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Rapport n° 89 (2009-2010) de M. Michel THIOLLIÈRE , fait au nom de la commission de la culture, déposé le 4 novembre 2009

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N° 89

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi, présentée par MM. David ASSOULINE, Jean-Pierre BEL, Serge LAGAUCHE, François REBSAMEN, Mme Marie-Christine BLANDIN et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à réguler la concentration dans le secteur des médias ,

Par M. Michel THIOLLIÈRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Michel Thiollière, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

590 rectifié (2008-2009)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi déposée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés a pour objet de réguler la concentration dans le secteur des médias. Elle comprend deux articles visant à interdire aux entreprises liées à la commande publique d'être propriétaires, d'une part, de chaînes de télévision et de radios, et d'autre part, de journaux d'information politique et générale.

L'idée sous-jacente à cette proposition de loi fait peser un soupçon de fait sur les médias dont les propriétaires dépendent de contrats publics qui seraient naturellement incités à ne pas s'exprimer librement sur le pouvoir en place. Les auteurs de la proposition de loi considèrent qu'il est nécessaire de mettre en place un mécanisme a priori d'interdiction totale pour tout groupe plus ou moins lié à la commande publique, de détenir des parts d'une société de service audiovisuel ou d'un journal de presse écrite.

Votre rapporteur estime quant à lui :

- que les règles anti-concentration sont déjà très nombreuses en France, et il en fait un rapide descriptif dans le commentaire de l'article 1 er ;

- que la proposition de loi lance un débat de fond intéressant sur l'indépendance et le pluralisme dans les médias, mais que ceux-ci sont déjà pleinement garantis par les règles sur l'indépendance des journalises, par l'importance de l'offre médiatique, sur tous les supports, et enfin par le rôle que peut jouer le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui intervient de manière efficace en aval de la production d'informations ;

- enfin, qu'il n'y a pas réellement de fondement à l'idée qu'une chaîne appartenant à un groupe lié à des contrats publics serait moins indépendante qu'une chaîne appartenant à un autre groupe privé, qui a aussi des intérêts propres. Au demeurant, même les chaînes totalement publiques sont considérées en France comme indépendantes.

Sur la base de ces analyses, la commission a rejeté les articles de la proposition de loi et n'a pas élaboré de texte.

I. LE PLURALISME DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS

La volonté de fixer des règles anti-concentration découle du principe fondateur du droit des médias qu'est le pluralisme. Principe à valeur constitutionnel, reconnu par les textes internationaux et européens, il justifie notamment l'existence des dispositions des articles 41-1 et 41-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui fixent des règles d'octroi d'autorisations des services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.

A. LES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS

L'adoption de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, que cette proposition de loi vient modifier, a permis au Conseil constitutionnel de définir les grands principes relatifs au pluralisme.

Dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, il a ainsi considéré qu'il appartenait au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de concilier, en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de la liberté de communication telle qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme, avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et « la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ».

Dans l'alinéa 11 de la même décision, le Conseil rappelle que le pluralisme des courants d'expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle , que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie et que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent les moyens de communication audiovisuelle n'était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de « programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractères différents dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information ».

Le Conseil précise que l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions .

S'agissant des obligations imposées aux sociétés et à l'établissement public composant le secteur public de la communication audiovisuelle, le pluralisme est garanti par le fait que les cahiers des charges des chaînes publiques doivent nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du service public et notamment au principe d'égalité et à son corollaire le principe de neutralité du service.

Dans le secteur privé, le pluralisme est assuré par le fait que le Conseil supérieur de l'audiovisuel dispose de pouvoirs de contrôle et que la loi prévoit des dispositions destinées à réglementer la possibilité pour une même personne d'être titulaire de plusieurs autorisations ou d'exercer une influence prépondérante au sein d'une société titulaire d'une autorisation.

En outre, le Conseil constitutionnel ne s'est pas borné à ériger la sauvegarde du pluralisme en objectif de valeur constitutionnelle, mais a aussi établi un lien entre cet objectif et les moyens d'y parvenir. Dans une décision du 27 juillet 2000, il a ainsi jugé qu'il incombait au législateur de « prévenir, par des mécanismes appropriés, le contrôle par un actionnaire dominant d'une part trop importante du paysage audiovisuel » (DC, 27 juillet 2000, n° 2000-433 DC, loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986), considérant implicitement que les autres instruments à la disposition des pouvoirs publics pour promouvoir le pluralisme (contrôle sur les contenus...) n'apportaient pas de garantie suffisante à cet égard.

Comme le rappelle le rapport de Mme Simone Veil sur le préambule de la Constitution (décembre 2008), « sans doute le Conseil n'a-t-il expressément énoncé cette obligation que pour l'audiovisuel et en rappelant, à titre de justification, la rareté persistante, quoique moins évidente que par le passé, de la ressource radioélectrique. Mais il peut être admis qu'elle vaut, de manière générale, pour l'ensemble des médias. L'objectif de sauvegarde du pluralisme, qui a pour fondement la liberté d'expression, peut ainsi justifier des restrictions à cette dernière, la liberté du lecteur, de l'auditeur ou du téléspectateur devant primer sur celle de l'éditeur ».

Au demeurant, le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif anti-concentration instauré initialement par la loi du 30 septembre 1986, sur le fondement de non-respect du pluralisme.

En outre, s'il a admis, en 1994, le relèvement de 25 à 49 % de la part maximale qu'une même personne physique ou morale peut détenir directement ou indirectement dans le capital d'une société de télévision hertzienne, c'est en observant qu'il n'était pas dérogé aux autres règles assurant la protection du pluralisme et que la portée du contrôle de concentration était par ailleurs renforcée.

Toutefois, les exigences que fait peser sur le législateur l'objectif de sauvegarde du pluralisme ne sont pas absolues : elles doivent être conciliées avec d'autres règles ou principes de même valeur juridique et notamment avec la liberté d'entreprendre. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le législateur doit tenir compte des contraintes techniques et des nécessités économiques propres au secteur - au rang desquelles figurait, dans sa décision précitée du 21 janvier 1994, le besoin d'encourager les investissements privés pour que se constituent des groupes aptes à affronter la concurrence internationale - et veiller à ce que l'application des règles qu'il édicte ne limite pas la liberté d'entreprendre dans des proportions excessives au regard de l'objectif constitutionnel de pluralisme.

Il s'avère ainsi que la législation française est le fruit de la recherche d'un équilibre entre le pluralisme des médias et leur stabilité économique . Votre rapporteur estime, à cet égard, que le droit actuel est satisfaisant et qu'au vu de la multiplication des espaces médiatiques, le pluralisme était de moins en moins menacé.

Notons enfin que le constituant a souhaité graver dans le marbre constitutionnel le principe du pluralisme, la loi constitutionnelle n° 2008-723 de modernisation l'ayant inscrit dans les articles 4 et 34 de la Constitution.

B. LES TEXTES EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX

Les tentatives des organes de l'Union européenne pour mettre en place une réglementation transnationale dans le domaine de la concentration des médis ont régulièrement échoué. Dans son livre vert « Pluralisme et concentration des médias dans le marché intérieur - évaluation de la nécessité d'une action communautaire », de décembre 1992, la Commission n'avait pas privilégié la voie de l'harmonisation par voie de directive, évoquant des solutions telles qu'une simple recommandation en matière de transparence ou le maintien du statu quo.

Il n'existe au demeurant pas réellement de base juridique pertinente : l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui rappelait que « la liberté des médias et leur pluralisme sont respectés » n'ayant pas encore de force contraignante. L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1 er décembre prochain la rendra cependant opposable en droit interne et rendrait davantage légitime une intervention de l'Union.

Cependant, comme le note M. Alain Lancelot dans son rapport sur la concentration dans les médias 1 ( * ) , pour l'instant « c'est sans doute une réelle volonté politique qui a fait défaut en l'espèce, les États membres étant très divisés quant à l'opportunité d'une réglementation communautaire, tant dans son principe que dans les modalités envisagées ».

Ainsi le droit communautaire laisse les Etats membres libres de déterminer s'ils souhaitent limiter la concentration dans les médias, réserve faite de l'application des règles du droit commun de la concurrence qui peuvent trouver à s'appliquer.

La Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés politiques (CEDH) considère que le pluralisme, notamment des médias audiovisuels, est un élément fondamental de la liberté d'expression (CEDH, 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres c/Autriche). Elle a ainsi considéré que le maintien d'un monopole public de télévision constituait une violation de l'article 10 de la Convention qui proclame le droit de toute personne à la liberté d'expression et a estimé que les fréquences disponibles ne justifiaient plus une telle restriction de la liberté d'expression des acteurs privés et que la sortie du monopole public pourrait être assorti, si besoin en était, de mesures visant à faire échec à la constitution de positions monopolistiques privées.

Toutefois, à notre connaissance, aucune décision relative à la dépendance de services de communication audiovisuelle à la commande publique n'a été prise et le droit européen méconnait ces aspects.

C. LES RÈGLES ANTI-CONCENTRATION FIXÉES DANS LA LOI N° 86-1067 DU 30 SEPTEMBRE 1986

Les nombreuses dispositions relatives à la concentration dans le secteur audiovisuel sont détaillées dans le commentaire de l'article 1 er de la proposition de loi.

Rappelons néanmoins que les articles 39, 40, 40-1 ou encore 40-2 fixent des règles très précises en matière de concentration sur un seul média ou sur plusieurs médias, les règles étant différentes en télévision selon qu'il s'agit de diffusion par voie hertzienne ou non hertzienne. Les tableaux ci-après présentent en outre l'actionnariat des principaux groupes audiovisuels et montrent qu'il est de fait assez varié.

Par ailleurs, ces articles sont issus de lois soumises au Conseil constitutionnel qui les a scrupuleusement examinées et systématiquement considérées comme garantissant le pluralisme.

Le rôle du CSA (voir infra ), enfin, doit être souligné, puisqu'il est in fine le garant du respect du pluralisme.

ACTIONNARIAT DES CHAÎNES DE LA TÉLÉVISION HERTZIENNE TERRESTRE

GROUPE

ACTIONNARIAT

ÉDITION DE CHAINES HERTZIENNES TERRESTRES NATIONALES

TF1

- Contrôlé par Bouygues : 42,93 %

TF1

- Harris Associates LP (USA) : 10,03 %

TMC

- Société Générale Asset Management : 5,09 %

LCI (payant)

- Personnel de la Société : 4,30 %

Eurosport France (payant)

- Morgan Stanley & Co. Incorporated (USA) : 2,29 %

TF6 (payant)

-Télévision Française 1 : 0,01 %

- Public : 35,35 %

M6

- Contrôlé par RTL Group (Bertelsmann) via la Société

M6

Immobilière Bayard d'Antin : 48,55 %

W9

- Swilux S.A. (Luxembourg) : 7,10 %

Paris Première (payant)

- Métropole Télévision 0,24 %

TF6 (payant)

- Fonds Commun de Placement des Salariés : 0,10 %

- Public : 43,91 %

Canal +

- Contrôlé par Canal + France 48,48 % 2 ( * )

Canal + (payant)

- La Compagnie Financière Edmond de Rothschild Banque : 4,93 %

Canal+ Cinéma (payant)

- Société(s) du Groupe Axa : 4,73 %

Canal+ Sport (payant)

- DNCA Finance: 4,31 %

TPS Star (payant)

- State Street Bank : 3,65 %

I'Télé

- Société(s) du Groupe Crédit Industriel et Commercial : 3,34 %

Planète (payant)

- Pathé : 2,18 %

- Crédit Suisse Securities (Europe) Ltd : 2,14 %

- Crédit Suisse First Boston: 1,34 %

- CNP Assurances : 0,98 %

- Financière de l'Echiquier : 0,93 %

- Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles : 0,77 %

- Exane : 0,75 %

- Canal + : 0,02 %

- Public : 21,45 %

AB Groupe

Contrôlé par Port Noir Investment Sarl (Luxembourg) 66,5 %

NT1

TF1 : 33.50 %

TMC

A noter, le groupe fait l'objet d'une procédure d'acquisition par

TF1

Lagardère Active Broadcast

Contrôlé par Hachette S.A.100 %

Gulli (détenue à 66 %, 34 % sont détenus par France Télévisions)

Virgin 17 (détenue à 100 %)

Bolloré Média

Détenu par le groupe Bolloré à 100 %

Direct 8

NRJ

Détenu par NRJ Groupe à 100 %

NRJ12

Next Radio TV

Détenu par Next Radio TV à 100 %

BFM TV

Source : direction des médias

ACTIONNARIAT DES PRINCIPALES RADIOS FRANÇAISES

GROUPE

ACTIONNARIAT

ÉDITION RADIOS HERTZIENNES TERRESTRES

RTL Group

- Contrôlé par Bertelsmann AG : 90,13 %

RTL

- Public : 9,87 %

RTL 2

Fun Radio

A noter, ces radios sont contrôlées via la société CLT-Ufa détenue à 100 % par RTL Group

Lagardère Active Broadcast

- Contrôlé par Lagardère : 99,18 %

Europe 1

- Public : 0,82 %

Virgin Radio

RFM

A noter que Lagardère Active est détenu à 100 % par Hachette SA

Europe 1 Sport (en Ile-de-France)

NRJ Group

- Contrôlé par M. Jean-Paul Baudecroux : 72,84 %

NRJ

NRJ Group : 5,01 %

Nostalgie

Tocqueville Finance SA : 4,78 %

Chérie FM

Autres Administrateurs et Dirigeants : 3,88 %

Rire et Chansons

NRJ : 0,01 %

Public : 13,48 %

NExt Radio TV

- Contrôlé par WMC : 36,26 % (détenu à 100 % par Alain Weill via la Société News Participations)

RMC

BFM

- Alpha Radio BV : 21,99 %

- Financière de l'Echiquier : 7,43 %

- Sycomore Asset management : 4,98 %

- Principauté de Monaco : 1,45 %

- Salariés et dirigeants : 1,33 %

- Financière Pinault : 1,25 %

- M. Marc Laufer : 1,04 %

- Tribune Desfossés : 0,99 %

- NextRadio TV : 0,91 %

- Fonds commun de placement des salariés : 0,27 %

- Public : 26,1 %

Orbus

- Contrôlé par Axa Private Equity Fund : 80 %

Skyrock

- M. Pierre Bellanger : 20 %

Radio classique

- Contrôlé par LVMH Finance : 99,99 % via D. I. Group

Radio classique

A noter que LVMH contrôle également le journal Les Echos et Investir Publications

Source : direction des médias

II. L'ENJEU DE LA CONFIANCE ENTRE LA PRESSE ET SES LECTEURS

A. LA VOIE D'UNE TRANSPARENCE FINANCIÈRE ACCRUE DES ENTREPRISES DE PRESSE EST PRÉFÉRABLE À L'INTERVENTION DU LÉGISLATEUR

La nécessité de lever les soupçons pesant sur l'indépendance des titres de presse et des journalistes vis-à-vis du pouvoir politique et du secteur économique a fait l'objet des travaux du pôle « Presse et société » des États généraux de la presse écrite , ouverts le 2 octobre 2008 par le Président de la République et dont les conclusions ont été publiées dans un Livre vert à la fin du mois de janvier 2009.

Selon un baromètre annuel TNS-Sofres/Logica réalisé pour le quotidien La Croix sur la confiance des Français dans les médias, publié au mois de janvier 2009, 61 % des personnes interrogées estiment que les journalistes ne sont pas indépendants face aux pressions des partis politiques et du pouvoir et 59 % d'entre elles sont méfiantes à l'égard de la liberté du monde médiatique vis-à-vis des pressions de l'argent 3 ( * ) .

Partant de ce constat, le sous-pôle « Confiance » du pôle n° 4 des États généraux de la presse écrite a conclu que « les efforts de rétablissement de la confiance devaient passer par une réflexion et une action propres au secteur de la presse et ne pas impliquer les pouvoirs publics ». Il a dès lors plaidé en faveur d'un renforcement de l'information accessible au grand public sur l'actionnariat des entreprises de presse , dans une démarche de transparence accrue, et du respect par la profession de règles déontologiques fondamentales .

Pour sa part, le sous-pôle « Pluralisme, concentration et développement » s'est penché sur la question du degré souhaitable de concentration dans le secteur de la presse écrite, afin de concilier au mieux l'exigence de pluralisme des courants d'expression et la nécessité de remédier à la sous-capitalisation du secteur de la presse en permettant aux groupes de presse de mutualiser leurs investissements.

Il a alors jugé que le dispositif anti-concentration résultant de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication n'appelait pas de modification substantielle par voie législative.

