SECTION II : Impôts directs

Dans ses conclusions, votre commission vous propose, à l'instar de la proposition de loi, de définir, dans une section II, le régime d'imposition applicable à la fiducie en matière d'impôts directs. Cette division comporterait trois articles.

1. Le dispositif de la proposition de loi

Le choix fait par la proposition de loi est d'appliquer un strict principe de transparence fiscale et d'imposition du constituant au titre de la fiducie.

Ce régime impliquerait la création, au sein du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts d'un nouveau chapitre intitulé « Régime particulier à la fiducie », comprenant sept articles, numérotés 249 à 249 F.

L' article 249 nouveau du code général des impôts préciserait le mode d'imposition de la rémunération du fiduciaire .

Le fiduciaire serait imposé à son nom pour la rémunération qu'il tirerait de son activité de fiduciaire. Le mode d'imposition varierait quant à lui selon le mode d'exercice de l'activité fiduciaire. Ainsi, le fiduciaire se verrait imposé :

- soit au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

- soit au titre de l'impôt sur les sociétés, s'il exerce son activité sous une forme sociale soumise de plein droit ou sur option à ce régime.

En tout état de cause, il serait tenu à l'ensemble des obligations applicables aux personnes passibles de ces différents modes d'imposition.

Les articles 249 A à 249 F nouveaux du code général des impôts détermineraient le mode d'imposition des revenus tirés de la gestion ou de l'exploitation des biens placés au sein du patrimoine fiduciaire .

- Le redevable

S'agissant de l'ensemble des impôts directs, le principe retenu par l'article 249 A serait celui de la transparence fiscale.

En conséquence, pendant la durée du contrat et tant que les biens n'ont pas été transmis au bénéficiaire, le constituant resterait le redevable de l'impôt.

Toutefois, en cas de transmission par le fiduciaire, à titre onéreux, à un tiers ou au bénéficiaire, de tout ou partie des biens formant le patrimoine fiduciaire, les revenus y afférents seraient compris, à due concurrence, dans le revenu ou le résultat de ce tiers ou du bénéficiaire. De même, dans l'hypothèse où le contrat de fiducie serait transmis, en tout ou partie, à titre onéreux ou à titre gratuit, entre vifs ou à cause de mort, les résultats réalisés après cette cession seraient compris, à due concurrence, dans le revenu ou le résultat imposable du cessionnaire de ces droits ou, en cas de nouvelles cessions, des cessionnaires successifs.

Le résultat de l'exploitation ou de la cession des biens formant le patrimoine fiduciaire demeurerait, en tout état de cause, sans incidence sur les revenus ou les résultats imposables personnels du fiduciaire.

- La détermination du résultat

Pour chaque contrat de fiducie, il appartiendrait au seul fiduciaire de déterminer le résultat de l'exploitation des droits placés au sein du patrimoine fiduciaire, le fiduciaire exerçant par ailleurs les options fiscales éventuelles.

L'article 249 B définirait les conditions dans lesquelles le résultat imposable serait déterminé par le fiduciaire .

Ce résultat serait constitué par le produit net de la gestion des biens et droits présents dans le patrimoine fiduciaire et par les plus-values résultant de leur cession éventuelle .

En principe, ce résultat serait déterminé et imposé selon les règles applicables à la nature de l'activité afférente aux droits en fiducie. Toutefois, si le résultat est imposable au nom d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou au nom d'une personne exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou non commerciale elle-même est passible de l'impôt sur le revenu selon un régime du bénéfice réel, le résultat d'exploitation des biens mis en fiducie serait déterminé selon les règles applicables au bénéfice réalisé par cette même personne.

Pour le calcul du résultat imposable :

- les amortissements et les provisions pratiqués par le fiduciaire ne seraient pris en compte pour la détermination de la quote-part de résultat revenant au redevable de l'impôt que dans la mesure où, en application du contrat de fiducie, ce redevable supporterait la charge effective de la dépréciation ou de la perte qu'ils sont censés couvrir ;

- les amortissements et provisions déductibles pour la détermination des résultats imposables résultant de l'exploitation de ces droits par le fiduciaire ne pourraient excéder ceux que le constituant aurait pu lui-même déduire en l'absence de fiducie ;

- la variation ou la dépréciation du montant de la créance ou des créances sur le fiduciaire serait réputée être sans incidence sur le résultat imposable du redevable de l'impôt.

