2. Les conditions procédurales
L'irresponsabilité peut être constatée aux différents stades de la procédure et donner lieu selon les cas à un classement sans suite par le procureur de la République, un non lieu par le juge d'instruction, une relaxe par le tribunal correctionnel ou un acquittement par la cour d'assises.
Le procureur de la République peut en principe classer sans suite une affaire concernant un prévenu dont le trouble mental ne présente aucune incertitude -une expertise pouvant être diligentée au stade de l'enquête. Toutefois, le plus souvent, l'importance du trouble et la présence d'une -ou plusieurs victimes- conduisent à l'ouverture d'une instruction 62 ( * ) .
Le plus souvent, l'irresponsabilité est constatée par le juge d'instruction qui prend alors une ordonnance de non lieu (le non lieu ne signifie naturellement pas que les faits n'« ont pas eu lieu » mais qu' il n'y a pas lieu à poursuivre ).
Depuis la loi du 8 février 1995, l'ordonnance de non lieu motivée par un trouble mental est notifiée oralement dans le cabinet du juge d'instruction où la victime partie civile a été convoquée avec son avocat (article 167-1 du code de procédure pénale). La victime est informée de sa faculté de demander, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, une contre-expertise. Cette demande est de droit et la contre-expertise sera faite par deux experts.
L'article 177, alinéa 2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, exige une motivation spécifique : le juge doit indiquer qu'il existe des charges suffisantes établissant que la personne a commis les faits reprochés avant de la déclarer pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental.
Par ailleurs, l'ordonnance de non lieu motivée par l'état mental du mis en examen est susceptible d' appel de la part de la partie civile. L'appel est examiné par la chambre d'instruction au cours d'une audience publique après comparution de la personne poursuivie, si elle est possible, et audition des différents experts.
En cour d'assises , lorsqu'est invoquée comme moyen de défense l'une des causes d'irresponsabilité prévue par le code pénal, la cour et le jury doivent être spécialement interrogés sur son existence (article 349-1 du code de procédure pénale) 63 ( * ) .
3. Les conséquences de l'irresponsabilité
Sur le plan pénal , l'irresponsabilité pénale pour trouble mental n'a pas pour effet de supprimer l'infraction. Il en découle trois conséquences.
D'abord, les éventuels complices de l'irresponsable -en particulier, les personnes qui ont pu profiter de son absence de discernement pour lui faire commettre à leur profit, les actes incriminés- demeurent punissables.
Ensuite, la personne qui, après avoir été placée en détention provisoire, bénéficie d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement motivés par l'irresponsabilité pénale pour trouble mental, ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant de cette détention (article 149 du code de procédure pénale).
Enfin, si l'infraction commise entre dans le champ d'application du fichier des auteurs d'infractions sexuelles , la personne est inscrite dans ce fichier au même titre que si elle avait été condamnée (article 706-53-2 du code de procédure pénale).
Sur le plan civil , la personne déclarée irresponsable pénalement pour trouble mental demeure civilement responsable de ses actes. En effet, en vertu de l'article 489-2 du code civil, « celui qui a causé un dommage à autrui, alors qu'il était sous l'emprise d'un trouble mental, n'en est pas moins obligé à réparation ».
Enfin, sur le plan administratif, lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne déclarée irresponsable en raison d'un trouble mental et ayant bénéficié d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, elles doivent en aviser immédiatement le préfet (article L. 3213-7 du code de la santé publique). Celui-ci peut alors décider une hospitalisation d'office , en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dans des conditions identiques à celles prévues pour les autres malades. En revanche, les modalités dans lesquelles il est mis fin à l'hospitalisation d'office sont spécifiques : la mainlevée du placement ne peut en effet intervenir qu'après les « décisions conformes » de deux psychiatres extérieurs à l'établissement et choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la République (article L. 3213-8 du code de la santé publique). Au terme de deux examens séparés et concordants, les expertises doivent établir que l'intéressé n'est dangereux ni pour lui, ni pour les tiers.
* 62 Voir Michèle-Laure Rassat, trouble psychique ou neuropsychique. Contrainte. In jurisclasseur, code pénal, 2006.
* 63 La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant la procédure criminelle a prévu que lorsqu'est invoquée devant une cour d'assises comme moyen de défense une cause d'irresponsabilité pénale, la juridiction est invitée à répondre successivement aux deux questions suivantes :
- l'accusé a-t-il commis un tel fait ?
- l'accusé bénéficie-t-il pour ce fait d'une cause d'irresponsabilité pénale ? (article 349-1 du code de procédure pénale).