Si le système de régulation de la concentration en vigueur dans le secteur des médias ne constitue pas en soi un obstacle à la constitution de grands groupes plurimédias, le sous-pôle a relevé que « la concentration demeure faible en France , malgré de récents regroupements dans la presse quotidienne régionale ». Il a noté au passage que « l'éclatement des groupes Hersant et Vivendi au début des années 2000 a conduit à une déconcentration du secteur , les groupes français n'ayant plus la capacité d'investir ».

Dans le même ordre d'idées, le rapport de Mme Danièle Giazzi sur les médias et le numérique, remis au Président de la République au mois de septembre 2008, soulignait que « la presse est généralement le média auquel les groupes renoncent en premier , alors même que la presse est, des trois secteurs, celui qui a aujourd'hui le plus besoin de nouveaux investisseurs ». Afin de remédier au phénomène de sous-capitalisation chronique des entreprises de presse, elle avait donc préconisé un assouplissement des règles anti-concentration dans le secteur des médias.

LE SECTEUR DE LA PRESSE QUOTIDIENNE EN FRANCE :
UN MARCHÉ ÉCLATÉ

Dans son rapport consacré à la réforme du dispositif anti-concentration dans le secteur de la presse en France, commandé par le pôle « Presse et société » des États généraux de la presse écrite, le cabinet de conseil Mazars a dressé le portrait suivant d'un marché de la presse quotidienne française particulièrement éclaté, malgré les regroupements intervenus au sein de la presse quotidienne régionale dans les années 1990 :


• 108 entreprises de presse de 20 salariés et plus.


• Les entreprises de plus de 250 salariés représentent 30 % des entreprises de presse en France, mais réalisent 78 % du chiffre d'affaires de la presse quotidienne en 2006.


• Les principaux acteurs de ce marché sont :

Nom du groupe

Titres rattachés
(payants et gratuits)

Chiffre d'affaires consolidé* (millions d'euros

Diffusion** (payant et gratuit

Concentration (Diffusion du groupe / diffusion totale)

EBRA - Le Crédit Mutuel

Le Dauphiné Libéré, le Progrès, L'Est Républicain, DNA

550

1 239 156

13,1 %

Le Républicain Lorrain - Crédit mutuel

Le Républicain Lorrain

88

143 552

1,5 %

(SIPA) Ouest France

Ouest France, Le Courrier de l'Ouest, Presse Océan, L'Éclair, La Presse de la Manche, Le Maine Libre

320

1 020 154

10,8 %

Groupe Sud Ouest

SAPESO, La Dordogne Libre, La Charente Libre, La République des Pyrénées, Bordeaux 7, les Journaux du Midi, Midi Libre semaine

555

896 723

9,5 %

Groupe Hersant Média

Le Havre Libre, Le Havre Presse, Le Progrès Fécamp, Paris Normandie, L'Est Éclair, L'Union L'Ardennais, Libération Champagne, La Provence, Nice Matin, Var Matin, Corse Matin, Marseille Plus, « Paru Vendu »

926

680 901

7,2 %

Groupe Amaury

L'Équipe, Le Parisien, Aujourd'hui en France, L'Écho Républicain

660

558 178

5,9 %

La Voix du Nord - Groupe Rossel

La Voix du Nord

186

451 369

4,8 %

Société du Figaro - Groupe Dassault

Le Figaro

547

328 798

3,5 %

Groupe Le Monde

Le Monde et ses suppléments, Télérama

629

308 043

3,3 %

Les Échos - Groupe LVMH

Les Échos

97

134 846

1,4 %

Alain Weil (Groupe News Participations)

La Tribune

47

88 118

0,9 %

* Dernières données disponibles

** Source OJD 2009 / Presse quotidienne politique et générale

Source : Rapport du cabinet de conseil Mazars aux États généraux de la presse écrite.

En d'autres termes, s'ils n'ont pas estimé utile de modifier le dispositif anti-concentration existant, les États généraux de la presse écrite ont conclu que la clé du rétablissement d'une relation de confiance entre la presse et ses lecteurs était à trouver dans une publicité accrue de l'actionnariat des entreprises de presse, notamment par le biais de la mise à disposition du public de la liste complète des actionnaires sur le site Internet de l'éditeur, dont l'URL devrait être mentionné dans l'ours du journal.

Dans le sens de ces recommandations, votre rapporteur considère que la réflexion sur la détention de titres de presse par des groupes extérieurs aux médias, dont certains dépendent de la commande publique, ne doit pas conduire à imposer une présomption irréfragable d'incompatibilité entre la passation de marchés publics et la qualité de propriétaire d'une entreprise exerçant une activité dans le secteur des médias.

Elle devrait privilégier la recherche des moyens d'assurer la pleine transparence financière des entreprises de presse afin de clarifier d'éventuels liens économiques avec la puissance publique, et de garantir l'indépendance rédactionnelle des journaux par le renforcement des exigences déontologiques de la profession.

LA RÉFLEXION SUR LA MISE EN PLACE D'UN OBSERVATOIRE DU PLURALISME ET DE LA TRANSPARENCE DANS LE SECTEUR DES MÉDIAS

M. Patrick Eveno, qui a dirigé les travaux du sous-pôle « Pluralisme, concentration et développement », a insisté sur le fait que l' « une des raisons qui poussent les citoyens et les journalistes à se poser des questions sur la dépendance de la presse à l'égard des politiques ou des actionnaires est l' absence de transparence », étant entendu que « des liens mal identifiés incitent à la méfiance ». Il a ainsi plaidé pour la création d'un observatoire du pluralisme et de la transparence dans les médias qui permettrait de recenser et de rendre publiques, notamment via Internet, les informations concernant :

- les chartes rédactionnelles et déontologiques des différents médias et supports ;

- les actionnaires des groupes de médias, avec les holdings et filiales, les participations, etc. ;

- les liens d'intérêts capitalistiques, mais aussi d'affaires ou de réseau ;

- les titulaires de la carte de presse et les entreprises et titres qui les emploient.

Il a également proposé qu'un tel observatoire puisse être consulté, en parallèle de l'Autorité de la concurrence, avant toute opération de concentration ou d'acquisition concernant une entreprise de médias, et soit en mesure d'entendre les plaintes des journalistes concernant les éventuelles pressions extérieures sur le contenu rédactionnel, émanant des politiques, des actionnaires ou des annonceurs.

Votre rapporteur, s'il salue l'esprit présidant à la mise en place d'un observatoire des pratiques de la presse, estime qu'une telle instance ne peut naître, à l'évidence, que d'un consensus au sein de la profession.

Au regard des observations précédentes, votre rapporteur estime donc que la voie de la transparence et du renforcement des exigences déontologiques est donc à privilégier, plutôt qu'une modification du dispositif anti-concentration en vigueur que la profession elle-même a écartée à l'occasion des États généraux de la presse écrite.

B. LA JURISPRUDENCE COMMUNAUTAIRE RELATIVE AUX INCOMPATIBILITÉS ENTRE LE SECTEUR DES TRAVAUX PUBLICS ET CELUI DES MÉDIAS

Dans un arrêt C-213/07 Symvoulio tis Epikrateias en date du 16 décembre 2008, relatif aux mesures nationales instituant une incompatibilité entre le secteur des travaux publics et celui des médias d'information, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a rappelé que le premier alinéa de l'article 24 de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux 4 ( * ) doit être interprété en ce sens qu'il énumère, de manière exhaustive, les causes fondées sur des considérations objectives de qualité professionnelle, susceptibles de justifier l'exclusion d'un entrepreneur de la participation à un marché public de travaux.

Toutefois, le juge communautaire a estimé, au regard du principe de proportionnalité, que le droit communautaire s'oppose à une disposition nationale qui , tout en poursuivant les objectifs légitimes d'égalité de traitement des soumissionnaires et de transparence dans le cadre des procédures de passation de marchés publics, instaure une présomption irréfragable d'incompatibilité générale entre le secteur des médias d'information et celui des marchés publics 5 ( * ) , sans laisser aux entrepreneurs la possibilité de démontrer l'absence de risques réels pour la transparence et la concurrence dans la passation des marchés.

On peut dès lors estimer que le texte de la présente proposition de loi, en introduisant une incompatibilité de principe entre la détention d'un titre de presse ou d'un service de radio ou de télévision et l'exercice d'une activité significativement assurée par l'exécution d'une commande pour le compte d'une personne morale du secteur public, présente le risque d'apparaître comme une mesure disproportionnée au sens du droit communautaire, et devrait être réexaminée à la lumière de la jurisprudence communautaire précédemment évoquée.

