EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. L. 513-1 du code de la sécurité sociale)
Partage des prestations familiales entre les deux parents en cas de résidence alternée

Objet : Cet article prévoit un partage à parts égales des prestations familiales entre les parents en cas de résidence alternée de leurs enfants à charge.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale dispose que les prestations familiales sont dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant.

L'article R. 513-1 du même code, pris pour son application, précise quant à lui que, lorsque les deux membres d'un couple vivent ensemble et assument conjointement la charge de l'enfant, l'allocataire, c'est-à-dire la personne qui perçoit effectivement les prestations, est désigné d'un commun accord des parents. A défaut de désignation explicite, les prestations sont versées à l'épouse ou à la concubine. Il précise également qu'en cas de divorce ou de séparation de droit ou de fait, si les deux membres du couple ont la charge effective et permanente de l'enfant, les prestations sont versées à celui au foyer duquel vit l'enfant.

Cette dernière règle donnait entière satisfaction jusqu'à ce que la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale instaure la possibilité d'une résidence alternée des enfants au foyer de chacun des parents. Dorénavant, en effet, le simple critère de résidence de l'enfant ne suffit plus pour déterminer celui des deux parents qui doit avoir la qualité d'allocataire.

C'est la raison pour laquelle le présent article propose de modifier l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, afin de tenir compte de cette nouvelle modalité d'exercice de l'autorité parentale.

Il dispose que les enfants sont réputés être à la charge égale de leurs deux parents, ce qui implique un partage par moitié des prestations familiales dues à leur titre. Toutefois, les parents, dans le cadre de leur convention homologuée par le juge, ou le juge lui-même, dans le cadre de sa décision sur la garde et la résidence des enfants, pourront déterminer des modalités différentes de répartition du droit aux prestations familiales.

II - La position de votre commission

Votre commission est consciente des difficultés liées à la résidence alternée en matière de droit aux prestations familiales : lorsque des parents séparés assument conjointement la charge effective de l'enfant dans le cadre d'une résidence alternée, il peut sembler injuste que seul l'un d'entre eux bénéficie des prestations familiales. On observera toutefois que, dans ce cas, le juge aux affaires familiales intègre le fait que l'un des parents perçoit des prestations lorsqu'il détermine le montant de la contribution de chacun à l'entretien de l'enfant et de la pension alimentaire éventuellement versée.

Mais en posant à la fois un principe général de partage de toutes les prestations familiales, quelles qu'elles soient, et des modalités uniformes pour ce partage, cet article soulève de nombreuses difficultés.

Il est d'abord impossible de poser un principe général de partage pour toutes les prestations familiales : certaines prestations familiales ne peuvent effectivement, de par leur nature même, être partagées. Il serait ainsi singulier de partager entre les deux parents une allocation de parent isolé (API) ou une allocation de soutien familial (ASF), celles-ci étant par définition réservées à des familles monoparentales.

Le principe d'un partage en deux parts égales du montant de toutes les prestations familiales est ensuite largement inopérant :

- les prestations sous conditions de ressources ne peuvent, à l'évidence, pas être partagées entre les deux parents sans vérifier que chacun remplit individuellement les conditions de ressources pour en bénéficier. Il s'agit également de déterminer quelles ressources sont prises en compte pour le calcul des prestations, lorsque leur montant varie avec le niveau de revenu : il serait pour le moins étrange de tenir compte du total des ressources des deux parents, pourtant séparés, pour déterminer le droit aux prestations. Mais en appréciant leurs ressources séparément, il est probable que le montant sera différent selon que l'on retient pour le calcul les ressources du père ou de la mère : dès lors, comment choisir le montant qui sera, d'après le texte de la proposition de loi, divisé par deux entre les parents ?

- l' allocation de logement familial pose un problème supplémentaire, dans la mesure où son attribution dépend également de critères liés au logement lui-même . Or, il est peu probable que les parents disposent d'un logement dont les caractéristiques (localisation, surface, équipement) ouvrent droit exactement au même montant d'allocation. Encore une fois, pour diviser le montant de l'allocation en deux parts égales, il faudrait que les Caf choisissent entre les deux parents celui dont le logement servira de référence pour le calcul des droits.

