EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé de la proposition de loi

Votre commission vous propose de modifier l'intitulé de la présente proposition de loi, afin de mettre en lumière qu'elle tend non seulement à apporter quelques aménagements techniques au fonctionnement de l'Assemblée de Corse et du conseil exécutif de Corse mais aussi et surtout à modifier le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse.

Votre commission vous propose donc dans ses conclusions de modifier la rédaction de l'intitulé de la présente proposition de loi, qui tendrait désormais à « modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse ».

Article premier (art. L. 366 et L. 373 du code électoral) - Mode de scrutin de l'Assemblée de Corse

Cet article tend à modifier les articles L. 366 et L. 373 du code électoral pour changer le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse en :

- attribuant une prime majoritaire égale à 6 sièges (contre 3 sièges aujourd'hui) à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou arrivée en tête au second tour ;

- augmentant, de 5 % à 7 % des suffrages exprimés, le seuil d'accès des listes au second tour ;

- instituant un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour la fusion des listes entre les deux tours.

Depuis 1982 , le mode de scrutin a changé à de nombreuses reprises, au gré des adaptations du statut de la Corse et de l'évolution du mode de scrutin régional.

L'Assemblée de Corse était alors composée de 61 membres élus pour six ans à la représentation proportionnelle à un tour suivant la règle de la plus forte moyenne, le scrutin se déroulant au sein d'une circonscription unique correspondant à l'île.

L'accès à la répartition des sièges était encadré par une règle originale : seules bénéficiaient de sièges les listes ayant atteint un nombre de suffrages égal au nombre de suffrages exprimés divisé par le nombre de sièges à pourvoir. Elle sera finalement remplacée par un seuil « classique » de 5 % des suffrages exprimés, mais ce seuil n'empêchera pas l'instabilité de l'organe délibérant et sa dissolution le 29 juin 1984.

Avec la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 , relative à l'élection des conseillers régionaux, le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse perd sa particularité ; il est aligné sur le mode de scrutin régional : les membres de l'Assemblée étaient toujours élus à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, le seuil de 5 % des suffrages exprimés était maintenu mais, désormais, les deux départements de Corse du Sud et de Haute Corse constituèrent les circonscriptions électorales de l'élection.

Le mode de scrutin actuel est l'« héritage » de la loi du 13 mai 1991, appelée aussi « statut Joxe », modifié depuis à plusieurs reprises, notamment par les lois du 6 juin 2000 et du 18 décembre 2003 pour favoriser l'accès des femmes à l'Assemblée de Corse, mais jamais fondamentalement remis en cause.

Lié à l'institution d'une nouvelle organisation institutionnelle en Corse, et notamment à la séparation entre l'Assemblée de Corse (désormais composée de 51 membres), qui règle par ses délibérations les affaires de la Corse et un exécutif distinct, le conseil exécutif de Corse (aujourd'hui composé de 9 membres), ce nouveau mode de scrutin avait pour objet de « répondre à un double objectif :

- d'une part, accroître la représentation régionale de l'Assemblée de Corse, en supprimant le rattachement électif départemental de ses membres ;

- d'autre part, tenir compte de la spécificité insulaire de l'île qui forme une entité géographique parfaitement identifiée et par définition indépendante des subdivisions administratives définies par le législateur (comme par exemple la création des deux départements de Corse en 1975 » 24 ( * ) .

Le scrutin se déroule donc dans une circonscription électorale unique formée par la Corse . La proximité avec le régime électoral des conseillers régionaux est réelle. Les conseillers de Corse sont élus « le même jour que les élections des conseils régionaux » pour la même durée que les conseillers régionaux (soit six ans). L'Assemblée de Corse se renouvelle intégralement. Assemblée de Corse et conseils régionaux ont ainsi été renouvelés ensemble en mars 2004.

Les deux organes délibérants sont également élus au scrutin de liste à deux tours, avec attribution d'une prime majoritaire à la liste victorieuse et répartition des autres sièges entre toutes les listes à la représentation proportionnelle en suivant la règle de la plus forte moyenne.

En outre, de nombreuses procédures électorales en vigueur pour les élections régionales sont applicables par renvoi à l'élection de l'Assemblée de Corse.

