B. DES DISPOSITIFS JURIDIQUES EN MUTATION PERMANENTE

1. Une loi fondatrice en 1978 pour l'encadrement de l'octroi de crédits au consommateur, ponctuellement modifiée

La loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit -dite loi Scrivener - constitue l'acte fondateur de l'encadrement de l'octroi de crédits aux particuliers.

Elle a mis en place un certain nombre de règles protectrices du consommateur, destinées à garantir son consentement éclairé lors de la conclusion de contrats de prêts . Ses dispositions, aujourd'hui reprises au sein du code de la consommation, ont défini les règles les plus essentielles en la matière :

- la création d'un régime de publicité protecteur du consommateur, en imposant notamment la mention du taux effectif global du crédit et des perceptions forfaitaires éventuellement demandées par l'établissement de crédit ;

- l'obligation d'une remise au consommateur d'une offre préalable de crédit , répondant à un modèle type et engageant le prêteur pour une durée minimale de quinze jours à compter de son émission ;

- l'institution d'un droit de rétractation au profit du consommateur, dans un délai de sept jours à compter de l'acceptation de l'offre.

Le contrat de crédit à la consommation étant le plus souvent contracté par les particuliers à l'occasion de l'achat d'un bien ou d'une prestation de service, la loi Scrivener a également entendu créer un lien juridique entre les obligations du consommateur au titre du contrat de crédit et la livraison effective du bien ou l'exécution effective de la prestation financée.

A ce titre, elle a prévu :

- l'interdiction de la perception par le vendeur ou le prestataire d'un paiement tant que le contrat de crédit n'a pas été définitivement conclu ;

- l'encadrement des frais et pénalités en cas de remboursement anticipé du prêt ou de défaillance de l'emprunteur.

Ces dispositions protectrices du consentement du consommateur ont, depuis lors, fait l'objet d' aménagements ponctuels .

La loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l'information et à la protection des consommateurs ainsi qu'à diverses pratiques commerciales a apporté quelques modifications ponctuelles à ce régime, en renforçant notamment le contenu des obligations informatives devant figurer dans les publicités en matière de crédit.

A l'initiative du Sénat, la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière a, quant à elle, renforcé les garanties en matière de publicité relative au crédit en imposant que toute publicité ait un caractère loyal et informatif . Désormais, il est notamment interdit, dans toute publicité et quel que soit le support utilisé, d'indiquer qu'un prêt peut être octroyé sans élément d'information permettant d'apprécier la situation financière de l'emprunteur, ou de suggérer que le prêt entraîne une augmentation de ressources ou accorde une réserve automatique d'argent immédiatement disponible, sans contrepartie financière identifiable. Par ailleurs, l'offre préalable de crédit doit être distincte de tout support ou document publicitaire.

Cette même loi a prévu qu'en matière de crédit renouvelable, l'emprunteur peut s'opposer aux modifications proposées par l'établissement de crédit, par le biais d'un bordereau-réponse et jusqu'au moins vingt jours avant la date d'effectivité des modifications proposées. En cas de refus des nouvelles conditions, l'emprunteur est tenu de rembourser aux conditions antérieures le montant de la réserve d'argent déjà utilisé, sans pouvoir toutefois utiliser à nouveau l'ouverture de crédit.

La loi de 2003 a enfin contraint le prêteur à adresser à l'emprunteur, mensuellement et dans un délai raisonnable avant la date de paiement, un état actualisé de l'exécution du contrat de crédit , faisant clairement référence à l'état précédent et précisant un certain nombre d'informations.

Plus récemment, la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance du consommateur a modifié certaines dispositions relatives au crédit renouvelable et au crédit gratuit. Afin de mieux encadrer le crédit renouvelable , elle a ainsi prévu :

- que l'emprunteur peut demander à tout moment la réduction de sa réserve, la suspension de son droit à l'utiliser ou la résiliation de son contrat ;

- que si, pendant trois années consécutives, le contrat d'ouverture de crédit ou tout moyen de paiement associé n'ont fait l'objet d'aucune utilisation, le prêteur qui entend proposer la reconduction du contrat doit adresser à l'emprunteur, à l'échéance de la troisième année, un document annexé aux conditions de cette reconduction rappelant l'identité des parties, la nature de l'opération, le montant du crédit disponible, le taux annuel effectif global ainsi que le montant des remboursements par échéance et par fractions de crédit utilisées. A défaut pour l'emprunteur de retourner ce document, signé et daté, au plus tard vingt jours avant la date d'échéance du contrat, ce dernier est résilié de plein droit à cette date.

En outre, dans le but de libérer le crédit gratuit , cette loi a interdit toute publicité relative à une opération de crédit proposant une période de franchise de paiement de loyers ou de remboursement des échéances du crédit supérieure à trois mois, hors des lieux de vente. Elle a également imposé qu'une opération de crédit à titre onéreux proposée concomitamment à une opération de crédit gratuit ou promotionnel soit conclue dans les termes d'une offre préalable de crédit distincte.