L'article 249 C comporterait des dispositions spécifiques concernant l'éventuelle prise en compte de plus-values de cessions pour la détermination du résultat imposable.

Ainsi, le transfert des droits vers un patrimoine fiduciaire, ou leur retour au constituant, ne serait pas considéré comme un fait générateur d'impôts directs . De fait, les droits ainsi transférés seraient réputés être toujours exploités par le fiduciaire pour le compte du constituant .

Le texte préciserait en conséquence que, lorsque le constituant transfère à un fiduciaire des droits, inscrits ou non inscrits à l'actif d'un bilan, les plus ou moins-values et, plus généralement, les gains ou pertes afférents à la valeur réelle de ces droits ne sont pas compris par le constituant dans le résultat imposable de l'année ou de l'exercice de transfert.

En revanche, les plus ou moins-values et, plus généralement, les gains ou pertes correspondants à la valeur réelle des droits à la date du transfert par référence à la valeur d'acquisition des droits par le constituant ou, dans le cas d'une entreprise, à leur valeurs nettes comptables, devraient être calculés selon les règles applicables aux transmissions, à titre gratuit ou onéreux entre vifs ou à cause de mort, des droits considérés :

- soit en cas de transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, entre vifs ou à cause de mort, du contrat de fiducie ;

- soit en cas de cession à titre onéreux des éléments du patrimoine fiduciaire par le fiduciaire au bénéficiaire du contrat de fiducie ou à un tiers.

Dans ces deux hypothèses, les gains ou pertes devraient alors être compris dans le résultat de l'année ou de l'exercice de transfert.

- L'imposition du résultat

En tout état de cause, les bénéfices professionnels seraient soumis à un régime réel d'imposition .

Le résultat serait imposé, au titre de chaque année ou de chaque exercice, au nom du redevable de l'impôt. Toutefois, lorsque le redevable est une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou une personne exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou non commerciale passible de l'impôt sur le revenu selon le régime du bénéfice réel, le résultat à prendre en compte serait celui des exercices clos au cours de l'exercice du redevable de l'impôt ou de l'année au titre de laquelle il est imposé.

Par ailleurs, le chiffre d'affaires provenant de la gestion des droits mis en fiducie s'ajouterait à celui qui serait réalisé par le redevable de l'impôt pour l'application des dispositions relatives :

- à l'application du régime du forfait agricole (articles 69, 69A, 72 et 96 du code général des impôts) ;

- à l'application du régime de la déclaration contrôlée pour les revenus professionnels non commerciaux (article 96 du même code) ;

- à l'application du régime de la micro-entreprise (article 50-0 du même code) ;

- à l'application du régime d'exonération des plus-values de cession dans le cadre d'activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel (article 151 septies) ;

- à l'application du régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires (article 302 septies A)

- à l'application du régime du bénéfice réel comportant des obligations allégées pour les petites et moyennes entreprises (article 302 septies A bis ).

- Obligations déclaratives et comptables

Au titre des obligations déclaratives liées à l'opération fiduciaire, l'article 249 D préciserait qu'il incomberait au fiduciaire de tenir des états concernant :

- les droits ainsi que les créances et les dettes, relatifs l'exécution du contrat. Cet état décrirait séparément les éléments actifs et passifs du patrimoine fiduciaire ;

- les produits et les charges afférents au contrat de fiducie sans qu'il soit tenu compte de leur date d'encaissement ou de paiement. Cet état devrait faire apparaître, par différence après déduction des amortissements et des provisions, le résultat du patrimoine fiduciaire.

La tenue de ces états serait imposée lorsque le redevable n'est pas une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou une personne qui exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou non commerciale et qui est passible de l'impôt sur le revenu selon un régime de bénéfice réel. Dans le cas contraire, le fiduciaire tiendrait une comptabilité correspondant aux règles de détermination du résultat auxquelles est soumis le redevable de l'impôt désigné à l'article 249 A

Pour l'application des dispositions du code général des impôts et de ses annexes, les états retraçant les écritures du patrimoine d'affectation sur l'exercice tiendraient lieu de bilan et de compte de résultat pour chaque patrimoine fiduciaire.

L'article 249 F du code général des impôts déterminerait l'articulation du régime fiscal défini pour les opérations fiduciaires par rapport aux autres régimes fiscaux existants .

