Article 21 (Chapitre X du titre Ier du code de la voirie routière) - Modulation des péages en fonction des émissions de gaz à effets de serre des camions mise en place au plus tard le 1er janvier 2010
Commentaire : cet article oblige les exploitants d'autoroutes, au plus tard le 1 er janvier 2010, ou lors du renouvellement des délégations de service public en cours, à moduler les péages acquittés par les poids lourds mais sans porter préjudice au montant total des recettes des exploitants concernés.
I. Le droit en vigueur
Il n'existe actuellement aucune norme législative en matière de modulation de péages autoroutiers.
II. Le dispositif du projet de loi
Cet article 21 a pour objectif de transcrire la directive 2006/38/CE précitée, également appelée « Eurovignette II ».
LA DIRECTIVE EUROVIGNETTE II
Cette directive a, entre autres, modifié l'article 7 de la directive dite Eurovignette I, en insérant une nouvelle rédaction pour les paragraphes 9 et 10 de cet article. « 9. Les péages se fondent uniquement sur le principe de recouvrement des coûts d'infrastructure. Plus précisément, les péages moyens pondérés sont liés aux coûts de construction et aux coûts d'exploitation, d'entretien et de développement du réseau d'infrastructure concerné. Les péages moyens pondérés peuvent aussi comprendre une rémunération du capital ou une marge bénéficiaire conforme aux conditions du marché. 10. a) Sans préjudice des péages moyens pondérés visés au paragraphe 9, les Etats membres peuvent faire varier les taux des péages à des fins telles que la lutte contre les dommages causés à l'environnement, la résorption de la congestion, la réduction au minimum des dommages aux infrastructures , l'optimisation de l'utilisation des infrastructures concernées ou la promotion de la sécurité routière, pour autant qu'une telle variation : - soit proportionnelle à l'objectif poursuivi ; - soit transparente et non discriminatoire, notamment en ce qui concerne la nationalité du transporteur, le pays ou le lieu d'établissement du transporteur ou d'immatriculation du véhicule et l'origine ou la destination du transport ; - ne soit pas destinée à générer des recettes de péage supplémentaires, toute augmentation imprévue des recettes (conduisant à des péages moyens pondérés non conformes au paragraphe 9) étant compensée par une modification de la structure de la variation qui doit être effectuée dans les deux ans suivant la fin de l'exercice au cours duquel les recettes supplémentaires ont été générées ; - respecte les plafonds de flexibilité définis au point b). b) Sous réserve des conditions prévues au point a), les taux de péage peuvent varier en fonction : - de la classe d'émissions EURO telle qu'établie à l'annexe 0, y compris les niveaux de particules PM et d'oxyde d'azote, pour autant que le péage à acquitter ne soit pas supérieur de plus de 100 % au péage imposé aux véhicules équivalents qui respectent les normes d'émission les plus strictes, et/ou - du moment de la journée, du type de jour ou de la saison, pour autant que : i) le péage à acquitter ne soit pas supérieur de plus de 100 % au péage correspondant au moment de la journée, au type de jour ou à la saison les moins chers ; ou ii) lorsque la période la moins chère est exonérée, la pénalité prévue pour le moment de la journée, le type de jour ou la saison les plus chers n'excède pas 50 % du niveau de péage qui serait normalement applicable au véhicule concerné. Les Etats membres sont tenus de faire varier les taux de péage conformément aux dispositions du premier tiret pour 2010 au plus tard ou, en cas de contrat de concession, lors du renouvellement de ce contrat de concession. Un Etat membre peut néanmoins déroger à cette obligation dans les cas où : i) la cohérence des systèmes de péage sur son territoire s'en trouverait gravement compromise ; ii) l'introduction d'une telle différenciation ne serait pas techniquement applicable aux systèmes de péage concernés ; iii) ces dispositions conduiraient à détourner les véhicules les plus polluants du réseau routier transeuropéen, ce qui engendrerait des conséquences néfastes en termes de sécurité routière et de santé publique. De telles dérogations en la matière doivent être notifiées à la Commission. c) Sous réserve des conditions prévues au point a), les taux des péages peuvent, à titre exceptionnel, dans le cas de projets spécifiques d'un intérêt européen élevé, être soumis à d'autres formes de variations en vue de garantir la viabilité commerciale de ces projets, lorsque ceux-ci doivent faire face à la concurrence directe d'autres modes de transport de véhicules. La structure tarifaire qui en résulte est linéaire et proportionnée, elle est rendue publique et accessible à tous les usagers aux mêmes conditions et elle ne doit pas entraîner la répercussion de surcoûts sur d'autres usagers sous forme d'une augmentation du péage. Avant la mise en oeuvre de la structure tarifaire en question, la Commission vérifie que les conditions énoncées dans le présent point sont remplies.» |
Cet article poursuit deux objectifs.
D'une part, son I crée à la fois un nouveau chapitre (X), consacré aux péages, au sein du titre I er du code de la voirie routière, et il institue dans ce chapitre une nouvelle section, consacrée aux péages applicables aux véhicules de transport de marchandises par route.
D'autre part, le II de cet article supprime les articles L. 122-4-1 et L. 153-4-1 du même code, qui sont non seulement strictement identiques, mais énoncent seulement les principes généraux des péages autoroutiers pour les poids lourds de plus de 12 tonnes 31 ( * ) .
Quatre nouveaux articles sont ensuite insérés par le I de l'article 21.
