Article 7 (art 461-1 à 462-11 nouveaux du code pénal) - Crimes de guerre
Le présent article tend à insérer dans le code pénal un nouveau livre IV bis comportant 42 articles afin d'intégrer dans notre droit les stipulations de l'article 8 de la convention de Rome concernant les crimes de guerre.
CHAPITRE PREMIER - DES DIFFÉRENTS CRIMES ET DÉLITS DE GUERRE
La convention de Rome distingue les infractions de guerre commises lors de conflits armés internationaux de celles commises dans les conflits ne présentant pas un caractère international même si plusieurs d'entre elles sont identiques. Au sein de ces deux catégories, elle sépare par ailleurs les infractions reconnues par les conventions de Genève des infractions qui jusqu'alors ne figuraient pas dans ces instruments et qui viennent donc les compléter.
Tout en reprenant la distinction entre les infractions commises lors des conflits armés internationaux et non internationaux, le projet de loi adopte une présentation plus simple, énonçant d'abord après la définition de ces infractions, celles qui sont communes aux conflits armés internationaux et non internationaux (section 2) puis celles qui sont propres aux conflits internationaux (section 3) et, enfin, celles qui sont propres aux conflits non internationaux (section 4).
SECTION 1 - De la définition des crimes et délits de guerre
Article 461-1 nouveau du code pénal - Définition des infractions commises pendant un conflit armé
Le présent article définit les crimes et délits de guerre.
Ils doivent répondre à trois conditions :
- figurer dans le nouveau livre IV bis du code pénal que le présent projet de loi institue et viser les personnes et les biens qui y sont mentionnés ;
- être commis lors d'un conflit international ou non international et en relation avec ce conflit (le lien est donc double -de temporalité et de causalité : un homicide commis pendant un conflit armé mais sans aucun lien avec ce conflit ne saurait être qualifié de crime de guerre) ;
- violer les lois et coutumes de guerre ou les conventions internationales applicables aux conflits armés.
La rédaction proposée appelle deux observations.
D'abord, l'article distingue crimes et délits alors que l'article 8 de la convention traite des « crimes » de guerre. Le droit international ignore en effet la distinction entre crimes et délits et englobe sous le vocable de « crimes » des infractions de gravité inégale. Il est logique que la transposition de ces infractions s'inscrive dans le cadre des grandes catégories de notre droit pénal et réponde ainsi au principe de hiérarchie des peines.
La convention ne fixant pas d'échelle de peines pour ces infractions, leur répartition entre crimes et délits relevait de l'appréciation de la France.
Ensuite, le nouvel article 461-1 ne définit pas la notion de conflits armés non internationaux. Aux termes de l'article 7, paragraphe 2, f, ces conflits « opposent de manière prolongée sur le territoire d'un Etat les autorités du gouvernement de cet Etat et des groupes armés organisés ou des groupes organisés entre eux ». Ils ne peuvent pas être assimilés en revanche « aux situations de troubles et tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence » 25 ( * ) .
Comme l'ont rappelé les représentants du ministère de la défense lors de leur audition par votre rapporteur, les autorités françaises ont souhaité se ménager une certaine marge d'appréciation sur la caractérisation du conflit international et non international. En effet une délimitation stricte entre les deux situations n'est pas toujours possible dans la mesure où un conflit armé interne peut être internationalisé par l'intervention d'une force armée extérieure.
SECTION 2 - Des crimes et délits de guerre communs aux conflits armés internationaux
SOUS-SECTION 1 - Des atteintes à la personne perpétrées lors d'un conflit armé international ou non international
Paragraphe 1 - Des atteintes à la vie et à l'intégrité physique ou psychique (art. 461-2 à 461-5 nouveaux du code pénal) - Atteinte à la vie et à l'intégrité de la personne
L' article 461-2 prévoit d'aggraver les peines selon l'échelle d'aggravation définie au nouvel article 462 pour les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique de la personne ainsi que pour l'enlèvement et la séquestration dès lors que ces actes sont commis à l'encontre d'une personne protégée par le droit international des conflits armés en vertu des lois et coutumes de guerre et du droit international humanitaire.