Toutefois depuis la loi du 11 avril 2003 , le mode de scrutin des élections régionales a été profondément modifié , prévoyant notamment que les sièges obtenus par chaque liste de candidats au niveau de la circonscription régionale sont ensuite répartis entre les sections départementales qui la composent, au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département.

Surtout, tenant compte de l'expérience des élections régionales de 1998 à l'issue desquelles certaines régions ne disposaient pas de majorité, le niveau de la prime majoritaire et les seuils conditionnant l'accès à la répartition des sièges, l'accès au second tour ou la fusion des listes ont été accrus (voir tableau ci-dessous).

Depuis les élections régionales de 2004, qui ont constitué la première mise en oeuvre du nouveau mode de scrutin, les régions ne connaissent plus l'instabilité.

Comparaison des seuils en vigueur aux élections régionales
et à l'élection de l'Assemblée de Corse

Conseil régional

Assemblée de Corse

Prime majoritaire

25 % des sièges à pourvoir

3 sièges (soit 5,88% des suffrages exprimés)

Fusion des listes

5 % des suffrages exprimés

pas de seuil

Accès au second tour

10 % des suffrages exprimés

5 % des suffrages exprimés

Accès à la répartition des sièges

5 % des suffrages exprimés

5 % des suffrages exprimés

Mais ces règles n'ont pas été étendues à l'Assemblée de Corse. Selon l'exposé des motifs du présent texte, « ainsi, les citoyens corses ne bénéficient pas des mêmes conditions de stabilité institutionnelle que ceux des autres régions françaises ».

? Or, force est de constater qu'à l'issue des élections de 1999 comme de celles de 2004, les élections à l'Assemblée de Corse n'ont pas permis la constitution d'une majorité stable de gestion.

En mars 2004, la liste menée par le président Camille de Rocca Serra n'a obtenu que quinze sièges et la majorité actuelle regroupe dix-neuf conseillers. Neuf groupes politiques distincts, dont trois sont composés de seulement deux membres, composent l'Assemblée de Corse.

Or, selon lui, cette situation résulte d'un mode de scrutin qui cumule plusieurs défauts. Tout d'abord, le faible niveau de la prime majoritaire, posé à l'article L. 366 du code électoral, ne permet pas d'assurer l'existence d'une majorité stable et cohérente à l'Assemblée de Corse.

A cet égard, il convient de souligner qu'en 1991, votre commission, par l'intermédiaire de son président, notre ancien collègue Jacques Larché, avait proposé d'augmenter le niveau de la prime majoritaire 25 ( * ) .

« Or, après qu'elle eut réfléchi aux données possibles d'une élection en Corse, il est apparu à la commission que, dans le cas d'une élection à deux tours, aucune liste n'ayant eu la majorité absolue, au premier tour, si l'on voulait que la liste arrivée en tête ait une situation confortable, grâce à une prime substantielle, il fallait augmenter la prime pour la porter à huit sièges ... »

C'est pourquoi le présent article tend à modifier l'article L. 366 du code électoral, relatif au mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse, pour faire passer le niveau de cette prime majoritaire, de 3 sièges à 6 sièges , soit un peu moins de 12 % des sièges à pourvoir.

Si une telle prime avait été instituée en 2004, la liste victorieuse aurait obtenu entre 21 et 25 sièges (soit un de moins que la majorité absolue) selon les reports de voix.

? Deuxième faiblesse du mode de scrutin actuel, le deuxième alinéa de l'article L. 373 du code précité précise que les listes ayant accès au second tour « peuvent être modifiées dans leur composition pour intégrer des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci ne se maintiennent pas au second tour. En cas de fusion entre plusieurs listes, l'ordre de présentation des candidats peut être également modifié ».

Cette absence de seuil pour la fusion des listes de candidats entre les deux tours incite à la multiplication des listes et permet à des candidats peu représentatifs d'être néanmoins élus au sein d'une liste présente au second tour par le jeu des fusions de listes.

Ainsi, en 2004, au second tour restaient en lice sept listes de candidats, issues de onze des dix-neuf listes présentes au premier tour.

