Article 68 (Articles L. 227-1, L. 227-3, L. 227-4, L. 227-5, L. 227-7 et L. 227-9 du code de l'aviation civile) - Compétences de l'ACNUSA

Commentaire : cet article attribue à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires des compétences en matière de nuisances environnementales et réforme la procédure de sanctions en supprimant la CNPN.

I. Le droit en vigueur

Le domaine de compétences de l'ACNUSA est constitué actuellement par les seules nuisances sonores aéroportuaires .

Elle dispose :

- d'un pouvoir de recommandation sur toute question relative à la mesure du bruit ;

- d'un pouvoir de sanction , sur proposition de la Commission nationale de prévention des nuisances (CNPN), à l'encontre des compagnies aériennes et des autres acteurs du transport aérien, pour les infractions aux règles fixées par l'autorité administratives relatives à la limitation des nuisances sonores ;

- d'un pouvoir de prescription s'agissant de la mesure du bruit sur les dix principaux aérodromes français.

C'est également une instance de médiation entre les exploitants d'aérodromes et les commissions consultatives de l'environnement. Elle est consultée sur des projets de textes réglementaires ainsi que sur les projets de plan d'exposition au bruit et de plan de gêne sonore .

D'une manière générale, elle assure la transmission de l'information auprès des riverains.

II. Le dispositif du projet de loi

Rappelons que le projet de loi propose :

- de réformer la procédure de sanction ;

- de lui confier des compétences en matière environnementale.

Comme il a été indiqué dans le cadre de l'article 67, les dispositions relatives à la procédure de sanction ont été transférées dans le projet de loi dit « ferroviaire ».

L'enjeu principal de l'article 68 est donc l'extension des compétences de l'ACNUSA .

Il convient de présenter successivement :

- la nature des nuisances environnementales concernées par cette extension ;

- la composition et les pouvoirs de la nouvelle ACNUA.

• L'extension du champ de compétences de l'ACNUSA aux nuisances environnementales

Les nuisances environnementales concernées par l'article 69 sont celles qui sont occasionnées par le transport aérien sur et autour des aéroports. Il s'agit donc de nuisances engendrées par les activités aéroportuaires ainsi que par le trafic aérien lors des procédures d'approche, d'atterrissage et de décollage.

Le trafic automobile directement liée à l'accès à l'aéroport pourrait être considéré comme un facteur d'émissions polluantes directement lié à l'activité aéroportuaire.

En revanche, la contribution du trafic aérien au changement climatique par les émissions de CO 2 , qui ne concerne pas spécifiquement les riverains des aéroports mais le climat dans son ensemble, ne fait pas partie des nouvelles compétences que le projet de loi attribue à l'ACNUA.

Dans ces conditions, les nuisances environnementales aéroportuaires relèvent de deux catégories :

- les nuisances sonores , seul domaine de compétences actuel de l'ACNUSA ;

- les émissions atmosphériques polluantes , explicitement visées dans l'article 69, dont les émissions d'oxydes d'azote (NO x ).

D'après les informations communiquées par le Gouvernement, l'article 69 ne viserait pas certaines nuisances que l'on pourrait pourtant être tenté de classer dans cette catégorie, à savoir les pollutions du sol et de l'eau.

L'extension du domaine de l'ACNUSA aux nuisances environnementales s'inscrit dans un mouvement général de reconnaissance globale des nuisances environnementales engendrées par le trafic aérien dans leurs trois dimensions principales : bruit, NO x et CO 2 .

L'objectif est, au niveau européen, de réduire d'ici à 2020 de 50 % les émissions de CO 2 du transport aérien, de 80 % celles de NOx et de 50 % le bruit perçu.

La réalisation de cet objectif suppose une mobilisation de la recherche aéronautique comme de l'ensemble des acteurs du transport aérien .

Ces derniers, réunis le 28 janvier 2008 par Jean-Louis Borloo dans le prolongement du Grenelle de l'environnement, ont signé une convention dans laquelle ils s'engagent à agir sur les trois types de nuisances. La même convention a donné naissance à un Conseil stratégique pour la recherche aéronautique française, chargé de définir puis de mettre en oeuvre les actions de recherche et d'innovation technologiques de nature à atteindre les objectifs européens.

