CHAPITRE III - Des cahiers des charges et autres obligations des sociétés nationales de programme

Le présent chapitre comporte des articles majeurs du projet de loi qui permettront le renforcement du contrôle exercé sur le secteur public audiovisuel grâce à la mise en place de cahiers des charges et de contrats d'objectifs et de moyens plus détaillés pour les sociétés nationales de programme.

Article 15 (article 48 de la loi du 30 septembre 1986) - Cahier des charges des nouvelles sociétés nationales de programme, conditions du parrainage des émissions et de la promotion croisée entre chaînes d'une même société nationale

Le présent article modifie l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986 relatif au cahier des charges des sociétés nationales de programme (SNP), afin de prendre en compte la création de la société unique France Télévisions, de préciser les règles relatives au parrainage des émissions des SNP, et de renvoyer au cahier des charges le soin de définir les conditions dans lesquelles elles peuvent promouvoir leurs programmes.

I - Le droit existant

• Le cahier des charges

L'ensemble des sociétés nationales de programme ont aujourd'hui un cahier des charges, qui précise un certain nombre de leurs obligations et celles de leurs services. Les obligations qui doivent nécessairement être mentionnées sont, selon le premier alinéa de l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986, celles qui sont liées « à leur mission éducative, culturelle et sociale, ainsi qu'aux impératifs de la défense nationale, de la sécurité publique et de la communication gouvernementale en temps de crise ». Le cahier des charges doit aussi contenir des « dispositions pour la promotion de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage ».

Ce cahier des charges est établi par décret, pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

• Les règles relatives au parrainage

Le dernier alinéa de l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les SNP peuvent faire parrainer leurs émissions « qui correspondent à leur mission en matière éducative, culturelle et sociale », dans des conditions déterminées par leurs cahiers des charges. Ces dispositions très larges n'ont en fait pas constitué une limitation et c'est de fait le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié, applicable à l'ensemble des chaînes, qui a trouvé à s'appliquer aux sociétés de l'audiovisuel public.

Ce décret interdit le parrainage pour les émissions d'information politique et les journaux d'information.

• La promotion croisée

Traditionnellement, les cahiers des charges des chaînes publiques comportent des dispositions permettant d'assurer la promotion croisée des antennes du secteur public, y compris entre Radio France et France Télévisions. Ainsi, le cahier des charges de France 2 dispose, en ses articles 5 et 46 que la société « assure la promotion des programmes de France 3, France 4, France 5 et France Ô et diffuse de brèves séquences présentant le programme d'Arte » et qu'elle « diffuse gratuitement et quotidiennement des séquences produites par la société Radio France, à des heures et pour une durée choisies d'un commun accord. ».

Avec la création du groupe France Télévisions et la mise en place d'une programmation harmonisée entre les antennes de ce groupe, les cahiers des charges ont généralisé cette promotion croisée, encore récemment avec la création de France Ô 72 ( * ) , permettant de sensibiliser le téléspectateur sur l'identité du groupe public, mais également de l'informer sur les programmes proposés.

Pour France 2 et France 3, le deuxième alinéa du VI de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit en outre que le conseil d'administration de la société France Télévisions détermine les limitations de durée applicables aux messages destinés à promouvoir les programmes. Cette disposition est reprise au deuxième alinéa de l'article 39 du cahier des charges de France 2 et au deuxième alinéa de l'article 41 du cahier des charges de France 3.

II - Le texte du projet de loi

• Sur le cahier des charges

Afin de concilier la volonté de constituer une entreprise unique et le souhait de préserver une diversité dans la commande et la programmation des émissions, le présent article prévoit que le cahier des charges précisera, pour l'ensemble des services la répartition des responsabilités en matière de programmation, de commande et de production (deuxième alinéa de l'article initial). L'objectif est explicitement affiché dans la loi : il s'agit de faire respecter le pluralisme des courants de pensée et d'opinion, ainsi que la diversité de l'offre de programmes.

La promotion de la protection des sportifs disparaît en outre des obligations contenues dans le cahier des charges.

• Sur le parrainage

Les contraintes spécifiques en matière de parrainage prévues pour les sociétés nationales de programme sont supprimées. Il s'agit, conformément aux propositions de la commission « Copé », de laisser des exceptions à la suppression de la publicité, notamment s'agissant des services de médias audiovisuels. Selon les informations communiquées à vos rapporteurs, France Télévisions évalue ses recettes de parrainage à 85 millions d'euros par an à partir de 2009.

