IV. LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DE NÉCESSAIRES COMPLÉMENTS POUR RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION NATIONALE ET INTERNATIONALE
Le présent projet de loi tend à remédier à certaines lacunes de notre droit au regard des exigences internationales dans le domaine de la lutte contre la corruption.
A. LES ADAPTATIONS OPÉRÉES PAR LE PROJET DE LOI
1. Une répression plus sévère de la corruption et du trafic d'influence d'agents publics
- Des incriminations plus larges en matière de corruption d'agents publics étrangers ou internationaux
La répression de la corruption d'agents publics étrangers ou de fonctionnaires internationaux, y compris le personnel judiciaire, serait aggravée ( article 2 du projet de loi). Les agents publics qui exercent au sein de l'Union européenne (Etat ou organe communautaire) comme ceux qui exercent dans un Etat ou une organisation internationale publique située hors de l'Union européenne seraient soumis aux mêmes règles.
Le champ d'application de la corruption passive d'agents publics étrangers serait considérablement élargi à deux égards. Seraient désormais visées toutes les personnes exerçant dans le secteur public d'un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique et tous les faits de corruption sans limitation quant aux secteurs concernés.
Le champ d'application de la corruption active d'agents publics étrangers serait également étendu à tous les actes de corruption , tous domaines confondus.
Seraient introduites de nouvelles incriminations relatives au trafic d'influence passif et actif . Le champ d'application de cette infraction serait restreint aux agents appartenant à une organisation publique internationale (membres élus ou fonctionnaires), y compris le personnel judiciaire d'une cour internationale 38 ( * ) .
Les personnes coupables de corruption seraient passibles de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende, contre cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende en cas de trafic d'influence.
La liste des peines complémentaires et la responsabilité des personnes morales sont reprises du droit en vigueur pour la corruption d'agents publics étrangers et rendues applicables à l'ensemble de ces délits.
Deux autres infractions sont introduites, l'une relative à la subornation de témoin et au faux témoignage dans le cadre d'une procédure étrangère , l'autre aux menaces et actes d'intimidation à l'encontre du personnel judiciaire ou d'un agent des services de détection et de répression d'un Etat étranger ou d'une cour internationale .
L'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du gouvernement, a amélioré la cohérence et la clarté de ces dispositions sans les modifier sur le fond.
- Une actualisation de la définition de la corruption et du trafic d'influence d'agents publics nationaux
Outre des coordinations, le projet de loi apporte des modifications ponctuelles aux règles applicables à la corruption et au trafic d'influence d'agents publics nationaux ( article premier ) pour :
- ajouter que l'avantage versé par la personne corruptrice peut bénéficier à quelqu'un d'autre qu'à la personne corrompue (en cas de corruption passive , de corruption active et de trafic d'influence ), conformément aux exigences de la convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe.
Sur la proposition de leur commission des lois et avec l'avis favorable du gouvernement, les députés ont proposé de compléter la définition de la corruption dans le secteur privé dans le même sens ;
- introduire une incrimination spécifique de trafic d'influence du personnel judiciaire national , qui n'est que partiellement visé aux termes du droit actuel 39 ( * ) ;
- préciser que la corruption d'un arbitre national concerne une personne exerçant sa mission « sous l'empire du droit national », conformément aux stipulations du protocole à la convention pénale de mai 2003.
Les députés, sur la proposition de leur commission et avec l'avis favorable du gouvernement, ont harmonisé le régime des peines complémentaires encourues par les agents publics coupables de corruption ou de trafic d'influence passif avec les règles définies à l'article 2 du projet de loi pour les agents publics étrangers ou internationaux.
En outre, les députés, toujours à l'initiative de leur commission des lois et avec l'avis favorable du gouvernement, ont inséré dans le projet de loi deux articles modifiant le code général des collectivités territoriales :
- pour procéder à des coordinations au sein des dispositions qui fixent le régime des interdictions de soumissionner à un contrat de partenariat privé conclu avec l'Etat ou une collectivité territoriale, en cas de condamnation pour corruption ou trafic d'influence d'agents publics nationaux ou étrangers ( article 5 bis ) ;
- pour réparer une omission relative aux règles de transmission des comptes certifiés des sociétés d'économie mixte aux élus régionaux ( article 5 ter ).
