne de télévision nationale qui dépasse 8 % de l'audience totale des chaînes de télévision ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 33 % du capital d'une télévision locale.
L'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 limite quant à lui les participations extra-communautaires à 20 % du capital pour les services de télévision ou de radio hertziennes terrestres diffusées en langue française.
2. Les limitations à la concentration monomédia
Plusieurs dispositions sont relatives au cumul des autorisations des services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou satellitaire, nationales ou locales.
L'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 opère des limitations quant au cumul des autorisations accordées par le CSA, en procédant à des distinctions fondées, d'une part, sur les procédés de télécommunication (voie hertzienne terrestre, satellitaire et câble) et, d'autre part, sur les bassins d'audience des services concernés.
S'agissant de la radio hertzienne terrestre, une entreprise ayant déjà une audience de dimension nationale ne peut détenir une ou plusieurs autres autorisations que dans la mesure où son audience ne dépasse pas 150 millions d'habitants. Cette disposition, introduite il y a plus de quinze ans par la loi n° 94-88 du 1 er février 1994, est au demeurant contestée par les grands groupes radiophoniques qui souhaiteraient son actualisation.
Dans le domaine de la télévision, une même personne ne peut contrôler plus d'une télévision nationale analogique terrestre ou à la fois un service national et un service local de télévision, ou encore détenir deux télévisions locales dans la même zone.
3. Limitations à la concentration multimédia
L'article 41-1 de la loi du 30 septembre 1986 dispose qu'aucun opérateur ne peut se trouver dans plus de deux des trois situations énumérées ci-dessous, cette règle s'appliquant à la fois au plan national et local :
- être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint 4 millions d'habitants ;
- être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de radiodiffusion sonore permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint trente millions d'habitants ;
- éditer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d'information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale, sur le territoire national, des publications quotidiennes imprimées de même nature, appréciée sur les douze derniers mois connus précédant la date à laquelle la demande d'autorisation a été présentée.
B. Les dispositions relatives à la diffusion numérique par voie hertzienne terrestre
1. Limitations à la participation au capital des sociétés de l'audiovisuel
Le dispositif applicable aux chaînes diffusées en analogique est applicable, à l'exception de la règle stipulant qu'une personne qui détient plus de 15 % du capital d'un service de télévision, ne peut détenir plus de 15 % du capital de services de télévision nationale, ou avoir trois participations à hauteur de 5 %.
2. Limitations à la concentration monomédia
Une même personne peut détenir jusqu'à 7 autorisations de télévision nationale, pourvu que ces services soient édités par des sociétés distinctes.
3. Limitation à la concentration multimédia
Les règles applicables au niveau national sont fixées par l'article 41-1-1. Aucune autorisation d'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de tout service de télévision par voie hertzienne en mode numérique ne peut être délivrée à une personne qui se trouve dans plus de deux des situations suivantes :
- l'édition d'un ou de plusieurs services de télévision hertzienne numérique desservant au moins 4 millions d'habitants ;
- l'édition d'une ou de plusieurs stations de radio desservant au moins 30 millions d'habitants ;
- l'édition d'un ou de plusieurs quotidiens d'information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale nationale.
Au niveau local, sont prises en compte les situations suivantes :
- l'édition d'un ou de plusieurs services de télévision hertzienne numérique, à caractère national ou non reçus dans la zone considérée ;
- l'édition d'une ou de plusieurs stations de radio dont l'audience potentielle cumulée, sur cette zone, dépasse 10 % du total des audiences potentielles cumulées ;
- l'édition d'un ou de plusieurs quotidiens d'information politique et générale diffusés dans cette zone.
C. Le rôle du régulateur
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est chargé de veiller au respect du dispositif anti-concentration et est tenu d'assurer, d'une manière générale, le respect du principe du pluralisme, par exemple lors de ses décisions d'attribution des fréquences terrestres.
Il dispose à cet effet de pouvoirs d'enquête réels.
L'article 19 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication précise ainsi la nature des informations que l'autorité de régulation est habilitée à solliciter, tant auprès des opérateurs que des administrations concernées, sans notamment que puisse lui être opposé le secret des affaires.
La loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 a étendu cette obligation d'information du Conseil à l'ensemble des éditeurs de services (donc aux éditeurs de services conventionnés diffusés par câble ou par satellite), ainsi qu'aux distributeurs de services (câblo-opérateurs et opérateurs de bouquets satellitaires). Les actionnaires des sociétés éditant ou distribuant des services d'information doivent quant à eux fournir toutes les informations sur les marchés publics ou délégations de service public pour l'attribution desquels ils ont présenté une offre .
