TITRE VI - MÉDECINE DU TRAVAIL
Article 28 - Agence nationale de santé au travail
Objet : Cet article crée une agence nationale de santé au travail et définit ses missions.
I - Le dispositif proposé
Cet article propose d'instituer une agence nationale de santé au travail ayant pour missions :
- de définir les modes d'organisation et d'intervention des services de santé au travail sur l'ensemble du territoire ;
- d'assurer l'indépendance des professionnels de santé intervenant en milieu de travail ;
- de définir chaque année le nombre de professionnels nécessaires au fonctionnement des services de santé au travail et de médecine du travail ;
- de coordonner les instances chargées de la prévention des risques professionnels et de la promotion de la santé au travail notamment par la coopération des professionnels de santé, des équipes pluridisciplinaires et de l'ensemble des intervenants en prévention des risques professionnels ;
- de solliciter des organismes compétents le développement de programmes de recherche fondamentale et appliquée en matière de santé au travail.
II - La position de votre commission
Le rapport Conso et Frimat rappelle que la gestion patronale de la médecine du travail est mise en cause et souligne la faiblesse de l'intervention de l'Etat.
Au premier rang des solutions envisagées, le transfert sous gestion publique de la médecine du travail a été préconisé en février 2006 par la mission parlementaire d'information de l'Assemblée nationale sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante. La puissance publique aurait ainsi toute latitude de conformer les priorités, l'organisation et le fonctionnement des services de santé au travail aux objectifs qu'elle aurait définis dans le cadre d'une politique plus générale de santé publique.
Parmi les autres options avancées, le recours au paritarisme par le rattachement de la médecine du travail à la branche AT-MP de la sécurité sociale permettrait, estime le rapport, de mieux intégrer la perspective de prévention des risques, objectif essentiel de la réforme à venir.
Il ne faut pas négliger cependant que, en fonction du lien entre les services de santé au travail et les entreprises, les médecins du travail sont les conseillers des chefs d'entreprise en matière de santé au travail. Cette situation est de nature à faciliter l'exercice de leur rôle en matière de prévention. L'amélioration de leur formation et la décroissance relative des contraintes de temps que font peser sur eux les visites obligatoires apparaissent naturellement comme des conditions préalables.
La proposition de loi ne propose apparemment pas l'étatisation pure et simple mais une forme de coordination nationale renforcée. Elle pourrait ainsi offrir une base de discussion plausible si les mérites du rattachement des médecins du travail aux entreprises étaient contestés sur des fondements sérieux, encore que le passage de la médecine du travail à un statut public ou, en l'occurrence, plus ou moins parapublic entraînerait des conséquences qu'il conviendrait de bien évaluer :
- en termes d'efficacité. Les modalités d'accès du médecin du travail dans les entreprises seraient en effet profondément transformées ;
- en termes de coût. Le coût de la mesure poserait un problème au regard du contexte économique et budgétaire actuel. La médecine du travail étant actuellement à la charge des entreprises, quelque six mille médecins seraient transformés en agents publics et reclassés dans les grilles indiciaires les plus élevées de la fonction publique.
Le rapport Conso et Frimat avance, quant à lui, des pistes de coordination moins centralisées : relevant l'existence d'un déficit de pilotage stratégique, notant aussi que la structuration de l'offre de santé au travail, qu'il s'agisse des compétences à réunir ou de la couverture optimale du territoire régional, ne fait pas l'objet d'orientations, il préconise de donner aux services de l'Etat les moyens de conduire une politique fondée sur des objectifs de santé au travail et plus seulement des indicateurs de moyens et d'activité.
Les expériences de contractualisation restent marginales, regrette-t-il aussi.
Ces pistes paraissent tout aussi intéressantes et moins coûteuses que celles de la proposition de loi et il convient qu'elles soient explorées avant de légiférer.
Voilà pourquoi votre commission vous propose de rejeter cet article.
Article 29 (art. L. 241-1 du code de la sécurité sociale) - Champ de compétence de l'agence nationale de santé au travail
Objet : Cet article prévoit la possibilité pour les administrations et les établissements publics de l'Etat de faire appel aux services de l'agence nationale de santé au travail.
I - Le dispositif proposé
Cet article prévoit que les administrations et établissements publics de l'Etat peuvent faire appel, le cas échéant, aux services de l'agence nationale de santé au travail.
II - La position de votre commission
Votre commission vous propose de rejeter cet article en conséquence de la position qu'elle a adoptée à l'article 28 .
Article 30 (art. L. 241-2 du code du travail) - Mission du médecin du travail
Objet : Cet article attribue au médecin du travail des missions de prévention primaire, secondaire et tertiaire.
