MISSION « SÉCURITÉ SANITAIRE » - Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale
I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES |
A. RAPPEL DES SPÉCIFICITÉS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION |
1. Une mission interministérielle factice, sans vision d'ensemble |
2. Une image imparfaite de l'exécution financière de la politique globale de sécurité sanitaire |
B. EXÉCUTION 2006 |
1. Une exécution très éloignée de l'autorisation budgétaire |
2. Un taux d'exécution très disparate entre les deux programmes |
3. Une fongibilité qui n'a pu que faiblement jouer |
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A. LE PROGRAMME 228 : « VEILLE ET SÉCURITÉ SANITAIRES » |
1. Une dotation multipliée par sept en cours de gestion |
2. Une faible consommation des crédits |
3. L'enjeu lié aux opérateurs |
4. Une analyse de la performance difficile à apprécier |
B. LE PROGRAMME 206 : « SÉCURITÉ ET QUALITÉ SANITAIRES DE L'ALIMENTATION » |
1. D'importantes modifications de la programmation budgétaire initiale |
2. Un taux de consommation des crédits globalement satisfaisant |
3. Des reports de charges importants |
4. Une performance difficile à évaluer |
I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES
A. RAPPEL DES SPÉCIFICITÉS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION
1. Une mission interministérielle factice, sans vision d'ensemble
La mission « Sécurité sanitaire » est une des huit missions interministérielles du budget , ce qui se justifie par les liens étroits existants entre les thématiques relatives à la santé humaine et animale , dont témoigne notamment le risque de pandémie de « grippe aviaire ».
Cependant, comme l'a déjà souligné, à de nombreuses reprises 188 ( * ) , votre rapporteure spéciale, si la dimension opérationnelle de l'interministérialité de la mission est avérée , sa dimension budgétaire est encore à parfaire .
La présentation même du rapport annuel de performances (RAP) 2006 reflète, de nouveau, ce défaut : la présentation de l'exécution budgétaire de la mission consiste en une juxtaposition des RAP des programmes correspondants sans présentation du bilan stratégique d'ensemble de la mission.
2. Une image imparfaite de l'exécution financière de la politique globale de sécurité sanitaire
La mission « Sécurité sanitaire », composée de deux programmes, ne représente, comme l'a rappelé votre rapporteure spéciale dans son récent rapport d'information sur le dispositif des agences de sécurité sanitaire 189 ( * ) , qu'une partie étroite de cette politique publique , puisque pas moins de treize autres programmes rattachés à d'autres missions y concourent. Surtout les fonctions support sont portées par d'autres missions.
Par ailleurs, les crédits de la mission sont abondés dans une large proportion par divers fonds de concours, dont le fonds dédié au financement des plans « Pandémie grippale » et « Biotox », intégralement financé par l'assurance maladie.
Votre rapporteure spéciale tient donc à souligner que l'étroitesse du périmètre de la mission ne permet pas une appréhension d'ensemble de la gestion budgétaire de l'Etat en ce domaine. Cela pourrait, comme l'indique la Cour des comptes, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'année 2006, « justifier un réexamen du découpage des programmes ».
B. EXECUTION 2006
1. Une exécution très éloignée de l'autorisation budgétaire
Au cours de l'exercice 2006, la dotation initiale de la mission a plus que doublé, passant de 939 millions d'euros à 1,67 milliard en autorisations d'engagement (AE) et de 640 millions à 1,34 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).
Ce très net écart entre le montant des crédits votés en loi de finances initiale (LFI) et le montant de crédits réellement ouverts en cours de gestion, résulte d'importants mouvements de crédits , notamment de forts reports de crédits de l'exercice 2005 sur 2006 et de décrets d'avance , destinés à faire face aux très graves crises sanitaires intervenues en cours d'année (influenza aviaire et chikungunya).
2. Un taux d'exécution très disparate entre les deux programmes
Comparés aux crédits ouverts en LFI, le taux d'exécution de la mission est élevé : il est de 140,5 % en AE et de 145,6 % en CP. Ceci reflète les mouvements de crédits, décrits plus haut, venus abonder les programmes de la mission au cours de l'année 2006.