Personnes protégées 1 Le droit des conflits armés prévoit une protection spéciale pour les personnes suivantes : - les blessés ou malades des forces armées en campagne, - les blessés, malades ou naufragés des forces armées sur mer ; - le personnel sanitaire et religieux attaché aux forces armées ; - les prisonniers de guerre ; - les blessés et malades civils ; - le personnel sanitaire et religieux civil ; - les parlementaires ; - le personnel des organismes de protection civile ; - le personnel de secours ; - la population civile et les personnes civiles ; - les personnes privées de liberté, détenues et internées ; - la population d'un territoire occupé ; - les femmes et les enfants ; - les étrangers, réfugiés et apatrides sur le territoire d'une partie au conflit. 1 Source : manuel de droit des conflits armés, ministère de la défense. |
Les atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne visées par le chapitre II du livre II du code pénal recouvre un large spectre d'infractions : atteintes volontaires à l'intégrité de la personne (tortures et actes de barbarie, violences, menaces), agressions sexuelles, harcèlement moral, enregistrement et diffusion d'images de violences, trafic de stupéfiants.
L' article 461-3 incrimine les mutilations ou les expériences médicales ou scientifiques sur les personnes d'une partie adverse conformément à la convention de Rome 26 ( * )
A l'occasion de conflits armés, des expériences médicales, comme la seconde guerre mondiale en a donné de sinistres exemples, peuvent être imposées au mépris des règles les plus fondamentales de la dignité humaine. Les incriminations prévues par le code pénal dans un tout autre contexte 27 ( * ) ne sont évidemment pas à la mesure de tels comportements.
La nouvelle infraction répondrait à trois conditions concernant :
- la motivation des actes : ces derniers ne doivent être justifiés ni par des motifs thérapeutiques ni pratiqués dans l'intérêt de la personne ;
- leurs effets : ils doivent provoquer la mort ou porter « gravement » atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou psychique ; le terme « gravement » a été substitué au mot « sérieusement » utilisé dans le statut de Rome sans que l'on doive, selon votre rapporteur, en déduire une définition du crime plus restrictive, l'expression proposée par le projet de loi étant, de surcroît, conforme à la sémantique traditionnellement employée par le code pénal.
- la victime : il doit s'agir de personnes d'une partie adverse.
La peine maximale encourue serait la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-4 incrimine conformément aux stipulations de la convention de Rome 28 ( * ) , quatre types d'actes lorsqu'ils portent sur une personne protégée par le droit international des conflits :
- la prostitution forcée ;
- le fait de contraindre une femme à une grossesse non désirée ;
- la stérilisation forcée ;
- « toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ».
L'auteur de tels faits serait passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-5 incrimine les traitements humiliants et dégradants sur des personnes de la partie adverse dès lors qu'ils portent « gravement atteinte à leur intégrité physique ou psychique » 29 ( * ) . Il prévoit une peine maximale de quinze ans de réclusion criminelle.
Paragraphe 2 - Des atteintes à la liberté individuelle
Article 461-6 nouveau du code pénal - Acte attentatoire à la liberté individuelle
Le présent article tend à appliquer l'échelle d'aggravation de peine prévue à l'article 462-1 aux atteintes à la liberté individuelle, telles qu'elles sont définies actuellement à l'article 432-4 du code pénal. Cet article réprime le fait pour une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public d'ordonner ou d'accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle. Le code pénal prévoit une peine de sept ans et de 100.000 euros d'amende portée à trente ans de réclusion criminelle et 450.000 euros lorsque l'acte attentatoire consiste en une détention ou une rétention d'une durée de plus de sept jours.
L'aggravation ne concernerait que les faits commis à l'encontre d'une personne protégée comme le prévoit l'article 8, paragraphe I, a, vii de la convention de Rome. Par ailleurs, elle ne s'appliquerait pas dans les hypothèses où les conventions internationales admettent des atteintes à la liberté individuelle.
Paragraphe 3 - Des atteintes au droit des mineurs dans les conflits armés
Article 461-7 nouveau du code pénal - Participation des mineurs de quinze ans au conflit armé
Conformément aux stipulations de la convention de Rome 30 ( * ) , cet article tend à incriminer le fait d'impliquer des mineurs de quinze ans dans les conflits armés :
- soit par la conscription ou l'enrôlement dans les forces armées ou dans les groupes armés ;
- soit en les faisant participer activement à des hostilités.
Soucieuse d'aller au-delà des exigences du statut de Rome sur ce point, votre commission vous propose un amendement afin d'étendre ces interdictions aux actes concernant les mineurs de dix-huit ans , conformément à l'âge de la majorité retenu dans notre droit, et, comme l'a rappelé à votre rapporteur, Mme Ghislaine Doucet, conseiller juridique de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge en France, aux engagements souscrits par notre pays dans le cadre du protocole facultatif se rapportant à la convention relative aux droits de l'entant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés du 25 mai 2000 -à laquelle la France est partie depuis le 5 février 2003.