• La composition et les pouvoirs de la nouvelle ACNUA

Composition de l'Autorité

Outre le président et les deux membres respectivement désignés par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, l'ACNUSA comprend actuellement 103 ( * ) cinq membres qualifiés en matière :

- d'acoustique, sur proposition du ministre chargé de l'environnement ;

- de gêne sonore, sur proposition du ministre chargé de l'environnement ;

- de santé humaine, sur proposition du ministre chargé de la santé ;

- d'aéronautique, sur proposition du ministre chargé de l'aviation civile ;

- de navigation aérienne, sur proposition du ministre chargé de l'aviation civile.

L'article 68 du projet de loi propose de compléter la composition de l'Autorité en lui adjoignant deux nouveaux membres compétents en matière :

- d'émissions atmosphériques de l'aviation, sur proposition du ministre chargé de l'aviation civile ;

- d'impact de l'activité aéroportuaire sur l'environnement, sur proposition du ministre chargé de l'environnement ;

En conséquence, le nombre de membres nommés à chaque renouvellement triennal passe de quatre à cinq , de même que le quorum permettant à l'autorité de délibérer valablement.

Votre rapporteur souhaite souligner qu' une autorité administrative ne peut exercer ses missions que si on lui en donne les moyens . D'après les éléments communiqués par le Gouvernement, un emploi supplémentaire est prévu. Si ces moyens semblent suffisants dans un premier temps, il conviendra de veiller à ce que les moyens financiers et humains de l'Autorité soient adaptés à l'évolution de ses missions et au niveau d'expertise requis par son nouveau domaine de compétence.

Pouvoir de recommandation

Le présent projet de loi propose de permettre à l'Autorité d'établir des recommandations à l'initiative de tout ministre , alors que la saisine est actuellement ouverte aux seuls ministres chargés de l'aviation civile, de l'urbanisme, du logement ou de l'environnement.

Elle pourra toujours établir ces recommandations de sa propre initiative ou à la demande d'une commission consultative de l'environnement (CCE) ou d'une association concernée par l'environnement sonore aéroportuaire

Ces recommandations portent actuellement sur toute question relative à la mesure du bruit, dont notamment la définition d'indicateurs, l'évaluation et la maîtrise de la gêne sonore. Le présent projet de loi étend le champ de ces recommandations à toute question relative aux nuisances environnementales générées par le transport aérien sur et autour des aéroports , sans précision supplémentaire.

Consultation de l'Autorité sur les documents de planification environnementale

L'ACNUA doit désormais être consultée lors de l'élaboration de certaines politiques : schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, plan de protection de l'atmosphère.

Rappelons que le présent projet de loi instaure, en son article 23, des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, qui se substituent aux plans régionaux pour la qualité de l'air. Le dispositif des plans de protection de l'atmosphère a pour sa part été introduit par la loi sur l'air de 1996 104 ( * ) afin de ramener à un niveau conforme aux normes la concentration en polluants dans l'atmosphère. Ils sont élaborés par le préfet dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et les zones à concentration excessive de substances surveillées.

L'ACNUA n'est toutefois consultée sur ces plans que dans la mesure où le territoire qu'ils couvrent comporte l'un des dix grands aérodromes français ou qu'il est affecté par la pollution atmosphérique de ces aérodromes.

Pouvoir de sanction

Le pouvoir de sanction de l'ACNUSA concerne des infractions aux mesures prises par le ministre chargé de l'aviation civile 105 ( * ) . Les sanctions peuvent s'adresser à des personnes physiques ou morales .

Le présent projet de loi prévoit que ces sanctions pourront être prononcés pour des infractions à des mesures réglementaires relatives aux nuisances environnementales , et non pas seulement sonores :

- restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ;

- restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu'elles occasionnent ;

- procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol ;

- valeurs maximales d'émissions atmosphériques polluantes à ne pas dépasser.

D'après les informations fournies par le Gouvernement, aucun texte réglementaire n'entre toutefois dans le champ des nouvelles compétences de l'Autorité : l'ACNUSA n'aurait donc pas de sanction à prononcer en matière d'émissions polluantes dans un premier temps .

Autres pouvoirs

Les compétences de l'ACNUA en matière d'émissions polluantes se distinguent sur un point essentiel de celles dont dispose actuellement l'ACNUSA pour la lutte contre les nuisances sonores : l'ACNUA ne dispose pas, selon les termes du projet de loi, d'un pouvoir réglementaire .

Ainsi, l'ACNUSA définit actuellement, sur les dix principaux aéroports français, des indicateurs et des prescriptions techniques relatives aux dispositifs de mesure de bruit. Elle peut mettre en demeure l'exploitant d'un aérodrome de mettre en place et d'entretenir des stations de mesure du bruit. Elle est par ailleurs consultée sur des projets de textes réglementaires tendant notamment à fixer les valeurs maximales de bruit à ne pas dépasser. Elle contrôle enfin le respect des engagements pris par les acteurs concernés en vue de maîtriser les nuisances sonores liées à l'exploitation d'un aérodrome.

