Article 41 (Article L. 211-3 du code de l'environnement) - Protection des aires d'alimentation de captage d'eau potable
Commentaire : cet article permet l'instauration, sur les aires d'alimentation des captages d'eau potable, de mesures limitant ou interdisant l'usage d'intrants.
I. Le droit en vigueur
Un captage d'eau potable est un dispositif de collecte ou pompage d'eau potable, soit à partir d'une source qui sort naturellement de terre (source naturelle ou puits artésien), soit à partir d'un cours d'eau ou du réservoir d'un barrage.
Du fait de leur vulnérabilité, qui dépend des caractéristiques hydrogéologiques des sites d'implantation et des activités humaines qu'ils accueillent, plusieurs directives européennes et lois sur l'eau imposent la mise en place d'un périmètre de protection autour des captages. C'est ainsi que la législation française prévoit :
- un périmètre de protection immédiate. De surface réduite (quelques mètres carrés à quelques centaines de mètres carrés), toute activité à risque y est interdite, et notamment l'usage de pesticides ou de fertilisants ;
- un périmètre de protection rapproché. De surface plus importante (un à dix hectares), c'est une zone intermédiaire qui accepte des activités sans risques pour la ressource et le captage, ou des activités diminuant le risque de pollution. L'usage de pesticides ou de fertilisants y est également interdit ;
- un périmètre éloigné. Moins contraignant et non obligatoire, il peut cependant faire l'objet d'une gestion de tous les risques liés aux activités humaines.
Cette législation est assortie d'objectifs qui ne sont malheureusement pas atteints. En France, où environ 38.000 captages puisent environ 18 millions de m 3 par jour, à 96 % dans les nappes phréatiques; le Plan national santé-environnement (PNSE) vise la protection de 80 % des captages d'eau potable pour 2008 et 100 % pour 2010.
Or, les activités agricoles constituent un risque pour la préservation de la bonne qualité des aires d'alimentation des captages. Aussi le législateur est-il intervenu en ouvrant la possibilité de prévoir, par voie règlementaire, des procédures d'encadrement des pratiques agricoles sur ces espaces sensibles.
Ainsi, le 5° de l'article L. 211-3 du code de l'environnement prévoit que des décrets en Conseil d'Etat peuvent délimiter des zones « où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable », ainsi que des zones « dans lesquelles l'érosion diffuse des sols agricoles est de nature à compromettre la réalisation des objectifs de bon état ou, le cas échéant, de bon potentiel » des eaux. Ces mêmes décrets, précise l'article, établissent des « programmes d'action » propres à préserver ces zones.
Dans une approche similaire, l'article L. 114-1 du code rural et son décret d'application 52 ( * ) chargent le préfet de délimiter des « zones d'érosion dans lesquelles l'érosion des sols peut créer des dommages importants en aval » et établir, en concertation avec les acteurs impliqués, « un programme d'actions visant à réduire l'érosion des sols de ces zones » qui peuvent « être rendues obligatoires ».
La protection des aires d'alimentation des captages est ainsi réalisée, dans ces zones, par une démarche en trois étapes. Le préfet délimite la zone, en concertation avec les acteurs concernés. Puis il établit, toujours en concertation, un programme d'action consistant en la mise en oeuvre de pratiques agricoles telles que l'implantation de prairies ou la limitation des engrais et des pesticides. À l'issue d'une période volontaire de trois ans, le préfet peut rendre obligatoires ces mesures, accompagnées d'aides financières, si les réponses apportées durant ladite période sont insuffisantes. Cette décision peut être prise au bout de douze mois dans les zones particulièrement sensibles et si les circonstances l'exigent.
II. Le dispositif du projet de loi
Le projet de loi part de l'objectif défini par l'article 25 du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du « Grenelle de l'environnement », d'identifier et de protéger 507 captages d'ici 2012. Il s'agit d'un effort considérable puisque les moyens disponibles ne permettent, à ce jour, que d'assurer la protection des aires d'alimentation de 50 captages. Il est prévu, en outre, de poursuivre cette démarche au-delà de 2013 sur les 1.800 captages identifiés lors de l'inventaire de fin 2007-début 2008.
