II. QUELLES PERSPECTIVES À MOYEN TERME POUR LES FINANCES PUBLIQUES ?
Ces questions ont déjà été développées par votre commission des finances dans son rapport sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 8 ( * ) . Mais l'approfondissement de la crise et l'adoption d'un plan de relance change la donne et la conduit à réajuster ses analyses.
A. QUEL IMPACT ÉCONOMIQUE POUR LE PLAN DE RELANCE ?
1. Les plans de relance : de la théorie à la pratique
a) Un instrument essentiel de la politique économique
(1) Le multiplicateur keynésien : quelques rappels
L'idée de pratiquer une relance « keynésienne » pourrait a priori sembler inadaptée, si on pense aux échecs constatés en France par le passé (comme en 1975 et en 1981). Il faut, cependant, prendre en compte le fait que la relance actuellement envisagée se distingue des échecs précédents par son caractère simultané dans les principaux de la zone euro.
Schématiquement, d'un point de vue macroéconomique, la situation est la suivante.
L'efficacité d'une relance budgétaire est mesurée par le « multiplicateur keynésien », défini comme l'impact sur le PIB d'une augmentation ex ante (avant prise en compte du supplément de recettes permis par la croissance) du déficit d'1 euro. Par exemple, si le multiplicateur est de 1,5, cela signifie qu'une augmentation du déficit d'1 euro augmente le PIB de 1,5 euro.
Le multiplicateur keynésien dépend de deux facteurs :
- le caractère coordonné ou non de la relance : selon les estimations usuelles, pour un montant donné en points de PIB, une relance est deux fois plus efficace, pour la France, si elle est réalisée au niveau de l'ensemble de l'Union européenne que si elle est réalisée seulement en France. Cela vient du fait que, si l'économie française a un taux d'ouverture 9 ( * ) de l'ordre de 30 %, celui de l'Union européenne est de l'ordre de seulement 10 %, comme celui des Etats-Unis et du Japon : une relance française isolée se « dilue » dans l'ensemble de l'Union européenne, et bénéficie pour moitié à ses partenaires ;
- la manière dont on augmente le déficit public : là encore, selon les estimations usuelles, il est deux fois plus efficace d'augmenter les dépenses (en particulier l'investissement ou les transferts en faveur des personnes à faibles revenus) que de réduire les recettes fiscales (ce qui vient de la propension des agents à épargner).
Toujours selon les estimations usuelles, pour une relance française isolée, le multiplicateur keynésien se situe autour de 1 pour les augmentations de dépenses , et est de l'ordre de 0,5 pour les allégements fiscaux . Ces estimations dépendent cependant fortement de la méthodologie retenue, et des estimations nettement plus faibles sont possibles, en particulier en ce qui concerne l'impact des allégements fiscaux, qui selon certaines études serait nul, avec peut-être une exception dans le cas des allégements de cotisations sociales salariales 10 ( * ) .
Pour une relance au niveau de l'ensemble de l'Union européenne, on estime que le multiplicateur keynésien est environ deux fois plus élevé que pour une relance purement française.
(2) Un « scénario idéal » : une relance coordonnée, reposant sur des mesures au multiplicateur keynésien élevé
Dans ces conditions, il est possible d'élaborer un « scénario idéal » : celui d'une relance coordonnée, reposant sur des mesures au multiplicateur keynésien élevé.
Tel est ce que font, par exemple, MM. Olivier Blanchard et Jean-Paul Fitoussi, dans un rapport 11 ( * ) du Conseil d'analyse économique de 1998. S'appuyant sur des simulations réalisées à l'aide du modèle MIMOSA du CEPII et de l'OFCE, ces auteurs préconisaient alors une relance coordonnée au niveau européen, consistant en un allégement progressif des cotisations sociales salariés, pour un montant d'1 point de PIB les deux premières années, augmentant progressivement les années suivantes jusqu'à 3 points de PIB. Retenant l'hypothèse d'un multiplicateur keynésien supérieur à 2 pour ce type de mesure au niveau de l'Union européenne, ils arrivaient à la conclusion que le PIB s'en trouverait accru de près de 8 points.
Ce « scénario idéal » suggérait même que l'impact du plan de relance sur le déficit public serait nul à court terme une fois son impact économique pris en compte. Ainsi, le point de PIB de déficit supplémentaire ex ante des deux premières années augmentant le PIB de 2 points, comme les recettes publiques sont à peu près égales à la moitié du PIB cela correspondait, en supposant une élasticité des recettes publiques au PIB égale à 1, à un supplément de recettes égal à 1 point de PIB.
* 8 Rapport n° 78 (2008-2009).
* 9 Le taux d'ouverture est la moyenne des exportations et des importations, exprimée en part du PIB.
* 10 Olivier Biau, Elie Girard, « Politique budgétaire et dynamique économique en France : l'approche var structurel », Economie et prévision, 2005.
* 11 Olivier Blanchard et Jean-Paul Fitoussi, « Croissance et chômage », rapport du Conseil d'analyse économique, 1998.