Dans le domaine de la pollution atmosphérique, en revanche, les compétences de l'ACNUA, outre le pouvoir de sanction précédemment décrit, se limitent dans le présent projet de loi à :

- un e mission d'information : l'autorité contribue, notamment par des études, au débat en matière d'environnement aéroportuaire ;

- une possibilité de consultation sur les projets de texte réglementaires susceptibles de donner lieu à des amendes administratives en matière de nuisances environnementales. On peut observer que la consultation de l'ACNUA n'est pas obligatoire.

III. La position de votre commission

Comme il a été dit plus haut, votre commission est favorable à l'extension du champ de compétences aux nuisances environnementales . La notion de « nuisances environnementales » suscite toutefois certaines questions, ainsi que la compatibilité entre ces nouvelles attributions et celles qu'exerce actuellement l'ACNUSA.

Le contenu de la notion d'émissions atmosphériques polluantes

L'ACNUSA s'est interrogée devant votre rapporteur sur le contenu exact de la notion de « nuisances environnementales aéroportuaires ».

On pourrait en effet, comme l'a fait la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2008 sur les aéroports français 106 ( * ) , être tenté d'inclure dans cette notion les pollutions du sol dues au transport aérien sur et autour des aéroports ainsi que des pollutions des eaux occasionnées par les activités aéroportuaires.

Toutefois, dans la mesure où l'Autorité ne devrait disposer dans un premier temps que de deux nouveaux membres et d'un équivalent temps plein d'après les informations communiquées par le Gouvernement, il paraît préférable de la laisser acquérir dans un premier temps une expertise dans le domaine des émissions atmosphériques polluantes avant de lui donner une mission explicite sur des sujets aussi différents et aussi complexes que la pollution des sols et des eaux.

Rappelons d'ailleurs que les émissions atmosphériques polluantes font partie, avec les émissions de CO 2 et le bruit, des trois principaux types de nuisances que les acteurs du transport aérien se sont engagés à combattre le 28 janvier 2008.

Il a donc semblé préférable à votre commission de s'en tenir à la rédaction actuelle, qui préserve une plus grande flexibilité à l'activité de l'Autorité dans le cadre des recommandations qu'elle sera amenée à rendre.

La difficulté à identifier les émissions atmosphériques polluantes du trafic aérien

Les spécialistes des émissions atmosphériques polluantes font état de l'impossibilité d'identifier un marqueur spécifique pour la part prise par le trafic aérien dans la pollution atmosphérique autour d'un aéroport.

Pour autant, il ne s'agit pas de considérer que l'activité aéroportuaire serait sans effet sur la dégradation de la qualité de l'air.

Bien au contraire, l'organisme Airparif, qui surveille la qualité de l'air en Ile-de-France, a indiqué en mars dernier, à l'issue d'une campagne de mesures spécifiques autour de l'aéroport Roissy - Charles de Gaulle 107 ( * ) , que « l'influence des émissions aéroportuaires sur la qualité de l'air avoisinant est clairement mise en évidence ». L'impact concerne notamment un surplus de pollution pour le NO 2 .

Toutefois, le même rapport précise qu'« il n'a pas été possible de déceler un impact caractéristique des seuls mouvements aériens dans l'évaluation de l'impact global des activités aéroportuaires ». Les émissions d'un avion se diluant très vite dans l'atmosphère, il n'a pas paru possible de mesurer l'impact de chaque avion sur la pollution atmosphérique. Ces émissions se mêlent de surcroît à celles du trafic routier, très intense à l'approche de la plate-forme.

S'agissant des nuisances sonores , domaine de compétences actuel de l'ACNUSA, il est relativement aisé, au contraire, de mesurer le bruit engendré par le trafic aérien autour d'un aéroport et d'identifier, le cas échéant, les aéronefs qui contribuent aux nuisances sonores aériennes, par exemple parce qu'ils dépassent des limites maximales de bruit ou contreviennent aux règles relatives aux plages horaires et aux procédures d'atterrissage et de décollage.

Au total, votre commission considère que l'ACNUA , en raison de son expérience et de ses méthodes de travail, sera en mesure d'apporter une contribution utile , aussi bien à la mesure des nuisances environnementales qu'à la conciliation entre les besoins de l'activité aéroportuaire et ceux des riverains.