C. EN DERNIER RESSORT, L'INDÉPENDANCE DE LA PRESSE EST CONDITIONNÉE PAR L'INDÉPENDANCE DES RÉDACTIONS

L'indépendance éditoriale des titres de presse est essentiellement l'affaire des rédactions. Elle est conditionnée par l'étendue et l'effectivité des garanties dont jouissent les journalistes dans l'exercice de leur liberté d'expression, consacrée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 6 ( * ) . À ce titre, les journalistes se sont vu reconnaître un certain nombre de droits destinés à leur permettre de rechercher dans les meilleures conditions la vérité, d'analyser les faits et d'exposer différents points de vue afin de garantir aux lecteurs le droit à une information libre, plurielle et honnête .

Les droits et les devoirs des journalistes sont ainsi consacrés par la convention collective nationale de travail des journalistes , établie le 1 er novembre 1976 et refondue le 27 octobre 1987, qui garantit notamment aux journalistes deux droits emblématiques : la clause de conscience et la clause de cession . Ces deux clauses garantissent l' autonomie de la rédaction vis-à-vis des propriétaires du titre de presse . Elles fondent la liberté intellectuelle des journalistes, en leur permettant d'opposer leur droit moral et de quitter leur publication, en percevant le cas échéant des indemnités dans des conditions déterminées par voie d'accord collectif, lorsque celle-ci a fait l'objet d'un changement de caractère ou d'orientation ou lorsqu'une modification du contrôle de la société les employant tend à porter préjudice à leurs intérêts moraux.

Le rapport de la commission présidée par le professeur Alain Lancelot sur les problèmes de concentration dans le domaine des médias, de décembre 2005, souligne, à cet égard, qu'en vertu de l'article L. 761-7 du code du travail, l'employeur d'une publication (dans les secteurs de la presse et de l'audiovisuel) est tenu au versement d'une indemnité alors même que la résiliation du contrat de travail survient par le fait du journaliste, dans le cas, notamment, où celle-ci est motivée par la cession du titre ou par un « changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour la personne employée, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d'une manière générale, à ses intérêts moraux ».

Le pôle « Métiers du journalisme » des États généraux de la presse écrite a réaffirmé, pour sa part, que la clause de conscience et la clause de cession constituent « des droits essentiels du métier de journaliste, garantissant leur indépendance et donc, aux yeux du public, leur crédibilité ».

À la suite des États généraux de la presse écrite, un code unique de déontologie des journalistes a été élaboré par un comité de « sages », réunissant une dizaine de personnalités représentant les journalistes et les éditeurs de presse, et présidé par M. Bruno Frappat, journaliste, afin d'être annexé à la convention collective. En effet, plusieurs textes comportent déjà un certain nombre d'exigences déontologiques applicables à l'ensemble de la profession, tels que les chartes d'origine syndicale françaises de 1918 et 1938 et le texte de Munich de 1971, mais il leur a, en général, été reproché d'être dépourvus jusqu'ici de toute valeur juridique contraignante.

Un projet de code de déontologie des journalistes a ainsi été présenté le 27 octobre 2009. Il comporte notamment des provisions concernant l'indépendance du journaliste vis-à-vis du pouvoir politique et du secteur économique :

« - Le journaliste garde recul et distance avec toutes les sources d'information et les services de communication, publics ou privés. Il se méfie de toute démarche susceptible d'instaurer entre lui-même et ses sources un rapport de dépendance, de connivence, de séduction ou de gratitude.

[...]

« - Le journaliste s'interdit toute activité lucrative, extérieure à l'exercice de son métier, pouvant porter atteinte à sa crédibilité et à son indépendance. »

Il appartient désormais aux partenaires sociaux et aux éditeurs de presse de négocier l'annexion de ce texte à la convention collective afin de conférer aux exigences déontologiques fondamentales du métier de journaliste une valeur juridique plus significative.

Les débats sur l'indépendance rédactionnelle des titres de presse ont également abordé la question de la reconnaissance juridique des rédactions afin de garantir, dans le droit positif, leur autonomie vis-à-vis des propriétaires d'un titre de presse.

Sur le fondement de l'article 14 de la loi n° 84-937 du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, toute publication quotidienne d'information politique et générale était ainsi tenue de comporter sa propre équipe rédactionnelle permanente, composée de journalistes professionnels au sens de l'article L. 716-2 du code de travail, cette équipe devant, comme le rappelle le rapport de la commission « Lancelot », être « suffisante pour garantir l'autonomie de conception de cette publication ».

Mais cette disposition comportait un certain nombre d'effets pervers qui ont conduit le législateur à l'abroger dans le cadre de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

Votre rapporteur rappelle que la perspective d'une reconnaissance juridique des rédactions a de nouveau été écartée par la profession à l'issue des débats des États généraux de la presse écrite. À l'occasion de son discours de clôture des États généraux de janvier 2009, le Président de la République a ainsi prévenu contre le danger qui consiste à donner l'impression de vouloir maintenir systématiquement à l'écart les éditeurs et les actionnaires, existants et potentiels, de la conception de la ligne éditoriale d'un journal, au risque de décourager a priori d'éventuels investisseurs.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION

Votre rapporteur, conscient que le pluralisme et l'indépendance des médias sont des enjeux majeurs de notre société contemporaine, estime opportun qu'un débat portant sur les règles anti-concentration actuellement applicables aux secteurs de l'audiovisuel et de la presse soit organisé au Parlement.

Il est, en revanche, nettement plus réservé concernant les restrictions proposées par la présente proposition de loi, qui tend à proscrire la propriété d'entreprises de médias par des sociétés liées à la commande publique.

Il paraît en effet assez anachronique de souhaiter restreindre la propriété des groupes médiatiques à un moment où l'offre d'information n'a jamais été aussi large (le paysage audiovisuel est bouleversé par l'arrivée de la télévision numérique terrestre, la radio est en mutation, et Internet est le lieu même de la profusion des sources et du pluralisme poussé à l'extrême) et où les grands groupes sont en difficulté financière et ont besoin de stabilité juridique et économique.

Par ailleurs, il n'apparaît pas souhaitable que les chaînes de télévision deviennent la propriété de grands annonceurs qui ne dépendent pas de la commande publique ou qui ne bénéficient d'aucun soutien public (par exemple la grande distribution ou l'agro-alimentaire). Ces groupes auraient effectivement les moyens financiers d'assurer la pérennité de groupe médias mais ne seraient pas forcément de meilleurs garants du pluralisme que les actuels propriétaires des chaînes de télévision ou des radios. Si l'objectif des auteurs de la proposition de loi est de permettre à de « véritables entreprises de médias d'investir dans le secteur », il n'est absolument pas certain que le présent texte permette de l'atteindre.

Il semble au contraire que ce sont les mécanismes de précaution existants qui doivent être utilisés : l'indépendance des journalistes mérite d'être garantie, le législateur y est très attentif et le régulateur de l'audiovisuel doit avoir les moyens de mener à bien ses missions. Plusieurs amendements en ce sens ont d'ailleurs été adoptés à l'initiative de votre commission dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision. Enfin, il faut faire confiance à la notion même de pluralisme, à savoir que la diversité des opinions doit être la plus large possible et leur expression la plus libre afin que le citoyen puisse choisir et comparer les informations dont il souhaite disposer.

Pour ces raisons, la commission a rejeté les deux articles et la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (article 41-1 A [nouveau] de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) - Régulation de la concentration dans le secteur de la communication audiovisuelle

Le présent article tend à introduire dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 de nouvelles conditions applicables à la délivrance d'autorisations relatives aux services de radio et de télévision.

I. Le droit existant : des règles anti-concentration multiples

A. Les dispositions relatives à la diffusion en mode analogique

1. Les limitations à la participation au capital des sociétés de l'audiovisuel

Le I de l'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication limite à 49 % la part qu'une même personne peut détenir dans le capital d'un service national de télévision dont l'audience moyenne annuelle dépasse 8 % de l'audience totale des services de télévision. Ainsi, à titre d'exemple, la société Bouygues contrôle moins de 43 % du capital de TF1 et RTL Group un peu plus de 48 % de M6 (voir tableau en annexe).

En outre, quand une personne détient plus de 15 % du capital d'un service de télévision, elle ne peut détenir plus de 15 % du capital de services de télévision nationale, ou plus de trois participations à hauteur de 5 %.

