Article 2023 nouveau du code civil
Pouvoir du fiduciaire à l'égard des tiers

Votre commission vous propose de reprendre, dans ses conclusions, les dispositions de la proposition de loi concernant les pouvoirs du fiduciaire à l'égard des tiers.

Ainsi, dans ses rapports avec les tiers, le fiduciaire sera réputé disposer des pouvoirs les plus étendus sur le patrimoine fiduciaire . Il ne sera donc pas possible d'opposer aux tiers les restrictions éventuelles de quelque nature qu'elles soient aux pouvoirs du fiduciaire qui découleraient du contrat de fiducie.

Toutefois, une telle présomption sera renversée s'il était démontré que les tiers avaient connaissance de la limitation de ses pouvoirs . Il s'agit ici d'une disposition classique du droit des sociétés 53 ( * ) et du droit du mandat.

Votre commission estime inutile de préciser que la seule connaissance de la fiducie serait insuffisante à renverser cette présomption, compte tenu de la position constante de la jurisprudence sur ce point.

Article 2024 nouveau du code civil
Absence d'effet d'une procédure collective ouverte à l'égard du fiduciaire

Votre commission vous propose de prévoir expressément, dans ses conclusions, que l'ouverture de l'une quelconque des procédures collectives prévues par le code de commerce au profit du fiduciaire -qu'il s'agisse de la sauvegarde, du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire- n'affecterait pas le patrimoine fiduciaire .

Cette précision, envisagée par la proposition de loi seulement au regard des procédures de redressement et de liquidation judiciaires 54 ( * ) , est indispensable afin de lever toute incertitude quant à la séparation totale du patrimoine fiduciaire d'avec le patrimoine propre du fiduciaire.

Toutefois, il convient de préciser que le prononcé de la liquidation du fiduciaire aura nécessairement des conséquences sur le patrimoine fiduciaire. En effet, votre commission vous proposera de prévoir que la liquidation judiciaire du fiduciaire constitue une cause d'extinction de la fiducie. Dans ce cas, la masse des biens et droits composant le patrimoine fiduciaire sera transférée au bénéficiaire ou, à défaut de bénéficiaire, au constituant lui-même 55 ( * ) .

Article 2025 nouveau du code civil
Droits des créanciers sur le patrimoine fiduciaire

La création d'un patrimoine d'affectation recueillant les biens transmis par l'effet du contrat de fiducie et séparé du patrimoine propre du fiduciaire n'a de sens que si les actifs ne peuvent être appréhendés ni par les débiteurs du fiduciaire, ni en principe par les débiteurs du constituant. Aussi votre commission estime-t-elle nécessaire, contrairement à la proposition de loi, de préciser les règles qui doivent s'appliquer en la matière.

- Les créanciers pouvant poursuivre sur le patrimoine fiduciaire

Votre commission vous propose de fixer comme principe que seules les personnes titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion des biens et droits constituant le patrimoine fiduciaire peuvent obtenir la saisie de ces actifs . Il conviendra de reconnaître aux termes de « conservation » et de « gestion » l'acception la plus large. Ainsi, par exemple, le créancier qui aurait accordé au fiduciaire un prêt pour financer des travaux d'amélioration d'un immeuble transféré au sein du patrimoine fiduciaire serait bien entendu recevable à exercer son droit de poursuite sur le patrimoine fiduciaire.

Cette règle exclura donc clairement l'action sur le patrimoine fiduciaire des créanciers du fiduciaire , ces derniers n'ayant de droits qu'à l'égard des biens faisant partie du patrimoine propre du fiduciaire. Elle doit cependant être distinguée de l'hypothèse où la créance résulterait de la reconnaissance de la responsabilité du fiduciaire à raison d'une faute commise dans l'exercice de sa mission en cours d'exécution du contrat. Dans ce cas, votre commission vous proposera de prévoir que le fiduciaire est responsable sur son patrimoine propre56 ( * ).

Cette règle exclut également, en principe, l'action des créanciers du constituant . Toutefois, il convient de réserver les droits que certains d'entre eux auraient pu acquérir avant le transfert de ses biens ou droits au sein du patrimoine fiduciaire.