La conciliation de deux objectifs non nécessairement compatibles

Il a été signalé à votre rapporteur, au cours des auditions qu'il a tenues, que l'objectif de réduction des émissions atmosphériques polluantes pouvait entrer en conflit avec la lutte contre le bruit, compétence traditionnelle de l'ACNUSA.

L'association Villes et Aéroports a notamment fait valoir que certaines technologies de réduction des émissions atmosphériques polluantes peuvent avoir pour effet un accroissement du bruit des avions.

M. Philippe Fonta, directeur du développement durable d'Airbus, interrogé à ce sujet, a indiqué qu'au-delà d'un point de design « optimum », il n'est plus possible de se rapprocher d'un objectif (tel que la limitation de la consommation de carburant) sans s'éloigner d'un autre (par exemple la modération du volume sonore émis par l'appareil).

A titre d'exemple :

- un moteur conçu avec un taux de dilution plus élevé est moins bruyant grâce à une vitesse d'éjection plus faible ; toutefois, un tel moteur sera plus lourd et risquera de consommer plus de carburants au cours du vol;

- une trajectoire d'atterrissage en « descente continue » permet, en revanche, de gagner sur le tableau du bruit comme sur celui de la consommation de carburant ;

- lors du décollage, cependant, l'effet global dépend de l'endroit auquel l'aéronef quitte la piste et du moment auquel il met en oeuvre la réduction de poussée, le choix devant prendre en compte la disposition des zones à protéger du bruit aux alentours de l'aéroport.

Votre rapporteur estime que l'examen de ces questions au sein d'un même organisme , tel que l'ACNUSA, faciliterait justement la conciliation de ces deux objectifs . L'expertise acquise peu à peu par l'Autorité sur ces deux types de nuisances lui permettra notamment de réaliser des études d'impact indiquant les conséquences occasionnées par les choix techniques et réglementaires.

L'arbitrage entre bruit et émissions polluantes reviendra en fin de compte à l'autorité politique , sur la base des informations qu'elle aura reçues.

La consultation de l'Autorité sur les projets de textes réglementaires

Le présent article prévoit que l'Autorité « peut être » consultée sur les projets de textes réglementaires susceptibles de donner lieu à des amendes administratives dans le domaine des nuisances environnementales aéroportuaires.

Sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement tendant à rendre cette consultation obligatoire , car l'Autorité qui est chargée de prononcer les amendes pourrait utilement conseiller le pouvoir réglementaire sur la nature et le montant de ces amendes ainsi que sur les dispositifs permettant de constater les manquements.

La nécessité de coordonner l'action de l'Autorité avec celle des communautés aéroportuaires

Le statut des communautés aéroportuaires a été fixé par la loi du 23 février 2004 108 ( * ) . Les communautés aéroportuaires ont une mission d'intervention dans les questions d'environnement et de qualité de vie pour les riverains, d'impact économique de l'installation aéroportuaire sur le territoire, d'accès des riverains aux emplois et aux équipements collectifs de la plateforme et d'information de la population. Lors de son audition, l'association Villes et Aéroports a soutenu la mise en place de ces communautés aéroportuaires, dont elle a recommandé la création à Roissy. L'ACNUSA a également dit à votre rapporteur qu'elle portait un regard favorable sur cet outil juridique.

Si le code de l'aviation civile définit la coopération entre les commissions consultatives de l'environnement et l'ACNUSA, votre commission souligne que les communautés aéroportuaires constitueront elles aussi un interlocuteur indispensable de l'Autorité lorsqu'elles auront été constituées.

Enfin, votre commission a adopté un amendement , proposé par votre rapporteur, qui tend à supprimer du présent article les dispositions relatives à la procédure de sanction , pour la raison déjà expliquée à l'article 67.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

* 103 Code de l'aviation civile, art. L. 227-1

* 104 Loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.

* 105 Code de l'aviation civile, art. L. 227-4.

* 106 Cour des comptes, Les aéroports français face aux mutations du transport aérien , rapport public thématique, juillet 2008.

* 107 Airparif, Quelle qualité de l'air autour de l'aéroport Paris - Charles de Gaulle ?, disponible sur http://www.airparif.asso.fr/pages/actualites/cdg_0903_cp

* 108 Loi n° 2004-172 du 23 février 2004 portant création des communautés aéroportuaires, issue d'une proposition de loi de notre collègue Jean-François Le Grand, suite aux conclusions de la mission d'évaluation et de propositions pour un développement durable et équitable des grands aéroports parisiens qui lui avait été confiée par le Premier ministre.

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