Le III de l'article 39 prévoit en outre qu'une société propriétaire d'une chaîne de télévision nationale qui dépasse 8 % de l'audience totale des chaînes de télévision ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 33 % du capital d'une télévision locale.

L'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 limite quant à lui les participations extra-communautaires à 20 % du capital pour les services de télévision ou de radio hertziennes terrestres diffusées en langue française.

2. Les limitations à la concentration monomédia

Plusieurs dispositions sont relatives au cumul des autorisations des services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou satellitaire, nationales ou locales.

L'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 opère des limitations quant au cumul des autorisations accordées par le CSA, en procédant à des distinctions fondées, d'une part, sur les procédés de télécommunication (voie hertzienne terrestre, satellitaire et câble) et, d'autre part, sur les bassins d'audience des services concernés.

S'agissant de la radio hertzienne terrestre, une entreprise ayant déjà une audience de dimension nationale ne peut détenir une ou plusieurs autres autorisations que dans la mesure où son audience ne dépasse pas 150 millions d'habitants. Cette disposition, introduite il y a plus de quinze ans par la loi n° 94-88 du 1 er février 1994, est au demeurant contestée par les grands groupes radiophoniques qui souhaiteraient son actualisation.

Dans le domaine de la télévision, une même personne ne peut contrôler plus d'une télévision nationale analogique terrestre ou à la fois un service national et un service local de télévision, ou encore détenir deux télévisions locales dans la même zone.

3. Limitations à la concentration multimédia

L'article 41-1 de la loi du 30 septembre 1986 dispose qu'aucun opérateur ne peut se trouver dans plus de deux des trois situations énumérées ci-dessous, cette règle s'appliquant à la fois au plan national et local :

- être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint 4 millions d'habitants ;

- être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de radiodiffusion sonore permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint trente millions d'habitants ;

- éditer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d'information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale, sur le territoire national, des publications quotidiennes imprimées de même nature, appréciée sur les douze derniers mois connus précédant la date à laquelle la demande d'autorisation a été présentée.

B. Les dispositions relatives à la diffusion numérique par voie hertzienne terrestre

1. Limitations à la participation au capital des sociétés de l'audiovisuel

Le dispositif applicable aux chaînes diffusées en analogique est applicable, à l'exception de la règle stipulant qu'une personne qui détient plus de 15 % du capital d'un service de télévision, ne peut détenir plus de 15 % du capital de services de télévision nationale, ou avoir trois participations à hauteur de 5 %.

2. Limitations à la concentration monomédia

Une même personne peut détenir jusqu'à 7 autorisations de télévision nationale, pourvu que ces services soient édités par des sociétés distinctes.

3. Limitation à la concentration multimédia

Les règles applicables au niveau national sont fixées par l'article 41-1-1. Aucune autorisation d'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de tout service de télévision par voie hertzienne en mode numérique ne peut être délivrée à une personne qui se trouve dans plus de deux des situations suivantes :

- l'édition d'un ou de plusieurs services de télévision hertzienne numérique desservant au moins 4 millions d'habitants ;

- l'édition d'une ou de plusieurs stations de radio desservant au moins 30 millions d'habitants ;

- l'édition d'un ou de plusieurs quotidiens d'information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale nationale.

Au niveau local, sont prises en compte les situations suivantes :

- l'édition d'un ou de plusieurs services de télévision hertzienne numérique, à caractère national ou non reçus dans la zone considérée ;

- l'édition d'une ou de plusieurs stations de radio dont l'audience potentielle cumulée, sur cette zone, dépasse 10 % du total des audiences potentielles cumulées ;

- l'édition d'un ou de plusieurs quotidiens d'information politique et générale diffusés dans cette zone.

C. Le rôle du régulateur

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est chargé de veiller au respect du dispositif anti-concentration et est tenu d'assurer, d'une manière générale, le respect du principe du pluralisme, par exemple lors de ses décisions d'attribution des fréquences terrestres.

Il dispose à cet effet de pouvoirs d'enquête réels.

L'article 19 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication précise ainsi la nature des informations que l'autorité de régulation est habilitée à solliciter, tant auprès des opérateurs que des administrations concernées, sans notamment que puisse lui être opposé le secret des affaires.

La loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 a étendu cette obligation d'information du Conseil à l'ensemble des éditeurs de services (donc aux éditeurs de services conventionnés diffusés par câble ou par satellite), ainsi qu'aux distributeurs de services (câblo-opérateurs et opérateurs de bouquets satellitaires). Les actionnaires des sociétés éditant ou distribuant des services d'information doivent quant à eux fournir toutes les informations sur les marchés publics ou délégations de service public pour l'attribution desquels ils ont présenté une offre .

Par ailleurs, les articles 35 à 38 de la loi du 30 septembre facilitent le contrôle de ces mesures (interdiction de prête-nom, caractère nominatif des actions, information du Conseil sur les modifications du capital).

Un dispositif de règlement des litiges, inspiré de celui mis en place pour le secteur des télécommunications, existe également (article 30-5). Destiné à faciliter la mise en place de la télévision numérique par voie hertzienne terrestre, il ouvre la possibilité, pour les opérateurs, de saisir le CSA de tout litige portant sur les conditions techniques et financières relatives à la mise à disposition auprès du public de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre en mode numérique.

II. Le texte de la proposition de loi : limiter les liens entre les diffuseurs de radio et télévision et les entreprises dépendantes de la commande publique

L'article 1 er tend à insérer un article 41-1 A dans la loi du 30 septembre 1986, qui fixe de nouvelles conditions à la délivrance d'autorisations d'émettre un service de radio ou de télévision.

Le premier alinéa de l'article 41-1 A détermine les personnes concernées par le dispositif : il s'agit des services de radio ou de télévision soumis au régime d'autorisation de la loi du 30 septembre 1986, à savoir l'ensemble des radios, les chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne (nationales et locales) et la télévision mobile personnelle, à l'exception des chaînes de France Télévisions et des services de Radio France.

Il fixe également l'objectif poursuivi par le dispositif : il s'agit de prévenir les atteintes au pluralisme.

Enfin il fixe le principe selon lequel les autorisations relatives à un service de radio ou de télévision ne peuvent être délivrées :

- aux personnes morales bénéficiant d'un soutien financier de l'État ( deuxième alinéa de l'article 41-1 A ). Sont en fait concernés les sociétés, les entreprises ou les établissements, ce qui semble exclure les radios et télévisions associatives. Par ailleurs, le soutien financier peut prendre la forme de garanties d'intérêts, de subventions ou « d'avantages », sauf à ce que ces avantages ne « découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ». Ce sont ainsi les aides ciblées sur une entreprise qui sont concernées.

Votre rapporteur insiste sur l'impact dévastateur que cette disposition aurait sur les télévisions et radio locales , qui bénéficient en général de soutien financier des collectivités territoriales pour ajuster leur budget.

- aux « personnes morales dont l'activité est significativement assurée par l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger » ( troisième alinéa de l'article 41-1 A ).

Votre rapporteur considère que l'utilisation du terme « significativement » est peu pertinente s'agissant d'une interdiction totale de disposer d'une autorisation d'être propriétaire d'un service de radio et de télévision, et qu'un critère plus précis aurait probablement été plus adapté. La part de la commande publique dans le chiffre d'affaires doit-elle rester inférieure à 20 %, 40 % ou 60 % ?

En dépit d'une énumération limitative (État, collectivités territoriales, établissements publics, entreprise nationale), il apparaît que le souhait des auteurs de la proposition de loi est que cette disposition concerne les prestations de fournitures et de service de l'ensemble des personnes morales de droit public. Par ailleurs sont aussi mentionnées les prestations des États étrangers.

Votre rapporteur souligne que la personnalité morale des chaînes de télévision qui demandent une autorisation est en général distincte de celles des sociétés qui en détiennent le capital, et que ces dispositions ne s'appliqueraient en fait pas aux chaînes de télévision, qui en tant que telles ne dépendant pas de la commande publique ou ne sont pas aidées par l'État.

C'est en fait le quatrième alinéa de l'article 41-1 A (3°) qui constitue le coeur du dispositif : ne peuvent détenir une autorisation pour une chaîne de radio et de télévision les sociétés dont plus d'un pour cent du capital est constitué par des participations de sociétés visées au 1° et 2° de l'article, à savoir celles dont le chiffre d'affaires est significativement lié à la commande publique et celles qui sont soutenues financièrement par une personne publique.