Là encore, il faut rappeler que lors de la discussion au Sénat sur la loi du 13 mai 1991, le rapporteur de la commission des Lois s'était élevé contre l'absence de seuil, qualifiée de « mécanisme d'incitation à l'éparpillement des listes au premier tour », et avait proposé de fixer un seuil de 5% des suffrages exprimés.

« Initialement prévue pour permettre l'expression de toutes les sensibilités politiques, même les plus faibles, l'absence de seuil pour fusionner au second tour, a permis à des petites listes de fusionner -hors de toute expression politique- avec des listes ayant obtenu le seuil de 5 %.

« Un tel dispositif empêche la formation de majorités cohérentes et constitue un élément d'instabilité permanente ; qui plus est, le citoyen a le sentiment que sa volonté exprimée à travers le suffrage est ainsi détournée, souvent pour des considérations obscures.

« Si l'absence de seuil pour fusionner pouvait se justifier il y a 20 ans pour voir émerger des sensibilités politiques nouvelles, cette cause a aujourd'hui disparu et il est, dès lors, indispensable de porter à 5 % la possibilité offerte à des listes pour pouvoir fusionner ».

Afin d'éliminer toute possibilité pour les candidats à faible légitimité d'être élus indirectement à l'Assemblée de Corse grâce aux fusions de listes, tout en garantissant le pluralisme politique au sein de l'organe délibérant sur les affaires de la Corse, le présent article tend à modifier l'article L. 373 du code électoral, relatif aux modalités de candidature pour l'élection à l'Assemblée de Corse, en vue d'instituer un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour la fusion des listes .

En pratique, les listes ayant accès au second tour pourraient donc intégrer, entre les deux tours, des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour.

Ce faisant, sur ce point, le seuil de fusion des listes serait aligné sur celui en vigueur aux élections régionales.

Cette réforme devrait en outre contribuer au rassemblement des listes de même sensibilité politique dès le premier tour sans pour autant empêcher les diverses sensibilités représentatives de siéger à l'Assemblée de Corse.

Ainsi, si ce seuil avait été appliqué en 2004, seules sept listes sur les dix-neuf présentes au premier tour auraient pu fusionner entre elles.

? En complément, afin de maintenir une différence entre le seuil de fusion des listes et le seuil d'accès au second tour, le texte initial de la proposition de loi proposait de fixer à 7,5 % des suffrages exprimés le seuil d'accès au second tour.

En 2004, si ce seuil avait été en vigueur, quatre listes de candidats, au lieu de sept, auraient été qualifiées pour le second tour.

Votre commission constate que l'échec du mode de scrutin élaboré en 1991 pour garantir une majorité de gestion à l'Assemblée de Corse a entraîné la « balkanisation » de la représentation des groupes politiques en son sein, et que cette situation impose à la majorité en place d'incessants compromis pour réunir des majorités de circonstance, retardant par conséquent la prise de décision.

Aussi, à l'heure où la collectivité territoriale de Corse doit faire des choix essentiels pour son avenir, elle partage le souhait de notre collègue Nicolas Alfonsi de permettre à l'Assemblée de Corse de bénéficier d'une majorité stable de gestion et note avec intérêt que s'associent à cet objectif les parlementaires de l'île consultés par votre rapporteur.

Elle souligne que d'autres projets de réforme du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse existent, à l'exemple de la proposition de M. Emile Zuccarelli de calquer ce mode de scrutin sur celui de l'élection des conseils régionaux.

Elle constate toutefois que la solution préconisée par notre collègue Alfonsi constitue une solution « médiane » entre les diverses propositions de réforme, susceptible de servir de base à la discussion entre les acteurs locaux pour élaborer une réforme électorale équilibrée, alliant garantie d'une majorité stable de gestion et respect du pluralisme des sensibilités politiques.

Par ailleurs, votre commission estime que la consultation de l'Assemblée de Corse sur une modification de son propre mode de scrutin sera rapidement nécessaire, bien que cette consultation ne soit pas juridiquement obligatoire sur un texte d'initiative parlementaire.

Comme l'a rappelé le président de l'Assemblée de Corse, M. Camille de Rocca Serra, lors de son audition, l'encombrement du calendrier parlementaire empêche l'adoption du présent texte par l'Assemblée nationale avant la fin de la législature. Il pourrait en revanche lui être transmis lors de la prochaine législature une fois adopté par le Sénat.