Par ailleurs, les articles 35 à 38 de la loi du 30 septembre facilitent le contrôle de ces mesures (interdiction de prête-nom, caractère nominatif des actions, information du Conseil sur les modifications du capital).
Un dispositif de règlement des litiges, inspiré de celui mis en place pour le secteur des télécommunications, existe également (article 30-5). Destiné à faciliter la mise en place de la télévision numérique par voie hertzienne terrestre, il ouvre la possibilité, pour les opérateurs, de saisir le CSA de tout litige portant sur les conditions techniques et financières relatives à la mise à disposition auprès du public de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
II. Le texte de la proposition de loi : limiter les liens entre les diffuseurs de radio et télévision et les entreprises dépendantes de la commande publique
L'article 1 er tend à insérer un article 41-1 A dans la loi du 30 septembre 1986, qui fixe de nouvelles conditions à la délivrance d'autorisations d'émettre un service de radio ou de télévision.
Le premier alinéa de l'article 41-1 A détermine les personnes concernées par le dispositif : il s'agit des services de radio ou de télévision soumis au régime d'autorisation de la loi du 30 septembre 1986, à savoir l'ensemble des radios, les chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne (nationales et locales) et la télévision mobile personnelle, à l'exception des chaînes de France Télévisions et des services de Radio France.
Il fixe également l'objectif poursuivi par le dispositif : il s'agit de prévenir les atteintes au pluralisme.
Enfin il fixe le principe selon lequel les autorisations relatives à un service de radio ou de télévision ne peuvent être délivrées :
- aux personnes morales bénéficiant d'un soutien financier de l'État ( deuxième alinéa de l'article 41-1 A ). Sont en fait concernés les sociétés, les entreprises ou les établissements, ce qui semble exclure les radios et télévisions associatives. Par ailleurs, le soutien financier peut prendre la forme de garanties d'intérêts, de subventions ou « d'avantages », sauf à ce que ces avantages ne « découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ». Ce sont ainsi les aides ciblées sur une entreprise qui sont concernées.
Votre rapporteur insiste sur l'impact dévastateur que cette disposition aurait sur les télévisions et radio locales , qui bénéficient en général de soutien financier des collectivités territoriales pour ajuster leur budget.
- aux « personnes morales dont l'activité est significativement assurée par l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger » ( troisième alinéa de l'article 41-1 A ).
Votre rapporteur considère que l'utilisation du terme « significativement » est peu pertinente s'agissant d'une interdiction totale de disposer d'une autorisation d'être propriétaire d'un service de radio et de télévision, et qu'un critère plus précis aurait probablement été plus adapté. La part de la commande publique dans le chiffre d'affaires doit-elle rester inférieure à 20 %, 40 % ou 60 % ?
En dépit d'une énumération limitative (État, collectivités territoriales, établissements publics, entreprise nationale), il apparaît que le souhait des auteurs de la proposition de loi est que cette disposition concerne les prestations de fournitures et de service de l'ensemble des personnes morales de droit public. Par ailleurs sont aussi mentionnées les prestations des États étrangers.
Votre rapporteur souligne que la personnalité morale des chaînes de télévision qui demandent une autorisation est en général distincte de celles des sociétés qui en détiennent le capital, et que ces dispositions ne s'appliqueraient en fait pas aux chaînes de télévision, qui en tant que telles ne dépendant pas de la commande publique ou ne sont pas aidées par l'État.
C'est en fait le quatrième alinéa de l'article 41-1 A (3°) qui constitue le coeur du dispositif : ne peuvent détenir une autorisation pour une chaîne de radio et de télévision les sociétés dont plus d'un pour cent du capital est constitué par des participations de sociétés visées au 1° et 2° de l'article, à savoir celles dont le chiffre d'affaires est significativement lié à la commande publique et celles qui sont soutenues financièrement par une personne publique.
Il est assez difficile de déterminer quels groupes pourraient potentiellement être concernés. Les personnes auditionnées par votre rapporteur ont au demeurant souligné l'extrême difficulté d'appliquer lesdites dispositions du fait de la quantité d'informations à contrôler, les entreprises de télévision étant souvent liées à des groupes qui, sans être forcément hétérogènes, ont une taille critique qui les rend protéiformes.
Selon M. David Assouline, co-auteur de la proposition de loi, cet article vise principalement TF1 dont l'actionnaire est le groupe de travaux publics Bouygues.