Il est assez difficile de déterminer quels groupes pourraient potentiellement être concernés. Les personnes auditionnées par votre rapporteur ont au demeurant souligné l'extrême difficulté d'appliquer lesdites dispositions du fait de la quantité d'informations à contrôler, les entreprises de télévision étant souvent liées à des groupes qui, sans être forcément hétérogènes, ont une taille critique qui les rend protéiformes.

Selon M. David Assouline, co-auteur de la proposition de loi, cet article vise principalement TF1 dont l'actionnaire est le groupe de travaux publics Bouygues.

Il apparaît cependant que les groupes suivants pourraient être concernés :

- Canal +, dont plusieurs sociétés détiennent plus de 1 % du capital parmi lesquelles la Compagnie Financière Edmond de Rothschild Banque (4,93 %), Société(s) du Groupe Axa (4,73 %), DNCA Finance (4,31 %), State Street Bank (3,65 %), Société(s) du Groupe Crédit Industriel et Commercial (3,34 %), Pathé (2,18 %), Crédit Suisse Securities (Europe) Ltd (2,14 %) et Crédit Suisse First Boston (1,34 %). Il serait en effet très étonnant que l'une de ces sociétés ne bénéficie pas d'aide publique...

- ou encore Direct 8, contrôlée par le groupe Bolloré, conglomérat notamment puissant dans la distribution d'énergie.

Dans le dispositif proposé, ces sociétés garderaient les autorisations dont elles ont déjà bénéficié, mais elles ne pourraient pas, par exemple, disposer d'une nouvelle autorisation pour un service de télévision mobile personnelle.

Par ailleurs, les deux derniers alinéas de l'article 41-1 A proscrivent le rachat ou la prise de contrôle d'un service de radio ou de télévision par les sociétés mentionnées au 1°, 2° et 3° de l'article, ce qui ne permettrait pas aux groupes susmentionnés de racheter une chaîne hertzienne qui viendrait à disparaître.

III. La position de la commission

Votre rapporteur considère que ce dispositif comporte plusieurs défauts majeurs :

- son effectivité est douteuse au vu de la difficulté à déterminer les chaînes concernées ;

- il s'agit à son sens d'un acte de défiance envers les journalistes, qui sont soumis à des règles de déontologie garantissant leur indépendance vis-à-vis des propriétaires des sociétés pour lesquelles ils travaillent ;

- le pluralisme n'a jamais été aussi bien respecté en France en raison de l'offre extrêmement large de chaînes de télévision, de radios et de la présence d'Internet comme nouvel acteur ;

- et enfin, la propriété de chaînes de télévision et de radio par des groupes liés à la commande publique ne lui paraît pas plus défavorable au pluralisme que la propriété de ces chaînes par d'autres entreprises qui seraient indépendantes de la demande publique.

En conclusion, le rapporteur a insisté sur le fait que cet article pourrait bouleverser totalement le modèle économique du secteur audiovisuel français sans que l'on voit bien son intérêt en faveur de l'indépendance des médias et du pluralisme.

Pour ces raisons, la commission n'a pas adopté l'article 1 er de la proposition de loi.

Article 2 (article 11-1 [nouveau] de la loi n° 86-897 du 1er août 1986) - Régulation de la concentration dans le secteur de la presse

I. Le droit existant : un dispositif anti-concentration solide

A. Des fondements constitutionnels

Dans sa décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 sur la loi n° 82-652 sur la communication audiovisuelle, le Conseil constitutionnel, en se fondant notamment sur l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a érigé au rang d' « objectif à valeur constitutionnelle » la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels.

Dans la droite ligne de cette jurisprudence, la mise en place progressive dans les années 1980 de régimes anti-concentration dans le secteur des médias a conduit le juge constitutionnel à reconnaître un lien nécessaire entre cet objectif de valeur constitutionnelle et les moyens d'y parvenir, en rappelant, dans sa décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, qu'il revient au législateur de « prévenir, par des mécanismes appropriés, le contrôle par un actionnaire dominant d'une part trop importante du paysage audiovisuel ».

Par ailleurs, aux termes de la nouvelle rédaction de l'article 34 issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, il appartient désormais au législateur de fixer les « règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».

B. Des restrictions portant aussi bien sur les participations pluri-médias que sur les parts d'audience

Le mécanisme de contrôle des concentrations dans le secteur de la presse repose sur des dispositions issues de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui sont principalement de trois ordres :

- des restrictions portant sur les parts d'audience mono-média : les opérations de concentration dans le secteur de la presse sont ainsi soumises à un seuil maximal de 30 % de la diffusion totale en France des quotidiens d'information politique et générale ;

- des restrictions relatives à la concentration horizontale dans le secteur des médias d'information : aucun opérateur ne peut ainsi se trouver dans plus de deux des trois situations suivantes :


• être titulaire d'une ou plusieurs autorisations relatives à des services de télévision diffusés par voie hertzienne desservant quatre millions d'habitants ;


• être titulaire d'une ou plusieurs autorisations relatives à des services de radio permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint 30 millions d'habitants ;


• éditer ou contrôler des publications quotidiennes d'information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale sur le territoire nationale des publications quotidiennes imprimées de même nature ;

- des restrictions relatives à la participation d'actionnaires étrangers au capital de titres de presse : la loi précitée du 1 er août 1986 impose ainsi une limitation à 20 % de la part du capital ou des droits de vote dans une entreprise éditant une publication de langue française susceptible d'être détenue par des actionnaires extracommunautaires.

II. Le texte de la proposition de loi : réguler les liens entre la puissance publique et le secteur de la presse

L'article 2 de la présente proposition de loi vise, selon l'exposé des motifs de ses auteurs, « à proscrire la possibilité pour tout acteur privé entretenant des relations économiques significatives avec la puissance publique, d'éditer, de manière directe ou indirecte, [...] un titre de presse d'information politique et générale ».

Dans cet esprit, il introduit dans la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse un nouvel article 11-1 visant à instaurer une incompatibilité générale, pour une personne morale de droit privé, entre la détention d'un titre de presse d'information politique et générale et :

- la perception de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'État ou par une collectivité publique, sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ;

- l'exercice d'une activité significativement alimentée par la commande publique.

III. La position de la commission : privilégier une transparence accrue sur l'actionnariat des entreprises de presse plutôt qu'une intervention du législateur

À l'image des préconisations du rapport de la commission « Lancelot », le pôle « Presse et société » des États généraux de la presse écrite a considéré que le dispositif légal de contrôle des concentrations dans le secteur de la presse n'appelait pas de modifications substantielles tendant à le rendre plus ou moins contraignant, mais requérait plutôt quelques aménagements visant à corriger certaines incohérences et à mieux prendre en compte les évolutions technologiques propres au secteur des médias d'information.

La profession a elle-même écarté, à l'issue des débats des États généraux, une révision du dispositif anti-concentration que ce soit pour l'assouplir ou le renforcer. Aussi, votre commission n'estime-t-elle pas opportun d'y introduire une restriction supplémentaire qui, du reste, n'aurait pas fait l'objet d'une concertation préalable .

En outre, la commission considère que la présente proposition de loi devrait être examinée à la lumière d'une jurisprudence récente de la Cour de justice des communautés européennes, qui a jugé contraires au droit communautaire des dispositions nationales grecques introduisant une présomption irréfragable d'incompatibilité entre le secteur des travaux publics et celui des médias d'information.

En effet, en consacrant une incompatibilité de principe entre la détention d'un titre de presse et l'exercice d'une activité dépendant de la commande publique, le texte de la proposition de loi pourrait constituer, à son tour, une mesure disproportionnée au regard de la jurisprudence communautaire. Si les motifs avancés par les auteurs de la proposition de loi sont louables dans leur principe, à savoir la levée des soupçons pesant sur l'indépendance des médias vis-à-vis de la puissance publique et des puissances financières, la jurisprudence communautaire commande que toute incompatibilité établie au niveau national entre le secteur des travaux publics et le secteur des médias respecte le principe de proportionnalité.

Enfin, si l'indépendance de la presse et des journalistes vis-à-vis des décideurs publics et privés constitue certes le principe cardinal de la relation de confiance entre la presse et ses lecteurs, votre commission estime que la voie d'une transparence accrue de l'actionnariat des entreprises de presse et du renforcement des exigences déontologiques de la profession reste préférable à une intervention du législateur .

