CHAPITRE IV - Des contrats d'objectifs et de moyens et de la diffusion des messages publicitaires
Article 18 (article 53 de la loi du 30 septembre 1986) - Réforme de la diffusion des messages publicitaires par France Télévisions et adaptation des contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public
Le présent article modifie l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relatif aux contrats d'objectifs et de moyens (COM) conclus entre l'État et les organismes de l'audiovisuel public et au financement des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle, afin d'actualiser le contenu des COM, de leur conférer un poids supplémentaire, et de prévoir les modalités de suppression de la publicité sur France Télévisions.
I - Le droit existant
A. L'importance des contrats d'objectifs et de moyens
L'article 21 de la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 relative à la liberté de communication, dite « loi Tasca », prévoyait déjà que « des contrats d'objectifs, annuels ou pluriannuels, peuvent être conclus entre les organismes du secteur de la communication audiovisuelle et l'État. Ces contrats d'objectifs sont communiqués au Conseil supérieur de l'audiovisuel ». Il était par ailleurs déjà prévu qu'un rapport annuel sur l'avenir du secteur public de l'audiovisuel soit transmis au Parlement. Cependant, ces dispositions n'ont pas connu d'application et les premiers contrats d'objectifs n'ont pas été renouvelés.
En 2000, le législateur est revenu à la charge, en instituant à l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 75 ( * ) , des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens conclus entre l'État et les organismes de l'audiovisuel public . Sur le modèle des contrats de plan alors établis entre l'État et les grandes entreprises publiques, il s'agissait de :
- donner une perspective à l'évolution des ressources de la télévision publique en lien avec la stratégie de développement arrêtée ;
- et de favoriser la cohérence et la synergie de l'allocation des moyens et de leur utilisation par les différentes sociétés du groupe 76 ( * ) .
Les COM ont rencontré un réel succès et constituent aujourd'hui :
- un outil de pilotage stratégique généralisé, dont l'intérêt est reconnu par l'ensemble des acteurs ;
- un facteur de sécurisation financière pluriannuelle pour les organismes de l'audiovisuel public. De fait, l'État respecte chaque année les engagements financiers qu'il a pris à la signature du COM ;
- et un moteur de la modernisation de la gestion , grâce à la fixation d'objectifs précis, dont le suivi est permis par la mise en place des indicateurs « LOLF ».
Comme le note M. Christian Kert, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, « les COM constituent, ce faisant, un outil grâce auquel l'État fixe, à chaque opérateur, des objectifs adaptés et différenciés en termes de création, de programmation, de diversité culturelle, mais également d'efficience et de productivité ».
B. Le contenu des contrats d'objectifs et de moyens
Des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'Etat et chacune des sociétés France Télévisions, Réseau France Outre-mer, Radio France et Radio France Internationale, ainsi que la société ARTE-France et l'Institut national de l'audiovisuel. La durée de ces contrats est comprise entre trois et cinq années civiles.
Le texte de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986, tel qu'issu de la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000, prévoyait que les contrats d'objectifs et de moyens déterminent notamment pour chaque société ou établissement public :
- les axes prioritaires de son développement, dont les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ;
- le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;
- le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
- le montant du produit attendu des recettes propres, notamment celles issues de la publicité de marques et du parrainage ;
- et les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix.
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances a ensuite ajouté que les COM devaient préciser les engagements permettant d'assurer les règles relatives à l'adaptation des programmes à destination des personnes sourdes ou malentendantes.
S'agissant de France Télévisions, l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précise que le COM détermine les mêmes données pour l'ensemble des chaînes du groupe France 2, France 3, France 5 et Réseau France outre-mer et les filiales de service public.
En outre, l'article 168 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 a prévu qu'avant leur signature, les contrats d'objectifs et de moyens sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ils peuvent faire l'objet d'un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d'objectifs et de moyens dans un délai de six semaines.
Vos rapporteurs insistent sur l'intérêt de cette disposition qui a réellement permis de renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement sur le respect de leurs missions par les entreprises de l'audiovisuel public.
C. La publicité sur France Télévisions
Comme le montre le tableau ci-après, les revenus publicitaires sont une ressource importance de France Télévisions :
Source : direction des médias
II - Le texte du projet de loi
Le présent article modifie l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 sur plusieurs points.
Le 1° du présent article ( I de l'article 53) vise à prendre acte de l'inscription dans la loi de la société de l'audiovisuel extérieur de la France et à substituer cette référence à celle de RFI. Cette mesure est très utile puisqu'elle permet à l'État de passer un contrat d'objectifs et de moyens avec la nouvelle holding regroupant France 24, TV5 et RFI et donc de définir, en partenariat avec ces acteurs, un pilotage stratégique de la politique française en matière d'audiovisuel extérieur.