2. Des règles de procédure pénale particulières
Le projet de loi conserve -sous réserve de coordinations avec l'extension du champ de certaines incriminations et l'introduction du trafic d'influence- certaines règles de procédure pénale dérogatoires au droit commun :
- le parquet disposerait toujours du monopole des poursuites pour la corruption et le trafic d'influence d'agents publics étrangers ou internationaux ne relevant pas de l'Union européenne . Ainsi, à la différence des délits de même nature impliquant des agents publics relevant du cadre communautaire -pour lesquels le droit commun s'applique-, l'exclusion de la possibilité de se constituer partie civile serait maintenue ( article 2 du projet de loi) ;
- la compétence universelle des juridictions françaises pour les actes de corruption et de trafic d'influence d'agents publics relevant de l'Union européenne 40 ( * ) commis hors du territoire national resterait la règle ( article 3 du projet de loi). Pour ces infractions -à condition qu'elles portent atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes-, l'exigence de double incrimination continuerait donc d'être écartée 41 ( * ) .
En revanche, le projet de loi innove sur deux points .
D'une part, il procède à une opportune simplification des règles de saisine des juridictions compétentes pour toutes les infractions de corruption et de trafic d'influence d'agents publics étrangers ou internationaux -qu'ils relèvent ou non du cadre communautaire ( article 4 du projet de loi).
Seul le tribunal de grande instance de Paris serait désormais compétent, concurremment avec la juridiction territorialement compétente , pour la poursuite, l'instruction et le jugement de tous les délits de corruption et de trafic d'influence touchant au secteur public étranger ou international .
L'Assemblée nationale a modifié ce dispositif pour corriger une erreur matérielle.
D'autre part, les techniques d'investigation spéciales (surveillance, infiltration, sonorisation et fixation d'images) pourraient être utilisées pour mettre en évidence des actes de corruption et de trafic d'influence d'agents publics nationaux, étrangers ou internationaux ( article 5 du projet de loi).
Sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a apporté deux compléments à ce dispositif.
Elle a, d'une part, élargi la liste des infractions en matière de corruption et de trafic d'influence d'agents publics susceptibles de faire l'objet des mesures d'enquête spéciales pour réparer des omissions du projet de loi initial.
Dans le souci d'assurer l'efficacité des enquêtes, elle a, d'autre part, étendu aux interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications et à la saisie conservatoire des avoirs la palette des mesures susceptibles d'être utilisées pour ces délits.
3. L'introduction d'une protection légale des salariés à l'origine d'une dénonciation d'un acte de corruption
A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit dans le code du travail un mécanisme pour assurer la protection des salariés à l'occasion de faits de corruption révélés, de bonne foi, dans l'exercice de leurs fonctions ( article 6 bis du projet de loi).
Enfin, toutes les conventions internationales doivent entrer en vigueur sur le territoire national 42 ( * ) rapidement après l'adoption du présent projet de loi de transposition. Il n'est donc pas prévu de dispositif particulier d'entrée en vigueur du présent texte.
Il est en revanche précisé que la présente réforme s'applique à l'ensemble du territoire de la République , ce qui l'étend expressément à la Polynésie française 43 ( * ) , à Wallis-et-Futuna, aux Territoires australes et antarctiques françaises et à la Nouvelle Calédonie ( article 7 du projet de loi).
* 38 Cette limitation du dispositif aux agents publics internationaux tend à prendre en compte l'une des réserves formulées par la France.
* 39 Article 432-11 (trafic d'influence passif) et articles 433-1 et 433-2 (trafic d'influence actif).
* 40 Prévue à l'article 689-8 du code de procédure pénale.
* 41 Par dérogation à l'article 113-6 du code pénal précité (voir II -A - 1).
* 42 Pour mémoire, la France n'a transmis ses instruments de ratification que pour la convention de Mérida le 11 juillet 2005, après l'adoption de la loi n° 2005-743 du 4 juillet 2005. La ratification des conventions civile et pénale sur la corruption ont été autorisées par deux lois adoptées en 2005. Celle du protocole additionnel à la convention pénale date de 2007.
* 43 Voir l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 selon lequel « dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. »