Elle tient d'ailleurs à rappeler que, dans sa décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984 sur la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, le Conseil constitutionnel avait estimé que « loin de s'opposer à la liberté de la presse ou de la limiter, la mise en oeuvre de l'objectif de transparence financière tend à renforcer un exercice effectif de cette liberté ; qu'en effet, en exigeant que soient connus du public les dirigeants réels des entreprises de presse, les conditions de financement des journaux, les transactions financières dont ceux-ci peuvent être l'objet, les intérêts de tous ordres qui peuvent s'y trouver engagés, le législateur met les lecteurs à même d'exercer leur choix de façon vraiment libre et l'opinion à même de porter un jugement éclairé sur les moyens d'information qui lui sont offerts par la presse écrite ».

La commission rappelle, à ce titre, que des obligations de transparence financière des entreprises de presse sont déjà prévues par la loi précitée du 1 er août 1986. Il appartient à chaque journal d'assurer par les moyens qu'il juge approprié la publicité de son actionnariat, afin de garantir une relation de confiance avec ses lecteurs.

En conséquence, la commission n'a pas adopté l'article 2 de la proposition de loi.

* *

*

Sous le bénéfice de ces observations, la commission n'est donc pas favorable à l'adoption de la présente proposition de loi et n'a pas élaboré de texte .

LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 4 novembre 2009, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Thiollière sur la proposition de loi n° 590 rectifié (2008-2009), déposée par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés visant à réguler la concentration dans le secteur des médias .

M. Jacques Legendre , président, a demandé à l'auteur de la proposition de loi de la présenter brièvement.

M. David Assouline a indiqué que la proposition de loi déposée par son groupe visait à interdire le cumul de l'activité d'éditeur dans les médias (audiovisuel et presse) avec celle d'entrepreneur agissant dans le cadre de la commande publique. Il s'agit de prévenir tout soupçon d'ingérence des pouvoirs publics dans le secteur des médias et de garantir l'indépendance et le pluralisme des outils d'information.

M. David Assouline a rappelé qu'il existait déjà un cadre légal et réglementaire tendant à réguler la concentration dans le secteur des médias. Toutefois, il a constaté que de nombreux titres de presse et services de radio et de télévision sont désormais économiquement contrôlés par des groupes dont une part significative des revenus provient des contrats avec la puissance publique.

Or les relations économiques, nées de la passation de marchés publics, entre décideurs publics et décideurs privés impliqués dans le secteur des médias ont pour conséquence de faire peser des doutes sur le degré réel de liberté et d'indépendance des titres de presse ou des chaînes de radio et de télévision vis-à-vis du pouvoir politique. À titre d'exemple, l'épisode de la publication des caricatures du prophète Mahomet par l'Express a révélé au grand public les risques de conflits d'intérêts qui pouvaient naître, pour le propriétaire d'un titre de presse, de la proximité qu'il entretient avec le pouvoir exécutif, notamment dans la promotion de ses activités à l'étranger.

M. David Assouline a toutefois souligné que la proposition de loi ne concernait potentiellement qu'un nombre limité de médias et qu'en conséquence le paysage audiovisuel français ne risquait pas d'être bouleversé.

Il a insisté, en outre, sur le fait que la décision récente de la Cour de justice des Communautés européennes de déclarer contraires au droit communautaire des dispositions nationales grecques établissant des incompatibilités générales entre le secteur des médias et le secteur des travaux publics, en cela qu'elles méconnaissaient le principe de proportionnalité, ne devrait pas pour autant empêcher les autorités françaises d'être à l'avant-garde de la clarification des liens entre le pouvoir politique et les médias d'information.

M. Michel Thiollière , rapporteur, a relevé que la proposition de loi visant à « réguler la concentration dans les médias » avait en réalité un objet différent de son intitulé. Elle a en fait pour objectif de renforcer le pluralisme des médias en fixant de nouvelles conditions applicables à la délivrance des autorisations relatives aux services de radio et de télévision et en créant de nouvelles incompatibilités pour la détention de titres de presse.

S'agissant de la télévision et de la radio, M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé que de très nombreux articles de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication fixaient le cadre légal du contrôle des opérations de concentration dans le secteur des médias.

Son article 41 prévoit ainsi qu'une même personne peut être titulaire, directement ou indirectement, d'un nombre maximal de sept autorisations relatives chacune à un service ou programme national de télévision autre que la télévision mobile personnelle. Concrètement, sur la télévision numérique terrestre (TNT), de très nombreuses entreprises propriétaires de chaînes sont ainsi représentées.

Par ailleurs, les articles 39, 40, 40-1 et 40-2 fixent des règles très précises en matière de concentration sur un seul média ou sur plusieurs médias, les règles étant différentes pour la télévision, s'il s'agit de diffusion hertzienne ou non hertzienne.

Ces articles figurent dans des lois soumises au Conseil constitutionnel qui les a systématiquement et scrupuleusement examinées et qui a estimé qu'elles respectaient l'exigence de pluralisme, depuis longtemps reconnue comme étant un objectif à valeur constitutionnelle.

Cette jurisprudence continue a par ailleurs fortement inspiré le législateur en 2008, qui a inscrit le principe du pluralisme dans les articles 4 et 34 de la Constitution.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a souligné que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) était doté de pouvoirs non négligeables afin de veiller au respect de ces différents principes. Ainsi, l'article 19 de la loi du 30 septembre 1986, renforcé par la loi du 1 er août 2000, précise la nature des informations que l'autorité de régulation est habilitée à solliciter, tant auprès des opérateurs que des administrations concernées, sans notamment que puisse lui être opposé le secret des affaires. Cette obligation d'information du Conseil concerne l'ensemble des éditeurs de services (notamment les éditeurs de services conventionnés diffusés par câble ou par satellite), ainsi que les distributeurs de services (câblo-opérateurs et opérateurs de bouquets satellitaires) et les actionnaires des sociétés éditant ou distribuant des services d'information. Il est précisé que toutes les informations sur les marchés publics et délégations de service public pour l'attribution desquels ces personnes ou une société qu'elles contrôlent ont présenté une offre doivent être fournies au CSA sur demande.

Par ailleurs, le CSA est tenu d'assurer, d'une manière générale, le respect du principe du pluralisme a posteriori, et se montre particulièrement scrupuleux dans ce type de contrôle à travers les recommandations qu'il édicte auprès des chaînes de télévision et de radio.

Lors de ses décisions d'attribution de fréquences terrestres, le CSA se réfère régulièrement à ce principe. Selon l'opinion générale, la répartition des fréquences de la TNT a permis que plusieurs groupes ou forces économiques puissent obtenir des canaux de diffusion, afin qu'un équilibre soit atteint. En ce qui concerne la radio numérique terrestre, M. Rachid Ahrab est venu expliquer récemment devant la commission dans quelle mesure le principe de préservation du pluralisme des courants d'expression avait présidé à l'attribution de ces fréquences.

En outre, le CSA exerce un pouvoir fort de régulateur sur les chaînes hertziennes en matière de campagnes électorales.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a indiqué que le texte de la proposition de loi prévoit qu'une société qui, d'une manière ou d'une autre, dépend de la commande publique, ou possède plus de 1 % d'une société dépendant de la commande publique, ne peut pas recevoir d'autorisation d'émission.

Dans ces conditions, sans que l'on puisse réellement distinguer qui cette disposition pourrait concerner, il apparaît que ni TF1, ni probablement Canal +, ni Direct 8, ni Gulli, ni quasiment aucune chaîne de télévision locale ne pourrait obtenir de nouvelle autorisation d'émettre.

S'il n'est pas rétroactif, le dispositif prévu par la proposition de loi empêcherait de très nombreux groupes français d'obtenir, par exemple, une autorisation en télévision mobile personnelle ou de racheter une chaîne dont l'existence économique serait menacée. En conséquence, des opérateurs audiovisuels tels que TF1, Canal + ou Orange se verraient dans l'impossibilité d'être présents sur la TNT.

M. Michel Thiollière, rapporteur, s'est dès lors inquiété des conséquences concrètes qu'emporterait l'adoption de telles dispositions : les chaînes de télévision deviendraient de plus en plus, en effet, la propriété de grands annonceurs qui ne dépendent pas de la commande publique, notamment des enseignes de la grande distribution, des géants de l'agro-alimentaire ou encore des entreprises étrangères, dans la mesure où des investissements substantiels sont nécessaires pour faire fonctionner une chaîne de télévision ou une station de radio.