En revanche, par rapport aux crédits réellement ouverts en cours d'exercice, le taux d'exécution global de la mission n'est plus que de 79 % en AE et 70 % en CP, et se révèle très différent d'un programme à un autre : si le taux d'exécution du programme 206 est de 82 % en AE et 94,5 % en CP, celui du programme 228 est de 75 % en AE et 47 % en CP.
L'examen de l'exécution par programme permettra de revenir sur les causes de cette disparité.
3. Une fongibilité qui n'a pu que faiblement jouer
De façon générale, la mission n'a pas fait l'objet d'importants mouvements de fongibilité.
S'agissant du programme 228, la fongibilité n'a pas joué, en raison des faibles marges de manoeuvre dont dispose le responsable de programme :
- d'une part, 74 % des crédits votés en LFI sont des subventions pour charge de service public versées aux opérateurs ;
- d'autre part, les fonctions support du programme sont rattachées à une autre mission : le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité et intégration ».
S'agissant du programme 206, la fongibilité a joué, globalement en faveur de l'action 4 du programme (« Acquisition et mobilisation des moyens scientifiques et techniques pour maîtriser les risques sanitaires ») qui regroupe, pour l'essentiel, les crédits versés à l'AFSSA.
Par ailleurs, les graves crises sanitaires survenues en 2006 ont donné lieu à des mouvements de fongibilité temporaires , depuis les secteurs non affectés par ces crises, vers l'action 2 du programme (« Lutte contre les maladies animales et protection des animaux ») ; ceci afin d'attendre la mise à disposition des crédits ouverts par décrets d'avance. Ces crédits ont ensuite été rétablis selon la programmation initiale.
Il est, enfin, à noter que le programme 206 a été concerné par la fongibilité asymétrique , notamment en raison du transfert de personnels du ministère de l'agriculture et de la pêche vers l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Néanmoins, ce mouvement de fongibilité asymétrique est à relativiser : il s'agit d'une transformation de dépenses de titre 2 (dépenses de personnel) en subvention pour charge de service public versée à l'AFSSA, qui servira à financer les emplois ainsi transférés à l'opérateur.
Données générales d'exécution de la mission « Sécurité sanitaire » |
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(en euros) |
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Programmes |
Crédits votés
|
Crédits ouverts
|
Crédits consommés |
Taux d'exécution
|
Taux d'exécution
|
|||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Veille et sécurité sanitaire |
103.511.920 |
103.088.828 |
734.727.268 |
700.229.176 |
552.705.604 |
331.001.001 |
536,5 % |
321,3 % |
75,0 % |
47,0 % |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
835.772.740 |
536.805.087 |
935.871.544 |
636.777.179 |
766.572.838 |
601.401.267 |
91,7 % |
112,0 % |
82,0 % |
94,5 % |
Total |
939.284.660 |
639.893.915 |
1.670.598.812 |
1.337.006.355 |
1.319.278.442 |
932.402.268 |
140,5 % |
145,7 % |
79,0 % |
70,0 % |
Source: d'après les données du rapport annuel de performances « Mission sécurité sanitaire » annexé au projet de loi de règlement pour 2006 |
II. ANALYSE PAR PROGRAMME
A. LE PROGRAMME 228 : « VEILLE ET SÉCURITÉ SANITAIRES »
1. Une dotation multipliée par sept en cours de gestion
En LFI pour 2006, le programme 228 a été doté de 103,5 millions d'euros en AE et de 103 millions d'euros en CP . Compte tenu des mouvements de crédits intervenus en cours d'année, les crédits ouverts, au 31 décembre 2006, s'élèvent à 734,8 millions d'euros en AE et à 700 millions d'euros en CP . La dotation a ainsi été multipliée par sept en cours de gestion.
