CONCLUSION

Le Protocole de Londres conforte le statut privilégié du français comme langue officielle de l'Organisation européenne des brevets. Le français restera, en effet, la langue de dépôt et de procédure du brevet européen, au même titre que l'anglais ou l'allemand.

La partie essentielle et juridiquement opposable du brevet - les revendications - sera toujours disponible en français et seule la partie technique - la description - ne fera plus l'objet d'une traduction.

En outre, en cas de litige devant le juge, le titulaire devra fournir une traduction en français de l'intégralité du brevet.

L'Accord de Londres entraînera une réduction des coûts de traduction du brevet européen, même si l'ampleur de ces économies est difficile à évaluer.

Cela permettra aux entreprises européennes et françaises, notamment aux petites et moyennes, ainsi qu'à nos centres de recherche, de déposer davantage de brevets et d'améliorer ainsi la situation de la recherche et de l'innovation en Europe.

Surtout, la ratification du Protocole de Londres devrait permettre à la France de relancer les négociations sur le brevet communautaire, notamment dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008 et de l'entrée en vigueur du nouveau traité modificatif, qui devrait intervenir avant juin 2009.

Or, le brevet communautaire demeure un objectif essentiel pour l'amélioration du système des brevets à l'échelle de l'Europe et, plus largement, pour la croissance et la compétitivité en Europe.

Pour ces raisons, je vous propose l'adoption de ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 3 octobre 2007.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Robert Bret a indiqué que la question de la ratification du Protocole de Londres transcendait les clivages politiques, étant donné que cet accord avait été élaboré et signé par la France sous le Gouvernement de M. Lionel Jospin. Il a donc estimé qu'il était nécessaire d'examiner tous les enjeux soulevés par ce texte.

Ayant participé aux travaux du groupe de travail de la Délégation chargé de réfléchir à l'avenir du brevet en Europe, il avait pu mesurer, au cours des nombreuses auditions, la complexité de ce dossier. En effet, personne ne peut dire vraiment aujourd'hui quels seront les effets du Protocole de Londres. Ainsi, il n'est pas évident que cet accord entraîne une diminution des coûts de traduction du brevet européen. Il n'est pas non plus certain qu'il entraîne une augmentation du nombre de dépôts de demandes de brevets par les entreprises ou les chercheurs français. Il n'est pas évident que la ratification du Protocole de Londres par la France permette de débloquer le projet de brevet communautaire.

Enfin, l'impact du Protocole de Londres sur la place du français est également difficile à mesurer. Il faut savoir que moins de 7 % des demandes de brevets européens sont aujourd'hui déposées en français, contre 70 % pour l'anglais. Quel sera l'impact du Protocole de Londres sur l'usage du français dans le système des brevets et plus largement sur le multilinguisme au niveau européen. M. Robert Bret s'est demandé si l'on ne risquait pas un appauvrissement de la langue française comme langue scientifique et technique.

M. Robert Bret a indiqué que le groupe communiste, républicain et citoyen s'était prononcé contre la ratification de cet accord lors du vote sur ce texte à l'Assemblée nationale et qu'il en irait probablement de même au Sénat. Il a souhaité que le débat en séance publique sur ce texte permette d'éclairer l'opinion sur les enjeux de la ratification de cet accord.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que si des pays tels que l'Espagne ou l'Italie s'opposaient à la ratification du Protocole de Londres, c'est parce qu'ils refusaient le système trilingue actuel et qu'ils revendiquaient la même place pour leur propre langue.

Elle a fait valoir que, selon certaines études, le coût moyen de la traduction d'un brevet dans les 23 langues des 32 pays de l'Office européen des brevets était de l'ordre de 30.000 euros et que le coût du brevet européen était, de ce fait, sensiblement plus élevé que celui du brevet américain ou japonais.

Elle a considéré que la réduction des coûts de traduction entraînera une diminution du coût global du brevet européen, ce qui permettra d'encourager les entreprises et les chercheurs français et européens à déposer davantage de brevets.