Ainsi, à un moment où les Français ont ou vont avoir accès à une offre audiovisuelle gratuite extrêmement large, avec 18 chaînes de la TNT qui appartiennent souvent à des groupes de presse très professionnels, la proposition de loi viendrait bouleverser le modèle économique de la télévision française, sans que l'on identifie bien le bénéfice que cela pourrait apporter au pluralisme ou à l'indépendance des médias.

Estimant que sur ce sujet la proposition de loi a principalement pour effet d'utiliser « un marteau pour écraser une mouche », M. Michel Thiollière, rapporteur, a estimé nécessaire de faire confiance au professionnalisme des journalistes de radio et de télévision pour produire une information et des contenus fiables et pertinents, et au régulateur pour garantir la liberté d'expression et le pluralisme de l'information. Il a souligné, par ailleurs, qu'en disposant de plus de six journaux télévisés, le citoyen se voyait déjà offrir la possibilité, probablement plus que jamais, de mener une réflexion construite et libre.

S'agissant de l'encadrement et de la clarification des liens entre la puissance publique et le secteur de la presse, qui font l'objet de l'article 2 de la proposition de loi, M. Michel Thiollière, rapporteur, a souhaité se référer à la teneur des débats du pôle « Presse et société » des états généraux de la presse écrite qui se sont déroulés à l'automne dernier.

Son groupe « Confiance » a notamment conclu que « les efforts de rétablissement de la confiance doivent passer par une réflexion et une action propres au secteur de la presse et ne pas impliquer les pouvoirs publics ». Il a dès lors estimé que ces efforts devaient reposer principalement sur un renforcement de l'information accessible au grand public sur l'actionnariat des entreprises de presse, dans une démarche de transparence accrue, et sur un respect par la profession de règles déontologiques fondamentales.

Pour sa part, le groupe « Pluralisme, concentration et développement » s'est penché sur la question du degré souhaitable de concentration dans le secteur de la presse écrite afin de concilier au mieux l'exigence de pluralisme des courants d'expression et la nécessité de remédier à la sous-capitalisation chronique du secteur de la presse. Il a alors jugé que le dispositif anti-concentration résultant des lois du 30 septembre 1986 et du 1 er août 2000 n'appelait pas de modification substantielle par voie législative.

En d'autres termes, sans qu'il soit nécessaire de modifier le dispositif anti-concentration existant, la profession a conclu que la clé du rétablissement d'une relation de confiance entre la presse et ses lecteurs était à trouver dans une transparence financière renforcée des entreprises de presse.

Dans le sens de ces recommandations, M. Michel Thiollière, rapporteur, a considéré que la réflexion sur la détention de titres de presse par des groupes extérieurs aux médias, dont certains dépendent de la commande publique, ne doit pas conduire à imposer une présomption irréfragable d'incompatibilité entre la passation de marchés publics et la qualité de propriétaire d'une entreprise de médias.

Il a rappelé, à ce titre, que l'indépendance éditoriale des titres de presse est principalement l'affaire des rédactions. Elle est conditionnée par l'étendue et l'effectivité des garanties dont jouissent les journalistes dans le libre exercice de leur métier.

En conséquence, M. Michel Thiollière, rapporteur, a estimé préférable d'attendre des différents groupes de médias qu'ils renforcent leur transparence financière et les exigences déontologiques garantissant l'indépendance de leurs rédactions, plutôt que d'introduire une incompatibilité générale et systématique entre la détention d'une entreprise de média et l'exercice d'une activité alimentée par la commande publique, au risque du reste de ne pas respecter le principe de proportionnalité du droit communautaire.

En conclusion, M. Michel Thiollière, rapporteur, a proposé à la commission de rejeter les deux articles de la proposition de loi.

Mme Marie-Christine Blandin a souligné que la confiance qu'il convient d'accorder à l'indépendance des rédactions et au professionnalisme des journalistes ne saurait exempter les pouvoirs publics de leur responsabilité dans l'établissement des mécanismes de contrôle et des prescriptions légales indispensables à l'effectivité des principes d'indépendance et de pluralisme des médias. Jugeant l'argument du rapporteur insuffisant, elle a insisté sur la nécessité pour le législateur d'élaborer des règles afin de prévenir les conflits d'intérêts, comme il l'a déjà fait s'agissant de l'interdiction faite au médecin d'être à la fois prescripteur et vendeur de médicaments ou encore de la séparation du parquet et du juge d'instruction, exigence intimement liée au principe fondamental de séparation des pouvoirs.

Tout en comprenant le sens des arguments de Mme Marie-Christine Blandin, M. Michel Thiollière , rapporteur, s'est toutefois interrogé sur le bien-fondé des conséquences pratiques de la proposition de loi, potentiellement disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi par ses auteurs.

M. Ivan Renar a indiqué soutenir l'initiative du groupe socialiste et notamment sa pétition de principe. Il a relevé, par ailleurs, que les états généraux de la presse écrite avaient débattu d'un éventuel assouplissement de la législation anti-concentration dans le secteur de la presse, à la demande du Président de la République, afin de réfléchir aux moyens de remédier à sa sous-capitalisation chronique. S'inquiétant du désir secret des pouvoirs publics de formater l'opinion, il a estimé qu'une loi prévenant les conflits d'intérêts entre puissance publique et médias d'information serait la bienvenue pour rappeler quelques principes éthiques fondamentaux.

S'inscrivant en faux contre l'optimisme du rapporteur, M. David Assouline a estimé que faire confiance au professionnalisme des médias était insuffisant pour assurer leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Il a de nouveau fait référence aux troubles qui ont agité, dans la période récente, l'hebdomadaire L'Express et qui n'ont été résolus que grâce à l'intervention responsable de son comité de surveillance. Elle a permis de faire prévaloir l'indépendance rédactionnelle du journal sur les intérêts de son propriétaire. Il a souligné, en outre, que si les acteurs privés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, particulièrement dépendant de la commande publique, continuaient à acquérir des médias, leur rapport à la puissance publique pèserait probablement sur leur ligne éditoriale ou leur politique de recrutement.

M. Serge Lagauche a insisté sur la nécessité de soutenir les journaux d'opinion indispensables au pluralisme des courants d'expression, qui ne suscitent pas l'intérêt des investisseurs des grands groupes privés.

M. Michel Thiollière , rapporteur, a prôné un équilibre responsable entre confiance dans le professionnalisme des rédactions et régulation des opérations de concentration pour garantir l'indépendance des médias. À titre d'exemple, il a rappelé que si le principal actionnaire (Bouygues) de TF1 devait disparaître, la chaîne se verrait désormais contrôlée par des annonceurs, notamment de la grande distribution, eux-mêmes susceptibles d'exercer des pressions sur les rédactions en faveur de la défense de leurs intérêts économiques.

M. David Assouline a estimé que les soupçons sur l'indépendance des médias vis-à-vis du pouvoir politique constituaient un problème spécifique. À l'occasion du débat sur la réforme de l'audiovisuel public, il a rappelé que l'opposition parlementaire avait fermement contesté la possibilité que France Télévisions soit entièrement dépendante financièrement de l'État. À ce titre, son groupe avait réclamé, avec succès, que les ressources du service public audiovisuel reposent principalement sur le produit de la redevance audiovisuelle, pour mettre France Télévisions à l'abri des pressions financières que l'État serait susceptible d'exercer.

A l'issue de ce débat et suivant les recommandations du rapporteur, la commission a rejeté les deux articles de la proposition de loi et elle n'a pas élaboré de texte.

* 1 Rapport sur les problèmes posés par la concentration dans les médias, remis au Premier ministre par M. Alain Lancelot, en décembre 1995.

* 2 Canal + France est détenue par le Groupe Canal+ (65 %) (détenu à 100 % par Vivendi), Lagardère Holding TV (20 %), TF1 (9,9%) et M6 Numérique (5,1 %).

* 3 Enquête TNS-Sofres/Logica réalisée du 2 au 5 janvier 2009 pour La Croix auprès d'un échantillon national de 1 000 personnes représentatif de l'ensemble de la population âgée de 18 ans et plus, interrogées en face-à-face à leur domicile. Méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage PCS) et stratification par région et catégorie d'agglomération.

* 4 Dans sa rédaction issue de la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997.

* 5 Communiqué de presse n° 92/08 du 16 décembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes : http://curia.europa.eu/fr/actu/communiques/cp08/aff/cp080092fr.pdf .

* 6 L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen stipule que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

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