B. DIVERSIFIER LES MODES DE PRISE EN CHARGE POUR S'ADAPTER AUX BESOINS DES ENFANTS
1. La reconnaissance légale de nouvelles modalités d'accueil des enfants
Conformément aux souhaits exprimés par les professionnels de la protection de l'enfance au cours de la concertation engagée autour de l'élaboration du projet de loi, le texte s'attache à diversifier les modes de prise en charge, afin d'offrir - tant au juge qu'au président du conseil général - des formules nouvelles :
- une prestation d'accueil de jour, accessible tant en protection administrative qu'en protection judiciaire, afin de permettre une prise en charge de l'enfant sur des temps non scolaires, dans un lieu situé à proximité géographique de son domicile : cette mesure vise à mettre en place une suppléance familiale limitée aux périodes généralement repérées comme étant les plus critiques, à savoir le temps compris entre le goûter et le dîner ;
- une prestation d'accueil exceptionnel ou périodique : il s'agit alors d'un accueil provisoire, qui peut être ponctuel ou se répéter selon une fréquence déterminée, maintenant le lien entre l'enfant et sa famille, tout en lui permettant des allers-retours entre domicile et hébergement, chaque fois que des crises familiales le rendent nécessaire ;
- un accueil d'urgence des mineurs en danger non formalisé c'est-à-dire ne nécessitant pas l'ouverture immédiate d'une mesure d'assistance éducative ou d'admission à l'aide sociale à l'enfance : cette faculté vise plus particulièrement les cas d'enfants fugueurs, qui se mettent en danger en quittant le domicile familial. Limité à soixante-douze heures, il ne nécessite pas l'accord des parents mais leur simple information, de même que celle du procureur de la République.
2. La possibilité d'une aide précoce à la gestion du budget familial
Une mesure reste aujourd'hui largement méconnue des acteurs de la protection de l'enfance : il s'agit de la tutelle aux prestations familiales. Inscrite dans le code de la sécurité sociale et non dans le code civil, elle n'a de tutelle que le nom, car contrairement aux mesures prononcées par le juge des tutelles, elle n'emporte aucune conséquence en termes de capacité juridique et s'apparente à un mandatement des prestations familiales.
La tutelle aux prestations familiales souffre d'une image négative : les travailleurs sociaux hésitent généralement avant de proposer une telle mesure, qu'ils estiment stigmatisante pour les familles. Il est vrai que la volonté parfois affichée de faire de cette mesure un moyen de coercition à l'égard des parents qui ne remplissent pas leur rôle éducatif ajoute à la suspicion qui l'entoure.
Ces facteurs conjugués expliquent que le recours à la tutelle aux prestations familiale soit souvent tardif et donc peu efficace. C'est la raison pour laquelle le projet de loi propose de réformer ce dispositif en deux temps :
- il crée d'abord une mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale pour permettre une prise en charge précoce des familles qui connaissent des difficultés dans la gestion de leur budget, difficultés dont les conséquences peuvent être dommageables pour l'enfant ;
- il donne un caractère subsidiaire à la tutelle aux prestations familiales, désormais dénommée - pour éviter toute confusion - « mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial » : il est en effet explicitement précisé que cette mesure ne peut être prononcée que si la mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale a produit des résultats insuffisants.
Il convient également d'insister sur le rôle désormais reconnu aux délégués aux prestations familiales en matière éducative : la loi les invite à associer au maximum les familles à la gestion des prestations, afin de les aider à retrouver une autonomie sociale et financière.
Votre commission se félicite tout particulièrement de cette mesure qui devrait enfin permettre de mobiliser les conseillères en économie sociale et familiale (CESF) employées par les conseils généraux autour des questions de protection de l'enfance. Il est en effet regrettable que celles-ci voient leurs interventions limitées à l'accompagnement des bénéficiaires du RMI ou des ménages surendettés. Elles n'ont pas en effet, dans ce cadre, la possibilité de mener des actions de prévention ou un travail personnalisé d'aide à la gestion du budget des familles.
3. Une meilleure association des parents et un meilleur suivi des mesures
La réforme des modes de prise en charge a le double objectif d'assurer la continuité de la prise en charge pour l'enfant et d'associer les parents, pour autant que cela soit conforme à l'intérêt de l'enfant, à la définition des mesures et à leur mise en oeuvre.
Dans cette perspective, le projet de loi rend obligatoire l'élaboration d'un document de prise en charge pour chaque enfant confié à l'aide sociale à l'enfance, qui recense les mesures mobilisées pour lui et précise les objectifs qu'elles visent, leur durée et le rôle que les parents ont à y jouer pour qu'elles soient efficaces. Dans le cas de placements longs, il pourra servir de base à la définition d'un véritable projet de vie pour l'enfant. Son contenu est défini, autant que faire se peut, avec les parents qui le cosignent.
Cette mesure traduit un vrai souci du respect des droits de l'usager, qu'il s'agisse de l'enfant à qui on garantit ainsi une cohérence dans sa prise en charge, ou des parents qui se voient associés aux mesures proposées, malgré les éventuelles limites posées à l'exercice de leur autorité parentale.
Le document de prise en charge prend d'ailleurs modèle sur le contrat de séjour prévu par la loi du 2 janvier 2002 pour les personnes accueillies en établissement médico-social : il ne s'agit donc en aucun cas d'une sorte de « contrat-sanction » mais d'un outil au service du respect du droit des parents à être informés et à consentir, autant que possible, à la prise en charge de leur enfant.
Une attention particulière est apportée au suivi de la mise en oeuvre des mesures prévues dans le document de prise en charge, puisqu'un référent sera désormais désigné pour chaque enfant, pour vérifier la cohérence des mesures proposées dans le temps et leur adéquation au projet de vie de l'enfant.
Le texte permet également de moduler le maintien du lien avec la famille : selon les cas, le juge pourra désormais suspendre intégralement le droit de visite, le conditionner à la présence d'un tiers ou, au contraire, en assouplir les modalités d'exercice en laissant les parents et le service d'accueil en définir les aspects pratiques.