Article 78 (Articles L. 541-14 et L. 541-15 du code de l'environnement) - Objectifs de prévention et limitation dans les plans de gestion des déchets
Commentaire : cet article vise à introduire dans les outils de planification actuels la priorité à la prévention et au recyclage des déchets à travers la fixation d'objectifs de prévention.
I. Le droit en vigueur
Actuellement, chaque département est couvert par un plan départemental ou interdépartemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés , l'Ile de France étant couverte par un plan régional.
En vertu de l'article L. 541-14 du code de l'environnement ce plan :
- dresse l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets à éliminer et des installations existantes appropriées ;
- recense les documents d'orientation et les programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets ;
- énonce les priorités à retenir compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles pour la création d'installations nouvelles (indications sur les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés) et pour la collecte, le tri et le traitement des déchets .
Il est précisé que le plan tient compte des besoins et des capacités des zones voisines hors de son périmètre d'application et des propositions de coopération intercommunale. Par ailleurs, ce plan doit obligatoirement prévoir, parmi les priorités qu'il retient, des centres de stockage de déchets ultimes issus du traitement des déchets ménagers et assimilés.
Pour ce qui concerne l'élaboration du projet de plan , elle est de l'initiative et de la responsabilité du président du conseil général 198 ( * ) , les collectivités territoriales ou leurs groupements exerçant la compétence d'élimination ou de traitement des déchets.
Celui-ci est ainsi établi en concertation avec une commission consultative composée de représentants des communes et de leurs groupements, du conseil général, de l'Etat, des organismes publics intéressés, des professionnels concernés, des associations agréées de protection de l'environnement et des associations agréées de consommateurs.
Le projet de plan est ensuite soumis pour avis au préfet, à la commission départementale compétente en matière d'environnement , de risques sanitaires et technologiques ainsi qu'aux conseils généraux des départements limitrophes 199 ( * ) . Il peut donc être modifié pour tenir compte de ces avis, qui sont réputés favorables s'ils n'ont pas été formulés dans les trois mois suivant la réception du projet.
Le projet de plan est enfin soumis à enquête publique, puis approuvé par délibération du conseil général 200 ( * ) .
L'article L. 541-15 précise que ces plans sont révisés selon une procédure identique à celle de leur adoption, étant entendu que les modalités et les procédures d'élaboration, de publication et de révisions sont déterminées par décret en Conseil d'Etat .
Ce décret fixe notamment les modalités de la consultation du public, les mesures de publicité à prendre lors de l'élaboration des plans et après leur adoption, et la procédure simplifiée de révision des plans applicable dès lors que les modifications projetées n'en remettent pas en cause l'économie générale.
II. Le dispositif du projet de loi
L'article 78 propose d'abord d'introduire dans les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés , des objectifs de prévention à la source des déchets produits , ainsi que des objectifs de recyclage (tri, collecte et valorisation de la matière notamment organique).
Il propose ensuite d'introduire dans ces plans un objectif général de limitation des capacités d'élimination au vu des objectifs de prévention et de valorisation, conformément aux engagements du Grenelle de l'environnement. Il est ainsi proposé de fixer une limite aux capacités d'incinération et d'enfouissement de déchets ultimes pour la création de toute nouvelle installation, celle-ci devant être cohérente avec l'objectif d'une valorisation correspondant au moins à 40 % des déchets produits sur les territoires concernés.
Il définit enfin une échéance pour la révision des plans d'élimination des déchets existants : si ceux-ci ont été adoptés ou révisés avant le 1 er juillet 2005, leur révision devra intervenir au plus tard le 1 er juillet 2011 ; s'ils ont été adoptés ou révisés après le 1 er juillet 2005, leur révision devra intervenir au plus tard le 1 er juillet 2012.
III. La position de votre commission
Votre commission accueille positivement les mesures proposées qui visent à traduire les objectifs de prévention et de recyclage des déchets dans les outils de planification actuels . Les plans départementaux intégreront désormais obligatoirement un volet sur la prévention et fixeront des objectifs quantifiés de recyclage. La généralisation des plans locaux de prévention était, en effet, l'un des engagements majeurs du Grenelle de l'environnement en matière de déchets.