Ne seraient pas applicables aux activités exercées dans le cadre d'une opération fiduciaire de même qu'à l'activité exercée par le fiduciaire agissant ès qualité les régimes d'exonération spécifiques concernant :

- les entreprises, créées depuis moins de vingt-trois mois, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale (article 44 sexies du code général des impôts) ;

- les jeunes entreprises innovantes (articles 44 sexies -0A et 44 sexies A) ;

- les sociétés créées pour la reprise d'entreprises en difficulté et désignées cessionnaires par un tribunal dans le cadre d'une procédure collective (article 44 septies ).

Le principe général serait posé, au plan fiscal et pour l'application des dispositions du code général des impôts, que le constituant serait toujours considéré comme le propriétaire des droits placés au sein du patrimoine fiduciaire ou serait réputé exercer directement l'activité mise en fiducie . Cette règle cèderait néanmoins face à toute disposition expresse contraire du même code.

L'article 249 F définirait d'ailleurs lui-même une telle disposition contraire en prévoyant que l'engagement de détention de titres de participation dans le cadre du régime fiscal des sociétés-mères 63 ( * ) serait pris par le fiduciaire lui-même pour les titres éventuellement acquis dans le cadre de sa gestion fiduciaire. Dans l'hypothèse où un tel engagement aurait été pris par le constituant pour les titres transférés en fiducie, le fiduciaire s'engagerait alors à conserver ces titres jusqu'au terme du délai pour lequel s'était obligé le constituant.

2. La position de votre commission des Lois

Dans le cadre de l'imposition de la fiducie en matière d'impôts directs, votre commission s'est interrogée sur la question de savoir qui, du constituant -qui s'est départi de ses biens au profit du patrimoine fiduciaire- ou du fiduciaire, devait être considéré comme le redevable en matière d'impôt directs.

Il lui a semblé, dans un premier temps, que le choix fait par la proposition de loi d'appliquer un strict principe de transparence fiscale à une opération fiduciaire pouvait manquer de cohérence, les éléments formant le patrimoine fiduciaire ayant bien été distraits du patrimoine du constituant. Ce principe conduit en effet à opérer une dissociation très nette entre la qualité de « propriétaire » au sens du droit civil et celle de redevable de l'impôt. Il implique que l'impôt devra être payé par une personne qui, de fait, ne détient plus les biens et qui, en principe, n'en tirera pas les fruits.

Aussi votre commission a-t-elle examiné la possibilité de voir le fiduciaire assumer pleinement la qualité de redevable en matière d'impôts directs, tout en préservant la neutralité fiscale de l'opération fiduciaire.

Il est néanmoins apparu que, si la possibilité d'imposer directement le fiduciaire au titre des résultats générés par les biens qu'il détient en fiducie était intellectuellement plus séduisante, elle n'en posait pas moins des difficultés techniques. Au surplus, pour les personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la fiducie chez le fiduciaire ferait perdre la possibilité qu'offre l'imposition directe chez le constituant en matière de report des déficits supportés éventuellement par ce dernier au titre d'exercices précédents. Or, les représentants des entreprises entendus par votre rapporteur ont, pour la plupart, souhaité préserver, lors du transfert de biens vers le patrimoine fiduciaire, le bénéfice du report des déficits antérieurs.

Dans ces conditions, votre commission estime que le principe de transparence fiscale et d'imposition du constituant au titre de la fiducie doit être retenu.

Il incombera aux parties au contrat de fiducie de convenir, le cas échéant, des modalités du règlement final de la charge fiscale entre le constituant-redevable et le fiduciaire. Ainsi, le contrat pourrait stipuler, par exemple, qu'une partie des revenus générés par les biens ou droits du patrimoine fiduciaire sera, en cours de contrat, reversé au constituant afin de lui permettre d'honorer ses obligations fiscales.

Souscrivant à la démarche retenue par la proposition de loi, votre commission vous propose néanmoins, dans ses conclusions, un dispositif assez profondément modifié.

Elle estime en effet souhaitable de mieux distinguer le régime applicable selon que le titulaire de droits au titre du contrat de fiducie est ou non passible de l'impôt sur les sociétés , la neutralité fiscale étant garantie dans les deux situations. L'article 5 de ses conclusions définit en conséquence le régime applicable aux personnes qui ne seraient pas passibles de l'impôt sur les sociétés, tandis que l'article 6 définit les règles à l'égard des personnes soumises à cet impôt. L'article 7 de ses conclusions détermine les obligations déclaratives des parties au contrat de fiducie.

* 63 Article 145 du code général des impôts.

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