N° 23

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 octobre 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l' économie , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1156 , 1158 et T.A. 192

Sénat :

22 (2008-2009)

INTRODUCTION

A situation extraordinaire, procédures et remèdes extraordinaires. La brusque accélération de la crise financière née en août 2007 du dysfonctionnement du marché des créances hypothécaires dites « subprimes » aux Etats-Unis a nécessité une réaction d'envergure de la part des Etats.

Le risque d'implosion de la « planète finances » a conduit les autorités publiques, gouvernements et banques centrales, à assumer pleinement, dès l'origine, mais plus encore ces dernières semaines, leurs responsabilités de garants en dernier ressort de la stabilité des marchés. On l'a dit et redit, la crise marque le retour de l'Etat et la fin de la « dictature des marchés », même s'il n'est question que de mieux faire fonctionner le capitalisme.

Certes, depuis le mois de septembre 2008, tous les pare-feux mis en place par les autorités américaines puis européennes avaient été emportés par l'incendie financier. Il fallait réagir et non pas simplement subir. C'est ce qu'a fait le Président de la République en sa qualité de président en exercice de l'Union européenne.

Un degré exceptionnel de coordination internationale

Le présent projet de loi de finances rectificative a pour objet de tirer les conséquences au niveau national des décisions prises sur le plan européen le 12 octobre dernier 1 ( * ) . Il y a là une obligation juridique résultant de la loi organique du 1 er aout 2001 relative aux lois de finances (LOLF), dès lors que le pouvoir exécutif est amené à prévoir des garanties, mais qui prend une portée politique , en ce qu'elle permet au Parlement, en exerçant pleinement ses prérogatives constitutionnelles, d'être partie prenante au sauvetage du système financier mondial.

La « préparation d'artillerie » diplomatique fut intense : réunion du G 4 avant celle du G 7 à Washington, étroite coopération avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, réunion, enfin, des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro, le week-end dernier.

Il est éminemment symbolique de voir que les mesures, qui semblent aujourd'hui bien accueillies par les marchés et de nature à enrayer l'engrenage de la défiance, aient été décidées dans le cadre de la zone euro , consacrant ainsi le rôle éminent de la monnaie unique dans l'économie mondiale .

Un plan décliné en deux volets étroitement complémentaires : liquidité et solvabilité

Sur le fond, une des caractéristiques majeures de ce plan est qu'il s'efforce de traiter conjointement les problèmes de liquidité et de solvabilité.

Sur le plan de la liquidité, il concrétise le rôle de garant en dernier ressort que joue l'Etat sur le marché interbancaire. Une des manifestations les plus inquiétantes de la crise est, en effet, la répugnance des banques à se prêter entre elles et les difficultés qu'elles éprouvent à se refinancer. Au moment où l'on craint la propagation de la crise de la sphère financière à l'économie réelle par l'effet de ce qu'il est convenu d'appeler le « crédit crunch », il est paradoxal de voir les banques ayant des besoins de liquidités se tourner vers la Banque centrale européenne (BCE) pour y faire face, tandis que celles disposant d'excédents les déposent sous forme de réserve rémunérée auprès de la même BCE. Il convient, cependant, de préciser que le problème est moins aigu pour le marché monétaire au jour le jour ou à l'horizon de quelques semaines, que pour les financements relevant du marché obligataire qui, lui, reste très largement bloqué.

Des modalités techniques encore à préciser

Le présent projet de loi de finances rectificative tend à organiser, sous l'égide de l'Etat, une caisse de refinancement de nature sinon à relancer le crédit interbancaire, du moins à s'y substituer pour un temps limité, permettant aux établissements de crédit, de financer les prêts aux agents économiques qui en ont besoin et notamment aux entreprises.

Sur le plan de la solvabilité, le présent projet loi de finances rectificative fait apparaître une société publique ayant vocation à prendre des participations dans les banques et organismes financiers de façon à permettre, si besoin est, aux banques de respecter les ratios de solvabilité, tels qu'ils résultent des règles internationales actuellement applicables.

Les sommes en jeu sont d'une importance sans précédent. Pour ces deux types d'activité, l'Etat va être autorisé par le Parlement, conformément à l'article 34 de la LOLF à garantir jusqu'à 360 milliards d'euros. Cela représente 19 points de PIB et plus de sept fois le déficit budgétaire prévu pour 2008 et 2009.