Mouvements de crédits ayant affecté le programme 228 en 2006
(en euros)
Programme 228 « Veille et sécurité sanitaires » |
Crédits autres titres (AE) |
Crédits autres titres (CP) |
Total des crédits ouverts en LFI |
103.511.920 |
103.088.828 |
Mouvements de crédits Arrêté du 16 février 2006 - reports anticipés Arrêté du 16 février 2006 - reports anticipés Arrêté du 17 février 2006 portant ouverture de fonds de concours Arrêté du 28 mars 2006 - solde reports généraux Décret d'avance n° 2006-365 du 27 mars 2006 Décret d'avance n° 2006-954 du 1 er août 2006 Loi de finances rectificative du 30 décembre 2006 Rattachement fonds de concours « EAU » Rattachement fonds de concours « CPP » |
267.000.000 126.745.744 175.000.000 1.532.568 8.820.000 14.000.000 34.075.000 2.923.440 1.143.596 |
67.000.000 126.745.744 175.000.000 1.532.568 8.820.000 14.000.000 0 2.923.440 1.143.596 |
Total des crédits ouverts en 2006 |
734.727.268 |
700.229.176 |
Source : direction générale de la santé
Comme le résume le tableau ci-dessus, ces mouvements de crédits résultent :
a) D'importants arrêtés de reports de l'exercice 2005 sur 2006
Le montant des arrêtés de report de l'exercice 2005 sur 2006 s'élève à 396 millions d'euros en AE et CP, soit 3,8 fois le montant des crédits votés en LFI. Votre rapporteure spéciale rappelle en effet que le programme 228 bénéficie d'une disposition dérogatoire, votée en loi de finances pour 2006, permettant des reports de crédits non consommés supérieurs au plafond de 3 % des crédits initiaux votés, fixé par l'article 15 de la LOLF.
Ces reports de crédits résultent, pour l'essentiel (soit 305 millions d'euros en AE et en CP), d'une sous-consommation des crédits alloués aux plans « Pandémie grippale » et « Biotox » en 2005. Ils ont ainsi, pour l'essentiel, abondé l'action 2 du programme : « Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises ».
L'article 72 de la loi de finances pour 2006 : majoration des plafonds de reports de crédits de paiement de 2005 sur 2006 L'article 15 de la LOLF , s'il prévoit que les crédits inscrits sur les autres titres que le titre des dépenses de personnel (titre 2) peuvent être reportés dans la limite globale de 3 % de l'ensemble des crédits initiaux inscrits sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés, autorise une majoration de ce plafond par une disposition de loi de finances . Tel est l'objet de l'article 72 de la loi de finances pour 2006 qui fixe une liste de chapitres qui pourront bénéficier de reports supérieurs au plafond de 3 %, dans la limite du montant des dotations ouvertes sur ces mêmes chapitres par la loi de finances initiale pour 2005, majoré, s'il y a lieu, du montant des crédits ouverts par voie réglementaire : on passe donc pour ces chapitres, d'un plafond de 100 %, déduction faite des crédits déjà consommés. Source : rapport général n° 99 (2005-2006) |
b) D'importantes ouvertures de crédits par voie de fonds de concours
Le montant global des ouvertures de crédits par voie de fonds de concours s'élève en 2006 à 179 millions d'euros en AE et en CP , soit 1,7 fois le montant des crédits votés en LFI .
Le programme 228 a été abondé par trois fonds de concours :
- le fonds de concours « Qualité des eaux non minérales destinées à la consommation humaine » pour un montant de 2,9 millions d'euros en AE et en CP ;
- le fonds de concours « Frais de fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale » pour un montant de 1,1 million d'euros en AE et en CP ;
- et surtout, le fonds de concours relatif à « la participation de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) à l'achat, au stockage et à la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes terroristes ou de menaces sanitaires graves » pour un montant de 175 millions d'euros en AE et en CP.
S'agissant de ce dernier fonds, il est à noter que la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 a prévu la création d'un nouvel établissement public à caractère administratif, dénommé « Fonds de prévention des risques sanitaires » (FOPRIS), dédié au financement du plan « Pandémie grippale » , afin notamment de respecter l'obligation constitutionnelle de renoncer à ce fonds de concours 190 ( * ) .
c) D'ouvertures de crédits dans le cadre de décrets d'avance et de la loi de finances rectificative pour 2006
Le montant global des crédits ouverts par décrets d'avance s'élève, pour l'exercice 2006, à 22,8 millions d'euros en AE et en CP, soit 22 % des crédits ouverts en LFI.
Le programme 228 a, en effet, fait l'objet de deux décrets d'avance, le premier au titre du financement des dépenses de la lutte anti-vectorielle pour un montant de 8,8 millions d'euros, le second au titre du financement de la lutte contre l'épidémie de chikungunya pour un montant de 14 millions d'euros.