M. Jean-Pierre Fourcade a fait observer que la question de la ratification du Protocole de Londres rappelait la campagne référendaire sur le projet de constitution européenne. Il a indiqué qu'en tant que président du conseil d'agglomération du Val-de-Seine, il participait actuellement à la mise en place d'un pôle de compétitivité de dimension européenne et que toutes les entreprises qu'il avait rencontrées à cette occasion avaient plaidé en faveur de la ratification de l'accord de Londres.

Mme Catherine Tasca a indiqué que la ratification du Protocole de Londres soulevait des inquiétudes dont il fallait tenir compte.

En réalité, l'impact de ce protocole est difficile à mesurer. Ainsi, personne ne peut dire vraiment quels seront les effets au niveau économique et s'il y aura une diminution sensible des coûts de traduction. Il faut également tenir compte des effets sur la profession de traducteurs de brevet, dont la reconversion n'est pas évidente et qui soulève un véritable problème social. Les effets du Protocole de Londres sur la place du français sont également difficiles à mesurer, d'après Mme Catherine Tasca.

D'une part, le Protocole de Londres conforte la place du français en tant que langue officielle de l'Office européen des brevets, aux côtés de l'allemand et de l'anglais, mais, d'autre part, il est frappant de constater qu'actuellement, moins de 7 % des demandes de brevets sont déposées en français. La ratification du Protocole de Londres doit donc s'accompagner d'une action diplomatique de la France, notamment vers les pays francophones, afin d'encourager les entreprises, les centres de recherches étrangers à déposer leurs demandes de brevets en français, a estimé Mme Catherine Tasca.

La ratification du Protocole de Londres présente donc des risques et des opportunités, selon Mme Catherine Tasca.

En tout état de cause, ce qui compte, c'est la capacité de nos entreprises ou de nos centres de recherche à innover et à déposer des brevets, ce qui soulève d'autres questions, plus profondes comme la place des universités, de la recherche, etc. La ratification du Protocole de Londres est donc largement un pari positif pour l'avenir, a-t-elle estimé.

M. André Vantomme a estimé, pour sa part, que les risques d'une absence de ratification du Protocole de Londres étaient supérieurs aux inconvénients éventuels. Il a également estimé qu'il serait souhaitable, concernant la situation des traducteurs des brevets, d'interroger le Gouvernement, lors du débat en séance publique, sur la mise en oeuvre des préconisations qui avaient été formulées par notre collègue Francis Grignon et M. Georges Vianes dans leurs rapports respectifs de 2001.

M. Jacques Blanc, Président, a indiqué que le coût financier lié à l'augmentation du nombre de langues, tant dans l'Union européenne que dans l'organisation européenne des brevets, était une question majeure, comme il avait pu le mesurer au sein du Comité des régions. Il a considéré que le français avait la chance de disposer d'un statut privilégié au sein de l'Office européenne des brevets et que le Protocole de Londres pérennisait ce statut. Face au risque d'un passage au « tout anglais » en cas de non ratification du Protocole de Londres par la France, il était donc nécessaire de le ratifier.

En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- l'analyse en termes de risques et d'opportunités plaide en faveur d'une ratification du Protocole de Londres ;

- la France n'est pas seule dans cette affaire et il faut tenir compte des réactions de nos partenaires européens ;

- en particulier, le risque d'un passage au « tout anglais » en cas de non ratification par la France ne doit pas être sous-estimé ;

- la ratification du Protocole de Londres n'exonère pas le Gouvernement de prendre les mesures d'accompagnement qui étaient préconisées par notre collègue Francis Grignon et par M. Georges Vianes dans leurs rapports respectifs de 2001 ;

- lors du débat en séance publique, il faudra d'ailleurs interroger les représentants du Gouvernement sur ce point ;

- les représentants des PME, comme la CGPME, se sont tous prononcés en faveur de la ratification du Protocole de Londres ;

- enfin, le débat en séance publique permettra à chacun d'exprimer son point de vue.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a alors adopté, le groupe Communiste, républicain et citoyen votant contre, le projet de loi n° 474 et proposé qu'il fasse l'objet d'un débat en séance publique.

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