II. LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AU CRÉDIT : UN DROIT RELATIVEMENT RÉCENT EN MUTATION CONSTANTE
A. UNE LÉGISLATION AYANT UN DOUBLE OBJET : L'ENCADREMENT DE LA DÉLIVRANCE DU CRÉDIT ET LE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT
1. L'encadrement du crédit accordé au consommateur
Longtemps considéré avec circonspection en France, le crédit à la consommation y a pris son essor à compter des années 1950. L'entrée de l'économie française dans la période des « Trente glorieuses » a en effet développé la consommation des ménages qui, lorsqu'ils ne disposaient pas immédiatement des fonds nécessaires pour acheter des biens, ont, de plus en plus, recouru à la facilité du crédit.
Or, le recours au crédit n'est pas sans risque pour l'emprunteur. Outre les difficultés qu'il peut avoir à rembourser le capital emprunté, il peut devoir faire face -selon les termes du contrat- à de lourds intérêts. Si le prêt sans intérêt se pratique dans la sphère familiale, il est évidemment absent de la sphère commerciale : il est de l'essence de l'établissement de crédit de se rémunérer sur le capital prêté, tout en se préservant des risques de défaillance de l'emprunteur.
Si l'opération de crédit présente par elle-même toujours un risque -partagé par le prêteur tout comme l'emprunteur -, celui-ci est en outre accentué par la multiplicité des types et des modalités de prêts qui peuvent être proposés aux consommateurs.
La doctrine a tenté de répartir les opérations de prêt à la consommation en différentes catégories. M. Guy Raymond, professeur honoraire de la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, entendu par votre rapporteur, a rappelé que les prêts consentis par les établissements de crédit pouvaient revêtir les formes suivantes :
- celles de ventes à crédit , dans lesquelles le paiement de tout ou partie du prix est différé dans le temps mais s'effectue en une seule fois ;
- celles de ventes à tempérament , qui permettent un paiement du prix échelonné dans le temps, l'acheteur remboursant par mensualités un organisme de crédit qui a versé, à sa place, le prix de la marchandise ;
- celles de contrats de location-vente , dans lesquels le consommateur n'est pas propriétaire du bien qu'il utilise mais s'engage à l'acheter à la fin du contrat, les loyers payés venant, totalement ou partiellement, en déduction du prix de vente ;
- celles de contrats de location avec option d'achat (encore appelés leasing ou LOA), qui offrent au consommateur, simple locataire du bien, la faculté d'acheter ce bien en cours de contrat ou à la fin de celui-ci, moyennant une somme déterminée dans le contrat ;
- celles des prêts personnels , qui constituent des prêts d'argent sans affectation particulière ;
- celles des ouvertures de crédit , qui peuvent s'analyser en des promesses de fournir un prêt, à une date ou à raison d'un évènement déterminé ;
- celles des découverts , qui sont des autorisations données aux clients d'établissements de crédit, par ces établissements de crédit eux-mêmes, d'utiliser leur compte bancaire au-delà de son montant effectif ;
- celles, enfin, des crédits renouvelables ou permanents (encore qualifiés de crédits revolving ), qui s'analysent en des lignes de crédit se renouvelant au fur et à mesure des remboursements.
La multiplicité des dispositifs issus de la pratique commerciale des établissements de crédit et le développement des contrats d'adhésion - dont le consommateur n'est pas en mesure de négocier les termes mais n'a que la possibilité de l'adopter ou de le rejeter en bloc - a fait apparaître que la simple application des dispositions générales du code civil relatives à la formation et à l'exécution des contrat ainsi qu'aux prêts d'argent n'était pas suffisante pour assurer une protection adéquate des consommateurs.
Le choix a ainsi été fait, à la fin des années 1970, d'instaurer un cadre juridique spécifique qui assure un meilleur encadrement de la distribution du crédit à la consommation.