Il y a là un changement d'échelle en matière d'engagements des administrations publiques , tout à fait inédit. Il doit cependant être mis en perspective en raison de la nature des opérations concernées.

Il doit être clair qu' il ne s'agit pas d'opérations budgétaires mais d'opérations en capital ou en trésorerie. Celles-ci n'ont pas vocation à peser durablement sur la dette publique et ce d'autant moins que, juridiquement, c'est la société de refinancement et non l'Etat qui porte les crédits. Il s'agit pour l'essentiel d' engagements extérieurs aux administrations publiques , au surplus temporaires , qui ne devraient pas a priori avoir en eux-mêmes d'impact en termes de déficit et de dette maastrichtiens. En outre, les conséquences d'une telle augmentation des engagements de l'Etat seraient, dans l'hypothèse où ils seraient pris en compte pour le calcul de la dette au sens de l'Union européenne, à apprécier de façon relative au regard de la situation de tous les pays mettant en oeuvre un plan de même nature.

Les prises de participation qui seraient éventuellement décidées - mais rien n'indique que le système bancaire français en ait vraiment besoin compte tenu de sa relative moindre exposition aux créances douteuses - ont vocation à être, ultérieurement , remises sur le marché . Symétriquement, les opérations de la société de refinancement ne seront pas faites à fonds perdus. La garantie de l'Etat apportée à la société sera rémunérée , tandis que les concours de celle-ci aux banques qui lui apporteraient des effets en gage, seront effectués aux conditions du marché. Le système ainsi mis sur pied à l'initiative de l'Etat, tend à sécuriser l'accès des banques aux liquidités dont elles ont besoin, sinon à moyen terme du moins à plus long terme que ne le fait la BCE . Il s'agit, par la création d'un organe ad hoc procédant à des opérations qu'en d'autres temps on aurait qualifiées de transformation, de garantir la liquidité bancaire et non d'une structure de défaisance par laquelle l'Etat prendrait durablement en charge des actifs douteux.

Votre commission des finances souligne que le recours à une caisse de refinancement, qui peut apparaître une solution plus rigide qu'une garantie pure et simple aux opérations interbancaires, a le mérite de mieux préserver les intérêts du contribuable en offrant des gages réels à la garantie accordée par l'Etat. Dans le cadre des contacts préalables au dépôt du projet de loi et à sa discussion à l'Assemblée nationale, votre rapporteur général a d'ailleurs insisté pour qu'un certain nombre de règles de gouvernance soient respectées.

Dans les deux cas, qu'il s'agisse de refinancement ou de prise de participations, l'Etat aura un rôle directeur . En ce qui concerne la société de prise de participations, il va de soi que l'Etat en est le seul actionnaire ; s'agissant de la caisse de refinancement, ce qui compte c'est moins le fait que l'Etat soit ou non majoritaire dans le capital de la société mais qu'il puisse faire prévaloir son point de vue en raison de dispositions statutaires. Celles-ci peuvent être de nature variée : détention d'une minorité de blocage ou d'actions assorties de droits de vote privilégiés, présence d'un commissaire du gouvernement, etc.

Il est important, selon votre rapporteur général, de prévoir la présence, au sein de l'organe d'administration ou de surveillance de la société, de représentants du Parlement. Ceux-ci doivent avoir, indépendamment des pouvoirs reconnus en application de l'article 57 de la LOLF aux membres de la commissions des finances, un droit de regard, au sens propre, sur le fonctionnement de la caisse de refinancement et notamment sur le respect de principes de gestion traduisant des considérations d'intérêt général, que doivent appliquer les banques éligibles. Au titre de celles-ci, on peut mentionner le respect d'obligations diverses, notamment en matière de transparence et, plus spécifiquement, de rémunérations, ainsi que de la traçabilité des fonds collectés, qui doivent bénéficier in fine aux agents non financiers. L'intervention de l'Etat a des contreparties et en particulier l'éradication de certains comportements individuels qui ont démontré leurs effets pervers sur le plan systémique tout comme leur caractère inacceptable aux yeux de l'opinion publique.