SOUS-SECTION 2 - Des crimes et délits de guerre liés à la conduite des hostilités
Paragraphe 1 - Des moyens et des méthodes de combat prohibés
Articles 461-8 à 461-16 nouveaux - Méthodes de combat interdites
L' article 461-8 vise à incriminer le fait soit d'ordonner qu'il n'y ait pas de survivants soit d'en menacer l'adversaire. Il prévoit de le réprimer de la réclusion criminelle à perpétuité.
Cette disposition va plus loin que les stipulations de la convention de Rome (articles 8-2-b-xii et 8-2-e-x) qui ne mentionnent que le « fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier » et non le fait, encore plus grave pourtant, de prendre une telle décision. Elle reprend en fait les termes de l'article 40 du règlement IV concernant les lois et coutumes de la guerre signé à La Haye le 18 octobre 1907.
L' article 461-9 reproduit les termes de la convention de Rome (articles 8-2-b-i et 8-2-c-i) afin de réprimer le fait de lancer des attaques délibérées contre la population civile ou contre des personnes civiles qui ne prennent pas directement part aux hostilités. Ces faits seraient punis de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-10 , sur la base de l'article 8,2,b,vi, incrimine le fait de causer des blessures ayant porté gravement atteinte à un combattant de la partie adverse qui s'était rendu . La peine de vingt ans de réclusion criminelle serait portée à trente ans de réclusion criminelle si les blessures ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ou la mort de la victime sans intention de la donner et à la réclusion criminelle à perpétuité en cas d'homicide volontaire.
En inscrivant ce crime dans la partie commune aux conflits armés internationaux et non internationaux, le projet de loi marque une avancée par rapport à la convention de Rome qui ne le prend en compte que dans le cadre des conflits internationaux.
L' article 461-11 transpose les stipulations de l'article 8 (2-b-xi et 2-e-ix) afin d'incriminer le fait de causer par traîtrise des blessures ayant entraîné une grave atteinte à l'intégrité physique à un individu appartenant à « la nation ou à l'armée adverse » . Sans doute la stipulation (8-2-e-ix) vise-t-elle l' « adversaire combattant » dans le cadre des conflits non internationaux mais cette catégorie semble pouvoir être assimilée à un individu appartenant à l'armée adverse.
La peine de vingt ans d'emprisonnement serait portée à trente ans de réclusion criminelle lorsque le fait a provoqué une mutilation ou une infirmité permanente ou la mort de la victime sans intention de la donner et à la réclusion criminelle à perpétuité en cas d'homicide volontaire.
L' article 461-12 reprend les stipulations de l'article 8 (2-b-iii et 2-e-ii et iii) afin d'incriminer les attaques contre le personnel, les bâtiments ou installations, le matériel, les moyens de transport opérant, d'une part, dans le cadre d'une mission sanitaire lorsqu'ils portent les signes distinctifs prévus par les conventions de Genève 31 ( * ) , d'autre part, dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la charte des Nations unies dès lors qu'ils ont droit, comme le prévoit expressément le statut de Rome, à « la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil ».
Les peines de vingt ans d'emprisonnement seraient portées à trente ans de réclusion criminelle lorsque ces attaques ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et à la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'elles ont provoqué, de manière intentionnelle ou non, la mort.
L' article 461-13 transpose les stipulations de l'article 8 (2-b-ix et 2-e-ii) afin de réprimer le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments à caractère religieux, éducatif, artistique, scientifique, caritatif, des monuments historiques, des hôpitaux ou des lieux où sont rassemblés malades ou blessés dès lors que ces bâtiments ne sont « pas alors utilisés à des fins militaires ». Cette condition, fondée sur un critère objectif, est plus protectrice que la formulation retenue par la convention de Rome subordonnant l'existence du crime de guerre au fait que ces bâtiments « ne sont pas des objectifs militaires ».
Ce crime serait passible de vingt ans de réclusion criminelle.
L' article 461-14 reprend la stipulation de l'article 8 (2-b-v) afin d'incriminer le fait de lancer des attaques délibérées contre des biens de caractère civil qui ne sont pas des objectifs militaires. Le projet de loi étend, sur ce point, la portée de la convention de Rome qui ne mentionne ce crime que dans le cadre des conflits armés internationaux.