C'est pourquoi l'adoption par le Sénat d'une modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse serait un signe fort ayant valeur d'incitation, pour les acteurs locaux, à trouver un consensus sur une réforme équilibrée de son mode de scrutin.

C'est dans cet esprit et seulement à ces conditions que votre commission vous propose d'adopter la modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse proposée par notre collègue Alfonsi .

Par conséquent :

-la liste victorieuse obtiendrait une prime majoritaire égale à six sièges à pourvoir (soit environ 11% des sièges de l'Assemblée) ;

-un seuil de fusion des listes, fixé à 5% des suffrages exprimés , serait institué afin d'encourager au rassemblement des formations de même sensibilité dès le premier tour et de permettre à l'électeur de faire des choix politiques clairs.

Il serait donc précisé que les « listes de candidats peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5% des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés. » ;

-le seuil d'accès au second tour serait augmenté mais votre commission vous propose, dans un souci de clarté et d'harmonisation avec les autres dispositions du code électoral (qui fixent le plus fréquemment les seuils applicables aux diverses élections par référence à des nombres entiers), d'instaurer un seuil « entier » de 7% des suffrages exprimés (contre 7,5% des suffrages exprimés dans la proposition de loi initiale).

Votre commission vous propose, dans ses conclusions, de reprendre la rédaction de l'article 1er de la proposition de loi ainsi modifiée.

Article 2 (art. L. 4422-18 et L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales) - Dispositions adaptant le fonctionnement de l'Assemblée de Corse et du conseil exécutif de Corse

Cet article tend à modifier les articles  L. 4422-18 et L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales pour, respectivement :

- faire bénéficier le conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif de Corse d'un délai d'un mois afin de lui permettre de choisir entre son mandat et sa fonction, strictement incompatibles ;

- instaurer un délai maximum d'un mois en vue de permettre l'organisation d'élections partielles au sein de l'Assemblée de Corse destinées à pourvoir un ou plusieurs sièges vacants de conseillers exécutifs de Corse.

Aujourd'hui, l'Assemblée de Corse se réunit le premier jeudi suivant son élection. Au cours de cette première réunion, présidée par le doyen (les deux plus jeunes membres de l'Assemblée servant de secrétaires), l'Assemblée élit d'abord son président au scrutin secret.

Elle procède ensuite à l'élection des membres de sa commission permanente, présidée par le président et composée de dix conseillers à l'Assemblée, dont deux vice-présidents.

Les membres de la commission permanente autres que le président sont élus à l'ouverture de la session ordinaire au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. La loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 a instauré une alternance stricte entre candidats de chaque sexe au sein de chaque liste.

Puis, l'Assemblée désigne ses deux vice-présidents parmi les membres de la commission permanente, au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

A la suite de ces élections, l'Assemblée de Corse procède à l'élection, parmi ses membres, du conseil exécutif de Corse, qui dirige l'action de la collectivité territoriale de Corse 26 ( * ) , composé de huit membres et un président .

Les membres du conseil exécutif sont élus au scrutin de liste avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de nom et sans modification de l'ordre de présentation.

Afin de favoriser la parité au sein du conseil exécutif, la loi n° 2007-128 précitée impose désormais que sur chaque liste de candidats, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne puisse être supérieur à un.

Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des membres de l'Assemblée au premier et au deuxième tours, il est procédé à un troisième tour. Dans cette hypothèse, la liste qui a obtenu le plus de suffrages se voit attribuer la totalité des sièges. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée.

Le candidat figurant en tête de la liste élue devient président du conseil exécutif.

Aux termes de l'article L. 4422-18 actuel du code général des collectivités territoriales, tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif est alors immédiatement considéré comme démissionnaire de ses fonctions de conseiller à l'Assemblée.

Il y est remplacé par le candidat suivant de liste jusqu'au renouvellement de l'Assemblée de Corse qui suit son entrée en fonction 27 ( * ) .

Or, selon notre collègue, M. Nicolas Alfonsi, cette démission immédiate de l'Assemblée de Corse du nouveau conseiller exécutif est semblable à une « mort subite » qui peut rendre difficile la formation du conseil exécutif lorsque la majorité à l'Assemblée de Corse est fragile.

