Article 77 (Article L. 111-10-4 [nouveau] et articles L. 111-10-1, L. 152-1 et L. 152-4 du code de l'urbanisme) - Diagnostic relatif à la gestion des déchets avant la démolition d'un bâtiment
Commentaire : cet article rend obligatoire, avant la démolition de tout bâtiment, la réalisation d'un diagnostic relatif à la gestion des déchets afin de favoriser leur recyclage.
I. Le droit en vigueur
Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) produits à lui seul 343 millions de tonnes (Mt) de déchets, soit 5,5 tonnes par habitant. Cela représente 84 % des déchets produits en 2004 en France, y compris les déchets des ménages mais hors agriculture, sylviculture, pêche, commerces et services d'après les travaux réalisés par l'Institut français de l'environnement (Ifen). La plus grande partie des volumes est générée par les travaux publics (295 Mt), le bâtiment ne produisant que 48 Mt de déchets par an parmi lesquels 65 % proviennent de la démolition, 28 % de la réhabilitation et 7 % de la construction neuve proprement dite.
Ces déchets sont trop souvent éliminés par stockage . Par ailleurs la fraction des déchets de bois (3,6 Mt) est encore souvent brûlée sur chantier 191 ( * ) malgré l'interdiction réglementaire.
Le taux de recyclage est quant à lui variable selon la nature des déchets : pour les déchets inertes 192 ( * ) qui représentent 97 % des déchets du BTP (333 Mt) le taux de recyclage/récupération est de 67 %. Pour les déchets non inertes 193 ( * ) et non dangereux (de statut analogue aux ordures ménagères) qui représentent 7,2 Mt, le taux de recyclage/récupération est de 76 %. Enfin, pour les déchets non inertes et dangereux, soit 2,8 Mt, le taux est de l'ordre de 67 %.
II. Le dispositif du projet de loi
L'article 77 introduit l'obligation de réaliser un diagnostic préalable à la déconstruction relatif à la gestion des déchets issus de la démolition. A cette fin, il est proposé de modifier le code de la construction et de l'habitation. Cette nouvelle obligation vise à mieux connaître la nature des déchets issus de la démolition de certaines catégories de bâtiments afin de favoriser leur réutilisation . En effet, bien que la majeure partie des déchets produits par le secteur du BTP soit valorisable, le défaut de recours aux techniques de déconstruction, de tri sur le chantier et l'insuffisance du maillage des installations de valorisation obèrent les possibilités de valoriser effectivement ces déchets.
Cette mesure sera précisée par des décrets en Conseil d'Etat pour ce qui concerne le fait générateur (permis de démolition, etc.) et les bâtiments concernés . Ce dispositif est également complémentaire des plans de gestion des déchets du BTP consacrés par l'article 79 du présent projet de loi.
III. La position de votre commission
Votre commission approuve l'instauration d'un « diagnostic pré-démolition » tant pour des raisons de sensibilisation des acteurs que de facilitation d'une gestion anticipée et donc plus rationnelle des déchets issus de la démolition. Ce nouvel outil est de nature, selon elle, à orienter les flux de déchets générés dans les filières adéquates et améliorer la responsabilité des différents acteurs ainsi que les relations contractuelles entre les maîtres d'ouvrage et les entreprises de déconstruction.
Votre commission se félicite par ailleurs qu'une démarche de prévention soit consacrée par les dispositions de l'article 77, étant donné qu'une augmentation significative des déchets du bâtiment est prévue dans les années à venir 194 ( * ) . En effet, en rendant obligatoire des diagnostics préalables aux opérations de démolition, cet article devrait permettre d'impliquer à l'avenir les maîtres d'ouvrage en les incitant à déterminer à l'avance les filières optimales pour les différentes catégories de déchets engendrés par les chantiers. Ainsi, le développement d'une « méthodologie » applicable aux opérations de déconstruction sera de nature à favoriser les meilleures pratiques de démolition et l'augmentation des taux de valorisation des déchets.
Votre commission fonde notamment de grands espoirs dans le développement d'une filière de la déconstruction sélective , celle-ci n'étant en France qu'à ses débuts. Ainsi, en 2004, le Royaume-Uni et l'Allemagne produisaient environ six fois plus de granulats de recyclage que la France où il reste de réelles perspectives de développement. Au Pays-Bas par exemple, 80 % des déchets du BTP sont réutilisés. D'ailleurs, au niveau européen, la directive cadre sur les déchets adoptée le 20 octobre 2008 porte à 70 % le taux de réemploi, recyclage et valorisation matière pour les déchets non dangereux du BTP d'ici à 2020.
Votre commission considère enfin qu'une attention particulière devra être portée à la rédaction des décrets d'application afin de bien prendre en compte l'importance de la traçabilité des filières d'élimination des déchets ainsi que les bâtiments concernés. A cet égard, elle estime que l'outil réglementaire pourra apporter la souplesse nécessaire pour permettre une montée en puissance du dispositif, par exemple en se fondant sur des critères tels que la taille et la nature des chantiers concernés.
Au total, si votre commission est très favorable aux dispositions de cet article, elle estime néanmoins qu'elles sont perfectibles. C'est pourquoi, sur la proposition de son rapporteur, celle-ci a adopté un amendement tendant à élargir la portée du dispositif proposé aux déchets issus de la réhabilitation lourde 195 ( * ) . En effet, il convient que ces déchets, au même titre que ceux issus de la démolition, soient concernés par l'obligation légale de réalisation d'un diagnostic préalable à la gestion des déchets. Dans la même perspective, votre commission considère qu'il vaut mieux favoriser la déconstruction plutôt que la démolition.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié. |
* 191 Selon l'Ifen, on estime à 30 % la part des bois qui continuent à être brûlés sur chantier.
* 192 Déchets non susceptibles de modification physique, chimique ou biologique importante. Les déchets inerte ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne sont pas biodégradable. Par ailleurs, ils ne détériorent pas d'autres matières avec lesquelles ils entrent en contact d'une manière susceptible d'entraîner une pollution de l'environnement ou de nuire à la santé humaine. Ils sont constitués de terre, gravats, pierres, béton et tuiles. Un tiers est stocké en installations de stockage de déchets inertes, et les deux tiers restants sont utilisés en remblaiement ou, une fois transformés en granulats après concassage, en sous-couches routières.
* 193 Les déchets du BTP comprennent 10 Mt de déchets non inertes constitués à 72 % de déchets non dangereux (matériaux mélangés, bois, métaux) et à 28 % de déchets dangereux (le bois traité représentant 86 % et les déchets minéraux 12 %).
* 194 Selon l'ADEME l'augmentation potentielle dans les années à venir est évaluée à 1,7 million de tonnes supplémentaires par an pour la rénovation et la réhabilitation et jusqu'à 200 % pour la démolition de logements sociaux.
* 195 Cette notion de « réhabilitation » avait d'ailleurs été mentionnée dans les conclusions des tables rondes du Grenelle. Ce point avait ensuite été examiné dans le groupe de travail sur les déchets. Il n'avait pas été retenu en première approche car il présentait des difficultés pratiques. Le changement d'une fenêtre ou de moquette ne doit en effet pas conduire à une étude de diagnostic qui augmenterait les coûts sans progrès réel. Cela semble tout à fait logique. C'est pourquoi il est proposé de cibler les réhabilitations « lourdes ». Il conviendra dans cette optique de prévoir un décret spécifique sur ce point.