Quant au décret du 30 décembre 2006, portant ouverture de 34 millions d'euros en AE au titre de la loi de finances rectificative, il avait pour finalité la prévention et la lutte contre la méningite en Haute-normandie.
Ces importants mouvements de crédits (56,8 millions d'euros au total, soit plus de la moitié des crédits votés en LFI) reflètent, pour partie, la spécificité de la mission « Sécurité sanitaire », qui, par nature, doit faire face à crises difficilement prévisibles. De plus, comme pour toute politique de prévention des crises, la consommation des crédits de la mission est également soumise à des aléas, qui tiennent notamment à l'évolution des connaissances sur les risques générés par les crises sanitaires ainsi que sur les voies et moyens pour y faire face.
Cependant, ces importantes ouvertures de crédits en cours d'exécution conduisent votre rapporteure spéciale à s'interroger sur la systématique sous-budgétisation de la mission en loi de finances initiale , qui s'est d'ailleurs encore avérée en mars 2007, dans la mesure où un programme de renouvellement et d'acquisition de produits et matériels médicaux supplémentaires, dans le cadre de la réactualisation du plan « Pandémie grippale », a nécessité l'ouverture, par décret d'avance, de 80 millions d'AE.
2. Une faible consommation des crédits
Alors que la dotation initiale des crédits a été multipliée par sept en cours de gestion, seuls 75 % des AE et 47 % des CP ouverts ont été consommés . Cette sous-consommation concerne pour l'essentiel l'action 2 du programme « Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises ».
Selon les informations recueillies par votre rapporteure spéciale auprès du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, cette sous-consommation résulterait de deux phénomènes :
- d'une part, le caractère pluriannuel de certains marchés passés, notamment de ceux conclus dans le cadre des plans « Pandémie grippale » et « Biotox » ;
- d'autre part, la volonté de constituer une provision destinée à répondre à la survenue d'une nouvelle crise : d'après les données de la direction générale de la santé (DGS), celle-ci s'élevait au 31 décembre 2006, à 10,2 millions d'euros en AE et 16,3 millions d'euros en CP.
Si votre rapporteure spéciale comprend les deux justifications avancées, elle se demande néanmoins, comme la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'année 2006, si certains dispositifs ne seraient pas « sur-dotés ». Elle s'interroge pour savoir si une évaluation plus fiable des besoins réels n'éviterait pas la suspicion de « sur-dotation » quant à la gestion budgétaire de l'Etat.
Votre rapporteure spéciale regrette enfin que le RAP 2006 ne retrace pas l'état d'exécution des plans de programmation « Pandémie grippale » et « Biotox », qui représentent pourtant l'essentiel des dépenses du programme 228.
Les AE et les CP non consommés en 2006, d'un montant respectif de 182 millions et 369 millions seront reportés intégralement sur l'exercice 2007. Le programme 228 a, en effet, de nouveau, bénéficié d'une disposition dérogatoire, votée en loi de finances pour 2007 (article 58), permettant des reports de crédits non consommés supérieurs au plafond de 3 % sur l'exercice 2007. Votre rapporteure spéciale s'interroge sur le caractère, désormais, quasi-systématique de ces reports de crédits de montants très élevés.
3. L'enjeu lié aux opérateurs
Les subventions pour charge de service public versées aux opérateurs du programme représentaient près de 74 % des crédits inscrits en LFI. Si globalement, le taux d'exécution des dépenses de ces derniers est satisfaisant , votre rapporteure spéciale s'interroge néanmoins sur la sous-estimation initiale des ressources propres de certains opérateurs . Les ressources propres de l'AFSSAPS se sont ainsi avérées 1,7 fois plus importantes que prévues, celles de l'Agence de la biomédecine 2,4 fois et celles de l'INVS 4 fois plus. S'il est vrai que l'évaluation de ce type de ressources est soumise à certains aléas (recettes exceptionnelles, par exemple, dans le cas de l'INVS), votre rapporteure spéciale tient à souligner qu'une meilleure évaluation des ressources propres des opérateurs est indispensable, dans la mesure où, de celle-ci, dépend, pour partie, la détermination de la subvention pour charge de service public qui leur est versée.