Il doit être bien clair, de ce point de vue, que les mesures gouvernementales , qui prennent place dans ce qui peut être considéré comme un plan de sauvetage, ne tendent pas à « sauver les banquiers » mais à préserver un système financier essentiel au bon fonctionnement de la « machine économique » . Il ne s'agit pas de venir au secours d'agents économiques ayant eu des comportements discutables, et auxquels il serait juste de faire supporter les conséquences de leurs actes, mais, au contraire, de profiter d'une intervention nécessaire pour introduire davantage de rigueur, notamment en matière de rémunération et d'association au capital des dirigeants.

Des chantiers à ouvrir pour la refondation du système financier international

Le plan dont il est donc proposé d'approuver ici la déclinaison nationale semble donc être bien accueilli. Il est la condition nécessaire mais pas suffisante de la refondation du système financier international . Celle-ci suppose d'autres actions structurelles, en particulier, en matière de normes comptables, de ratios de solvabilité et de régulation des opérations sur les marchés à terme ou de produits dérivés. Tels sont les chantiers que la présidence française a initiés et qui devront être poursuivis au cours des prochaines semaines, concrétisant le retour de l'Europe et de ses valeurs sur la scène économique internationale.

Nul doute que l'initiative du Président du Sénat de proposer la constitution d'une mission d'études et de propositions commune aux deux assemblées, devrait permettre de mieux associer le Parlement français à cette refondation nécessaire du système financier international.

I. UNE CRISE FINANCIÈRE DEVENUE SYSTÉMIQUE

A. LA MUTATION D'UNE CRISE IMMOBILIÈRE EN UNE INÉDITE CRISE DU FINANCEMENT

1. Le retournement du cycle immobilier américain

La crise actuelle trouve sa source dans le retournement du marché immobilier aux Etats-Unis dès la fin 2006 et s'est confirmée durant le premier semestre 2007. Ce qui n'était, au départ, qu'une crise immobilière s'est alors d'abord mué en crise de liquidité et de solvabilité bancaire puis en crise boursière et en crise globale du système de financement, avec des ramifications profondes dans l'économie réelle par le canal de la raréfaction du crédit.

Après une période de forte expansion du crédit facilitée par une politique monétaire accommodante, la crise est née de la chute des prix immobiliers aux Etats-Unis et de la croissance du taux de défaut sur les crédits hypothécaires, particulièrement les crédits à risque dits « subprimes ». Il en est résulté la faillite ou quasi-faillite d'établissements spécialisés tels que la News Century Financial Corporation le 2 avril 2007. Certaines banques s'en sont rapidement trouvées fragilisées, de manière directe ou indirecte, notamment du fait du développement exponentiel de la titrisation et des dérivés de crédit 2 ( * ) depuis le début de la décennie.

Les crédits « subprimes » et la titrisation

1 - Les crédits subprimes

Les prêts subprimes , crédits hypothécaires à taux variable octroyés à des ménages peu solvables, ont connu une forte diffusion à partir de 2002. Celle-ci avait été initialement encouragée par les pouvoirs publics américains, via les sociétés de refinancement Fannie Mae et Freddie Mac, pour faciliter l'accession au logement des minorités. 2,5 millions de ménages américains modestes ont ainsi massivement souscrit de 2002 à 2006 (pour un montant de 640 milliards de dollars ) des crédits immobiliers hypothécaires garantis par la hausse escomptée de la valeur du logement.

L'attractivité des prêts était renforcée par des taux faibles d'appel teaser rates ») lors des 2 ou 3 premières annuités (prêts dits « 2/28 »), compensés par des taux ultérieurs variables et élevés, de 6 à 12 %.

2 - La titrisation de créances et le modèle « origination-distribution »

La titrisation ( securitisation en anglais) est une pratique de marché qui a connu une très forte expansion entre 2001 et 2007, par laquelle un créancier cède des créances d'origine diverse à une entité ad hoc (déconsolidante sur le plan comptable), qui en finance l'acquisition sous une forme structurée par l'émission de titres négociables sur un marché financier. La titrisation permet donc de rendre liquide un portefeuille de créances originellement illiquides .

Les véhicules structurés, en particulier les SIV ( Structured investment vehicles ), sont composés de diverses tranches de créances (dont des subprimes ) plus ou moins risquées et émettent des titres représentatifs (ABS - Asset backed securities ), souscrits par des OPCVM monétaires dynamiques, des hedge funds et d'autres banques. A l'occasion des différentes tranches d'émission, le véhicule fait l'objet d'une notation par une agence type Standard & Poor's ou Moody's, le « panachage » des créances permettant d'obtenir une note élevée, le cas échéant améliorée par la technique de rehaussement de crédit.