Les difficultés s'accroissent encore dans le cas de familles recomposées : aucune précision, dans le texte, n'est apportée quant aux ressources à prendre en compte, ni aux modalités de décompte des enfants en résidence alternée dans leur nouvelle fratrie. Dans la mesure où le montant de certaines prestations dépend du rang de l'enfant dans la fratrie, il n'est pas neutre de savoir si les enfants seront décomptés selon leur rang dans leur fratrie d'origine ou selon celui qu'ils occupent dans leur nouveau foyer, ce rang pouvant d'ailleurs être différent dans le foyer reconstitué par chacun de leurs parents.

Il est vrai que cet article prévoit la possibilité de déroger au partage des prestations à parts égales si les parents parviennent à un accord sur des modalités différentes. Mais il serait singulier qu'une convention passée entre les parents puisse imposer aux caisses d'allocations familiales des règles de partage spécifiques.

Pour ces motifs, votre commission vous propose de rejeter cet article.

Article 2
(art. L. 521-2 du code de la sécurité sociale)
Application du partage des prestations familiales entre les deux parents en cas de résidence alternée au cas des allocations familiales

Objet : Cet article décline, dans le cas particulier des allocations familiales, le principe de partage à parts égales des prestations familiales entre les deux membres du couple en cas de résidence alternée de leurs enfants à charge.

I - Le dispositif proposé

Par coordination avec les dispositions proposées par l'article premier en matière de prestations familiales, le présent article modifie l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale qui fixe les règles applicables à la détermination du membre du couple bénéficiaire des allocations familiales, pour permettre un partage de ces allocations entre les deux parents en cas de résidence alternée de leurs enfants à charge.

Cet article propose, sur le même modèle, un partage par moitié des allocations familiales sauf décision contraire des parents ou du juge.

II - La position de votre commission

Contrairement aux autres prestations familiales, le partage des allocations familiales ne se heurte pas aux difficultés liées aux différences de ressources ou de situation entre les parents. Il s'agit en effet d'une prestation universelle, dont le montant ne dépend que du nombre et de l'âge des enfants à charge. Le partage pourrait donc être envisagé, sous réserve de surmonter un certain nombre de difficultés techniques, liées notamment aux modalités de décompte des enfants dans les familles recomposées.

Votre commission estime toutefois que la rédaction de cet article soulève des objections de principe : sous couvert d'un partage justifié par des raisons d'égalité des parents, il remet profondément en cause le principe de l'allocataire unique. En effet, au lieu d'inviter d'abord les parents à se mettre d'accord pour désigner parmi eux l'allocataire, il considère comme acquis que ce choix se portera en priorité sur un partage des allocations.

Par ailleurs, le partage par moitié est trop rigide : qui dit résidence alternée ne dit pas forcément que l'enfant partage son temps de manière égale entre ses deux parents. Le partage devrait donc, a minima , être opéré au prorata du temps passé chez chaque parent. Il faut également vérifier que la résidence alternée est effective et qu'elle s'accompagne d'un réel partage des charges.

Enfin, votre commission considère qu'il n'entre pas dans les compétences du juge aux affaires familiales de désigner l'allocataire. La question des prestations familiales relève en premier lieu des Caf et, en cas de litige, des tribunaux des affaires de sécurité sociale. En outre, il serait d'un formalisme excessif d'obliger les parents à faire figurer leur accord sur la question des allocations familiales dans la convention homologuée car ils seraient obligés de retourner devant le juge pour le moindre changement.

Votre commission observe en outre que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, présenté en Conseil des ministres le 11 octobre dernier, offre une solution alternative nettement plus satisfaisante, car :

- elle invite les parents à s'accorder, soit sur le choix de l'allocataire, soit sur un partage ;

- à défaut d'accord, elle prévoit un partage, dans des conditions prévues par décret, notamment au prorata du temps de présence et avec toutes les précisions nécessaires pour permettre la détermination du montant dû à chaque parent en cas de famille recomposée.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose de rejeter cet article.

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Aux termes de l'article 42-6-c du règlement du Sénat, « lorsque la commission ne présente aucune conclusion ou si les conclusions négatives de la commission sont rejetées, le Sénat est appelé à discuter le texte initial de la proposition ».

En application de cet article, la commission des Affaires sociales propose de se prononcer en faveur des conclusions négatives qu'elle a adoptées sur la présente proposition de loi.

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