Ce crime serait punissable de quinze ans de réclusion criminelle.
Paragraphe 2 - Des atteintes aux biens dans les conflits armés
Articles 461-15 à 461-17 nouveaux du code pénal - Atteintes aux biens
L' article 461-15 transpose les stipulations de l'article 8 (2-b-xvi et 2-e-v) afin d'incriminer le fait de se livrer en bande avec des armes ou à force ouverte au pillage d'une ville ou d'une localité. Le statut de Rome ne prévoit pas que le crime soit commis en bande.
De fait, on ne peut exclure le pillage d'une petite localité par un individu isolé. Votre commission vous soumet en conséquence un amendement afin de revenir aux termes de la convention en supprimant la condition liée à la commission de l'infraction en bande.
La peine pour cette infraction serait de quinze ans de réclusion criminelle.
L' article 461-16 prévoit d'aggraver les peines selon les conditions de l'article 462-1 pour les vols , les extorsions , les destructions ou dégradations ou recel du produit de l'une de ces infractions, lorsqu'elles sont commises à l'encontre d'une personne protégée par le droit international des conflits armés.
L' article 461-17 prévoit que la tentative des infractions visées à l'article précédent, à l'exception du recel, est également passible des mêmes causes d'aggravation de peines.
SOUS-SECTION 3 - Des groupements formés ou des ententes établies en vue de préparer des crimes ou des délits de guerre
Article 461-18 nouveau du code pénal - Groupement ou entente pour préparer un crime de guerre
Le présent article incrimine la participation à un groupement ou à une entente en vue de préparer un crime ou un délit de guerre . Il n'est pas nécessaire que le crime ou le délit ait été commis pour que l'infraction soit constituée. Il suffit qu'un ou plusieurs faits matériels attestent la préparation d'une infraction.
Cette infraction qui ne figure pas dans le statut de Rome constitue une modalité spécifique d'incrimination du droit pénal français-utilisée notamment pour les crimes contre l'humanité (article 212-3 du code pénal) ou les actes de terrorisme (article 421-5 du code pénal)- particulièrement utile pour prévenir la commission d'une infraction et qu'il est opportun d'étendre aux crimes de guerre.
SECTION 3 - Des crimes et délits de guerre propres aux conflits armés internationaux
SOUS-SECTION 1 - Des atteintes à la liberté et aux droits
des personnes
dans les conflits armés internationaux
Articles 461-19 à 461-22 nouveaux du code pénal - Atteintes aux droits des personnes
L' article 461-19 transpose la stipulation de l'article 8-2-b-xxiii afin de réprimer le fait d' employer une personne protégée par le droit international pour empêcher que certaines zones ou forces militaires ne soient la cible d'opérations militaires . Ce crime serait puni de vingt ans de réclusion criminelle.
L' article 461-20 reprend les stipulations de l'article 8 (2-a-v et 2-b-xv) afin de punir le fait :
- d'une part, de contraindre une personne de la « partie adverse » protégée par le droit international à servir dans les forces armées . Le champ retenu apparaît ici plus restrictif que celui de la convention de Rome qui vise toute « personne protégée » et pas uniquement celle de la partie adverse ; votre commission estime cette restriction -qui interdirait la protection du personnel humanitaire- injustifiée et vous soumet un amendement afin de revenir aux termes du statut ;
- d'autre part, de contraindre des nationaux de la partie adverse à prendre part aux opérations de guerre dirigées contre leur pays même s'ils étaient au service de l'autre puissance avant le commencement de la guerre.
Ces faits seraient passibles de vingt ans de réclusion criminelle.
L' article 461-21 , sur le modèle de l'article 8-2-a-vi de la convention de Rome incrimine le fait d' empêcher une personne protégée par le droit international des conflits armés d' être jugée régulièrement et impartialement .
Le projet de loi prévoit une peine de vingt ans de réclusion criminelle qui serait portée à la réclusion criminelle à perpétuité si l'infraction a conduit à l'exécution de la personne.
L' article 461-22 reprend la stipulation de l'article 8-2-b-xiv de la convention de Rome afin de réprimer de quinze ans de réclusion criminelle le fait de déclarer irrecevables, forclos ou suspendus les droits ou actions des nationaux de la partie adverse en raison de leur nationalité. Ce crime serait passible de quinze ans de réclusion criminelle.