I - Le dispositif proposé
Cet article attribue aux médecins du travail :
- la prévention primaire en milieu de travail, ce qui couvre le repérage des risques professionnels a priori aux fins de leur prévention en amont ;
- la prévention secondaire, dont la veille sanitaire qui vise à repérer les risques existants et leurs effets sur la santé des personnes au travail en contribuant à leur communication individuelle et collective ;
- la prévention tertiaire spécifique au milieu du travail, qui entraîne la prescription d'aménagement du poste de travail individuel, les conseils auprès des employés et des employeurs sur les conditions de travail, les alertes sanitaires sur les risques environnementaux ou psychosociaux.
II - La position de votre commission
Les textes en vigueur ne précisent pas la finalité des services de santé au travail (SST). Au sens du code du travail, les SST apparaissent comme une simple réunion de moyens. Il faudra porter remède à cette insuffisance, mais en fonction seulement des choix effectués du côté de la gouvernance.
Votre commission vous propose de rejeter cet article.
Article 31 (art. L. 241-2-1 nouveau du code du travail) - Consultation médicale obligatoire
Objet : Cet article rend obligatoire pour chaque salarié une consultation médicale professionnelle annuelle.
I - Le dispositif proposé
Cet article donne une périodicité annuelle à la visite obligatoire pour tous.
II - La position de votre commission
Le rapport Gosselin présente un certain nombre d'analyses importantes sur la visite médicale obligatoire, dont la périodicité est actuellement de deux ans.
Le rapport note ainsi que les gestionnaires des services de santé au travail et médecins du travail s'accordent à reconnaître que le déficit de temps médical est très important et qu'il ne se résoudra pas, à droit constant, dans les prochaines années.
Deux exemples sont avancés :
- l'ACMS, important service interentreprises de santé au travail de la région parisienne, relève dans son bilan d'activité pour 2005 que « début 2006, les bases informatiques du service faisaient ressortir une charge annuelle moyenne de 742 890 examens périodiques alors qu'en 2005, seulement 375 654 avaient été effectués ». De plus, le service a débuté l'année 2006 avec un retard de l'ordre de 87 000 examens périodiques. Le service ne pense pas pouvoir éviter une aggravation importante de ce retard en 2006 ;
- dans les services interentreprises de la région Picardie, la situation est également très tendue. De façon globale, note le rapport, « l'association régionale des associations de médecine du travail interentreprises estime que, pour l'ensemble de ses neuf services, c'est un total de 191 000 visites annuelles qui devrait être assuré, toutes visites confondues. Moins de la moitié de ces visites sont réalisées ». Les éléments détaillés par type de visite montrent qu'en matière d'embauche, hors travail temporaire, le service de santé au travail d'Amiens assure 44 % des visites d'embauche découlant des déclarations uniques d'embauche reçues. S'agissant du travail temporaire, l'estimation est d'environ 20 %. En ce qui concerne enfin les visites de reprise et les visites à la demande, le service estime à environ 20 % le taux de visites effectuées par rapport à l'obligation.
« Ces données chiffrées », indique le rapport « sont évidemment susceptibles de variation en fonction de la taille des services, des populations surveillées, de leur localisation et bien sûr de leur plus ou moins grande difficulté à recruter des médecins du travail. Mais ils donnent incontestablement des ordres de grandeur réalistes .
Or, l'impossibilité dans laquelle se trouvent les services de santé au travail de faire face aux obligations réglementaires est une source majeure d'insécurité juridique pour les employeurs . »
De son côté, votre commission estime que si l'image de la santé au travail reste assimilée à la visite médicale obligatoire, que si cette consultation est un point de repère pour l'ensemble des acteurs, fortement attachés à cette obligation légale, on ne peut ignorer pour autant que, très consommatrice en temps médical et assez modestement contributive au maintien de la santé au travail, elle fonctionne au détriment de la montée en puissance de la politique de prévention primaire en milieu de travail.
Voilà pourquoi votre commission , hostile à l'idée de fixer dans la loi une périodicité inférieure à deux ans de l'examen obligatoire de tous les salariés, vous propose de rejeter cet article .
Article 32 - Fiche d'aptitude
Objet : Cet article supprime la fiche d'aptitude.
I - Le dispositif proposé
Cet article prévoit que les dispositions règlementaires relatives à la fiche d'aptitude sont abrogées.
II - La position de votre commission
Cette disposition de nature réglementaire fait l'objet de consultations des partenaires sociaux dans l'optique de la réforme des services de santé au travail. C'est pourquoi votre commission vous propose de rejeter cet article.