Certes, les élus choisis pour siéger au conseil exécutif sont remplacés par leurs suivants de liste, mais ces derniers peuvent ne pas avoir la même autorité que les élus initialement placés en tête de liste qu'ils remplacent.

En effet, en pratique, nombre de candidats tête de listes élus à l'Assemblée de Corse sont par la suite aussi élus conseillers exécutifs. Or, en cas d'instabilité à l'Assemblée, ces « leaders » peuvent faire défaut pour faciliter la constitution d'une majorité.

Enfin, s'il n'y a plus de suivant de liste disponible pour assurer ce remplacement, le siège reste vacant et ce non remplacement peut paralyser l'action de l'Assemblée s'il entraîne une absence de majorité cohérente en son sein. Toutefois, en pratique, le nombre important des suivants de listes atténue la portée de ce risque.

La proposition de loi n° 156 maintiendrait le principe selon lequel tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif est alors immédiatement considéré comme démissionnaire de ses fonctions de conseiller à l'Assemblée.

En s'inspirant du délai d'un mois laissé par l'article L.O. 153 du code électoral aux parlementaires nommés membres du Gouvernement, à compter de leur nomination, pour l'entrée en vigueur des incompatibilités prévues à l'article 23 de la Constitution 28 ( * ) , le 1° du présent article tend à faire bénéficier le membre de l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif d'un délai similaire, à compter de son élection, avant que sa démission soit effective.

Il convient de rappeler aussi que le délai de principe pour le règlement des situations d'incompatibilité concernant les élus locaux est d'un mois (pour le règlement d'une situation d'incompatibilité entre plusieurs mandats locaux, article L. 46-1 du code électoral ; pour le règlement d'une situation d'incompatibilité concernant les conseillers régionaux, article L. 344 du même code).

Dans le dispositif de la proposition de loi , et à la différence de celui prévu à l'article L.O. 153 précité, qui interdit aux parlementaires nationaux nommés membres du Gouvernement de participer aux votes de leur assemblée durant le mois suivant leur nomination, les conseillers de l'Assemblée de Corse élus membres du conseil exécutif pourraient prendre part aux scrutins de l'Assemblée lors des trente jours précédant l'entrée en vigueur de leur démission.

Au terme de cette période, ils seraient déclarés démissionnaires de leur mandat et pourraient exercer leurs compétences de conseiller exécutif.

Une autre solution aurait pu être l'alignement total des élus concernés sur les parlementaires nationaux devenus membres du Gouvernement durant le mois suivant leur nomination : les intéressés auraient alors pu continuer à participer aux débats de l'Assemblée mais sans pouvoir prendre part aux scrutins. Ce faisant, dans l'hypothèse d'une majorité relative à l'Assemblée de Corse, l'exclusion des votes des 9 membres élus au conseil exécutif aurait pu provoquer des difficultés supplémentaires de constitution de majorités lors des premiers scrutins, souvent déterminants, de l'Assemblée.

C'est pourquoi , afin de conjuguer souplesse pour les élus concernés, de stabilité pour l'Assemblée et mise en oeuvre rapide des premières décisions du conseil exécutif de Corse, votre commission vous propose :

-en premier lieu, de poser clairement l'incompatibilité existant entre le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et la fonction de conseiller exécutif de orse ;

-en second lieu, de prévoir que le délai d'un mois suivant l'élection de 9 conseillers à l'Assemblée de Corse au conseil exécutif de Corse soit pour les intéressés, un délai d'option destiné à mettre fin à l'incompatibilité entre le mandat de conseiller à l'Assemblée et la fonction de conseiller exécutif.

En s'inspirant des règles de résolution des incompatibilités applicables aux conseillers régionaux (article L. 344 du code électoral), le dispositif précisé dans les conclusions de votre commission permettrait durant le délai d'un mois, au conseiller concerné de choisir son mandat ou sa fonction.

S'il choisissait la fonction de conseiller exécutif, l'intéressé serait remplacé à l'Assemblée par son suivant de liste, conformément à la procédure de l'article L. 380 du code électoral précité, comme c'est le cas à l'heure actuelle. En pratique toutefois, cette option serait moins fréquente, les candidats placés en tête de listes annonçant le plus souvent lors de la campagne qu'ils siègeront au conseil exécutif.