SOUS-SECTION 2 - « Des moyens et méthodes de combat prohibés dans un conflit armé international
Articles 461-23 à 461-29 nouveaux du code pénal - Méthodes de combat interdites
L' article 461-23 transpose les stipulations de la convention de Rome prohibant l'utilisation de certaines armes :
- poison ou armes empoisonnées (article 8-2-b-xvii) ;
- gaz asphyxiants, toxiques ou assimilés (article 8-2-b-xviii) ;
- balles se déformant dans le corps humain (article 8-2-b-xix) ;
- armes, projectiles, matériels ou méthodes de combat ayant fait l'objet d'une interdiction générale et ayant été inscrits dans une annexe au statut de la Cour pénale internationale (article 8-2-b-xx).
L'utilisation de ces armes serait passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-24 reproduit le terme de l'article 8-2-b-v incriminant le fait d' attaquer ou de bombarder des villes , villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et ne constituent pas des objectifs militaires. Ces faits seraient passibles de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-25 reprend les termes de l'article 8-2-b-xxv incriminant le fait d' affamer des personnes civiles . Ce crime serait passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-26 reproduit les termes de l'article 8-2-b-viii incriminant le fait de participer au transfert de population civile soit dans le territoire qu'elle occupe, soit hors de ce territoire. Ce crime serait passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-27 transpose les stipulations de l'article 8-2-b-iv prohibant le lancement d'une attaque dont on sait qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines ou des blessures dans la population civile « manifestement disproportionnées par rapport à l'avantage militaire » attendu de cette attaque.
De tels faits seraient passibles de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-28 étend la prohibition prévue à l'article 461-27, conformément aux stipulations de la convention de Rome, au fait de lancer une attaque délibérée sachant qu'elle causera des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages « étendus, durables et graves » à l' environnement naturel, disproportionnés par rapport à l'avantage militaire attendu. La peine maximale serait fixée à vingt ans de réclusion criminelle.
Enfin, l' article 461-29 incrimine conformément à l'article 8-2-b-vii le fait d'utiliser indûment le pavillon parlementaire (c'est-à-dire le drapeau blanc), le drapeau ou les insignes militaires et l'uniforme de l'ennemi ou de l'organisation des Nations unies ainsi que les signes distinctifs prévus par les conventions de Genève et causer de ce fait à un combattant de la partie adverse des blessures portant gravement atteintes à son intégrité physique.
La peine de vingt ans de réclusion criminelle serait portée à trente ans en cas de blessures ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et à la réclusion criminelle à perpétuité en cas d'homicide lorsque l'infraction a provoqué la mort de la victime.
SECTION 4 - Des crimes et délits de guerre propres aux conflits armés non internationaux
Articles 461-30 et 461-31 nouveaux du code pénal - Déplacement des personnes et condamnations arbitraires
L' article 461-30 transpose les stipulations de l'article 8-2-e-viii incriminant le déplacement de la population civile à moins que la sécurité des personnes civiles et des impératifs militaires ne l'exigent. Ce crime serait passible de la réclusion criminelle à perpétuité.
L' article 461-31 reprend les termes de l'article 8-2-c-iv afin de réprimer le fait de prononcer des condamnations et d'exécuter des peines sans jugement préalable rendu par un tribunal régulièrement constitué assorti des garanties judiciaires prévues par la convention de Genève.
CHAPITRE II -
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES
Article 462-1 nouveau du code pénal -
Aggravation de peines pour certains crimes de guerre
Cet article détermine une échelle d'aggravation des peines pour les infractions commises à l'encontre d'une personne protégée par le droit international des conflits visées par les articles 461-2 (atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique, enlèvement et séquestration), 461-6 (atteintes à la liberté individuelle), 461-16 et 461-17 (certaines atteintes aux biens).
Le tableau suivant présente l'échelle d'aggravation proposée :
Peine encourue sans aggravation |
Peine encourue quand l'infraction
|
30 ans |
Réclusion criminelle à perpétuité |
20 ans |
30 ans |
15 ans |
20 ans |
10 ans |
15 ans |
7 ans |
10 ans |
5 ans |
7 ans |
3 ans ou moins |
Double de la peine |
L' article 462-2 prévoit que la période de sûreté est applicable aux crimes et, s'ils sont punis de dix ans d'emprisonnement, aux délits de guerre 32 ( * ) .
L' article 462-3 définit plusieurs peines complémentaires applicables aux personnes reconnues coupables d'un crime ou d'un délit de guerre :
- l'interdiction d'exercer une activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ou d'exercer une fonction publique prévue par l'article 131-27 du code pénal ;
- l'interdiction de séjour prévue par l'article 131-31 du code pénal ;
- l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue par l'article 131-26.