• Sur la promotion croisée

Le présent article prévoit que les cahiers des charges précisent les conditions dans lesquelles les sociétés nationales de programme assurent la promotion de leurs programmes respectifs.

III - L'examen par l'Assemblée nationale

• Sur le cahier des charges

L'Assemblée nationale a tout d'abord élargi le champ des obligations contenues dans le cahier des charges à celles liées à la lutte contre les discriminations par le biais d'une programmation reflétant la diversité de la société française, et rétabli l'obligation de préciser dans le cahier des charges les moyens de promouvoir la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur de la commission spéciale prévoyant que tout nouveau cahier des charges doit être transmis aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui pourront formuler un avis sur ce cahier dans un délai de six semaines. Le rapport annuel du CSA sur l'exécution du cahier des charges, prévu à l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986, devra être transmis à ces mêmes commissions, ce qui leur permettra d'éclairer leur avis sur les nouveaux cahiers des charges.

• Sur le parrainage

Afin de renforcer le pluralisme des sources d'information et l'indépendance éditoriale de chaînes qui, selon M. Christian Kert, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, « auraient pu être tentées de valoriser indûment, au sein d'émissions qui se doivent d'être déontologiquement irréprochables, l'image ou les activités d'annonceurs contribuant, à travers le parrainage, au financement de ces émissions », l'Assemblée nationale a interdit aux SNP de parrainer les émissions d'information, les journaux télévisés et les émissions de débats politiques ou d'actualité.

• Sur la promotion croisée

L'Assemblée nationale a enfin prévu que les services des sociétés nationales de programme pourraient également faire de la promotion des programmes de leurs différents services et inversement.

IV - La position de votre commission : renforcer la mission de France Télévisions

• Sur le parrainage

Vos rapporteurs partagent le souhait du rapporteur de l'Assemblée nationale de limiter les possibilités d'utiliser le parrainage. Ils constatent cependant que les critères utilisés sont extrêmement stricts et qu'ils ont pour conséquence d'interdire le parrainage d'émissions d'information sportives, telles que Stade 2 , ou de débats, comme Ce soir ou jamais sur France Télévisions, ou encore pour nombreuses chroniques d'information sur Radio France, notamment routière, météo, pratiques, financières ou sportives, soit l'essentiel des chroniques parrainées sur les antennes de Radio France.

Les conséquences financières pourraient être importantes avec des pertes estimées à 9 millions d'euros sur France Télévisions, et plusieurs millions d'euros sur Radio France.

C'est la raison pour laquelle, votre commission a adopté un amendement de compromis entre le droit actuel et le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui lui paraît plus équilibré, interdisant le parrainage pour les émissions d'information et de débats politiques, et les journaux télévisés.

• Sur le cahier des charges

Vos rapporteurs ont souhaité que la mise en place de l'entreprise unique et la réforme de l'audiovisuel publicitaire s'accompagnent de nouveaux services permettant de donner une image forte du nouveau service public audiovisuel et de ce que les Français peuvent en attendre .

Votre commission a tout d'abord souhaité renforcer la mission pédagogique de France Télévisions en insérant dans le cahier des charges de France Télévisions une obligation de prévoir les conditions dans lesquelles le groupe met en oeuvre sa mission de promotion de l'apprentissage des langues étrangères , dans des programmes spécifiques et à travers les oeuvres de fiction qu'il diffuse. Vos rapporteurs seront ainsi attentifs à ce que le cahier des charges lui impose de diffuser les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles étrangères, en version originale sous-titrée. Notons que la télévision numérique terrestre permettra de rendre cette diffusion facultative pour le téléspectateur qui pourra toujours visionner le programme en français. Au vu du temps quotidien passé devant la télévision, cette disposition leur paraît extrêmement intéressante pour améliorer, par infusion lente et progressive, la maîtrise des langues étrangères par les Français.

Votre commission a également estimé nécessaire de rendre obligatoire la diffusion gratuite par France Télévisions de ses programmes sous la forme d'une télévision de rattrapage, sept jours après leur première diffusion à l'antenne. Il est en effet capital que des programmes financés par la redevance puissent être consultés gratuitement peu de temps après leur diffusion. Par ailleurs, cette disposition permettra au groupe de rajeunir son audience, le public de la télévision de rattrapage étant essentiellement constitué de jeunes. Votre commission a souhaité laisser du temps au groupe pour adapter les contrats passés avec les producteurs et ne pas remettre en cause le contrat d'exclusivité passé avec Orange en proposant une entrée en vigueur différée de cette mesure en 2012.

Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

* 72 Décret n° 2006-645 du 1 er juin 2006.

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