2. Des effets de déversement entre secteurs d'activité à anticiper et à accompagner
Comme on l'a montré, la croissance verte que le Grenelle de l'environnement cherche à promouvoir constitue un vaste processus de réallocation intersectorielle et internationale de l'activité et de l'emploi sous l'effet de la correction du signal-prix. Il s'agit de favoriser le développement de nouveaux produits et de nouveaux procédés de production au détriment de produits et de procédés dont l'impact environnemental est nuisible. Si, globalement, la collectivité bénéficiera de cette redistribution de l'activité productive entre les secteurs, il n'en reste pas moins que la croissance verte reste fondamentalement, selon l'expression de Schumpeter, un processus de destruction créatrice qui va affecter négativement les nombreux secteurs qui ne correspondent plus aux nouvelles exigences environnementales. Concrètement, cela signifie que les opportunités de profit dans certaines branches vont diminuer ou disparaître, que le facteur capital va s'en détourner et que des emplois vont y disparaître. Inversement, dans les secteurs portés par la croissance verte, les investissements et l'emploi vont être stimulés.
Or, si le capital est mobile, on sait bien, en revanche, que le travail l'est nettement moins, notamment parce que les qualifications des emplois détruits ne correspondent pas nécessairement à celles des emplois créés. Il est donc nécessaire d'envisager sans délai des mesures d'accompagnement social et économique permettant de minimiser les risques de chômage structurel inhérents à une inadéquation des qualifications offertes et demandées sur le marché du travail.
Même si cette question n'a pas encore inspiré des recherches à la hauteur de l'enjeu, on dispose malgré tout de quelques estimations qui montrent l'ampleur des problèmes sociaux et économiques de restructuration que l'Etat doit se préparer à accompagner. Ainsi, une étude commandée en 2007 par la Confédération européenne des syndicats conclut que les industries intensives en énergie (sidérurgie, ciment), les secteurs liées à l'industrie automobile (fret routier, production de voitures individuelles) ou encore les activités de production d'énergie à partir de sources fossiles pourraient perdre plusieurs millions d'emplois dans les prochaines années en Europe, tandis que le secteur de la construction et du bâtiment, ainsi que ceux liés aux transports collectifs et au fret ferroviaire devraient connaître un essor important. Dans tous les scénarios analysés, les créations d'emplois excèdent globalement les destructions, mais avec des évolutions sectorielles très contrastées .
Les pouvoirs publics doivent donc anticiper cette redistribution de l'activité économique pour faire en sorte que la main-d'oeuvre qui ne trouve plus à s'employer dans les secteurs en perte de vitesse puisse se « déverser », selon l'expression d'Alfred Sauvy, vers les secteurs en plein essor. Cela passe notamment par un soutien à la formation.