L'article L. 119-4 énonce les principes généraux, issus du droit communautaire, qui interdisent toute discrimination injustifiée lors de la perception des péages. Surtout, il précise que les dispositions de la nouvelle section 2 du chapitre X ne s'appliquent qu'aux véhicules de marchandises de plus de 3,5 tonnes, conformément à la directive communautaire de 2006. Il est enfin indiqué que les contrats de délégation de service public et leurs cahiers des charges intègrent les modalités de ces modulations.
L'article L. 119-5 indique pour sa part les objectifs de la modulation des péages : lutte contre les dommages causés à l'environnement, résorption de la congestion du trafic, réduction au minimum des dommages causés aux infrastructures, incitation à l'utilisation optimale des infrastructures ou encore amélioration de la sécurité routière.
L'article L. 119-6 du même code est fondamental car il énonce, en son I , le principe selon lequel les modulations de péages se font à « enveloppe constante » : elles ne peuvent entraîner ni surplus, ni manque à gagner pour les exploitants d'autoroute. Il est précisé que la structure de modulation est mise à jour tous les deux ans pour tenir compte des évolutions de la circulation des poids lourds. Quant au II de cet article, il fixe la date d'entrée en vigueur de l'obligation de moduler les péages pour les poids lourds : à compter du 1 er janvier 2010 pour les nouveaux contrats ou dès le renouvellement des contrats de délégation de service public. Il est précisé que le critère essentiel pour moduler ces péages est la classe d'émission EURO du véhicule 32 ( * ) . Par ailleurs, le péage modulé le plus onéreux ne saurait être supérieur au double de celui le plus bas. Le III de l'article L. 119-6 indique que les véhicules non munis d'un équipement électronique embarqué prévu à l'article L. 119-2 du même code 33 ( * ) sont soumis au tarif maximum du péage modulé. Enfin, le IV de cet article explicite le deuxième critère retenu pour faire varier les péages : le « moment de la journée, de la date et du jour de la semaine ». Si l'on considère seulement le critère de la date de circulation, le péage maximum ne saurait être supérieur au double du péage le moins élevé. En outre, si la période « creuse » bénéficie d'une exonération tarifaire, la modulation prévue pour la période au tarif le plus élevé ne peut dépasser 50 % du montant du péage normalement applicable au véhicule en cause.
Enfin, l'article L. 119-7 dispose qu'un décret en Conseil d'Etat détermine si besoin les conditions d'application de la présente section.
III. La position de votre commission
Votre commission se félicite de constater que l'article 21 opère une transposition fidèle de la directive communautaire de 2006 dite « Eurovignette », même si cette transposition est tardive 34 ( * ) .
A l'initiative de votre rapporteur, elle a adopté un amendement de suppression du III du nouvel article L. 119-6 du code de la voirie routière , considérant qu'il ne revenait pas au législateur, mais au pouvoir réglementaire, de fixer le montant du péage pour les poids lourds ne bénéficiant pas d'un équipement électronique embarqué, afin de gagner en souplesse pour faire ensuite évoluer ces tarifs.
En outre, toujours à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a voté un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel sur l'évolution des péages pour chaque exploitant autoroutier . Cet amendement s'inscrit dans la continuité des contrôles de la Cour des comptes sur l'opacité du montant des péages autoroutiers. Il reprend d'ailleurs un engagement formel de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat 35 ( * ) . Ce rapport permettra à la fois de faire le point sur les divergences entre le ministère et la Cour des comptes, et d'éclairer l'opinion publique et le Parlement sur le suivi de la modulation des péages.
Enfin, votre commission a adopté un amendement de M. Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste, rattachés et apparentés, qui institue la modulation des péages pour les véhicules particuliers.
Le rapporteur a donné un avis favorable à l'adoption de cet amendement, sous réserve de quelques précisions rédactionnelles, et des rectifications suivantes :
- suppression de la date d'entrée en vigueur du 1 er janvier 2010, au profit de la référence aux « appels d'offres lancés postérieurement à la promulgation de la présente loi » 36 ( * ) ;
- la modulation demeure une possibilité pour l'Etat et les sociétés d'autoroutes ;
- suppression du critère du « taux de remplissage » des véhicules car les péages sont de plus en plus automatisés ;
- précision selon laquelle cette modulation des péages pour les véhicules particuliers se fait à « enveloppe constante ».
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié. |
* 31 Les articles L. 122-4-1 et L. 153-4-1 du code de la voirie routière indiquent que « les péages perçus sur les véhicules à moteur ou ensembles de véhicules couplés destinés exclusivement au transport de marchandises par route, et ayant un poids total en charge autorisé égal ou supérieur à 12 tonnes, sont appliqués sans discrimination directe ou indirecte en raison de la nationalité du transporteur ou de l'origine ou de la destination du transport ».
* 32 Au sens de l'annexe 0 de la directive 1999/62/CE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.
* 33 Cet article indique que le service européen de télépéage concerne les paiements effectués par les usagers des ouvrages du réseau routier au moyen d'un dispositif électronique nécessitant l'installation d'un équipement électronique embarqué à bord des véhicules. Toutefois, les systèmes de paiement installés sur des ouvrages d'intérêt purement local dont le chiffre d'affaires est inférieur à un montant fixé par décret ne sont pas soumis à cette obligation.
* 34 Compte tenu des contraintes du calendrier parlementaire, rien n'assure que le présent projet de loi sera définitivement voté avant le 1 er janvier 2010.
* 35 « Je suis également favorable à la suggestion de la Cour de faire établir par la direction générale des routes un rapport annuel sur ses travaux en terme de contrôle tarifaire ou plus globalement sur les résultats des concessions .». Cf rapport public annuel de la Cour des comptes, 6 février 2008, p. 266.
* 36 Les contrats de délégation de service public sont également soumis à cette nouvelle modulation dès leurs renouvèlements.