Enfin, la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a encore renforcé la protection de l'emprunteur dans le cadre du crédit à la consommation :

- d'une part, en encadrant davantage la présentation des offres de crédit , en distinguant selon que le taux d'intérêt est fixe ou variable 49 ( * ) ;

- d'autre part, en imposant au prêteur, dans le cadre d'un crédit à taux variable, de porter à la connaissance de l'emprunteur, une fois par an, le montant du capital restant à rembourser 50 ( * ) .

Mais le législateur est également intervenu afin de mettre en place des mécanismes de prévention du surendettement destinés à régler la situation des consommateurs ont déjà souscrit un ou plusieurs emprunts .

Absente de la loi du 22 janvier 1978, cette problématique a été abordée par la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 - dite loi Neiertz -, laquelle a institué un fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) 51 ( * ) .

Le FICP, tenu par la Banque de France, a une finalité tout à la fois informative et préventive en matière tant d'octroi de crédit que de surendettement, dès lors qu'il permet de répertorier, dans un fichier unique, les évènements suivants :

- les incidents de paiement dits « caractérisés » 52 ( * ) , constatés sur les crédits accordés à des personnes physiques pour le financement de besoins non professionnels ;

- les dossiers déposés auprès des commissions de surendettement ;

- les mesures conventionnelles et judiciaires de traitement des situations de surendettement, y compris, depuis 2003, les mesures de rétablissement personnel ;

- les jugements de faillite civile prononcés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

Au 31 décembre 2008, le FICP regroupait les données de 2.408.502 personnes , certaines d'entre elles pouvant être inscrites pour plusieurs causes - incidents de paiement et mesures de traitement du surendettement. Environ 77 % des personnes inscrites l'ont été au titre des déclarations d'incidents de paiement, et un peu plus d'un tiers au titre du surendettement .

Depuis son institution, le fonctionnement et l'utilité même du FICP ont fait l'objet de critiques tenant :

- d'une part, à son inadéquation par rapport aux causes réelles de l'endettement des particuliers ;

- d'autre part, au développement de moyens permettant de contourner les effets d'une inscription au travers de la contraction de nouveaux crédits par l'intermédiaire de membres de la cellule familiale du particulier ou de l'utilisation inadéquate du rachat de crédits ;

- enfin, à l'essor des crédits renouvelables.

Afin d'adapter le FICP à ce nouveau contexte, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a diligenté une mission commune de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de la Banque de France, laquelle a formulé, en avril 2008, plusieurs propositions de modifications .

Les recommandations de la mission de l'Inspection générale des finances
et de l'Inspection générale de la Banque de France sur le FICP

Outre des mesures relatives à la gestion du FICP par la Banque de France, à la transmission des informations ou à la consultation par les établissements de crédit, le rapport de la mission comporte plusieurs préconisations relevant du domaine de la loi :

- limiter à dix ans de la durée totale d'inscription au FICP ;

- prévoir la forclusion comme un motif de radiation anticipée du fichier ;

- prévoir les cas de radiation en cas de remboursement anticipé de l'intégralité des créances avant un effacement partiel ou en cas de clôture d'une procédure de rétablissement personnel avec extinction du passif ;

- supprimer l'impossibilité de procéder à un nouvel effacement dans un délai de huit ans pour des dettes similaires ;

- pour toute demande d'accès par écrit ou dans un comptoir de la Banque de France, délivrer par écrit l'information sur le fichage éventuel du demandeur. Alternativement, délivrer, le cas échéant, un état « néant » aux personnes non inscrites.

* 49 Article L. 312-8 du code de la consommation.

* 50 Article L. 312-14-2 du même code.

* 51 Dispositions aujourd'hui codifiées aux articles L. 333-4 à L. 333-6 du code de la consommation.

* 52 Aux termes de l'article 3 du règlement n° 90-05 du 11 avril 1990 du Comité de la réglementation bancaire et financières (CRBF), constituent des incidents de paiement caractérisés conduisant à une inscription au FICP :

« a) pour un même crédit comportant des échéances échelonnées, les défauts de paiement atteignant un montant cumulé au moins égal :

« - pour les crédits remboursables mensuellement, au double de la dernière échéance due ;

« - dans les autres cas, à l'équivalent d'une échéance, lorsque ce montant demeure impayé pendant plus de 60 jours ;

« b) pour un même crédit ne comportant pas d'échéance échelonnée, le défaut de paiement des sommes exigibles plus de 60 jours après la date de mise en demeure du débiteur d'avoir à régulariser sa situation, dès lors que le montant des sommes impayées est au moins égal à 500 euros ;

« c) pour tous les types de crédit, les défauts de paiement pour lesquels l'établissement de crédit engage une procédure judiciaire ou prononce la déchéance du terme après mise en demeure du débiteur restée sans effet. Les établissements de crédit peuvent ne pas inscrire les retards de paiement d'un montant inférieur à 150 euros pour lesquels la déchéance du terme n'a pas été prononcée. »

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