Article 44 (Article L. 123-4 du code rural) - Versement d'une soulte en cas d'échange de parcelles certifiées en agriculture biologique
Commentaire : cet article prévoit l'indemnisation d'exploitants en agriculture biologique dépossédés de leurs terres suite à un projet d'aménagement foncier.
I. Le droit en vigueur
Visant au développement de l'agriculture biologique, l'engagement n° 121 du « Grenelle de l'environnement » donne comme objectif la conversion en agriculture biologique de 6 % de la surface agricole utile (SAU) en 2012 et 20 % en 2020. Son atteinte passe par le soutien à la conversion de l'agriculture conventionnelle vers l'agriculture biologique, mais également par une garantie financière donnée aux exploitants en bio dont les parcelles seraient touchées par une opération d'aménagement foncier. En effet, la valeur de ces terres est supérieure à celle de terres classiques, du fait d'une plus grande fertilité résultant de l'absence de traitements au moyen de produits de synthèse. Il résulte de l'opération d'aménagement foncier un manque à gagner pour les exploitants qu'il convient de compenser financièrement.
Actuellement, la spécificité des exploitations certifiées « agriculture biologique » ou en cours de conversion est prise en compte lors des opérations d'aménagement foncier agricole et forestier. L'avant dernier alinéa de l'article L. 123-4 du code rural, issu de l'article 37 de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, a prévu de les indemniser lorsqu'elles reçoivent en attribution dans l'opération des parcelles non certifiées ou en cours de conversion. La soulte est à la charge du département qui a, depuis le 1 er janvier 2006, la responsabilité des opérations d'aménagement foncier. Les commissions d'aménagement foncier apprécient le préjudice, fixent le montant de la soulte et la versent aux bénéficiaires.
Ce dispositif d'indemnisation souffre toutefois de trois limites réduisant son efficacité :
- il ne prévoit pas une indemnisation directe des exploitants, mais par l'intermédiaire des propriétaires des parcelles, qui seuls sont connus des procédures de l'aménagement foncier agricole et forestier connaît ;
- l'indemnisation ne concerne pas tous les cas d'échanges de parcelles ;
- la soulte est à la charge, non du conseil général, mais des propriétaires et exploitants, lorsqu'en application du troisième alinéa de l'article L. 121-15 du code rural, il leur demande le paiement d'une opération intervenant sur des territoires ayant déjà fait l'objet d'un aménagement foncier.
II. Le dispositif du projet de loi
Le présent article du projet de loi tend à améliorer le dispositif d'indemnisation des exploitations en agriculture biologique affectées par un remembrement, et ce sur chacun des trois points susmentionnés :
- le bénéficiaire de la soulte est explicitement l'exploitant qui met en oeuvre les pratiques de certification « agriculture biologique », et non le propriétaire des parcelles, dérogeant ainsi aux règles de l'aménagement foncier agricole et forestier ;
- la soulte permet d'indemniser la perte de parcelles certifiées en agriculture biologique ou en cours de conversion à l'agriculture biologique, quel que soit leur stade de conversion ;
- la soulte est payée par le département, même quand l'aménagement foncier est payé par les propriétaires et exploitants, en application du troisième alinéa de l'article L. 121-15 du code rural.
A cet effet, l'avant-dernier alinéa de l'article L. 123-4 précité, qui prévoit les conditions d'indemnisation en cas d'aménagement foncier, est modifié.
Une première phrase prévoit l' indemnisation, à la charge du département, des propriétaires ou des exploitants dans deux cas :
- lorsqu'ils doivent céder des parcelles certifiées en agriculture biologique contre, soit des parcelles en agriculture conventionnelle, soit des parcelles en conversion ;
- lorsqu'ils doivent céder des parcelles en conversion contre, soit des parcelles en agriculture conventionnelle, soit des parcelles à un stade de conversion différent.
La seconde phrase insérée dans l'article L. 123-4 prévoit le maintien à la charge du département de la soulte lorsque les terres concernées ont déjà fait l'objet d'un aménagement foncier .
La principale interrogation découlant de cette mesure réside dans son impact financier, et plus précisément de la charge qu'elle va représenter pour les départements. Selon les estimations de l'étude d'impact annexée au projet de loi, la charge budgétaire devrait toutefois demeurer maîtrisée. L'évaluation financière qui y est développée est la suivante.
En France, l'agriculture biologique représentant environ 540.000 hectares et l'aménagement foncier rural ne portant que sur 150.000 hectares par an, le nombre d'hectares d'agriculture biologique susceptibles d'aménagement foncier est d'environ 30 hectares par an et par département.
Une exploitation certifiée « agriculture biologique » ayant, en moyenne, une superficie de 20 hectares, le nombre d'hectares pouvant faire l'objet d'une éventuelle soulte sera, le plus souvent, de 1 ou 2 hectares : en effet, dans la majorité des cas, l'aménagement foncier consistera non pas à déplacer l'intégralité d'une exploitation, mais à regrouper les parcelles isolées avec les îlots d'exploitation existants les plus importants.
III. La position de votre commission
La mesure de dédommagement prévue par cet article devrait permettre aux exploitants en bio de bénéficier des avantages de l'aménagement foncier (regroupement parcellaire, amélioration de la desserte des terres, plantations ...) sans crainte pour leur certification.
Toutefois, et malgré la précision introduite dans l'article additionnel adopté avant cet article, elle laisse demeurer une ambiguïté quant au responsable du financement de ce dédommagement. Tel que rédigée, elle laisse penser qu'il reviendra systématiquement au département de le supporter. Or, si cette collectivité est responsable de l'aménagement foncier et est souvent à l'initiative de telles opérations, tel n'est pas toujours le cas. Il n'est, dès lors, pas équitable de lui en faire automatiquement supporter le poids financier.
Aussi la commission a-t-elle, à l'initiative de son rapporteur, adopté un amendement précisant qu'il revenait au département, responsable de l'aménagement foncier, de régler les modalités de cette indemnisation, laquelle peut être supportée par une personne tierce, publique ou privée, dans le cas où ledit département n'est pas maître d'ouvrage de l'opération.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié. |