A l'origine, cette technique a été mise en oeuvre pour refinancer des crédits hypothécaires, des créances bancaires à court terme (encours de carte bancaire ou de crédits à la consommation), puis des créances commerciales appartenant à des entités non bancaires. De nombreuses opérations ont ensuite reposé sur la « titrisation synthétique », c'est-à-dire le transfert des seuls risques de crédit (en particulier via des produits dérivés) sans que, pour autant, soient transférés les actifs susceptibles de générer ces risques.

Aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Europe, l'essor de la titrisation a conduit les banques d'investissement à mettre en oeuvre un nouveau modèle économique couramment dénommé « origination et distribution » du crédit (« originate to distribute »). Ce modèle a facilité pendant cinq ans un refinancement à faible coût et une externalisation des risques de crédit de nature à améliorer la présentation des bilans des banques.

2. La contagion à l'ensemble du secteur financier

La dégradation tardive des notations des véhicules de titrisation, la défaillance de certains hedge funds et fonds monétaires durant l'été 2007, et l'incertitude générale sur l'exposition réelle des banques au marché hypothécaire et aux dérivés de crédit ont amorcé une réaction en chaîne et une crise de liquidité sur le marché interbancaire , alimentée par une défiance croissante sur la solidité du bilan des banques.

Du fait des nouvelles normes de comptabilisation en valeur de marché, les établissements bancaires ont été confrontés à la nécessité de provisionner d'importantes pertes latentes sur des actifs dépréciés et de faire appel aux marchés financiers pour se recapitaliser et respecter les normes de solvabilité imposées par le Comité de Bâle (cf. encadré infra ). De très nombreuses augmentations de capital ont ainsi été réalisées entre septembre 2007 et juin 2008, pour un montant global d'environ 300 milliards de dollars.

L'impact de la crise du crédit hypothécaire sur le bilan des banques s'est propagé avec la défiance. Le montant global des dépréciations liées aux subprimes atteignait ainsi en septembre 2008 près de 590 milliards de dollars pour un marché de prêts subprimes de 1.300 milliards de dollars. Si les pertes des banques françaises étaient, fin septembre 2008, « limitées » à une vingtaine de milliards d'euros, compte tenu de leur stratégie plus prudente en matière de titrisation, celles des banques européennes culminaient à plus de 150 milliards d'euros.

3. Un dévoiement des bilans bancaires qui menace le financement de l'économie

Les causes de la crise sont dès lors apparues profondes et structurelles. Il ne s'agissait plus uniquement d'une crise des subprimes , ni même d'une crise de la titrisation, mais bien d'une crise du bilan des établissements financiers, avec plusieurs ingrédients délétères : un endettement intérieur croissant, un gonflement des bilans pour accroître le rendement des fonds propres, une explosion du hors-bilan pour donner l'illusion de la maîtrise du risques, et un intéressement disproportionné des dirigeants et opérateurs à la performance.

La solvabilité des banques

1. L'obligation de disposer de fonds propres positifs

Les banques sont soumises, comme toute entreprise, à l'obligation de disposer de fonds propres positifs. Des pertes financières importantes peuvent donc les rendre insolvables.

Supposons par exemple qu'une banque dispose, avant la crise, d'un actif constitué d'actifs financiers égal à 100, et d'un passif hors fonds propres constitué de dépôts pour un montant 80. Les fonds propres nécessaires pour équilibrer le bilan sont donc égaux à 100-80=20.

L'insolvabilité apparaît si l'actif de la banque diminue suffisamment pour rendre ses fonds propres négatifs, c'est-à-dire, dans notre exemple simplifié, si les actifs financiers deviennent inférieurs à 80.

Actuellement, une proportion importante des actifs soit, sont nettement en-dessous de leur valeur de long terme (s'agissant des placements dans des sociétés cotées), soit ne peuvent plus être valorisés par le marché faute de transactions (cas des véhicules structurés et de titrisation). Il peut en résulter un problème de solvabilité , les banques étant tenues par les normes comptables internationales de respecter la règle dite du « mark to market », c'est-à-dire d'évaluer leurs actifs selon les prix du marché.