4. Une analyse de la performance difficile à apprécier
a) Des indicateurs « insuffisamment intelligibles»
Comme le souligne le CIAP, dans son rapport précité sur le programme 228, « les indicateurs de performance retenus sont insuffisamment intelligibles et peu fiables à ce jour ».
Sur les douze indicateurs que dénombrait le PAP 2006, votre rapporteure spéciale note en particulier que :
- quatre indicateurs ont été abandonnés en projet de loi de finances initiale pour 2007 et ne sont donc pas renseignés (indicateurs 2.1, 4.1, 4 et 5.1) ;
- deux indicateurs ne disposaient pas de prévision de performance pour 2006 (indicateurs 3.2 et 6.1) ;
- un indicateur voit sa cible de performance et son résultat exprimés dans des unités différentes (indicateur 8.1) ;
- deux indicateurs rendent peu compte des objectifs auxquels ils se rattachent (indicateurs 3.1 et 3.2).
Pour les autres indicateurs et de façon générale, votre rapporteure spéciale tient à souligner que la cible de résultat, d'une part, et les écarts entre les objectifs fixés et les résultats constatés, d'autre part, ne sont pas argumentés de façon satisfaisante et ne permettent donc pas une appréciation de la performance du programme .
b) Des indicateurs ne couvrant que faiblement les crédits de la mission
En LFI pour 2006, 74 % des CP et AE votés étaient constitués de subventions pour charge de service public versées aux opérateurs de la mission.
Or, sur les sept opérateurs de la mission, seuls deux se voient rattacher des indicateurs propres : l'AFSSAPS et l'Agence de la biomédecine .
Certes, depuis 2007, trois opérateurs ( l'AFSSET, l'AFSSA et l'Agence de la biomédecine) ont signé un Contrat d'objectifs et de moyens (COM) ou contrat de performance. Cependant, comme l'a souligné votre rapporteure spéciale dans son récent rapport d'information 191 ( * ) , ces contrats s'apparentent davantage à des rapports d'activité ou à des projets d'établissement et ne permettent donc pas d'évaluer la performance de ces opérateurs.
Votre rapporteure spéciale invite très fortement la direction générale de la santé (DGS) à revoir l'ensemble de ces indicateurs de performance et à d'achever sa politique de contractualisation envers les opérateurs de la mission.
B. LE PROGRAMME 206 : « SÉCURITÉ ET QUALITÉ SANITAIRES DE L'ALIMENTATION »
1. D'importantes modifications de la programmation budgétaire initiale
Les évènements sanitaires de 2006 ont conduit à des mouvements de crédits importants , entraînant de substantielles modifications par rapport aux éléments présentés dans le cadre du projet annuel de performances (PAP) de 2006. Ces mouvements de crédits sont de plusieurs ordres :
- des reports de crédits de 2005 sur 2006 pour un montant global de 27,6 millions d'euros en AE et 28,4 millions d'euros en CP : il s'agit, pour l'essentiel, du report sur l'exercice 2006 de fonds de concours rattachés tardivement en 2005 ;
- d'ouvertures par voie de fonds de concours pour un montant global de 30 millions d'euros en AE et en CP : cependant, 28 millions d'euros ont été ouverts en toute fin de gestion et n'ont donc pu être rattachés au budget opérationnel de programme (BOP) concerné et être consommés . Ils seront reportés sur l'exercice 2007 ;
- des décrets d'avance pour un montant global de 46 millions d'euros en AE et en CP : 16 millions d'euros en AE et CP dans le cadre de la lutte contre l'influenza aviaire (dont 575.000 euros en titre 2) et 30 millions d'euros en AE et CP, afin de financer la décision de mise en place d'un dépistage systématique des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) chez les ovins et les caprins à l'abattoir et à l'équarrissage ;
- une ouverture, enfin, de 0,9 million d'euros en AE en loi de finances rectificative .
Si ces mouvements de crédits et notamment l'ouverture de crédits par voie de décrets d'avance étaient nécessaires pour faire face aux crises sanitaires survenues en 2006 , votre rapporteure spéciale tient néanmoins à rappeler qu'ils reflètent une mauvaise évaluation des besoins de la mission.
