II. UNE RUPTURE DANS LA POLITIQUE DE GESTION DU SPECTRE RADIOÉLECTRIQUE

A. LA NÉCESSITÉ D'OPTIMISER L'UTILISATION DU SPECTRE RADIOÉLECTRIQUE

Selon la Commission européenne, les services fondés sur le spectre radioélectrique représentent 250 milliards d'euros pour l'économie de l'Union européenne et continuent à se développer, notamment du fait de l'exigence croissante de mobilité, alors même que le spectre est une ressource limitée donc rare. Son affectation doit donc se faire selon des modalités permettant son optimisation. Or, la Commission juge les systèmes actuels d'attribution de fréquences décourageants pour l'innovation, du fait de leur rigidité.

Elle préconise donc de rompre avec le modèle actuel qu'elle qualifie d'« administratif » , fondé sur la technologie et le service, ce qui augmente les coûts, limite le nombre d'autorisations d'utilisation des fréquences et ralentit l'introduction de nouvelles technologies. Ce changement est particulièrement crucial dans le contexte actuel du prochain passage de la télévision analogique au numérique qui va libérer, dans la partie la plus précieuse du spectre, de nombreuses fréquences constituant le « dividende numérique ».

Les fréquences radioélectriques appartenant au domaine public national relèvent de la compétence de chaque Etat membre de l'Union européenne. Il était donc impensable de centraliser la gestion du spectre à l'échelle européenne, pour des raisons juridiques mais aussi, et surtout, politiques.

Toutefois, la Commission suggère de fixer des principes communs pour la gestion du spectre en Europe. Elle envisage aussi de confier à l'Autorité européenne un rôle dans cette gestion.

B. QUAND LA RÈGLE DEVIENT L'EXCEPTION : RÉVOLUTION DANS LES PRINCIPES DE GESTION DES FRÉQUENCES

Dans le but affiché de prendre en compte les besoins économiques avec plus de souplesse et d'améliorer l'efficacité et l'accessibilité de l'utilisation du spectre radioélectrique, les principes de neutralité technologique et à l'égard des services sont posés par le texte E-3701 qui modifie l'article 9 de la directive-cadre.

Le principe de neutralité technologique est rendu contraignant par le point 3 de l'article 9 : il impose que « les Etats membres veillent à ce que tous les types de réseau de radiocommunications ou de technologie sans fil puissent être utilisés dans les bandes de fréquences ouvertes aux services de communications électroniques », sauf si cela contrarie l'objectif d'harmonisation de l'utilisation et de la gestion des radiofréquences dans la Communauté. Ceci signifie, par exemple, que tout opérateur de télécommunications détenant un droit d'usage d'une bande de fréquence peut y déployer n'importe quelle technologie sans fil (UMTS, Wimax, Wifi...). Entendu ainsi, ce principe de neutralité technologique existe déjà en toile de fond du cadre réglementaire en vigueur (à l'article 8 de la directive-cadre), pour les réseaux filaires aussi bien que sans fil.

Toutefois, le texte proposé par la Commission tend non seulement à autoriser l'usage d'une fréquence par n'importe quelle technologie sans fil, mais aussi par n'importe quel type de réseau de radiocommunications. Ce deuxième volet de la neutralité technologique conduirait donc à mélanger dans une même bande de fréquences tous les types de réseaux possibles : réseaux mobiles, réseaux par satellite, réseaux de radiodiffusion ...

Une autre nouveauté réside dans le principe de neutralité à l'égard des services qui concerne les réseaux et services de communication sans fil et se trouve posé par le point 4 de l'article 9, assorti de possibles dérogations, dans des cas limités : « les Etats membres veillent à ce que tous les types de service de communications électroniques puissent être fournis dans les bandes de fréquences ouvertes aux communications électroniques, mais peuvent prévoir des restrictions proportionnées et non discriminatoires aux types de service de communications électroniques à fournir. » De telles restrictions imposant de fournir un service dans une bande de fréquences spécifique peuvent se fonder sur un motif d'intérêt général : sécurité de la vie humaine, promotion de la cohésion sociale, régionale ou territoriale, efficacité d'utilisation des radiofréquences ou promotion de la diversité culturelle et linguistique et pluralisme des médias.

Les projets de textes soumis par la Commission envisagent d'appliquer ces principes aux fréquences déjà assignées à la date d'entrée en vigueur de la directive à compter du 1er janvier 2015 .

Par ailleurs, il est prévu la possibilité d'imposer, dans des bandes définies au niveau communautaire, le principe d'un marché secondaire des radiofréquences.

En outre, la proposition de directive E-3701, en son article 3, propose de modifier l'article 5 de la directive « autorisation » afin de renverser le principe actuel, qui consiste à octroyer des autorisations individuelles pour l'usage des fréquences : désormais, le principe serait d'accorder des autorisations générales, la licence individuelle devenant l'exception et devant se justifier par la nécessité d'éviter un « risque sérieux d'interférence nuisible » ou d'atteindre d'autres objectifs d'intérêt général. Notamment, il est envisagé qu'un Etat membre puisse établir que l'octroi d'autorisations individuelles d'usage de fréquences à des fournisseurs de services audiovisuels est essentiel pour respecter une obligation nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général.

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