Le 2° de l'article ( I de l'article 53) prévoit qu'un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président. Cette disposition, dont on pourrait penser qu'elle a une faible portée nominative, apporte une précision utile. En effet, il s'agit de prévoir une exception au principe fixé par l'article 53 selon lequel la durée des COM est comprise entre trois en cinq années civiles. Cette disposition vise ainsi à lier davantage la nomination du président de France Télévisions à l'adoption d'un nouveau COM, afin de renforcer tout à la fois sa responsabilité et la garantie du soutien financier de l'État pour mener la stratégie qu'il veut mettre en oeuvre. Elle est en outre conforme à l'esprit de la proposition que le CSA a faite dans ses « observations et propositions concernant la ligne éditoriale des chaînes de France Télévisions » où il est suggéré de substituer au COM un contrat de mandature conclu pour la durée du mandat du président du groupe qui « permettrait de remettre en cohérence les objectifs et moyens fixés aux chaînes publiques avec la responsabilité des dirigeants ».
Le 3° de l'article ( I de l'article 53) tend à compléter les engagements pris par les sociétés nationales de programme en faveur des personnes handicapées en imposant de préciser dans le COM les moyens permettant d'assurer l'accessibilité des programmes aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Cet ajout est très pertinent. En effet, l'inscription d'obligations relatives à l'accessibilité des programmes aux personnes sourdes et malentendantes a eu un impact rapide et important. Le groupe France Télévisions a engagé à partir de 2003 un plan d'action qui lui a permis de passer de 15 % de programmes sous-titrés en 2003 à 50 % en 2006 sur France 2, France 3 et France 5. En 2007, 13 847 heures de programmes au total (soit + 53 % entre 2005 et 2007) ont été sous-titrées :
- 4 814 heures sur France 2 (soit 61 % de la grille hors habillage et publicité) ;
- 5 171 heures sur France 3 (soit 71 % de la grille hors habillage et publicité) ;
- 3 862 heures sur France 5 (diffusion 24h/24, soit 48% de la grille hors habillage et publicité).
L'inscription dans la loi de l'obligation de prévoir dans le COM les engagements en faveur de l'accessibilité aux personnes aveugles ou malvoyantes aura, à n'en point douter, un effet puissant sur la mise en place des mesures nécessaires sur les chaînes publiques.
Améliorer l'accessibilité des personnes aveugles ou malvoyantes à la télévision passe par le renforcement de l'audiodescription. L'audiodescription consiste à insérer, lorsque cela est possible et pertinent, la lecture d'un texte descriptif en vue d'améliorer la compréhension autonome de l'action par un déficient visuel. Cette description sonore s'intercale entre les plages de dialogue du programme et vise à rendre compte d'informations essentielles qui ne peuvent être perçues que par l'ouïe : décors, paysages, costumes, incrustations, génériques et sous-titres, mais aussi actions, mimiques, atmosphères, etc. La description ne pouvant intervenir qu'aux moments de silence du programme, l'utilité et la faisabilité de l'audiodescription sont donc extrêmement variables en fonction du programme. L'audiodescription de la totalité de la grille ne saurait donc constituer un objectif réaliste et pertinent. D'une manière générale, les programmes largement fondés sur la parole (informations, émissions de débats, concerts, etc.) sont suffisamment explicites en eux-mêmes, et ne recèlent de toute façon que peu d'interstices silencieux dans lesquels la description pourrait s'insérer. Le tarif moyen de l'audiodescription varie aujourd'hui, en France, entre 55 et 70 euros/minute (soit entre 5 000 et 6 300 euros pour une fiction de 9 minutes). Pour mémoire et à titre de comparaison, le coût du sous-titrage d'un programme enregistré revient en moyenne à 13,50 euros/minute (soit 1 215 euros pour un 90 minutes). En l'absence de véritable marché de l'audiodescription et donc de pression concurrentielle, les tarifs pratiqués en France sont très sensiblement plus élevés qu'à l'étranger (entre 3 et 8 fois supérieurs à ceux du Royaume-Uni ou du Canada). |
Le 4° de l'article , prenant acte de la mise en place de l'entreprise unique, supprime le huitième alinéa du I de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoyait que le COM de France Télévisions détaillait les engagements de l'ensemble des chaînes.
Vos rapporteurs soulignent qu'il s'agit d'une évolution substantielle qui permettra à France Télévisions de disposer d'une liberté supplémentaire pour mettre en oeuvre ses engagements et d'élaborer une réelle stratégie de groupe, dans le respect des lignes éditoriales de ses antennes. Ils notent à cet égard que le COM pourra toujours prévoir des obligations différenciées en fonction des chaînes, comme le fait le COM de Radio France pour les radios dont le groupe a la responsabilité.
Le 5° de l'article prévoit que le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera destinataire des COM de l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public et qu'il pourra émettre un avis sur ces documents dans un délai de six semaines après leur transmission, comme les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de chaque assemblée.