Il apparaît cependant que les groupes suivants pourraient être concernés :
- Canal +, dont plusieurs sociétés détiennent plus de 1 % du capital parmi lesquelles la Compagnie Financière Edmond de Rothschild Banque (4,93 %), Société(s) du Groupe Axa (4,73 %), DNCA Finance (4,31 %), State Street Bank (3,65 %), Société(s) du Groupe Crédit Industriel et Commercial (3,34 %), Pathé (2,18 %), Crédit Suisse Securities (Europe) Ltd (2,14 %) et Crédit Suisse First Boston (1,34 %). Il serait en effet très étonnant que l'une de ces sociétés ne bénéficie pas d'aide publique...
- ou encore Direct 8, contrôlée par le groupe Bolloré, conglomérat notamment puissant dans la distribution d'énergie.
Dans le dispositif proposé, ces sociétés garderaient les autorisations dont elles ont déjà bénéficié, mais elles ne pourraient pas, par exemple, disposer d'une nouvelle autorisation pour un service de télévision mobile personnelle.
Par ailleurs, les deux derniers alinéas de l'article 41-1 A proscrivent le rachat ou la prise de contrôle d'un service de radio ou de télévision par les sociétés mentionnées au 1°, 2° et 3° de l'article, ce qui ne permettrait pas aux groupes susmentionnés de racheter une chaîne hertzienne qui viendrait à disparaître.
III. La position de la commission
Votre rapporteur considère que ce dispositif comporte plusieurs défauts majeurs :
- son effectivité est douteuse au vu de la difficulté à déterminer les chaînes concernées ;
- il s'agit à son sens d'un acte de défiance envers les journalistes, qui sont soumis à des règles de déontologie garantissant leur indépendance vis-à-vis des propriétaires des sociétés pour lesquelles ils travaillent ;
- le pluralisme n'a jamais été aussi bien respecté en France en raison de l'offre extrêmement large de chaînes de télévision, de radios et de la présence d'Internet comme nouvel acteur ;
- et enfin, la propriété de chaînes de télévision et de radio par des groupes liés à la commande publique ne lui paraît pas plus défavorable au pluralisme que la propriété de ces chaînes par d'autres entreprises qui seraient indépendantes de la demande publique.
En conclusion, le rapporteur a insisté sur le fait que cet article pourrait bouleverser totalement le modèle économique du secteur audiovisuel français sans que l'on voit bien son intérêt en faveur de l'indépendance des médias et du pluralisme.
Pour ces raisons, la commission n'a pas adopté l'article 1 er de la proposition de loi.
Article 2 (article 11-1 [nouveau] de la loi n° 86-897 du 1er août 1986) - Régulation de la concentration dans le secteur de la presse
I. Le droit existant : un dispositif anti-concentration solide
A. Des fondements constitutionnels
Dans sa décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 sur la loi n° 82-652 sur la communication audiovisuelle, le Conseil constitutionnel, en se fondant notamment sur l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a érigé au rang d' « objectif à valeur constitutionnelle » la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels.
Dans la droite ligne de cette jurisprudence, la mise en place progressive dans les années 1980 de régimes anti-concentration dans le secteur des médias a conduit le juge constitutionnel à reconnaître un lien nécessaire entre cet objectif de valeur constitutionnelle et les moyens d'y parvenir, en rappelant, dans sa décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, qu'il revient au législateur de « prévenir, par des mécanismes appropriés, le contrôle par un actionnaire dominant d'une part trop importante du paysage audiovisuel ».
Par ailleurs, aux termes de la nouvelle rédaction de l'article 34 issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, il appartient désormais au législateur de fixer les « règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».
B. Des restrictions portant aussi bien sur les participations pluri-médias que sur les parts d'audience
Le mécanisme de contrôle des concentrations dans le secteur de la presse repose sur des dispositions issues de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui sont principalement de trois ordres :
- des restrictions portant sur les parts d'audience mono-média : les opérations de concentration dans le secteur de la presse sont ainsi soumises à un seuil maximal de 30 % de la diffusion totale en France des quotidiens d'information politique et générale ;
- des restrictions relatives à la concentration horizontale dans le secteur des médias d'information : aucun opérateur ne peut ainsi se trouver dans plus de deux des trois situations suivantes :
• être titulaire d'une ou plusieurs
autorisations relatives à des services de télévision
diffusés par voie hertzienne desservant quatre millions
d'habitants ;
• être titulaire d'une ou plusieurs
autorisations relatives à des services de radio permettant la desserte
de zones dont la population recensée atteint 30 millions
d'habitants ;
• éditer ou contrôler des publications
quotidiennes d'information politique et générale
représentant plus de 20 % de la diffusion totale sur le territoire
nationale des publications quotidiennes imprimées de même
nature ;
- des restrictions relatives à la participation d'actionnaires étrangers au capital de titres de presse : la loi précitée du 1 er août 1986 impose ainsi une limitation à 20 % de la part du capital ou des droits de vote dans une entreprise éditant une publication de langue française susceptible d'être détenue par des actionnaires extracommunautaires.