En effet, lors de l'examen de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2006 au Sénat le 6 décembre 2005 , votre rapporteure spéciale avait présenté, au nom de la commission des finances, un amendement visant à transférer un montant de 15 millions d'euros du programme « Veille et sécurité sanitaires » vers le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » , dans la mesure où les hypothèses sur lesquelles avait été construit le budget du deuxième programme pour 2006 ne tenaient pas compte de la survenance d'une épizootie d'influenza aviaire ni en Europe ni sur le territoire français. Or, cet amendement avait été repoussé par le Sénat , notamment suite à l'intervention du ministre de la santé et des solidarités qui avait alors précisé : « l'abondement de 15 millions d'euros auquel vous souhaitez procéder, Madame Bricq, est (...) inutile, puisque nous serions tout à fait en mesure de faire face au risque lié à l'épizootie ».
2. Un taux de consommation des crédits globalement satisfaisant
a) Le bilan de l'exécution des dépenses du titre 2
Le bilan de l'exécution du titre 2 (dépenses de personnel) fait apparaître une consommation de 231,3 millions d'euros en AE et en CP, pour une dotation initiale de 234,7 millions d'euros, soit une sous-consommation de 3,4 millions d'euros .
Cette sous-exécution s'explique cependant par des évènements non reconductibles pour 2007 :
- des économies liées à des départs en retraite plus nombreux que prévus ;
- des retards dans l'exécution de dépenses spécifiques par rapport au calendrier habituel (prestations sociales, mesures catégorielles) ;
- un « surcalibrage » de la dotation du ministère au titre de sa contribution au Compte d'affectation spéciale (CAS) « Pension ».
b) Le bilan de l'exécution des autres titres
La dotation hors titre 2 s'est élevée à 703,5 millions d'euros en AE et 404,4 millions d'euros en CP. L'écart entre la dotation et l'exécution est donc de 168,3 millions d'euros en AE et 34,4 millions d'euros en CP, soit un taux de consommation de 76 % des AE et de 79,5 % des CP.
D'après la direction générale de l'alimentation (DGAL), cet écart entre la prévision et l'exécution est dû :
- au maintien d'une partie de la mise en réserve du programme à hauteur de 17 millions d'euros en AE et de 5,1 millions d'euros en CP ;
- à la non-consommation de 28 millions d'euros en AE et en CP de fonds de concours rattachés tardivement en 2006 ;
- s'agissant plus particulièrement des CP , à une sous-exécution de 1,3 million d'euros sur le BOP « Intervention des services vétérinaires », qui s'explique par la décision tardive de prolongation du dépistage systématique des ovins et des caprins à l'abattoir et à l'équarrissage ;
- s'agissant enfin des AE , d'une sous-consommation de 123 millions d'euros sur l'action 5 (« Elimination des farines et des co-produits des animaux »). Cet écart est dû, d'une part, pour le service public de l'équarrissage (SPE), à une surestimation du besoin des « AE dettes » (destinées à payer à la CNASEA les prestations antérieures à 2006), et, d'autre part, pour la gestion du stock des farines animales, à un retard pris pour la passation des marchés publics liés au déstockage .
Cette importante sur-évaluation des AE destinées au SPE, qui interpelle votre rapporteure spéciale, confirme les observations formulées par la Cour des comptes, dans le cadre de son enquête menée sur le fonctionnement du SPE. Saisie d'une demande par la commission des finances, dans le cadre de l'article 58-2 de la LOLF, la Cour des comptes avait en effet relevé ces difficultés financières liées à la gestion du SPE 192 ( * ) .
3. Des reports de charges importants
Le programme 206 connaît par ailleurs d'importants reports de charges, évalués, pour les deux principales sous-actions concernées, à environ 118 millions d'euros début 2006.