La durée maximale de ces interdictions a été relevée par rapport aux dispositions du code pénal : pour la première et la troisième de ces interdictions, elle est portée à quinze ans au lieu de dix ans en cas de crime et à dix ans au lieu de cinq ans en cas de délit [...]
Quant à la durée de l'interdiction temporaire d'exercice d'une activité professionnelle, elle est portée de cinq à dix ans.
L' article 462-4 prévoit également à titre de peine complémentaire l'interdiction du territoire français qui, comme le précise l'article 131-30 du code pénal peut être prononcée soit à titre définitif, soit à titre temporaire.
L' article 462-5 prévoit la responsabilité pénale des personnes morales dans les conditions fixées par l'article 121-2 du code pénal 33 ( * ) ainsi que le régime des peines applicables : l'amende et les autres peines prévues par l'article 131-39. L'interdiction à titre définitif ou pour une durée maximale de cinq ans d'exercer une activité professionnelle ne vaudrait que s'il s'agit de l'activité à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
L' article 462-6 prévoit que les personnes physiques ou morales coupables d'un crime ou d'un délit de guerre encourent aussi la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens.
Article 462-7 nouveau du code pénal - Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique dans le cas d'un crime ou d'un délit de guerre
Cet article définit les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique militaire ou civil peut être engagée dans le cas où il n'aurait pu empêcher ou réprimer l'exécution d'un crime ou un délit de guerre par un subordonné ou en référer aux autorités compétentes. Il constitue à cet égard le pendant du nouvel article 213-4-1 que l'article 3 du projet de loi propose d'insérer dans le code pénal pour définir la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique pour un crime contre l'humanité commis par un subordonné.
Il en reproduit les termes sur le modèle de l'article 28 de la convention de Rome 34 ( * ) sous réserve d'une omission dans la rédaction proposée pour la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique civil. En effet, contrairement à l'article 28 de la convention de Rome et à l'article 213-4-1, le texte ne prévoit pas que cette responsabilité puisse être engagée lorsque le supérieur a « délibérément négligé de tenir compte d'informations » qui indiquaient clairement que ses subordonnés commettaient ou s'apprêtaient à commettre des infractions.
Votre commission estime une telle omission injustifiée et vous propose par un amendement de rétablir cette hypothèse de mise en cause de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique civil.
Article 462-8 nouveau du code pénal - Responsabilité pénale du fait d'un acte prescrit par la loi, le règlement ou l'autorité légitime
Cet article détermine les conditions dans lesquelles une personne pourrait être poursuivie alors même qu'elle a accompli un acte autorisé ou prescrit par la loi, le règlement ou l'autorité légitime.
Il pose d'abord pour principe que la personne ne pourrait être exonérée de sa responsabilité pénale de ce seul fait mais que la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le montant.
Il précise en outre que l'auteur ou le complice n'est pas pénalement responsable dans le cas où il ignorait que cet ordre était illégal et dans le cas où cet ordre n'était pas manifestement illégal.
Le principe selon lequel la personne ne peut être exonérée de sa responsabilité pénale du seul fait qu'elle a obéi à un ordre de la loi ou à un ordre hiérarchique figure actuellement à l'article 213-4 du code pénal relatif aux crimes contre l'humanité.
L'article 213-4 n'exonère pas cependant de sa responsabilité la personne qui ignorait le caractère illégal de l'ordre ou qui a obéi à un ordre qui n'était pas manifestement illégal. En effet, conformément d'ailleurs à l'article 28 de la convention de Rome introduit à la demande de la France dans tous les cas, « l'ordre de commettre un génocide ou un crime contre l'humanité est manifestement illégal ».
Article 462-9 nouveau du code pénal - Excuse de légitime défense
Cet article vise à exonérer de sa responsabilité pénale l'auteur d'un crime ou d'un délit de guerre lorsque trois conditions sont réunies :
- la première tient à la nature de l'acte : il doit s'agir d'un acte de défense ;
- la seconde tient à l'objectif poursuivi par l'auteur ; l'acte de défense peut être justifié par trois mobiles distincts : la sauvegarde des biens essentiels à sa survie , la sauvegarde des biens essentiels à la survie d'autrui , la sauvegarde des biens essentiels à l'accomplissement d'une mission militaire ;
- la troisième tient au principe de proportionnalité : il ne doit pas y avoir « disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'infraction ».
