EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER -
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE PÉNAL
Article premier (art. 211-2 nouveau du code pénal) - Incrimination de l'incitation publique et directe à commettre un génocide
Le présent article tend à insérer un nouvel article dans le code pénal afin d'incriminer la « provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un génocide ». Il transpose dans notre droit l'article 25, paragraphe 3, e de la convention de Rome qui prévoit la responsabilité pénale d'une personne qui incite « directement publiquement » à commettre ce crime.
Cette incrimination est reconnue dans l'ordre juridique international depuis le procès de Nuremberg 20 ( * ) . Inscrite par la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide parmi les actes criminels au même titre que le génocide, la tentative de génocide du 9 décembre 1948, la complicité et l'entente en vue de commettre un génocide, elle a été reprise dans les statuts des deux tribunaux pénaux internationaux 21 ( * ) .
En l'état, notre droit pénal ne comporte pas une incrimination spécifique de l'incitation directe et publique au crime de génocide. De tels faits peuvent cependant être poursuivis à deux titres. D'une part, l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse prévoit que toute personne ayant provoqué directement, par voie de presse ou tout autre moyen de publication, un crime ou un délit, si cette provocation est suivie d'effet , sera considérée comme complice et donc passible des mêmes peines que l'auteur. D'autre part, l'article 24 de la même loi punit de cinq ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende lorsqu'elle n'est pas suivie d'effet , la provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique ainsi que l'apologie des crimes contre l'humanité. Dans les deux cas, les textes exigent que la provocation soit publique et directe .
Bien qu'il ne semble donc pas qu'il y ait un vide juridique sur ce point, il est toutefois apparu préférable de viser spécifiquement, comme le prévoit la convention de Rome, l'incrimination directe et publique à commettre un génocide. Le projet de loi a entendu cependant différencier les peines comme tel est le cas aujourd'hui dans la loi du 29 juillet 1881 selon que la provocation a été ou non suivie d'effet. Dans le premier cas, la provocation constituerait un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité, dans le second cas, elle serait un délit passible de sept ans d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende.
Si l'introduction d'une infraction spécifique de provocation au génocide ne modifie pas le niveau actuel de peine s'il s'agit d'un crime (puisqu'actuellement la provocation suivie d'effet s'assimile à la complicité de génocide passible de la réclusion criminelle à perpétuité), elle se traduit en revanche par un relèvement de la peine encourue s'il s'agit d'un délit (sept ans d'emprisonnement contre cinq ans actuellement et 100.000 euros d'amende contre 45.000 euros).
Sans doute la convention de Rome ne prévoit-elle pas de distinction selon que la provocation est suivie d'effet mais elle ne l'interdit pas non plus. Cette différenciation semble cohérente avec l'échelle actuelle de nos peines en matière de provocation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier sans modification .
* 20 L'incrimination fut alors créée de façon prétorienne pour poursuivre et juger Julius Streicher, auteur d'écrits violemment antisémites, pour crime contre l'humanité.
* 21 Art. 4 du TPIY et art. 2 du TPIR. Le « procès des média » devant le TPIR a ainsi mis en accusation le directeur et l'actionnaire principal d'une radio ainsi que le directeur d'un journal pour incitation directe et publique au crime de génocide.