S'il choisissait en revanche son mandat à l'Assemblée de Corse, il serait remplacé au conseil exécutif de Corse au cours d'une élection partielle organisée selon les règles de l'article L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales.

Il ferait connaître son option par écrit au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse, qui en informerait le président de l'Assemblée.

A défaut d'option dans le délai d'un mois, le conseiller serait réputé démissionnaire de son mandat par arrêté du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.

Cette procédure aurait l'avantage de conférer un véritable choix aux élus concernés tout en leur permettant de ne pas attendre nécessairement l'expiration du délai d'un mois pour l'effectuer.

En second lieu, le présent article tend à préciser le délai au cours duquel le remplacement d'un conseiller exécutif dont le siège est vacant doit être effectué.

A l'heure actuelle, conformément à l'article L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales, en cas de décès ou de démission d'un conseiller exécutif autre que le président, l'Assemblée de Corse procède, sur proposition du président du conseil exécutif, à une nouvelle élection pour le siège vacant.

Dans ce cas, l'élection a lieu selon les modalités et dans les conditions de quorum prévues pour l'élection du président de l'Assemblée de Corse (les deux tiers des membres de l'Assemblée doivent être présents ou représentés ; l'élection a lieu au scrutin secret et à la majorité absolue des conseillers lors des deux premiers tours ; au troisième tour, l'élection est acquise à la majorité relative).

La loi n°2007-128 précitée a modifié les règles de remplacement de l'article L. 4422-20 afin de faciliter la désignation de femmes au sein du conseil exécutif lorsque plusieurs sièges sont vacants.

Dans cette hypothèse, l'élection aurait désormais lieu au scrutin de liste avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Sur chaque liste, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne pourrait être supérieur à un. Lors des deux premiers tours, la majorité absolue des membres de l'Assemblée serait nécessaire pour l'emporter, la majorité relative étant suffisante au troisième tour.

Mais le droit en vigueur ne prévoit aucun délai pour l'organisation de ces élections partielles. Cette imprécision peut ainsi retarder le renouvellement des conseillers exécutifs dont le siège est vacant si le président du conseil exécutif et l'Assemblée n'en prennent pas rapidement l'initiative, au risque de perturber durablement les équilibres politiques au sein du conseil exécutif et, par conséquent, son bon fonctionnement.

C'est pourquoi l'article 2 de la proposition de loi n° 156 prévoit de préciser à l'article L. 4422-20 précité que le remplacement du ou des conseillers exécutifs dont le siège est vacant devrait être organisé dans le délai d'un mois à compter de la vacance.

Votre commission vous propose d'adopter ce dispositif dans une nouvelle rédaction, tendant à concilier les aménagements de l'article L. 4422-20 précité par la loi n° 2007-128 (qui entrerait en vigueur à compter du prochain renouvellement de l'Assemblée de Corse) avec l'instauration d'un délai d'un mois pour le remplacement d'un ou de plusieurs conseillers exécutifs dont les sièges sont vacants.

Votre commission vous propose, dans ses conclusions, de reprendre la rédaction de l'article 2 de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter le texte de la proposition de loi tel qu'il est reproduit à la fin du présent rapport.

* 24 Rapport n° 234 (1990-1991) de notre ancien collègue Jacques Larché, au nom de la commission des Lois sur le projet de loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

* 25 Rapport n° 234 (1990-1991) et Journal officiel Sénat, 3 ème séance du 21 mars 1991 (p 121).

* 26 Article L. 4422-24 du code général des collectivités territoriales.

* 27 Lorsque ces dispositions ne peuvent plus être appliquées, le siège demeure vacant jusqu'à ce renouvellement, sauf si le tiers des sièges de l'Assemblée est non pourvu. Dans cette hypothèse, le renouvellement intégral de l'Assemblée doit intervenir dans les trois mois suivant la dernière vacance pour cause de décès, sauf le cas où le renouvellement général de l'Assemblée de Corse doit intervenir dans les trois mois suivant ladite vacance (article L. 380 du code électoral).

* 28 « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».

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