Si ces dispositions sont directement reprises de l'article 31-1-c de la convention de Rome, celle-ci mentionne aussi deux autres conditions pour exonérer l'auteur d'un crime ou d'un délit de guerre de sa responsabilité en cas de légitime défense qui, en revanche, n'ont pas été transposées :
- le fait que l'auteur a agi « raisonnablement » ;
- l'acte de défense répond à un « recours imminent et illicite à la force ».
En outre, la transposition n'a pas repris la stipulation de l'article 31-1-c selon laquelle le « fait qu'une personne ait participé à une opération défensive menée par des forces armées ne constitue pas en soi un motif d'exonération de la responsabilité pénale ».
Par ailleurs, la convention de Rome n'établit pas le lien de proportionnalité entre les moyens de défense employés et la gravité de l'infraction, mais entre les moyens de défense et l'« ampleur du danger » couru.
Votre commission vous soumet un amendement pour rapprocher la rédaction proposée des stipulations du statut, d'une part en encadrant davantage les conditions dans lesquelles l'auteur d'un crime de guerre peut s'exonérer de sa responsabilité en cas de légitime défense, d'autre part en exigeant que les moyens de défense soient proportionnels à la gravité du risque couru.
Article 462-10 nouveau du code pénal - Délai de prescription
Le présent article tend à allonger les délais de prescription de l'action publique 35 ( * ) et de la peine 36 ( * ) .
Ainsi le délai de prescription de l'action publique serait porté à trente ans pour les crimes (contre dix ans pour le délai de droit commun) et à vingt ans pour les délits (contre trois ans pour le délai de droit commun).
Le délai de prescription de la peine (décompté du jour de la condamnation définitive) serait de même porté à trente ans pour les crimes (contre vingt ans pour le délai de droit commun) et à vingt ans pour les crimes (contre cinq ans pour les délits).
Le projet de loi s'écarte sur ce point de la convention de Rome qui, dans son article 29, pose le principe de l'imprescriptibilité des crimes relevant de la compétence de la Cour.
Sans doute, le Conseil constitutionnel avait-il décidé dans sa décision du 22 janvier 1999 qu' « aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n'interdit l'imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ».
Cependant, l'imprescriptibilité est actuellement réservée dans notre droit aux crimes contre l'humanité afin d'en marquer le caractère incommensurable avec toute autre infraction.
La mission d'information de votre commission des lois sur le régime des prescriptions civiles et pénales 37 ( * ) n'avait pas souhaité modifier ces dispositions.
L'allongement des délais de prescription proposé par le projet de loi traduit cependant un rapprochement avec les principes retenus par la cour pénale internationale.
En tout état de cause, au-delà du délai de trente ans, les juridictions françaises perdraient la faculté de juger les criminels de guerre présents sur son territoire ainsi que ses ressortissants au bénéfice de la compétence de la cour pénale internationale en raison du principe de complémentarité.
Article 462-11 nouveau du code pénal - Droit de légitime défense pour la France
Cet article vise à exclure du champ des crimes ou délits de guerre le fait pour la France d'user de l'arme nucléaire ou de toute autre arme dont l'utilisation n'est pas prohibée par une convention internationale à laquelle la France est partie, dès lors qu'il est lié à l'exercice du droit de légitime défense.
Cette disposition est conforme à la déclaration interprétative faite par la France lors du dépôt de son instrument de ratification afférent à la convention de Rome selon laquelle « les dispositions de l'article 8 du statut [...] concernent exclusivement les armements classiques et ne sauraient ni réglementer ni interdire l'emploi éventuel de l'arme nucléaire ni porter préjudice aux autres règles du droit international applicables à d'autres armes, nécessaires à l'exercice par la France de son droit naturel de légitime défense... ».
