III. LA RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR CONCILIE LA RÉGULATION ÉTATIQUE AVEC LA MOBILITÉ DES PATIENTS
Dans le cadre du traité de l'Union européenne, la politique de santé est une compétence nationale . L'article 152, relatif à la santé publique, affirme que « l'action de l'Union [...] complète les politiques nationales ». Son paragraphe 2 prévoit que « l'Union encourage la coopération entre les Etats membres dans les domaines visés au présent article et, si nécessaire, elle appuie leur action ». Enfin, son paragraphe 7 dispose que « l'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des Etats membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. Les responsabilités des Etats membres incluent la gestion des services de santé et de soins médicaux, ainsi que l'allocation des ressources qui leur sont affectées . »
C'est donc uniquement aux Etats membres qu'il appartient d'organiser et de financer leur système de santé publique, selon les modalités de leur choix. Le principe de subsidiarité implique que l'Union ne s'attache qu'à encourager la coopération entre ces systèmes.
Le principe de subsidiarité consiste à réserver à l'échelon supérieur uniquement ce qu'il peut effectuer plus efficacement que l'échelon inférieur. Appliqué à la Communauté européenne, il signifie que celle-ci ne doit légiférer que dans la mesure où son action sera plus efficace que celle des Etats membres. Le principe de subsidiarité a été introduit dans le droit communautaire par le traité de Maastricht. L'article 5 dispose en effet que « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».
Le principe de subsidiarité ne s'applique qu'aux
questions relevant d'une compétence partagée entre la
Communauté et les Etats membres. Il ne concerne pas les domaines
relevant de la compétence exclusive de la Communauté (la
politique agricole commune par exemple), ni ceux dans lesquels elle
n'intervient pas du tout (par exemple le droit de la nationalité).
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Les soins de santé transfrontaliers en Europe sont encadrés à la fois par le droit communautaire dérivé et la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE).
Le règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971, toujours en vigueur, a donné la priorité au contrôle des Etats sur la mobilité et les droits des patients.
Au contraire, et conformément à sa philosophie juridique qui privilégie les droits de la société civile par rapport à ceux de l'Etat, la CJCE a étendu les droits des patients et limité les marges de régulation des gouvernements.
A. LE RÈGLEMENT DE 1971 PERMET UNE MOBILITÉ DES PATIENTS SOUS CONTRÔLE DES ETATS
Le règlement n° 1408/71 définit le régime de prise en charge des soins transfrontaliers en distinguant les soins inopinés des soins programmés.
1. Les soins inopinés
Les soins inopinés sont, par nature, ceux qui ne font pas l'objet d'une programmation : ils s'appliquent aux personnes qui, lors d'un séjour, par exemple touristique, dans un autre Etat membre, tombent malades ou se blessent et doivent donc être pris en charge par l'Etat qui les accueille.
Dans ce cas, la réglementation communautaire est simple : toute personne assurée sociale dans son pays d'origine bénéficie à l'étranger des soins qui lui permettent de terminer son séjour dans des conditions médicales sûres. Le patient est pris en charge comme s'il bénéficiait du régime de base d'assurance maladie du pays d'accueil : la part couverte par le régime fait l'objet d'un remboursement par le pays d'affiliation et le reste doit être réglé par le patient. Pour bénéficier de ce régime, la personne doit présenter sa carte européenne d'assurance maladie 7 ( * ) au médecin, à la pharmacie ou à l'hôpital auxquels il recourt. En pratique, la présentation d'une carte nationale d'identité est souvent suffisante. L'organisme étranger qui a assuré financièrement la prise en charge du patient s'adresse ensuite à son Etat d'affiliation pour obtenir le remboursement des frais occasionnés.
2. Les soins programmés
Les soins programmés sont ceux que le patient planifie à l'avance et qui constituent la raison principale du déplacement à l'étranger.
L'article 22 du règlement prévoit que tout assuré peut se rendre dans un autre Etat membre pour y être soigné à condition d'obtenir de son Etat d'affiliation une autorisation préalable. Si cette autorisation est délivrée, le patient est pris en charge par l'Etat membre dans lequel il est soigné, dans les mêmes conditions que ses propres ressortissants et les soins sont financièrement pris en charge par l'Etat dans lequel ils sont dispensés. Comme pour les soins inopinés, il appartient ensuite à cet Etat de se tourner vers l'Etat d'affiliation du patient pour obtenir le remboursement des soins prodigués.
Chaque Etat membre fixe librement les critères en vertu desquels il accepte ou refuse de délivrer une autorisation préalable. Cependant, le règlement prévoit qu'un Etat ne peut refuser d'octroyer une autorisation si son propre régime d'assurance maladie prend en charge les soins concernés et s'il n'est pas en mesure d'offrir ces soins au patient dans un délai acceptable, compte tenu de son état de santé et de l'évolution probable de sa maladie.
* 7 La carte européenne d'assurance maladie (CEAM) a été instituée en 2004 pour remplacer les formulaires utilisés pour l'accès aux soins dans un autre Etat membre au cours d'un séjour temporaire : E 111 (pour les touristes), E 100 (pour les transporteurs internationaux), E 128 (pour les travailleurs détachés dans un autre Etat membre et les étudiants) et E 119 (pour les chômeurs à la recherche d'un travail dans un autre Etat membre). Délivrée et reconnue dans tous les Etats membres de l'Union européenne ainsi qu'en Islande, au Liechtenstein, en Norvège et en Suisse, la carte garantit aux organismes qui financent le système de soins du pays de séjour qui prend en charge les frais médicaux que le patient est bien assuré dans son pays d'origine et qu'il sera donc remboursé par son homologue. La carte est individuelle et nominative. Elle est gratuite et dispose d'une validité d'un an. En 2005, 4,2 millions de CEAM ont été délivrées en France.