2. L'obligation de respecter des règles prudentielles strictes

Outre l'obligation de disposer de fonds propres positifs, les banques de dépôts doivent également respecter certaines règles prudentielles liées à leur rôle central dans l'économie :

- les accords de Bâle I (1988) ont mis en place le ratio Cooke, selon lequel les fonds propres ne pouvaient être inférieurs à 8 % de l'encours pondéré des crédits (avec des fonds propres de 1, on pouvait ainsi prêter 12,5) ;

- les accords de Bâle II , formalisés le 26 juin 2004 et transposés en Europe par deux directives du 14 juin 2006, ont mis en place le ratio McDonough actuellement en vigueur, selon lequel les fonds propres ne peuvent être inférieurs à 8 % de la somme pondérée des différents types de risques.

Les banques appliquent également un ratio dit « Tier One » , indicateur largement utilisé par les régulateurs afin de mesurer le degré de capitalisation des institutions financières. Défini par les accords de Bâle I sans avoir été substantiellement modifiée par Bâle II, il désigne les fonds propres « de base », soit la partie jugée la plus solide de leurs capitaux propres, et rassemble essentiellement :

- au numérateur, le capital social, les résultats mis en réserve et les intérêts minoritaires dans les filiales consolidées, moins les actions auto détenues et l'éventuel goodwill (valorisation de l'écart d'acquisition) ;

- au dénominateur, le total des actifs ajustés du risque.

Le minimum requis selon les accords de Bâle I est de 4 % mais dans la pratique, la plupart des banques visent au moins 7 %.

La dépréciation des actifs des banques a donc pour conséquence de réduire leur possibilité de prêt , et peut leur poser un problème de solvabilité si le ratio devient inférieur à 8 %.

3. La réaction des pouvoirs publics

Face à de tels problèmes de solvabilité, les pouvoirs publics peuvent réagir de deux manières. Ils peuvent tout d'abord racheter les actifs à risque à un prix qu'ils déterminent . Le risque est alors de les acheter à une valeur inférieure ou supérieure à ce qui, dans des circonstances normales, constituerait son prix de marché. Dans le premier cas, le problème de solvabilité peut ne pas être résolu ; dans le second cas, l'Etat augmente de fait le capital de la banque, sans disposer d'aucun des droits de l'actionnaire, ni avoir de possibilité de « récupérer » ses fonds quand la situation s'améliore. C'est le principe du « plan Paulson » (cf. infra ).

L'Etat peut également contribuer à une recapitalisation des banques en devenant directement actionnaire, avec les avantages qui en découlent et la possibilité de revendre les actions une fois que la situation s'améliore. Ce cas de figure est privilégié par les pays européens.

Sans revenir en détails sur la chronique des difficultés des établissements financiers, on peut rappeler qu'une première prise de conscience de la gravité de l'impact sur le secteur bancaire est née à l'occasion des défaillances des banques Northern Rock et Bear Sterns . La première, spécialisée dans le crédit immobilier hypothécaire, a été de facto nationalisée par le gouvernement britannique le 18 février 2008, et la seconde, une des cinq plus grandes banques d'investissement américaines, a été rachetée par J.P. Morgan Chase le 16 mars 2008 avec le soutien de la Fed.

Les principales banques centrales sont intervenues sur le marché interbancaire dès l'été 2007, par des initiatives concertées ou individuelles. Elles ont ainsi massivement injecté des liquidités sous forme de prêts à très court terme aux banques, et ont graduellement atténué leurs exigences sur la qualité des actifs détenus par ces dernières qu'elles acceptaient en garantie (on parle de « collatéral ») de leurs interventions. La Fed a ainsi inclus dans le périmètre des actifs éligibles des actions d'entreprises cotées.

* 1 Pour autant il s'agit d'une loi de finances rectificative qui en comporte tous les attributs formels et, en particulier, un article d'équilibre, qui se contente de traduire juridiquement l'équilibre prévisionnel pour 2008 associé au projet de loi de finances pour 2009.

* 2 Le marché américain emblématique des dérivés de crédit non régulés, les credit default swaps , représentait ainsi avant la crise un montant cumulé de 62.000 milliards de dollars, soit une sphère virtuelle d'ampleur comparable au montant des dépôts bancaires mondiaux.

Page mise à jour le

Partager cette page