Aussi votre commission vous propose-t-elle de rendre possible la saisie des éléments du patrimoine fiduciaire par les créanciers du constituant :

- soit lorsque ces créanciers disposent d'un droit de suite sur ces biens ou droits en vertu d'une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie . Seraient ainsi visés les créanciers titulaires d'un gage ou d'un nantissement ainsi que les créanciers hypothécaires, à la condition que leur sûreté ait été valablement publiée avant la signature du contrat de fiducie ;

- soit en cas de fraude aux droits de ces créanciers . Il convient en effet d'éviter que le transfert de biens ou de droits du patrimoine du constituant vers un patrimoine fiduciaire n'ait d'autre but que d'organiser l'insolvabilité provisoire du constituant afin de lui permettre d'échapper à ses créanciers. Dans un tel cas de figure, les créanciers non titulaires d'un droit de suite doivent pouvoir exercer leurs droits. Il semble ainsi bon de rappeler que la fraude à la loi ne peut qu'entraîner l'inopposabilité d'une situation juridique créée dans ce seul but.

- L'éventuelle insuffisance d'actif du patrimoine fiduciaire

Une question essentielle posée par le droit d'action reconnu aux créanciers sur le patrimoine fiduciaire, et non abordée par la proposition de loi, résulte de l'insuffisance d'éléments d'actifs au sein du patrimoine fiduciaire pour faire face au paiement de l'ensemble des sommes dues aux créanciers . Il peut en effet advenir que la valeur des actifs présents dans le patrimoine fiduciaire ne soit pas suffisante pour assurer le complet remboursement des dettes contractées à l'égard des créanciers dont la créance est née du fait d'éléments transférés dans le patrimoine fiduciaire.

Dans une telle éventualité, votre commission vous propose de reconnaître aux parties une faculté d'option, en fonction de l'objet et des spécificités qu'elles entendent donner à leur opération.

En principe , un droit de poursuite s'exercerait sur le patrimoine propre du constituant lui-même .

Ce principe présente l'avantage de protéger au mieux les créanciers du patrimoine fiduciaire.

La possibilité d'un droit de poursuite subsidiaire sur le patrimoine propre du constituant ne remettrait cependant pas en cause le fait que, lorsqu'un des éléments du patrimoine fiduciaire est une société dans laquelle les associés ou actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports 57 ( * ) , la responsabilité n'excède pas, en tout état de cause, celle de cet apport. Ceci réduit en conséquence l'étendue des poursuites susceptibles d'être exercées.

Toutefois, ce principe pourra, à l'initiative des parties au contrat, faire l'objet de deux aménagements.

D'une part, les parties pourront décider , lors de la conclusion du contrat, que le droit de poursuite des créanciers pour les créances nées de la gestion ou de la conservation des biens transférés s'exercera sur le patrimoine propre du fiduciaire.

D'autre part, le contrat de fiducie pourra expressément limiter au seul patrimoine fiduciaire l'obligation au passif fiduciaire .

L'avantage présenté par une telle possibilité est de permettre l'utilisation de la fiducie dans le cadre d'opérations de « defeasance ». Dans un tel montage, l'externalisation de la dette du constituant n'a d'intérêt que si les créanciers ne peuvent plus, par la suite, exercer leurs droits sur son propre patrimoine.

A l'inverse, imposer unilatéralement une telle limitation reviendrait à léser les intérêts des créanciers poursuivants. Aussi, par souci de préserver ces derniers, votre commission vous propose-t-elle de prévoir qu'une telle limitation ne serait opposable qu'aux créanciers qui l'auraient expressément acceptée .

* 53 Voir, par ex., l'article 1849 du code civil, tel qu'interprété par l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 24 janvier 2001, Bull. civ. III, n° 10.

* 54 L'absence de prise en compte de la procédure de sauvegarde s'expliquant par l'antériorité du dépôt de la proposition de loi par rapport à l'adoption de la loi n° 2006-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

* 55 Voir, infra, le commentaire des articles 2029 et 2030 nouveaux du code civil.

* 56 Voir, infra, le commentaire de l'article 2026 nouveau du code civil.

* 57 Il s'agit des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées, des sociétés en commandite par actions.

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