En ce sens, l'article 41 du projet de loi propose de compléter le II de l'article L. 211-3 précité par un alinéa permettant de délimiter, lorsque la qualité de l'eau est menacée, des zones à l'intérieur des aires d'alimentation de captages d'eau mentionnées au 5° du même article particulièrement menacées par des pollutions diffuses.
Dans ces « sous-aires », le décret peut décider, dans les trois ans, la limitation des activités agricoles à des pratiques durables. Le projet d'article cite explicitement, à ce titre, l'implantation de prairies permanentes extensives et de cultures ligneuses sans intrants. Il prévoit que le maintien d'autres cultures peut être subordonné à un encadrement de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et faire l'objet en ce sens d'un plan d'action comportant éventuellement des mesures de compensation.
Les cultures ligneuses désignent ici des cultures de taillis à courte rotation, destinées à produire de la biomasse à des fins énergétiques et généralement cultivés sans intrants. Pour les autres cultures, c'est par les conditions spécifiques que sera garantie la réduction ou la suppression de l'utilisation d'intrants. Les mesures de compensation envisageables visent à compenser le changement de système d'exploitation, soit en contribuant à sa mise en valeur, soit en compensant sa perte de manière permanente ou temporaire.
Si l'objectif de cette mesure est ambitieux, y compris d'un point de vue financier, puisque le coût de la mesure est évalué à 470 millions d'euros sur la période 2009-2013, les bénéfices attendus sont substantiels. D'un point de vue environnemental, le dispositif, en réduisant l'agressivité des pratiques agricoles sur les écosystèmes, devrait contribuer à rétablir un bon état des eaux et atteindre ainsi les objectifs fixés par la réglementation européenne. Budgétairement, les économies attendues en termes de traitement des eaux sont évaluées à 200 millions d'euros par an, une fois les investissements amortis.
III. La position de votre commission
Consciente de la nécessité d'assurer de façon effective la protection des périmètres de captage les plus sensibles, selon l'objectif défini dans le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du « Grenelle de l'environnement », votre commission approuve la disposition permettant de conditionner le maintien d'activités agricoles dans ces aires à leur respect de la ressource.
Si la combinaison des articles L. 211-3 du code de l'environnement et L. 114-1 du code rural permet, en l'état, d'atteindre un résultat analogue, ce n'est qu'après une période de trois ans. Or, le présent article donne au préfet la possibilité d'imposer immédiatement un plan d'action et de conditionner la poursuite d'activités agricoles à leur innocuité sur les milieux.
Toutefois, votre rapporteur souligne que cet article ne vise que les 507 points de captage les plus problématiques sur les 11.000 environ situés sur le territoire. A cet égard, comme Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, s'y est engagée lors de l'examen du texte en commission, le Gouvernement a précisé, par voie de communiqué de presse en date du 30 juin 2009, la liste de ces 507 captages, correspondant à 856 ouvrages de prélèvement.
Répartis sur tout le territoire, ils ont été identifiés sur la base d'une concertation locale en fonction de trois critères : l'état de la ressource vis-à-vis des pollutions par les nitrates ou les pesticides ; le caractère stratégique de la ressource au vu de la population desservie ; enfin, la volonté de reconquérir certains captages abandonnés.
La deuxième phase, suivant celle de l'identification, va consister en la mise en oeuvre des programmes d'actions pour assurer la protection effective des 507 captages identifiés. Il s'agira en particulier, pour chaque captage, d'arrêter la zone de protection de l'aire d'alimentation du captage (AAC), sur la base d'un diagnostic territorial des pressions agricoles, puis le programme d'actions au plus tard à l'automne 2011, pour permettre la mise en place des mesures agroenvironnementales d'ici mai 2012.
Votre commission a adopté cet article sans modification. |
* 52 Décret n° 2007-882 du 14 mai 2007 relatif à certaines zones soumises à contraintes environnementales et modifiant le code rural.