II. Le texte de la proposition de loi : réguler les liens entre la puissance publique et le secteur de la presse
L'article 2 de la présente proposition de loi vise, selon l'exposé des motifs de ses auteurs, « à proscrire la possibilité pour tout acteur privé entretenant des relations économiques significatives avec la puissance publique, d'éditer, de manière directe ou indirecte, [...] un titre de presse d'information politique et générale ».
Dans cet esprit, il introduit dans la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse un nouvel article 11-1 visant à instaurer une incompatibilité générale, pour une personne morale de droit privé, entre la détention d'un titre de presse d'information politique et générale et :
- la perception de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'État ou par une collectivité publique, sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ;
- l'exercice d'une activité significativement alimentée par la commande publique.
III. La position de la commission : privilégier une transparence accrue sur l'actionnariat des entreprises de presse plutôt qu'une intervention du législateur
À l'image des préconisations du rapport de la commission « Lancelot », le pôle « Presse et société » des États généraux de la presse écrite a considéré que le dispositif légal de contrôle des concentrations dans le secteur de la presse n'appelait pas de modifications substantielles tendant à le rendre plus ou moins contraignant, mais requérait plutôt quelques aménagements visant à corriger certaines incohérences et à mieux prendre en compte les évolutions technologiques propres au secteur des médias d'information.
La profession a elle-même écarté, à l'issue des débats des États généraux, une révision du dispositif anti-concentration que ce soit pour l'assouplir ou le renforcer. Aussi, votre commission n'estime-t-elle pas opportun d'y introduire une restriction supplémentaire qui, du reste, n'aurait pas fait l'objet d'une concertation préalable .
En outre, la commission considère que la présente proposition de loi devrait être examinée à la lumière d'une jurisprudence récente de la Cour de justice des communautés européennes, qui a jugé contraires au droit communautaire des dispositions nationales grecques introduisant une présomption irréfragable d'incompatibilité entre le secteur des travaux publics et celui des médias d'information.
En effet, en consacrant une incompatibilité de principe entre la détention d'un titre de presse et l'exercice d'une activité dépendant de la commande publique, le texte de la proposition de loi pourrait constituer, à son tour, une mesure disproportionnée au regard de la jurisprudence communautaire. Si les motifs avancés par les auteurs de la proposition de loi sont louables dans leur principe, à savoir la levée des soupçons pesant sur l'indépendance des médias vis-à-vis de la puissance publique et des puissances financières, la jurisprudence communautaire commande que toute incompatibilité établie au niveau national entre le secteur des travaux publics et le secteur des médias respecte le principe de proportionnalité.
Enfin, si l'indépendance de la presse et des journalistes vis-à-vis des décideurs publics et privés constitue certes le principe cardinal de la relation de confiance entre la presse et ses lecteurs, votre commission estime que la voie d'une transparence accrue de l'actionnariat des entreprises de presse et du renforcement des exigences déontologiques de la profession reste préférable à une intervention du législateur .
Elle tient d'ailleurs à rappeler que, dans sa décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984 sur la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, le Conseil constitutionnel avait estimé que « loin de s'opposer à la liberté de la presse ou de la limiter, la mise en oeuvre de l'objectif de transparence financière tend à renforcer un exercice effectif de cette liberté ; qu'en effet, en exigeant que soient connus du public les dirigeants réels des entreprises de presse, les conditions de financement des journaux, les transactions financières dont ceux-ci peuvent être l'objet, les intérêts de tous ordres qui peuvent s'y trouver engagés, le législateur met les lecteurs à même d'exercer leur choix de façon vraiment libre et l'opinion à même de porter un jugement éclairé sur les moyens d'information qui lui sont offerts par la presse écrite ».
La commission rappelle, à ce titre, que des obligations de transparence financière des entreprises de presse sont déjà prévues par la loi précitée du 1 er août 1986. Il appartient à chaque journal d'assurer par les moyens qu'il juge approprié la publicité de son actionnariat, afin de garantir une relation de confiance avec ses lecteurs.
En conséquence, la commission n'a pas adopté l'article 2 de la proposition de loi.
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Sous le bénéfice de ces observations, la commission n'est donc pas favorable à l'adoption de la présente proposition de loi et n'a pas élaboré de texte .