2. Une protection répondant à la logique de nos institutions
La protection du Président de la République se fonde avant tout dans sa qualité de représentant de la nation. Cette protection, attachée à la fonction, doit par conséquent prendre fin avec son mandat. Ce principe fut d'ailleurs établi dès la Constitution du 3 septembre 1791, dont l'article 8 disposait qu'« après l'abdication expresse ou légale, le roi sera dans la classe des citoyens, et pourra être accusé et jugé comme eux pour les actes postérieurs à son abdication ».
L'immunité des représentants de la nation a d'ailleurs été constamment réaffirmée par toutes les constitutions de notre pays, à l'exception du Second Empire. M. Guy Carcassonne rappelle ainsi que « la théorie de la représentation, qui est l'un des fondements mêmes de la démocratie, a toujours considéré que les représentants de la souveraineté, qu'elle soit nationale ou populaire peu importe, devaient pouvoir se mouvoir à l'abri des pressions, ne pouvaient pas, dès lors qu'ils avaient acquis leurs mandats légalement, en être privés par quiconque d'autre que d'autres représentants » 43 ( * ) .
Cette protection paraît d'autant plus indispensable sous la Vème République qui fait du chef de l'État, élu de l'ensemble de la nation, le garant de la continuité de l'État , de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire, le chef des armées et le charge de promulguer les lois dans un délai limité (art. 5, 10 et 15 de la Constitution).
Dès lors, le Président de la République ne saurait faire l'objet d'une mesure de contrôle judiciaire entravant ses déplacements ou d'une convocation par un juge d'instruction le jour d'une conférence internationale.
Or, dans un contexte de pénalisation de la vie publique, des plaintes pourraient viser à déstabiliser le chef de l'État. En faire un justiciable de droit commun serait ouvrir la voie à un harcèlement contentieux et à sa médiatisation, qui auraient pour effet de perturber la fonction présidentielle et, par conséquent, la vie institutionnelle du pays .
Alors que l'article 26 de la Constitution organise une protection particulière des parlementaires à l'égard des procédures de droit commun en matière criminelle et correctionnelle, on ne saurait accorder au Président de la République une protection inférieure.
En outre, l'indépendance nécessaire à l'exercice du mandat présidentiel et la séparation des pouvoirs exigent que le chef de l'État ne puisse être mis en cause par les tribunaux. La mise en cause du Président de la République devant une juridiction présenterait également une difficulté en raison de son rôle de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et de président du Conseil supérieur de la magistrature (art. 64 et 65 de la constitution).
Enfin, la Constitution plaçant la continuité de l'État au coeur de son mandat, il peut sembler difficile de faire une distinction, parmi les actes du Président de la République, entre ceux qui relèvent de sa fonction et ceux qui n'en relèvent pas. Comme l'explique M. Guy Carcassonne, « la frontière entre les actes accomplis dans l'exercice des fonctions et les autres est à peu près impossible à tracer. On n'est pas Président de la République à éclipse, et le principe de continuité de l'État suppose l'égale continuité de son chef » 44 ( * ) .
Il est par conséquent dans la logique de nos institutions d'accorder au Président de la République une protection complète pendant la durée de son mandat.
* 43 Guy Carcassonne, Le statut pénal du chef de l'État, Le point de vue du constitutionnaliste, Revue pénitentiaire et de droit pénal, n° 1, mars 2004, p. 141.
* 44 Guy Carcassonne, le Président de la République française et le juge pénal, Mélanges en l'honneur du président Ardant, Montchrestien, 1999, p. 282.