Armes prohibées 1 De par leur caractère inhumain ou leur effet traumatique excessif, mais aussi parce qu'elles peuvent agir sans discrimination, certaines armes sont totalement interdites par le droit des conflits armés. Il s'agit : - du poison ; - des armes chimiques ; - des armes biologiques et bactériologiques ; - des balles dum-dum et autres projectiles à tête expansive ; - des mines antipersonnel ; - des armes à éclats non localisables ; - des armes à laser aveuglantes ; - des torpilles qui ne s'autodétruisent pas après avoir manqué leur cible. L'usage de certaines armes est autorisé à condition de respecter certaines prescriptions. - L'utilisation d'armes incendiaires (bombe au napalm, obus incendiaires, lance-flammes...) est strictement limitée à l'attaque d'objectifs militaires. Il est interdit de mener une attaque au moyen d'armes incendiaires contre un objectif militaire situé à proximité ou à l'intérieur d'une concentration de civils. - L'usage des pièges n'est possible qu'à la seule condition de les employer en dehors de toute concentration de personnes civiles et de ne viser exclusivement que des objectifs militaires. - L'usage des mines autres que les mines antipersonnel reste permis à condition de relever les coordonnées exactes des zones dans lesquelles celles-ci sont mises en place. Toutes les précautions possibles doivent être prises pour protéger les civils des effets de ces mines. Dès la cessation des hostilités, les champs de mines doivent être signalés et, dans toute la mesure du possible neutralisés. - L'usage des mines navales de contact non amarrées est autorisé à condition que celles-ci deviennent inoffensives une heure après être hors de contrôle. Les mines navales de contact amarrées peuvent également être employées ; - lorsqu'elles deviennent inoffensives dès qu'elles ont rompu leurs amarres ; - lorsque des précautions appropriées pour la sécurité de la navigation ont été prises ; - sous réserve, lorsque la situation tactique le permet, de rendre ces mines inoffensives et de notifier les champs de mines dès que ceux-ci cessent d'être sous surveillance. 1 Source : manuel de droit des conflits armés, ministère de la défense. |
Cette disposition interdit que l'utilisation de l'arme nucléaire ou de toute autre arme non prohibée puisse être assimilée à un crime de guerre. Elle n'a pas pour effet d'exclure l'incrimination au titre de crime ou délit de guerre des autres actes visés par la convention qui ne consistent pas dans l'utilisation des armes précitées. Il ne semble donc pas à votre commission que la disposition introduise une confusion, comme le redoute la commission nationale consultative des droits de l'Homme, entre le « jus ad bellum » (détermination des cas dans lesquels le recours à la force peut être admis) et le « jus in bellum » (comportements interdits pendant un conflit) : même lorsque le recours à la force serait admis -attaque nucléaire ou par d'autres armes- les comportements prohibés par la charte et incriminés par le projet de loi engageraient la responsabilité pénale de leurs auteurs.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié .
* 25 La distinction entre conflits internationaux et non internationaux est également prévue par l'article 1 des protocoles I et II du 8 juin 1977, additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949).
* 26 Article 6-2-b-x et 6-2-e-xi.
* 27 Art. 223-8 - Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de l'intéressé, des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur ou d'autres personnes, autorités ou organes désignés pour consentir à la recherche ou pour l'autoriser, dans les cas prévus par les dispositions du code de la santé publique est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 € d'amende ».
* 28 Article 8-2-b-xxii et 8-2-e-vi.
* 29 Article 8-2-b-xxi et 8-2-c-ii.
* 30 Article 8-2-b-xxvi et 8-2-e-vii.
* 31 Ces signes ont pour but d'indiquer que les personnels ou les biens qui les arborent bénéficient d'une protection internationale spéciale (par exemple le signe de la Croix-Rouge).
* 32 Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 137-3 du code pénal, la durée de la période de sûreté est de la moitié de la peine ou s'il s'agit d'une réclusion criminelle à perpétuité de dix-huit ans -la cour d'assises ou le tribunal pouvant soit porter ces durées jusqu'au deux tiers de la peine et s'il s'agit d'une réclusion criminelle à perpétuité jusqu'à vingt-deux ans, soit réduire ces durées. Au cours de la période de sûreté, le condamné ne peut bénéficier d'une suspension ou du fractionnement de la peine, du placement à l'extérieur, de permissions de sortie, de la semi-liberté ou de la libération conditionnelle.
* 33 L'article 121-2 pose le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, pour les infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants. Il faut rappeler que, conformément au dernier alinéa de cet article, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs et complices des mêmes faits.
* 34 Voir le commentaire de l'article 3.
* 35 La prescription de l'action publique fait obstacle à l'exercice des poursuites au terme d'un certain délai.
* 36 La prescription de la peine vise à éteindre les peines restées inexécutées, en tout ou partie, par l'effet de l'écoulement du temps depuis la décision de la condamnation.
* 37 Pour un droit de la prescription moderne et cohérent, MM. Jean-Jacques Hyest, président, Hugues Portelli et Richard Yung, rapporteurs, rapport du Sénat n° 338, 2006-2007.