Ces plans, à l'initiative des collectivités territoriales, sont destinés à fixer les objectifs et les lignes d'actions sur le terrain, à animer et fédérer les acteurs locaux. C'est pourquoi votre commission considère qu'ils ne doivent pas se réduire aux seuls déchets ménagers mais entraîner également l'ensemble des acteurs économiques dans des programmes de prévention, véritables plans d'actions opérationnels . Ces plans disposent en effet d'une force juridique importante puisque les décisions de l'Etat et des collectivités locales en matière de demandes d'autorisation d'installations de traitement 201 ( * ) doivent être compatibles avec ceux-ci.
Votre commission se félicite également que soit envisagée une révision des plans actuels afin que ceux-ci intègrent les orientations de la stratégie nationale et que celles-ci puissent être effectives sur l'ensemble du territoire dans un délai maîtrisé. En effet, les orientations dégagées collectivement dans le cadre du Grenelle de l'environnement en termes de contenu et d'objectifs à poursuivre nécessite une révision dans des délais rapprochés.
Aussi, sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté plusieurs amendements :
- trois amendements permettant de prendre en compte de façon liée la prévention quantitative et qualitative à la source de la production des déchets . La prévention quantitative n'est en effet qu'un aspect de la prévention, celle-ci jouant aussi au niveau de la conception du produit par l'amélioration de sa recyclabilité et la limitation de sa dangerosité. Etablir un lien entre ces deux dimensions de la prévention apparait nécessaire pour assurer la compatibilité de ce texte de loi avec les objectifs du projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement mais surtout avec le droit communautaire 202 ( * ) ;
- un amendement visant à autoriser l' harmonisation de la gestion des déchets en fonction d'un bassin économique ou d'un bassin de vie en permettant de sortir du périmètre administratif et de donner ainsi plus de cohérence aux projets dans le respect du principe de proximité. Il apparaît logique, en effet, d'éviter les situations absurdes dans lesquelles l'utilisation d'une installation de traitement des déchets d'un département voisin est impossible alors qu'elle est plus pertinente du point de vue économique et environnemental.
- un amendement qui vise à faire face aux situations potentielles d'indisponibilité des installations de traitement des déchets . Il s'agit de pouvoir faire face aux risques de panne ou de non disponibilité des installations pour des raisons non prévisibles. En effet, étant donné que l'objectif est par ailleurs de dimensionner les capacités des installations au plus juste, il n'y aura plus de réserve de capacité en cas d'indisponibilité temporaire des installations. Or le service d'élimination des déchets doit pouvoir continuer à fonctionner pendant la période de recherche d'autres solutions.
- un amendement qui vise à mettre en cohérence la périodicité de révision des plans départementaux et interdépartementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés avec la directive cadre communautaire sur les déchets 2008/98 203 ( * ) qui prévoit une révision des plans tous les 6 ans.
Sur la proposition de M. Jean Bizet, votre commission a également adopté un amendement permettant de prendre en compte des évolutions démographiques et économiques dans la définition des objectifs de prévention à la source des déchets produits.
Sur la proposition de MM. Jean-Jacques Mirassou, Gérard Miquel et des membres du groupe socialiste et apparentés, elle a aussi adopté un amendement autorisant les collectivités responsables de la collecte et du traitement des déchets à définir un programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés .
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié. |
* 198 Pour la région Ile-de-France, du président du conseil régional, les départements, étant associés à son élaboration.
* 199 En Ile-de-France, il est soumis pour avis au représentant de l'Etat dans la région ainsi qu'aux conseils généraux et aux commissions départementales compétentes en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques des départements situés sur le territoire de la région.
* 200 Pour la région Ile-de-France, par délibération du conseil régional.
* 201 Les partenaires du Grenelle de l'environnement ont convenu, pour les autorisations de nouvelles installations de traitement, de limiter les capacités d'incinération et de mise en décharge à 60 % du total du gisement de déchets sur le territoire concerné.
* 202 En effet, les articles 9 et 29 de la directive cadre 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets (prévention des déchets et programmes de prévention des déchets) prévoient ces deux dimensions. L'article 29 dispose ainsi que : « Les Etats membres fixent les points de référence qualitatifs ou quantitatifs spécifiques appropriés pour les mesures de prévention des déchets adoptées de manière à suivre et à évaluer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des mesures et peuvent fixer des objectifs et des indicateurs qualitatifs ou quantitatifs spécifiques ».
* 203 Article 30 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives : « Les Etats membres veillent à ce que les plans de gestion des déchets et les programmes de prévention des déchets soient évalués au moins tous les six ans et révisés, s'il y a lieu ».