2. La question des engagements de retraite implicites
La prospective en matière de retraite s'appuie généralement sur des projections de la part relative des retraites dans le PIB, sur des estimations du besoin de financement futur des régimes de retraite, ou encore sur l'évaluation des niveaux de cotisation nécessaires pour équilibrer les comptes de ces régimes à un horizon déterminé. Mais, d'autres approches ont été récemment proposées. Elles reposent sur la notion de « dette implicite » des systèmes de retraite et débouchent sur des montants très variables, mais généralement élevés, allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de points de PIB.
La dette « explicite » des administrations publiques correspond à l'ensemble des sommes qu'elles se sont engagées à débourser dans le futur et ce, par contrat ou en vertu de dispositions légales non révisables. A contrario , on entend par dette « implicite », dans le domaine des retraites, l'ensemble des droits qui devront être honorés dans le futur sur la base des règles existantes ou des réformes déjà adoptées.
Votre rapporteur souhaiterait que cette question soit à l'ordre du jour des débats de 2008. Elle a d'ailleurs déjà été soulevée en 2004 par le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances, puis l'année suivante par le rapport Pébereau 12 ( * ) , ainsi que la commission européenne.
Par ailleurs, l'Insee a publié une analyse très complète de cette notion appliquée au cas de la France. Cette étude fournit également des estimations inédites sur les montants de ces engagements 13 ( * ) .
Ainsi par exemple, en utilisant l'une de ces méthodes, celle dite des « droits acquis » en système fermé, on aboutit à un volume d'engagements d'environ 4,5 à 4,8 années de PIB. Ce chiffre repose, il est vrai, sur l'hypothèse conventionnelle de fermeture du système de retraite, obligeant à honorer deux sortes d'engagements à l'égard des assurés sociaux :
le service des pensions des retraités jusqu'à leur décès ou jusqu'au décès de leur conjoint si les réversions existent ;
la quote-part des droits déjà accumulés à la date de fermeture du régime par les cotisants du moment, et ce pour l'ensemble de leur retraite future.
Evaluation des engagements implicites de l'ensemble des régimes de retraite français, selon la méthode des droits acquis |
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Taux d'actualisation |
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2 % |
3 % |
4 % |
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En milliards d'euros 2005 |
7.847 |
6.458 |
5.419 |
En années de prestations 2005 |
36,4 |
30,0 |
25,2 |
En années de PIB 2005 |
4,7 |
3,9 |
3,2 |
Source : Modèle Destinie, calculs Insee |
Didier Blanchet et Jean-François Ouvrard jugent que cette méthode est essentiellement adaptée aux régimes d'entreprise et préconisent plutôt de recourir pour les régimes par répartition à d'autres indicateurs fondés sur la chronique des besoins de financement futurs du régime de retraite considéré.
Ces différentes évaluations, ainsi que les débats en cours sur la meilleure méthode de calcul des engagements de retraite implicite concernent au premier chef les responsables politiques et les comptables nationaux. Mais ces questions ont été également débattues au niveau européen, à l'occasion de la révision des règles du pacte de stabilité et de croissance. Il ne s'agit donc pas d'un débat purement académique limité à une poignée d'experts. L'évaluation des engagements implicites des régimes de retraite revêt d'ores et déjà une importance pratique considérable pour la conduite de la politique économique de notre pays.
* 12 Rapport de Michel Pébereau (14 décembre 2005) : Des finances publiques au service de notre avenir.
* 13 L'économie française, compte et dossiers - les engagements implicites des systèmes de retraite Didier Blanchet et Jean-François Ouvrard - Insee - Juin 2006.