Le 6° de l'article tend à substituer la référence à la société de l'audiovisuel extérieur à celle de RFI dans le dernier paragraphe du I de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986, qui fixe la liste des organismes de l'audiovisuel public devant transmettre annuellement aux commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et des finances un rapport sur l'exécution de leur COM.
Le 7° de l'article , par coordination avec la mise en place de l'entreprise unique France Télévisions, vise à supprimer le deuxième alinéa du II de l'article 53 du 30 septembre 1986 qui prévoit que les conseils d'administration de France 2, France 3, France 5, de Réseau France Outre-mer et des filiales de service public sont consultés sur le COM de France Télévisions. Le conseil de l'administration de la société continuera, conformément au premier alinéa du II de l'article 53 précité, d'approuver le projet de COM de cette société et de délibérer sur son exécution annuelle.
Le 8° de l'article est une mesure de coordination prévoyant que le conseil d'administration de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (et non plus celui de RFI) sera consulté, approuvera le COM et délibérera sur les projets de COM.
Le 9° de l'article (alinéas 11 à 13), qui modifie le VI de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986, est l'une des principales dispositions de ce texte puisqu'elle tend à supprimer la publicité sur France Télévisions, afin de libérer les chaînes du groupe des contraintes de l'audience et de la publicité. Cette suppression est prévue en deux étapes : la publicité serait limitée entre 20 heures et 6 heures après le 5 janvier 2009 avant de disparaître de France Télévisions à partir de la fin de la diffusion en analogique.
Il doit être rappelé que le premier alinéa du VI de l'article 53 dispose aujourd'hui que la publicité sur les chaînes France 2 et France 3 ne peut être diffusée plus de huit minutes de publicité de l'heure. Est donc fixé un temps maximal mais non pas de durée minimale. C'est la raison pour laquelle le conseil d'administration du groupe a légalement pu, le mardi 16 décembre 2008, décidé à la demande du Gouvernement de supprimer la publicité après 20 heures sur les antennes de France Télévisions.
III - L'examen par l'Assemblée nationale
Outre des amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a souhaité que soient précisés dans les contrats d'objectifs et de moyens :
- les axes d'amélioration de la gestion des sociétés nationales de programmes (SNP) ;
- les montants minima d'investissements de France Télévisions dans la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de recettes de France Télévisions et en valeur absolue ;
- et que les SNP ont un objectif de résultat d'exploitation au moins équilibré.
En outre l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission, visant à rendre obligatoire l'avis du CSA sur le COM et à prévoir que l'avis formulé par le CSA sur les projets de COM seront transmis aux commissions parlementaires compétentes avant qu'elles n'émettent le leur.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté :
- un amendement du groupe socialiste visant à préciser que les campagnes d'intérêt général pourront bien continuer à être diffusées sur France Télévisions ;
- un amendement du Gouvernement supprimant la publicité sur RFO dans les collectivités ultra-marines à condition, d'une part, que la diffusion télévisuelle terrestre analogique soit interrompue sur ces territoires, et, d'autre part, qu'une offre alternative de chaînes terrestres privées diffusées en clair existe, afin que les annonceurs locaux puissent trouver un support publicitaire audiovisuel ;
- un amendement de la commission spéciale prévoyant que le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de la suppression de la publicité avant le 2 juin 2011, qui proposera, le cas échéant, les adaptations nécessaires de la présente loi. Vos rapporteurs estiment que cette disposition est très importante et que cette clause de rendez-vous devra, non pas être seulement formelle, mais faire l'objet d'un réel débat parlementaire sur la pertinence de la mesure décidée ;
- un amendement de la commission spéciale prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport du CSA évaluant l'impact de la suppression de la publicité sur France Télévisions sur les marchés publicitaires audiovisuel et global ;
- enfin, un amendement prévoyant que le montant de la compensation de l'État liée à la suppression de la publicité serait bien attribué à France Télévisions.
IV - La position de votre commission
Vos rapporteurs estiment que les clauses de rendez-vous et les dispositions imposant que les obligations de création soient inscrites dans le COM constituent des apports-clés de l'Assemblée nationale.
Votre commission a adopté un amendement visant :
- à apporter des améliorations rédactionnelles ;
- à supprimer l'avis obligatoire du CSA sur les contrats d'objectifs et de moyens. En effet, il est apparu à la commission qu'elle risquait d'être fortement liée à cet avis du régulateur et qu'il apparaissait politiquement plus clair, si elle l'estimait nécessaire, d'auditionner le CSA avant de donner un avis sur le COM ;
- et à prévoir que le président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France présente sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyen de la société qu'il préside, devant la commission des affaires étrangères de chaque Assemblée :
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
* 75 Article 15 de la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000.
* 76 Rapport de M. Didier Mathus sur le projet de loi.