Ces reports de charge concernent principalement :
- la sous-action 21 « Lutte contre les Encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) » : il s'agit principalement des impayés liés aux frais d'analyses des services vétérinaires dans le cadre des mesures de lutte contre l'ESB et la tremblante bovine et caprine ;
- la sous-action 50 « Service public de l'équarrissage (SPE) » : ce report de charge correspond à l'ensemble des prestations réalisées dans le cadre du SPE et qui ont fait l'objet d'envoi de factures au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), organisme payeur jusqu'au 15 juillet 2006, et à l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP), organisme payeur à partir du 15 juillet 2006, après vérification du service fait par les directions départementales des services vétérinaires (DDSV). Votre rapporteure spéciale rappelle, à cet égard, que la Cour des comptes, dans son rapport précité 193 ( * ) , avait également mis en évidence ces difficultés de gestion budgétaire du SPE.
4. Une performance difficile à évaluer
a) La qualité des indicateurs en question
Dans son avis du 1 er mars 2007 sur le programme 206, le CIAP soulignait la difficulté à apprécier la performance du programme :
- d'une part « aucun des indicateurs n'est judicieux au regard des finalités supposées de la mission dont les objectifs devraient cibler la santé publique » ;
- d'autre part « plusieurs indicateurs sont en fin de vie, d'autres sont d'interprétation délicate ».
Selon des propos recueillis auprès de la direction générale de l'alimentation (DGAL), c'est principalement l'indicateur 2-1 « Taux d'incidence de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et de la tremblante caprine » qui s'est révélé défaillant . La nette amélioration des résultats constatés par cet indicateur traduit en effet la chute plus rapide qu'escomptée de l'incidence de l'ESB et non les efforts accomplis dans ce domaine, mettant en cause la pertinence même de cet indicateur.
Quant à l'absence d'indicateur d'efficience souvent dénoncée, votre rapporteure spéciale note que celle-ci devrait être corrigée par l'introduction prochaine d'un sous-indicateur « Coût unitaire de la surveillance épidémiologique de l'ESB », ainsi que d'un nouvel indicateur d'évolution du coût de l'inspection sous assurance qualité.
b) Une couverture insuffisante des crédits de personnels
Selon la DGAL, il est possible de considérer que les huit indicateurs associés aux objectifs du programme permettent d'évaluer l'utilisation de 55 % des crédits du programme hors dépenses de personnel et 63 % des crédits du programme hors dépenses de personnel et hors service public de l'équarrissage.
Quant aux crédits de personnel, qui représentent 35 % des crédits du programme, ils ne sont pris en compte, dans l'objectif 7 par l'indicateur 7.1 (« Taux des services déconcentrés de la DGAL ayant été soumis à une évaluation favorable ») que très indirectement et de façon difficile à évaluer .
Quant à l'AFSSA , opérateur principal et unique du programme, aucun indicateur ne permet d'apprécier sa performance . Certes la signature en 2007 d'un Contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'agence et les administrations de tutelle représente de ce point de vue un progrès. Mais comme l'a déjà souligné votre rapporteure spéciale dans son rapport d'information sur les agences de sécurité sanitaire 194 ( * ) , le contrat signé s'apparente davantage à un projet d'établissement qu'un réel contrat de performance , permettant de lier les objectifs fixés, les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus.
Votre rapporteure spéciale encourage la direction générale de l'alimentation (DGAL) à poursuivre ses démarches de perfectionnement des indicateurs du programme.
* 188 Rapport général n° 99 (2005-2006), tome III, annexe 28 ; rapport n° 451 (2005-2006) ; rapport général n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 28.
* 189 Rapport n° 355 (2006-2007).
* 190 Dans sa décision n° 2005-528 du 15 décembre 2005 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, le Conseil constitutionnel a considéré que la participation de l'assurance maladie au fonds de prévention des risques sanitaires, « en raison de son caractère obligatoire, ne figure pas parmi les recettes que peuvent abonder un fonds de concours » et entre ainsi, en contradiction avec l'article 17 de la LOLF, selon lequel les versements aux fonds de concours doivent avoir un caractère volontaire. Sans censurer le dispositif, au nom de l'intérêt général de valeur constitutionnelle qui s'attache à la protection sanitaire de la population, il a invité à mettre le dispositif en conformité avec la LOLF à compter de 2007.
* 191 Rapport précité n° 355 (2006-2007).
* 192 Rapport n° 732 (2005-2006).
* 193 Rapport précité n° 732 (2005-2006).
* 194 Rapport n° 355 (2006-2007).